PROVISION DE COUR DE ROME
Encyclopédie de Diderot et d'Alembert
article PROVISION
PROVISION DE COUR DE ROME, est celle qui est expédiée
par les officiers de la chancellerie romaine, pour les bénéfices
qui sont à la collation du pape.
On n'entend ordinairement par le terme de provisions de cour de Rome,
que celles qui sont expédiées pour les bénéfices
ordinaires ; celles que le pape donne pour les bénéfices
consistoriaux sont appellées bulles. Voyez BENEFICES CONSISTORIAUX,
BULLES.
Pour obtenir des provisions de cour de Rome, il faut s'adresser à
un banquier expéditionnaire, qui doit mettre sur son registre
la date des procurations, concordats, & autres pieces, avec le nom
des notaires & des témoins pour en délivrer l'extrait
en cas de compulsoire.
L'expéditionnaire envoie ensuite à Rome son mémoire
avec les pieces justificatives.
Son solliciteur correspondant à Rome dresse un mémoire
pour retenir la date, & porte ce mémoire chez l'officier
des petites dates, ou chez son substitut.
Quand le courier, porteur du mémoire & des pieces, arrive
avant minuit, l'impétrant a la date du jour de l'arrivée
du courier ; mais si le mémoire n'est porté qu'après
minuit, on n'a la date que du lendemain.
La date étant mise sur le mémoire par le préfet
des dates, le banquier correspondant dresse la supplique, tant sur la
procuration du résignant, si c'est une résignation, que
sur le mémoire qu'on lui a envoyé de France.
Pour la Bretagne, & autres pays d'obédience, on ne retient
point de date à Rome ; l'expéditionnaire porte la supplique
au sous-dataire, s'il s'agit d'une résignation, ou si c'est sur
une vacance par mort, à l'officier qu'on appelle per obitum.
Quand le S. siege est vacant, on ne retient point de date, mais les
provisions de Rome sont présumées datées du jour
de l'élection du pape, & non du jour de son couronnement.
Les provisions de cour de Rome sont tenues pour expédiées,
& ont effet du jour de l'arrivée du courier, au lieu que
les bulles pour les bénéfices consistoriaux ne sont datées
que du jour que le pape accorde la grace ; il en est de même des
expéditions de la chancellerie romaine pour les bénéfices
de Bretagne.
Il y a des provisions sur dates retenues, d'autres sur dates courantes.
Voyez PROVISION SUR DATE, &c.
La provision de cour de Rome contient la supplique & la signature
: la supplique de l'impétrant commence en ces termes : Beatissime
pater supplicat humiliter sanctitati vestrae devotus illius orator N...
Elle a quatre parties ; la premiere énonce le bénéfice
que l'on demande, les qualités exprimées au vrai, les
genres de vacance, & le diocèse où le bénéfice
est situé : la seconde partie comprend la supplication de l'impétrant,
son diocèse, ses qualités, les bénéfices
qu'il possede, ou sur lesquels il a un droit qui est venu à sa
connoissance : la troisieme partie énonce le troisieme genre
de vacance qui est exprimé, & les genres de vacance généraux
sous lesquels l'impétrant demande le bénéfice au
pape par une ampliation de grace, comme per obitum, & aut alio quovis
modo ; & la quatrieme contient les dispenses & dérogations
qu'il faut demander ; autrement on ne les accorderoit point, & néanmoins
on peut en avoir besoin dans quelques occasions.
La clause aut aliquo quovis modo, que l'on met dans la supplique, est
une clause générale qui produit une extension d'un cas
à un autre, & supplée au défaut de la cause
particuliere lorsqu'elle se trouve fausse.
La réponse ou signature est en ces termes : fiat ut petitur,
quand c'est le pape qui signe ; ou bien concessum ut petitur, quand
c'est le préfet de la signature : en France on ne fait aucune
différence de ces deux sortes de signatures.
Les provisions que donne le pape sont aussi appellées signatures,
parce qu'on donne à l'acte le nom de la plus noble partie, qui
est la souscription.
La supplique doit précéder la signature, parce que l'on
n'a point d'égard en France aux provisions que le pape donne
de son propre mouvement, si ce n'est pour la Bretagne.
L'expression du bénéfice & des qualités de
l'impétrant doit être faite au vrai dans la supplique,
autrement il y auroit obreption ou subreption, ce qui rendroit la grace
nulle, quand même l'impétrant seroit de bonne foi.
Les religieux doivent exprimer dans leur supplique non-seulement les
bénéfices dont ils sont pourvus, mais aussi les pensions
qu'ils ont sur les bénéfices ; au lieu que les séculiers
ne sont pas obligés d'exprimer les pensions, à moins qu'il
ne fût question d'en imposer une seconde sur un bénéfice
qui en seroit déja chargé d'une ; & cela quand même
les deux pensions ensemble n'excéderoient pas la troisieme partie
des fruits.
