Provins
Les inondations

Recherches, iconographie: Michelle Marc
Transcritpion et choix des textes,iconographie,
mise en page: Jean Bernard Duval
Témoignage de Claude Haton curé, 1565

A ce dernier desgel, la vallée de Prouvins eut fort à souffrir, pour les eaues qui y entrèrent par les crenaux des murailles et canaux qui conduist par divers endroictz l'eaue dans la ville. Les vanes desquelz furent rompues, comme aussi furent les portes Neufve et de Troys, par dans lesquelles portes entra l'eaue dans laditte ville en grande habondance, ayant esté rompues par l'impétuosité desdittes eaues. Laquelle entra dans les maisons de trois à quatre piedz de hauiteur et dans les boticques des marchans, qui avec les habitans y eurent grosse perte. Les celiers et caves, depuis le pont au Poisson pour tout le reste de la valée, furent emplittes desdittes eaues pour desgeler leurs lartz, vins et huilles d'olives. Heureux furent ceux qui avoient des haultes chambres pour se saulver et se mettre seichement Qui fut cause d'en donner si habondenmant fut que la terre n'estoit desgelée, et la pluye qu'il fit pour faire fondre les neiges. Ceste eaue fut merveilleusement froide.
Plusieurs maisons dudit Prouvins furent rompues et desbaclées, comme aussi furent plusieurs de celles qui sont depuis les fontaines au-dessoubz de Roully, dessus la rivière d'Ortain et de Voulsie jusques à Sainct-Saulveur lez Bray et les meubles d'icelle enmenez à val l'eaue. L'église de Saincte-Croix de Prouvins y receut ung grand domage, dans laquelle entra laditte eaue quasi cinq piedz de hault. Les église et couvent des cordeliers en eurent leur part. L'église, cloistre et couvent de Sainct-Ayoul en furent abruvez, mais l'église de la parroisse non. Les corps novellement enterrez es cymetieres et églises de Saincte-Croix et Sainct-Ayoul furent enlevez par les eaues pareilles et tirez hors de leurs fosses et trouvez sus le garet après qu'elles furent retirées. Les rues de Prouvins, en plusieurs endroictz, furent par l'impétuosité desdittes eaues despavée et signanment la rue aux Aulx et partie de la Grande Rue avec la rue aux Bouchers ; et arresta ceste eaue es maisons et rues d'icelle ville l'espace de vingt-quatre heures et plus.

1570, témoignage de Claude Haton, curé.

Dedans la ville de Prouvins, en ceste presente annee le second du jour du moys de juin, jour de vendredy, lendemain de l’octave de la Feste Dieu, entre les dix et unze heures de nuict advint un grand deluge d’eaue qui rempit les murailles de la ville en trois lieux fort largement, depuis l’endroict du bout du Pré aux Clercs qui est du costé de la chaussée Saincte-Croix en tirant à la Pörte Neufve et la fontaine de Boulancoys : qui remplit toutes les rues et maisons de la valée dudit Prouvins d’eaue, depuis la rue aux Juifz et riviere du Pont au Poisson jusques aux murailles des portes Neufve, Culoison, de Troye, Changy, des Bourdes et du Buat. Les hommes sage dudit Prouvins penserent ce deluge d’eaue estre advenu en punition de Dieu sus laditte ville pour les insolences que quasi toutes personnes de laditte ville faisoient en dances, chansons et insolences par les rues de laditte ville dès le jeudy au soir, jour de la petite Feste Dieu, et la nuict mesme d’entre le vendredy et samedy que fut et advint ledit deluge.

Mais, à une lieue et deux lieues dudit Prouvins, ès villages et parroisses de Vullaines, Chenoises et Mortery et ès champs d’iceux, environ les neuf à dix heures du soir, par ung nuage de pluye tomba tant d’eaue sus la terre que rien plus ; laquelle, prenant ses pentes pour s’escouller par les ravines ordinaires d’icelles pentes, descendit par auprès de la chapelle de Nostre-Dame de Grisi qui est entre le chasteau de laditte ville de Prouvins et ledit Mortery, en si grande habondance decoullant par les fontaines qui sont au-dessoubs du village de Roully pour gangner la prarie de Prouvins et le cours de l’eaue qui passe à l’arche d’Ortain qui entre en laditte ville de Prouvins pour faire meudre les molins de la ruelle et à pouldre.

