Etude sur les scieurs de long
par l’abbé Chataing / extraits
Autrefois les scieurs de long vivaient de soupe, de lard, de pommes de
terre et de fromage. Ils couchaient tout habillés sur une jonchée
de fougère ou de paille. Le dimanche, ils allaient à la messe
dans la paroisse la plus voisine et se promenaient dans les villages environnants.
Quand le lot d'arbres était fini de scier, ils allaient vers un autre
chantier et ainsi de suite, jusqu'à la fin de la campagne. Au retour,
ils rapportaient une somme de sept ou huit cents francs assez rondelette
pour l'époque. Cette aubaine était toujours la bienvenue car
il était bien rare que pendant leur absence la famille ne se fût
pas augmentée d'un nouveau-né. L'isolement à peu près
complet dans lequel vivaient les scieurs de long faisait que ceux-ci gardaient
intactes leur foi et leurs mœurs. Ils mouraient parfois loin de leur
famille et de leur village natal. Un curieux document découvert à
Saint-Romain par M. l'abbé Michy nous montre comment ils savaient
mourir en chrétiens.
En 1677, Sébastien Soleillant, âgé de 24 ans, partait
comme scieur de long en compagnie de cinq camarades de la vallée
de l'Ance. Après huit semaines de marche (!), ils arrivèrent
dans le diocèse d'Aire, au lieu de Bourdeine, paroisse de Perquie.
Le jour de la Noël, Sébastien s'alita pour ne plus se relever
d'une terrible maladie. Ses camarades firent appeler un médecin ;
mais tous les remèdes prescrits furent inutiles. Sentant venir la
mort, le malade voulut recevoir les derniers sacrements ; le curé
de Perquie vint les lui administrer. Il fit ensuite son testament en présence
du prêtre et de ses camarades et légua aux pauvres de Saint-Romain
cinq septiers de seigle, "mesure de Montpeloux" ; à l'église,
il donna la somme de 40 livres pour des messes à célébrer
pour le repos de son âme. Le lendemain, jour de l’Épiphanie,
il mourait. Le curé écrivit à sa famille pour lui apprendre
tous les détails de la maladie, de la mort et des obsèques
auxquelles assistèrent tous ses compagnons. Les dernières
volontés du défunt furent ponctuellement exécutées
par les membres de sa famille (Bulletin paroissial de Saint-Romain, année
1908).
Les scieries mécaniques, en supprimant presque complètement la main d'œuvre, ont réduit des deux tiers le nombre des scieurs de long. Ceux-ci ont dû changer de métier. Ils s'en vont aujourd'hui à Paris comme manœuvres dans les usines à gaz, ou dans la région de Saint-Étienne comme simples ouvriers métallurgiques. Un certain nombre de jeunes sont devenus employés de chemin de fer ou chauffeurs d'automobiles. Malheureusement, beaucoup d'émigrants séduits par l'attrait des grandes villes ne reviennent pas au pays natal; c'est là une des causes de la dépopulation de la vallée de l'Ance.
Etude sur les scieurs de long
par l’abbé Chataing , en 1871 à Eglisolles, Puy de Dôme,
décédé en 1941. Document transmis par Annie Arnoult
que je remercie encore.
Saint Romain et Montpeloux sont des communes du Forez, proches de St Bonnet le Château.
La vallée de l'Ance est une vallée creusée par la rivière d'Ance, dans le Puy-de-Dôme. Elle débute sur les contreforts de Pierre-sur-Haute, au niveau des Hautes Chaumes du Forez, puis s'écoule vers le sud pour rejoindre la Loire au niveau de Bas-en-Basset, à 440 m d'altitude. Proche Montbrison
Perquie est une commune du Sud-Ouest de
la France, située dans le département des Landes. (proche Mont
de Marsan) Archives en ligne à partir de 1679.
Aire sur Adour, Landes
La distance entre le Forez et Perquie dans les Landes est d'environ 475 kms. Si ce trajet avait été parcouru en huit semaines comme l'indique l'abbé Chataing, la moyenne journalière aurait été d'environ huit kilomètres, soit un peu plus d'une heure de marche. S'il s'agissait de huit jours, la moyenne journalière aurait frôlé les soixante kilomètres.