Art. 5. M. le prévot des marchands de Paris, sous prétexte de la provison de cette ville dont la population excède celle d'une vaste province, a, en divers temps, sollicité et obtenu au conseil du Roi divers arrêts, notamment un le 3 mars 1787, revêtu de lettres patentes registrées au parlement par provision seulement, qui permettent à des voituriers thiérachiens, connus sous le nom de hourriats, de faire pâturer leurs chevaux dans les pâtures de lieux où ils se trouveraient, et ces voituriers thiérachiens, connus sous le nom de hourriats, abusent tellement de cette permission, que dans tout le ressort du châtelet de Paris, on peut, sans les injurier, les traiter comme de vrais pirates, qui, pendant qu'ils font dévaster par leurs chevaux, durant, la nuit, les prairies tant naturelles qu'artificielles, même les terres non moissonnées, pillent eux-mêmes les fruits et les vignes; et si l'on va pour les surprendre, ce n'est qu'avec grand risque d'y perdre la vie; il y a une multitude d'exemples de leur férocité contre ceux qui ont essayé de garantir leurs possessions de leur pillage.
1° Cette autorisation est contraire au droit sacré de la propriété, puisqu'elle accorde l'usage de la propriété d'autrui à gens qui n'y ont aucun droit;
2° Elle est sans objet légitime, puisqu'en payant des voitures ordinaires ce qu'il convient, on n'en manquera jamais, ni les marchandises n'en seront pas plus chères, étant bien notoire que les marchands qui emploient d'autres voituriers que ceux-là, ne vendent pas à plus haut prix que ceux qui s'en servent. Ce n'est donc que pour faire le bénéfice de quelques marchands qu'on a sollicité et surpris au Roi une pareille autorisation; mais pour enrichir ces particuliers, personne n'a pouvoir de mettre propriété d'autrui à contribution.
Toutes les paroisses, tous les propriétaires du ressort du châtelet ont le plus grand intérêt à demander la révocation de tout arrêt du conseil qui permet à ces voituriers de mettre leurs chevaux dans les pâtures, et à obtenir des défenses à ces particuliers de continuer, sous peine d'être poursuivis extraordinairement comme voleurs.

Cahiers de doléances: Châtres, La Houssaye en Brie, Liverdy en Brie, la Madeleine les Tournan, Marles en Brie, Presles en Brie, Tournan; Archives parlementaires, tomes IV & V, Paris hors les murs

Qu’il soit pourvu très-incessamment et par une ordonnance précise aux dommages que les voituriers thiérachiens commettent dans les campagnes.

Texte identique et numérotation n°39, pour presque toutes ces paroisses proches, à l’exception de la Madeleine où très-incessamment est devenu très-nécessairement et Châtres où voiturier est remplacé par roturier

Notes:
• Châtres (oubli de Marc Bloch dans sa liste) tome IV, p 416; 300 habitants, forêt, route RN4 entre Tournan et Fontenay
la Houssaye en Brie, tome IV p 606/7 art 39; 500 habitants; forêt de Crécy, pas de route sur Cassini
Liverdy en Brie, tome IV, p 650/1, art 39; 390 habitants, forêt, pas de route sur Cassini
la Madeleine les Tournan, tome IV, p 637, article 39; paroisse absorbée par Tournan en 1790/94; pas d’indication de population, route à Tournan RN4
Marles en Brie (oubli de Marc Bloch dans sa liste) tome IV, p 675, article 38
Presles en Brie, tome V, p 43/45, article 39; 550 habitants, bois d’Armanvilliers, pas de route sur Cassini ou RN4 à Tournan Photocopie de l'original: AN B3 109
Tournan, tome V, p 136/7, article 39; 1500 habitants, bois d’Armainvilliers, route RN4

Les cahiers de ces paroisses font aussi référence à la loi Emptorem "... l'acheteur d'un fonds de terre n'est pas obligé de s'en tenir au fermier auquel le vendeur a antérieurement donné la terre à bail, à moins que le maintien du colon dans sa tenure ne soit une condition de la vente... "Vente passe louage." Note sur la loi Emptorem, par Ed. Meynial, Paris 1907

Cahier de la noblesse, de la prévoté et vicomté de Paris hors les murs contenant les pouvoirs qu’elle confie à ses députés des Etats Généraux. Archives parlementaires, tome V, p 237

Les vexations commises par ceux qui sont connus sous le nom de thiérachiens, et leurs droits prétendus formeront un des objets de la réclamation des députés.