Laquelle, ne trouvant à laditte arche d’Ortain passage assez large pour s’engoulfer au travers de la ville, renfla au dessus et se respandit le travers de la prarie qui est entre laditte ville et le monastere des dames cordelieres, en telle habondance que à l’instant laditte prarie en fut toute couverte de la haulteur de plus de sept à huict pieds ; et n’ayant moyen de s’excouler à la porte de Culoison, pour l’arrest qui y estoit par ung bastard d’eaue que lesditz de Prouvins y avoient faict durant les guerres des trouvles qui avoient encores cours au royaume, renfla laditte eaue contre les murailles de laditte ville d’une telle impetuosité qu’elles rompirent en trois endroictz si largement que laditte eaue print son cours par dedans la vallée dudit Prouvins, qui en emplit les caves, boticques et chambre basses des maisons, en certains endroictz la hauteur de huict, dix, douze et quinze pieds ; et signanment en la rue de la chaulsée Saincte-Croix, en laquelle elle fut jusques à la thuile des basses maisons qui y estoient.

Plusieur desqyelles maisons furent demollies et les bois et pierres enmenées de leurs places, et environ vingt-cinq personnes de nayez qui morurent en leurs maisons dedans l’eaue, leurs maisons acablée sus eux. Il y eut dedans l’hostellerie de la Couppe, qui est jouxte la boucherie dudit Prouvins, dix-huict ou vingt chevaux nayez dedans les estables qui estoient à divers passans qui estoient logez leans. Par la ville, y eut bien aultant et plus d’aultre chevaux nayez, grand nombre de porceaux, vaches, moutons, brebis et aultres bestes qui estoient dedans les estables. Et furent heureux les habitants dudit Prouvins qui purent gangner à bonne heure les haultes chambres et greniers de leurs maisons pour eux saulver.

Le pavé de plusieurs rues et signanment de la rue aux Aulx, de la rue au Bouchers, du Minage, des Bourdes furent despavée et partie du pavé emmené par laditte eaue ; plusieurs marchandises des boticques des marchans emmenée par laditte eaue et le reste gasté d’icelle, ensemble les meubles qui estoient esdittes maisons comme aussi des eglises de Saincte-Croix, des cordeliers, de Nostre-Dame du Val et Sainct-Ayoul, esquelles eglises fut laditte eaue, signanmant en celle de Saincte-Croix, à la hauteur des verrieres qui sont ès chapelles d’icelle. Le pavement desquelles fut du tout rompu et renversé sus dessoubz, les chappes, livres, nappes d’autelz et aultres ornemens d’icelles entierement gastées et du tout desparez, les corps mortz, qui estoient freschement enterrez en icelles et aux cymetieres, desterrez et remis sus la terre.

Et ne pourront-on juger la perte et domage qu’aporta ladite eaue audit Prouvins. Les vins, lards, huilles et aultres gresses qui estoient de caves et maisons, perdus. Les habitz, linge, laines, draps et aultres meubles furent fort endomagez ès maisons et dedans les coffres par laditte eaue qui estoit trouble et espece comme purée ou brouet de pois passez. Avec laditte eaue, couloit la terre des champs par où elle passoit qui la rendoit espece et trouble, et apporta tant de lymon dedans la ville de Prouvins que, sus le pavé, y en avoit demy pied d’epesseur comme aussi dedans les coffres salouers et pavement des maisons.

Ce qui fut en partie cause de faire rompre les murailles à laditte eaue èes lieux que dessus, furent le boys d’ung molin appelé le Molin Rouge et de quelques maisons qui estoient sus la petite riviere de Dortain et des Fontaines, qui furent rompus et enmenées par laditte eaue avec le molin prêt. Icelle eaue fut quasi vingt-quatre heures ès rues et maisons de Prouvins avant qu’estre entierement escoullée et qu’on pust aller à pied sec esdittes rues. Lesquelles il falut curer et nestoier du tout entierement et enmener la boue et lymon, ensemble le feurre et paille des lictz, à charetée cheriée et tombelezée ; et à ce faire, y contreignit-on les gens des villages qui estoient allez audit Prouvins à charroy pour leurs affaires particulieres, d’en charger chascun une voyture en s’en retournant, qu’ilz s’en retournoient. Lesdittes boues et lymon puoient et santoient maulvais à merveilles, et sgnanment dedans les eglises esquelles on fut plus de quatre jours sans y sçavoir dire messe ni aultre service divin, et le faisoit-on dessoubz les portailz d’icelles.

