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Danse de Saint Quiriace à Provins
Elle avait lieu jadis à Provins,
le jour de la Nativité, et l'église était la salle
de bal. Un compte de l'an 1436 porte que le chapitre dépensa quatorze
pintes de vin pour la danse du chœur. Le vicaire perpétuel
de saint Quiriace faisait choix de la plus jolie fille de la paroisse,
qui se parait de blanc, et qu'il conduisait par la main à la place
la plus distinguée du chœur. Lorsqu'elle y était assise,
il la saluait en chantant l'antienne Ave Regina; après l'antienne,
il la menait, couvert de sa chape, devant le portail de l'église,
où il commençait avec elle une danse qui venait se terminer
dans l'intérieur. Le chapitre abolit cette coutume en 1710.
Fête de l'âne à Provins
Cette ville, comme on voit, était
riche en fêtes. Celle-ci était célébrée
par les enfants de choeur et les sous-diacres, qui couvraient un âne
d'une grande chape, et le conduisaient à l'église, où
l'animal était solennellement introduit avec des chants, tels que celui-ci
:
Un âne, fort et beau,
Est arrivé de l'Orient;
Eh! sire âne eh! chantez;
Belle bouche rechignez,
Vous aurez du foin assez.
Et de l'avoine à planter.
On faisait approcher l'âne de l'autel,
et là, on chantait ainsi ses louanges :
Amen, amen, asine; hé! hé! sire âne hé! hé!
hé! sire âne!
Il assistait à une messe à la fin de laquelle, au lieu de
l'ite missa est, le prêtre officiant criait trois fois :
"Hihan ! hihan ! hihan !" et le peuple répondait par
le même braiment.
Le Dimanche des Rameaux avait lieu la procession de l'âne. Tout
le clergé de la ville se rendait à la chapelle Saint-Nicolas,
où l'on entendait un sermon puis on lâchait l'âne dans
le cimetière, où les spectateurs se livraient à des
folies que la sainteté du lieu n'arrêtait en aucune manière.
Idem à
Beauvais
Chaque année, dans la ville de Beauvais, le 14 janvier, avait lieu
une procession, qui partait de la cathédrale et se terminait à
Saint-Étienne. Un âne, portant sur son dos une jeune fille couverte
d'une chape, figurant la sainte vierge allant en Égypte, et tenant
dans ses bras l'enfant Jésus, s'avançait en tête de cette
procession. Arrivé à Saint-Étienne, on faisait entrer
l'âne et la jeune fille dans le sanctuaire, on les plaçait du
côté de l'évangile, et on commençait la messe solennelle,
puis, après I'Epître, on entonnait la prose de l'âne...
L'Introit, le Kyrie eleison, le Gloria in excelsis, le Credo, étaient
terminés par ce cri trois fois répété Hihan !
hihan ! hihan !
Le dragon et la
lézarde
Lors de la procession des Rogations,
le sonneur de saint Quiriace de Provins portait, au bout d'un long bâton,
un dragon de bois peint ; et celui de Notre-Dame, un animal qu'on nommait
lézarde. Lorsque les deux processions se rencontraient, les sonneurs
faisaient mouvoir les mâchoires de leurs monstres, et simulaient un
combat entre eux, en leur faisant arracher réciproquement les guirlandes
de fleurs dont ils étaient ornés. Celui qui avait le mieux dépouillé
de fleurs son adversaire était réputé le vainqueur. Mais
on raconte qu'en 1760, le sonneur de saint Quiriace s'avisa de placer des
pièces d'artifice dans la gueule de son dragon, ce qui causa un tel
désordre, un tel scandale, qu'on défendit, à partir de
ce jour, la continuation de cette lutte du dragon et de la lézarde.
Les Rogations sont au mois de mai. Le mois de mai est le mois du dragon. Si
les Rogations ont pour but de préserver les récoltes, c'est
parce que le dragon peut assécher la terre.
Adolphe de Chesnel, Coutumes, mythes et traditions
des provinces de France
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k670586/f387.item.zoom
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