Cahier des demandes du Tiers Etat de la prévoté et vicomté de Paris hors les murs contenant les pouvoirs qu’elle confie à ses députés des Etats Généraux. Archives parlementaires, tome V, p 244

Police des campagnes, article 16: Les voituriers et les conducteurs de bestiaux, et spécialement les étrangers appelés Tirachiens ne pourront mettre leurs chevaux et bestiaux en pâture sur les terres ni dans les prés et bois, à peine de forte amende. Ils n’entreprendront aucuns travaux sans s’être préalablement établi un domicile fixe.

Presles en Brie supplique du 21 mai 1740 Archives du greffe de Presles en Brie AD77 2Bp 4498

A Monsieur le Prévost de Presles ou son lieutenant

Supplient humblement Nicolas Baudeau, Estienne Potier, Nicolas Corbin et Antoine Houdet tous laboureurs demeurant en ce lieu de Presles, (disons ?) qu'actuellement il est arrivé dans l'étendue de cette paroisse un nombre assez considérable de voituriers du pays de Tirache qui ont emmené avec eux environ vingt voitures attelées chacune de six à huit chevaux, lesquels lesdits mettent pasturer indistinctement dans les avoines, prairies et pathures appartenantes tant aux suppliants qu'aux autres particuliers de cette paroisse, et comme quelques rapport que puisse faire les gardes messiers des délits qu'ils commettent journellement, il est impossible de pouvoir (rejeter, répéter ?) contre eux, les dommages et ( intérêts, interpellé?) attendu qu'ils usent de violence et souvent même qu'ils prennent la voix (voie) des armes pour se rebeller contre la justice, c'est ce qui oblige les suppliants de vous faire observer, Monsieur, que ces voituriers travaillant pour différents marchands, on pouroit contraindre ces mêmes marchands à payer les délits commis par leurs voituriers....

Une page de rapport reprenant les termes de la supplique et proposant les actions judiciaires reprises dans la sentence suivante:

Sentence du 27 juillet 1740 (entête du 27 mai 1740) par François Louis Leclerc Daugy, prévôt juge et garde scel civil et criminel de la Justice, Baronnie, terre et Seigneurie de Presles en Brie... , signée Richard, reprenant les griefs des laboureurs et considérant les marchands comme responsables délits des voituriers, leurs domestiques; ils auront à rembourser les dégradations estimées par le garde messier; les voituriers s'exposant à une amende de vingt livres au profit du particulier dans les pâtures duquel ils auront été trouvés.

Cahiers de doléances du baillage de Sens AD77 4[316
p 173 cahier de doléances de Foucherolles, Loiret, arrondissement de Montargis, canton de Courtenay citation p 177:

Qu'il soit absolument défendu aux voituriers, connus sous le nom de tiraches (ou thiérachiens) de laisser leurs chevaux à l'abandon pendant la nuit, causant un très grand dommage dans les blés, avoines, et prés, et qu'ils soient obligés de nourrir à sec.

Département de la Marne: 1re série. Cahiers de doléances pour les ...: Volume 14, Partie 3
books.google.fr Gustave Laurent, France. États généraux - 1911 - Extraits

Les Thiérachiens, ils arrivaient chaque année dans la région Forestière de la Traconne pour la traite des bois; et les cultivateurs les accusaient de passer sur leurs terres, leurs prés, d'y laisser paître leurs chevaux...

Cahiers de doléances Marne, Sézanne AD77 4[36/2

p 365 la Forestière 70 feux

note: la forêt de la Traconne, domaine royal, s'étendait principalement sur les finages de Barbonne, Bricot la Ville, la Forestière, le Meix Saint Epoing et Saudoy. La population de ces villages était surtout composée de bûcherons; au Meix Saint Epoing, on ne comptait que quatre laboureurs, tous les autres habitants étaient bûcherons.

le Gault p 383 142 feux AD 51 référence à C 452
Se sont plaints des Thiérachiens: ordonnances contre les désordres causés par les voituriers thiérachiens.

le Meix p 393 75 feux
... que les rues, ponts et chaussées de ladite paroisse et communauté du Meix sont absolument impraticables, tant relativement à la vidange des bois pour l'approvisionnement de Paris et autres endroits voisins dudit Meix, notamment de la ville de Sézanne...
... supprimer la faculté ou tolérance aux étrangers d'introduire leurs chevaux dans les prés...
Notes de bas de page sur les Thiérachiens.