Oultre les personnes et bestes qui furent nayez audit Prouvins par laditte eaue, la perte du reste fut inestimable. Pour desquelles estre recompensez, lesditz de Prvouins, par maistre Jehan Alleaume bailly de leur ville, presenterent requeste au roy pour estre exemps de tailles ou bien estre diminuez de ce qu’ilz en avoient, ce que le roy leur octroya pour le terme de troys aéns, après que grand general des finances, nommé Lefebvre, eut faict son rapport à sa Majesté du domage qu’avoient receu lesditz de Prouvins par lesdittes eaues. Lequel tout exprès fut envoyé en faire la visitation ; pour laquelle faire, fut audit Prouvins l’espace de huict jours, pendant lequel temps visita les bresches qu’avoient faict icelles eaues aux murailles et maisons de l ville, le despavement d’icelle et des eglises.

Claude Haton, curé champenois, a vécu la plus grande partie de son existence à Provins, dans les années troublées par les guerres de religion du dernier quart du XVIème siècle ; ce prêtre nous offre un témoignage exceptionnel sur le quotidien des Français durant cette époque, qu’il dépeint avec une verve et une précision remarquables.

Mémoires de Claude Haton curé, réédition Société d'Histoire et d'Archéologie de l'Arrondissement de Provins.


Inondation du 11 au 15 février 1709 dans la feuille de Provins 1853

Dans la maison de Joseph Constant, maistre apothicaire, sise Grande-Rue, vis-à-vis celle des Barbeaux, avons remarqué que l'eau de ladite innondation y seroit entrée à la hauteur de plus de deux pieds , et qu'une armoire ayant esté enlevée dans la chambre basse par les eaux, elle auroit étant poussée des vagues, donné dans la croisée de verre sur la cour, qui en auroit esté endommagée, et ledit Constant noua auroit conduit dans la boutique de sa maison et de la cave qui est dans la ditte rue aux Barbeaux , où l'eau dela ditte innondation seroit entrée avec tant d'abondance, que ce qui estoit reserré dans la ditte cave, comme six cents livres d'amidon, trois cents de couperose, plus de cent livres d'huile d'olive, beurre salé, conserves liquides de roses, savon et plusieurs autres huiles et drogues d'apotlhicairerie et d'épicerie ont esté entièrement perdues et gastées dans l'eau, et qu'il peut y avoir de perte pour la somme de quatre cents livres, compris les drogues qui estoient dans le bas de sa boutique qui ont esté gastées et corrompues par les eaux , ce qu'il a affirmé véritable par serment de luy pris eu la manière accouméé et a signé.

Acte d'assemblée des habitants de Provins pour visiter la ville et chercher les moyens d'empêcher les inondations 3 avril 1571

"… les Montagnes des Cordelières, du petit Flegny, l'Hospital et autres, desquelles en temps de pluie descendoient les eaux, qui viennent donner contre les murailles de laditte ville… Quand les pluyes sont grandes, les eaux abondent en cette vallée, avec une telle abondance et violence.. et estant ainsi enfournées, donnent contre les murailles, de telle hauteur, que souvent, elles passent par dessus…"

5 pages manuscrites, Bibliothèque de Provins fonds ancien ms 144

Dates des inondations de la Voulzie à la fin du XVII° siècle, pouvant correspondre à celle qui fit cesser la navigation sur la Voulzie

Les années 1658, 1677 et 1698 furent également affligées de cette calamité. Dans un mémoire sur la ville et l'élection de Provins, envoyé à l'Intendant, le 2 mai 1698, on lit cette phrase: "La ville basse de Provins, qui est la partie la plus considérable, est présentement un marais par les eaux qui y surviennent tous les jours. Les deux petites rivières qui y passent n'ayant pas assez de vidange, les fossés de la ville étant entièrement remplis, et même plus élevés que la ville, elle est exposée aux inondations,et, si on ne les cure bientôt, elle périra infailliblement."

Les inondations en France depuis le VI° siècle jusqu'à nos jours Mauric

e Champion tome 2 Victor Dalmont éditeur, Paris 1858

 

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