1764 De l'exploitation
des bois
Duhamel du Monceau
Pour bien dresser ces deux premières faces, l'Ouvrier commence par faire de distance en distance des entailles... ensuite il enlève le bois qui se trouve compris entre ces entailles, ayant attention de ne point entrer plus profondément dans la pièce... & de conduire ces faces bien à plomb; c'est pour cette raison qu'il faut que les pièces soient solidement calées; au reste, c'est le coup d'oeil qui doit guider l'Ouvrier pour former ces faces bien à plomb.
Le premier parage étant fait sur les deux faces opposées, on renverse la pièce sur le côté qui est le moins à vive arrête... L'Ouvrier examine avec attention le contour que sa pièce doit avoir; il la cale de façon que les faces travaillées soient bien de niveau, c'est-à-dire, bien parallèles à l'horizon, afin que les quatre faces se coupent exactement à angle droit.
Si la pièce n'a aucune courbure, on jette un coup de ligne sur les faces qui ont été parées en premier lieu, & l'on fait ensorte qu'elles n'avivent pas trop la pièce, mais qu'il paroisse des défournis & un peu d'aubier aux angles pour faire voir au Marchand que la pièce n'a pas été trop frappée sur ses quatre faces.
Des bois de sciage
Après avoir parlé des bois qu'on équarrit
à la cognée & qu'on nomme assez communément les Bois
quarrés, je dois parler de ceux qu'on refend avec la scie de long,
& qu'on nomme Bois de sciage, lors même qu'ils ressemblent par la
forme aux bois quarrés ou équarris. Ainsi une solive ou un chevron
est compris dans les bois quarrés, quand il a été équarri
à la cognée; & lorsque ces mêmes pièces ont
été refendues avec la scie de long, elles sont réputées
bois de sciage.
Par l'opération de la scie de long, on ménage beaucoup de bois,
& l'ouvrage s'expédie assez promptement, sur-tout quand on fait
agir plusieurs scies par des moulins à eau ou à vent.
On a coutume de commencer par équarrir à la cognée les
bois qu'on destine à être refendus à la scie cependant
il y a des cas où il paroît plus convenable de refendre à
la scie les bois sans les avoir auparavant équarris c'est ce que je
ferai connoître, après que j'aurai expliqué en peu de
mots le travail du Scieur de long.
Article 1. De la manière de refendre les Bois avec la scie de long.
Les Scieurs de long ne peuvent être moins de deux Ouvriers
pour exécuter leur travail; communément ils sont trois, &
ce n'est pas trop pour monter de grosses pièces sur leur chevalet.
Quand une pareille pièce a été mise en place, un Ouvrier
a monté sur cette pièce, relève la scie & la dirige
sur le trait; un ou deux autres, placés au dessous de la pièce
tirent la scie en en-bas & comme les dents de la scie ne mordent qu'en
descendant il faut plus de force pour la faire descendre que pour la remonter;
c'est pour cette raison qu'il y a ordinairement deux Ouvriers en bas. Je dis
que les dents de la scie ne mordent dans le bois qu'en descendant, non-seulement
parce que ces dents qui sont crochues dans ce sens ne mordent point en montant,
mais encore parce que les Scieurs de long écartent la scie du bois
quand ils la remontent, & qu'ils l'appuient sur le bois en descendant.
La première opération des Scieurs de long, consiste à
établir la pièce qu'ils doivent travailler sur un chevalet,
ou sur des tréteaux car cette pièce doit être assez élevée
pour que les deux Scieurs qui relient en bas puissent être placés
dessous.