Cahier de doléances Château Thierry, Archives parlementaires , tome II, p 666, demandes locales p 675

Art. 37. L'agriculture, qui pourvoit seule aux premiers besoins, ne doit être négligée dans aucune de ses parties.
Elle souffre par les délits champêtres des pertes considérables; l'exploitation des bois amène dans les campagnes une multitude d'étrangers qui font vivre seulement leurs bestiaux aux dépens du public. Pour arrêter ce désordre, il est nécessaire de rendre les adjudicataires garants de ces délits, sauf leur recours: pour quoi, de les astreindre à faire élection de domicile dans le lieu de l'exploitation et dans les endroits voisins où les demandes pourront être formées contre eux.

Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne 1964

Constamment éprouvés en outre dans ce lieu de passages guerriers, les Thiérachiens ont été si misérables qu'ils nomadisaient au point que leur nom était devenu en Champagne synonyme de Bohémiens .

Vues patriotiques d'un laboureur par Dubois de Crancé de Balham Paris 1790

Quant à la difficulté des charrois, les Thiérachiens, les Bourguignons qui font cent lieues pour venir avec leurs boeufs débarrasser nos ventes de bois à la barbe des Laboureurs du canton, démontrent assez que le préjugé seul peut combattre ici la vérité.

Mémoire signifié pour les Prieur et Chanoines Réguliers de l'Abbaye Royale de Nôtre- Dame d'Hermières, Intimez, Appelans, Défendeurs & Demandeurs contre Guillaume Lacroix, Voiturier du Pays de Luxembourg, Appelant, Intimé, Demandeur & Défendeur. AD77 496 F 1 Mémoire imprimé 1740

...Le 23 juillet dernier, les Intimez avertis que depuis quelques mois des Particuliers faisoient pâturer journellement plus de 60 chevaux dans les Bois de leur Abbaye, dont ils brouttoient les rejets, présentèrent leur requête, contenant plainte à Mr le Grand- Maître qui leur accorda le lendemain 24 juillet son Ordonnance, par laquelle il commit le Garde- Marteau de la Maîtrise de Crécy, pour dresser Procès verbal de l'abroutissement des rejets... et de saisir les bestiaux qui se trouvoient en contravention...

Code rural, ou Maximes et réglements concernant les biens de campagne ... De Antoine Gaspard Boucher d'Argis Sentence, qui maintient les Voituriers dans l'usage du Paccage, du 23 Août 1753

Nicolas Denys Colinet, Marchand de Bois, pour la provision de Paris, Adjudicataire des Ventes ordinaires & extraordinaires de la Forêt de Crécy... Ces Voituriers ont fait paccager leurs Chevaux & Bœufs dans les Pâtures, Chaumes, Prez fauchés, & Bruyeres, après la récolte des grains."

L'on a entrepris d'empêcher les Voituriers occupés au transport des Bois du Roi, qu'exploite le Suppliant en la Forêt de Crecy, de manière que ces Voituriers veulent abandonner l'ouvrage ... En l'année dernière, quelques Particuliers des environs de la Ville de Château-Thierry, ayant voulu interrompre cet usage, le Bureau, toujours attentif à maintenir ce qui facilite & procure l'approvisionnement de la Ville de Paris, a rendu, sur les Conclusions du Procureur du Roy & de la Ville, le vingt deux Juillet mil sept cent cinquante-deux, Sentence, par laquelle en faisant main- levée de saisies que quelques Particuliers avoient fait faire des Harnois & Chevaux appartenant à des Voituriers, a ordonné que lesdits Voituriers continueroient de voiturer des Ventes au Port les Bois & Charbons qui y étoient destinés, & pareillement qu'ils continueroient de faire paccager leurs Chevaux & Bœufs dans les Pâtures, Chaumes, Prez fauchés & Terres, après la Récolte, conformément à l'ancien usage ; fait deffenses à tous Particuliers de troubler les Voituriers dans lesdits Paturages; & ausdits Voituriers de causer dommage dans les héritages en valeur.

Jurisprudence générale Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence en matière de droit civil, commercial, criminel, administratif de droit des gens et de droit public. tome VI 1771

En effet, sur les plaintes de plusieurs propriétaires relativement aux dégâts causés par les thiérachiens et la sorte d'impossibilité où ils étaient d'obtenir la réparation des dommages, plusieurs règlements furent publiés, qui, en faisant défenses aux propriétaires d'héritages, conformément aux dispositions de l'ordonnance de 1672 (chap. 17, art. 4), de faire saisir, sous aucun prétexte, les chevaux, bœufs, voitures, harnais, appartenant à ces voituriers, leur donnaient néanmoins le droit, en cas de délit, de les faire constater par des procès- verbaux et de se pourvoir contre les voituriers par les voies ordinaires.

