Fours à plâtre
au Châtelet en Brie

"Afin de jouir de sa bonne qualité on doit l'employer immédiatement après sa cuisson, et on ne doit point trop l'écraser. Lorsqu'on est obligé de faire des provisions de plâtre, parce qu'on n'est pas à portée des fours où on le cuit, on doit l'enfermer dans des tonneaux bien secs."
Encyclopédie Diderot

Dans la première moitié du XIX° siècle, des maçons du Châtelet en Brie ont construit des fours à plâtre dans le village pour obtenir du plâtre de bonne qualité. Pourtant, les gisements de gypse sont fort éloignés: "Dans le département les dépôts gypsifères sont présents dans la partie Nord uniquement car au Sud d'une ligne Ouest-est située à quelques kilomètres au Sud de Meaux, les conditions de sédimentation étant différentes, le dépôt de gypse a été remplacé par la sédimentation du Calcaire de Champigny." Schéma départemental des carrières de Seine-et-Marne 2014 2020 p 69

Témoignage d'un exploitant plâtrier aux Grands Montgoins, Saint Cyr sur Morin, extraits.

Le gypse ainsi remonté était cuit dans des fours suivant diverses techniques. Aux Grands Montgoins, on utilisait des "fours à culée"... Deux ouvriers déchargeaient les wagonnets et montaient les fours. Ils les emplissaient de pierres à plâtre, plaçant les plus grosses sur le sol. Les pierres étaient empilées à sec, de façon que l’air puisse circuler entre elles. Des "voûtains", six par four étaient construits à la base, afin de recevoir le bois de chauffage que l’on plaçait au fur et à mesure de leur construction. Au XIXe siècle, on utilisait des "bourrées" ou fagots. Les voûtains n’étaient pas toujours voûtés. Le plus souvent, aux Grands Montgoins, les ouvriers commençaient par monter des murets. Puis ils choisissaient des pierres triangulaires, qu’ils plaçaient sur les murets, la pointe en haut: ces pierres s’appelaient des "traits". Ils les coinçaient par des "clés", également triangulaires, mais placées dans l’autre sens, la pointe en bas. D’autres fois, faute de traits ou de clés, ils formaient une voûte avec des pierres plates, posées en biais, comme pour la voûte d’un pont. Chaque voûtain était large de 50 cm, haut de 80, puis on empilait le gypse. Les grosses pierres en bas, les plus petites au sommet. Le four avait une hauteur de 2,80 à 3 m. Lorsqu’il était prêt, que les voûtains avaient reçu leur provision de bois, on le fermait par des tôles, à l’intérieur du bâtiment et on allumait les bourrées, par les "culées" extérieures. Le four brûlait pendant 20 ou 24 heures. Il consommait 1.200 bourrées. On rechargeait les voûtains suivant le besoin de cuisson qui variait en fonction du tirage: on "rafourait" pour employer le terme utilisé par les plâtriers. Plus tard, on utilisa entre 16 et 20 stères de bois dit de "boulange", parce qu’il était employé par les boulangers, composé de bouleau, brûlant vite, chauffant bien, et d’aulne, un bois très humide et très dense, long à s’enflammer mais se consumant lentement et assurant une égalité de température. Plus tard encore, on utilisa n’importe quel bois: du charme, du tilleul, etc., mais la cuisson était moins régulière. Et pendant la guerre 1939 on chauffa au coke. Après 20 ou 24 heures, il fallait s’assurer que le plâtre était cuit. Pour cela, un ouvrier armé d’une pioche montait sur le four tout fumant. Naturellement, il mettait une planche pour ne pas se brûler les pieds, et il y restait juste le temps de donner une quinzaine de coups de pioche, pour voir si les pierres du dessus étaient cuites. Si oui, le four était bon. Sinon, il fallait remettre du bois dans les voûtains. L’ouvrier redescendait vivement de son bain de vapeur, qui l’avait fait transpirer comme dans un sauna. La cuisson faite, le four refroidissait pendant 24 heures. Les pierres étaient cuites alors broyées à la mailloche, et plus tard dans un broyeur auquel était attelé un cheval. Ce broyeur était constitué par une grosse meule en fonte, verticale, reliée à un axe central, tournant dans un auget en fonte dont le fond était garni de "soles" ou plaques en acier perforé. Le plâtre broyé dans une fosse, était repris par une chaîne à godets, qui le remontait pour le déverser dans un entonnoir permettant l’ensachage. Les sacs en toile contenaient 25 l, pesaient 30 kg. Au XIXe siècle lorsque le plâtre était broyé à la mailloche, l’ensachage était fait à la main. On en respirait, du plâtre !

Cité dans "Maisons de Brie et d'Ile de France" de Michel Vincent, p 282 à 293, extraits.

Plan de 1831
Source: archives de la mairie, le Châtelet en Brie et Société d'Histoire du Châtelet en Brie
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L'an mille huit cent trente deux, le 16 février, Nous Maire de la commune du Châtelet en vertu de l'invitation qui nous a été faite par Mr Le Préfet de Seine et Marne par sa lettre en date du vingt et un novembre dernier, de procéder à l'information des Commodo et Incommodo dont il est ci après parlés.
Avons fait publier et afficher en cette commune le vingt cinq janvier dernier l'avis dont la teneur suit.

AVIS

Les habitants de la commune du Châtelet sont informés que le sieur Devien maçon en cette commune a formé devant M. le Préfet une demande tendant à obtenir l'autorisation d'établir un four à plâtre sur le territoire du Châtelet, lieu dit Le Plessier, à gauche de la route allant à Melun à trente mètres de la grande route et à soixante dix mètres de la maison de Louis Bourguignon, à cent quatre vingt mètres de la poste aux chevaux et à deux cent dix mètres de la ferme du château des Dames.
Le Maire de la commune invite les personnes qui verraient un inconvénient à établir ce four, à l'endroit ci dessus indiqué à présenter sous huit jours pour tout délai la Mairie à l'effet d'y faire constater leurs observations. Le procès verbal qui sera ouvert à cet effet sera clos à l'expiration du dit délai et adressé immédiatement à M. le Préfet, chargé du dossier sur la demande du Sr Devien.
La présente loi sera publiée et affichée ce jour d'hui en cette commune aux endroits accoutumés; le maire Alloënd Bessand.
Attendu que personne ne s'est présenté pour faire des observations sur l'établissement du four dont il a été ci dessus parlé. Nous avons clos le présent procès verbal ce jour et a dit en observant qu'il n'y a aucun inconvénient à ce que ce four soit établi à l'endroit ci dessus désigné.

Le Maire de la commune du Châtelet Alloënd BESSAND

Plan de 1848
Source: archives de la mairie, le Châtelet en Brie et Société d'Histoire du Châtelet en Brie
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