Lorsqu'ils travaillent dans des Chantiers où ils trouvent ordinairement
du secours pour élever les pièces fort pesantes; ils ont coutume
de se servir de deux forts tréteaux & quand ils ont scié
un bout de la pièce, ... ils écartent [les tréteaux],
& ils travaillent entre ces deux tréteaux qui sont sort commodes
pour cette opération toutes les fois qu'on peut avoir du secours pour
monter les pièces dessus. Mais comme il arrive souvent que les Scieurs
se trouvent seuls dans les ventes il leur seroit impossible d'élever
de lourdes pièces sur de pareils tréteaux en ce cas ils établissent
eux-mêmes un chevalet qui a un tréteau fort simple & néanmoins
très-solide...
Comme ces sortes de pièces sont ordinairement assez grosses & pesantes,
les trois Scieurs de long doivent user d'adresse & de force pour y réunir.
En ce cas ils établissent un plan incliné composé de
deux longues membrures de bois dont ils posent un bout sur le chevalet &
l'autre à terre ensuite ils font rouler, sur ce plan incliné,
la pièce à refendre ils la tournent, & après l'avoir
mise de travers & en équilibre sur le chevalet, ils la lient sur
les membrures, avec des cordes. Lorsqu'ils ont scié la pièce
au-delà de la moitié de sa longueur, ils la retournent, &
l'entretenant toujours en équilibre sur le chevalet, ils lient la moitié
sciée sur les mêmes membrures, & achèvent de scier
l'autre partie de cette pièce.
Quand ils ont à scier une très-grosse pièce
& trop pesante pour pouvoir être élevée sur le chevalet,
ou lorsqu'ils ne veulent pas en prendre la peine, ils fouillent un trou en
terre, dans lequel descendent les deux Ouvriers qui doivent rabattre la scie.
Avant de monter la pièce qui doit être refendue soit sur les
tréteaux, soit sur le chevalet, les Ouvriers tracent les traits qu'ils
doivent suivre en la débitant. Ces traits se marquent avec une ligne
ou cordeau frotté dans du charbon de paille délayé dans
de l'eau ensuite on cale la pièce avec beaucoup d'attention, &
bien à plomb sur le chevalet; & pour cela on tient vis-à-vis
de l'oeil un fil à plomb qu'on bornoye sur les deux faces verticales
de la pièce après quoi le Maître Scieur monte sur la pièce
& commence le sciage avec ses deux Aides. Comme c'est l'Ouvrier d'en haut
qui dirige la scie suivant le trait, il doit être plus attentif que
les deux autres son travail est aussi très-pénible, parce que
c'est lui qui relève la scie.
A chaque coup de scie, les Scieurs d'en-bas la tiennent d'abord perpendiculairement
& à mesure qu'elle descend, ils tirent le bas de la scie vers eux;
celui d'en haut attire en même temps à lui le haut de la scie;
de sorte que le tranchant de cette scie décrit une courbe nécessaire
pour dégager de dessus le trait la poussiere que la scie a détachée
du bois. Toutes les fois que l'Ouvrier remonte la scie, il la recule un peu,
afin que les dents ne frottent point contre le bois ce qui le fatigueroit
beaucoup, parce que ses bras ne sont point en force, quand ils remontent la
scie. Pour rendre encore la scie plus coulante on en frotte de temps en temps
le feuillet avec de la graisse, & l'on enfonce un coin dans l'ouverture
du trait déjà commencée, ce qui, joint à la voie
que l'on donne aux dents de la scie lui donne beaucoup de jeu pour aller &
venir.
Quand les Scieurs enfoncent trop leurs coins ils forcent les fibres du bois
ce qui souvent occasionne des éclats qui endommagent les pièces
les Menuisiers rencontrent ces éclats lorsqu'ils travaillent les bois
de sciage à la varlope.
Les feuillets pour les scies de long sont de différentes épaisseurs
les uns sont fort épais & ils résistent plus que les autres
mais aussi ils sont des traits sort larges dans le bois d'autres sont plus
minces & mieux dressés, ceux-ci sont des traits plus fins &
ils passent plus aisément dans le bois mais il faut bien les ménager,
sur-tout quand on travaille du bois rebours & runique.
De l'exploitation des bois 1764