Le sieur N.. huissier, s'étant ingéré, de son autorité privée, le 16 septembre dernier, d'arrêter trente- un chevaux de quatre des voitures travaillant au charroi des bois de la réserve de Valjouan, qui paissaient dans les prés fauchés, et où les bestiaux du pays pâturaient aussi depuis quelques jours, a imaginé, sans avoir rien fait signifier constatant la capture, ni le motif, d'exiger premièrement, que le commis du suppliant payât 46 liv. 16 sols pour le souper de lui et de ses recors et vin qu'ils ont bu dans une auberge, et sous prétexte de quelques bottes de foin aux chevaux; secondement, un billet de la somme de 300 livres …

Traité général des eaux et forêts, chasses et pêches Volume 7 Jacques-Joseph Baudrillart, Pierre Etienne Herbin de la Halle, de Quingery 1825

Mais ces voituriers donnent lieu à beaucoup de plaintes par les dégâts qu'ils causent aux forêts où ils font paître leurs chevaux, et par les délits qu'ils commettent sur les propriétés des particuliers. Plusieurs fois, on a proposé de défendre aux marchands de bois de s'en servir, d'autant qu'il est difficile d'obtenir des condamnations contre ces voituriers qui échappent à la surveillance pendant la nuit, et qui, d'ailleurs, présentent peu de solvabilité.

Les voituriers employés au débardage des bois dans les ventes écorchent souvent avec leurs voitures les baliveaux réservés, ce qui cause à ces arbres de grands dommages... Les voituriers ne peuvent faire paître les bêtes de voiture dans les ventes ni dans les forêts à peine de confiscation desdites bêtes et d'amende.

20 novembre 1800 / 29 brumaire an IX Jugements de simple Police, Nangis, 1799/1854 AD77 UP 2314
Le 4 brumaire an IX:

"... il a trouvé six chevaux et juments sous différents Poils et âges qui étaient à traverser et à l'abandon dans un bois taillis de la coupe dernière... dans laquelle partie de bois, lesdits chevaux et juments ont commis un délit considérable et que vu qu'il n'y avaoit personne à la suite desdits chevaux et juments, ledit Henry s'est de suite transporté au domicile dudit Trahaut qui étoit absent et que parlant à sa femme il lui a fait part de ladite contravention..."

Julien Trahault, voiturier thiérachien résidant à la Chapelle Rablais, ne s'est pas présenté à l'audience du 20 novembre 1800. Condamné à six journées de travail envers la République et aux frais (5,50 F) "sauf les dommages intérests qui pourront être dus aux Propriétaires desdits Bois, s'il y a lieu"
Même condamnation qu' Edme Tissot, voiturier en bois, qui avait laissé divaguer quatre boeufs le 6 brumaire an IX, dans le même bois appartenant "aux citoyens Moufle frères, demeurant à Paris rue Honoré... tenant du midi et du couchant aux bois de la Nation".

Le commerce des bois et le flottage pour Paris sur l'Yonne et ses affluents(envisagé dans la période 1750 1800) extrait d'un diplôme d'études supérieures d'histoire et de géographie intitulé : L'approvisionnement de Paris en combustibles (1750 1850) soutenu en juillet 1924 devant la Faculté des Lettres de Paris Par M. Jean FROMAGEOT

Ces Thiérachiens ne paraissent pas avoir eu la sympathie des habitants, des régions où s'exerçait leur activité, sans doute parce qu'ils exerçaient une sorte de monopole, au détriment des paysans qui, en certains lieux, vidaient eux mêmes les produits des coupes. Les cahiers de Doléances du Baillage de Sens, si utiles à consulter, nous transmettent les plaintes des cultivateurs, qui accusaient les Thiérachiens de ne tenir aucun compte de la propriété d'autrui, en traversant les champs cultivés avec leurs lourds chariots.

Histoire des races maudites de France et d'Espagne, Francisque Michel, Paris 1847 AD77 Mdz736

" Nous n'avons que fort peu de choses à dire des Thiérachiens: c'est une population que l'on rencontre dans la Brie où elle vit à la manière des Bohémiens. Le jour, ils travaillent à gages; la nuit venue, ils couchent à l'abri de leurs charrettes et lâchent leurs chevaux dans les prairies sous la garde de l'un d'eux. A la moindre alerte, un coup de sifflet se fait entendre, tous les chevaux se rassemblent et les Thiérachiens décampent en un clin d'oeil ."

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