On est aussi obligé dans les provisions de cour de Rome, d'exprimer
tous les bénéfices dont l'impétrant est pourvu,
& ce, à peine de nullité ; tellement que le défaut
d'expression du plus petit bénéfice, & même
d'un bénéfice litigieux, rendroit les provisions nulles
& subreptices, sans qu'on pût les valider en rejettant la
faute sur le banquier, ni réparer l'omission en exprimant depuis
le bénéfice omis.
Pour la France, il n'est nécessaire d'exprimer la véritable
valeur que des bénéfices taxés dans les livres
de la chambre apostolique : il suffit pour les autres d'exposer que
le bénéfice n'excéde pas la valeur de 24 ducats
de revenu.
L'impétrant doit désigner le bénéfice qu'il
demande, de telle maniere qu'il n'y ait point d'équivoque ; &
s'il s'agit d'un canonicat ou prébende qui n'ait point de nom
particulier, il faut exprimer le nom du dernier titulaire ; & s'il
y en a deux du même nom dans cette église, il faut désigner
celui dont il s'agit, de façon qu'on ne puisse s'y méprendre.
Deux provisions données par le pape à deux personnes différentes
sur un même genre de vacance, se détruisent mutuellement,
quand même une des deux seroit nulle, & obtenue par une course
ambitieuse, à moins que ce ne fût d'une nullité
intrinseque ; car en ce cas, la provision nulle ne donneroit pas lieu
au concours.
Une signature par le fiat, & une autre par le concessum, se détruisent
aussi mutuellement, quand elles sont de même date pour le même
bénéfice, & sur le même genre de vacance, quoique
l'une soit du pape, & l'autre seulement du préfet de la signature.
Pour éviter le concours dans les vacances par mort & par
dévolut, on retient ordinairement plusieurs dates, dans l'espérance
qu'il se trouvera à la fin quelque provision sans concours.
On ne marque point l'heure dans les provisions de cour de Rome, mais
on tient registre de l'arrivée du courier.
Les provisions sont écrites sur le protocole, qui est le livre
des minutes ; on les enregistre non pas suivant la priorité du
tems auquel elles ont été accordées, mais indifféremment,
& à mesure qu'elles sont portées au registre par les
expéditionnaires.
Lorsque les provisions de cour de Rome peuvent être déclarées
nulles par rapport à quelque défaut, on obtient un rescrit
du pape, appellé perinde valere, quand il s'agit de bulles ;
mais si c'est une simple signature, on la rectifie par une autre, appellée
cui prius.
Les provisions des bénéfices consistoriaux s'expédient
par bulles. Voyez BULLES. (A)
Date en matiere bénéficiale
Encyclopédie de Diderot et d'Alembert article DATE
Date en matiere bénéficiale suivant
l’usage de cour de Rome, s’entend des dates sur lesquelles
on expédie les provisions des bénéfices que l’on
impetre en cour de Rome.
Elles sont de deux sortes, savoir, les dates en abregé, ou petites
dates ; & celles qui s’apposent au bas des bulles & des
signatures.
Dates en abregé, ou petites dates, sont celles que les correspondans
des banquiers de France retiennent à la daterie de Rome à
l’arrivée du courier, pour constater les diligences de
l’impétrant.
Les François ont le privilége en cour de Rome, que toutes
provisions destinées pour eux, sont expédiées sur
petites dates, ou dates en abregé.
On les appelle petites, parce qu’elles sont en abregé,
& pour les distinguer de celles qui s’apposent au bas des
bulles & des signatures.
La raison pour laquelle on use de ces petites dates, est que les correspondans
des banquiers de France ne pouvant dresser leurs suppliques, les faire
signer & revoir par les officiers de la daterie à l’instant
de l’arrivée du courier, ils retiennent seulement de petites
dates, c’est-à-dire en abregé, afin d’assûrer
le droit de l’impétrant.
Ceux qui requierent un bénéfice de cour de Rome, retiennent
ordinairement plusieurs dates à différens jours : on a
vû des ecclésiastiques qui en avoient retenu jusqu’à
quinze cents, pour tâcher de rencontrer un jour où ils
fussent seuls requérans le bénéfice ; parce que
tant qu’il y a plusieurs requérans du même jour,
on ne donne point de provisions : concursu mutuo sese impediunt partes.
Ces dates sont toûjours secretes jusqu’à ce qu’elles
ayent été levées, c’est pourquoi jusques-là
on n’en donne point de certificat.
Il est d’usage, par rapport aux bénéfices de France,
que ces dates ne durent qu’un an, passé lequel on ne peut
plus les faire expédier. Voyez ci-après Daterie.
Il y a un officier pour les petites dates, qu’on appelle le préfet
des dates ; il n’est pas en titre, mais choisi par le dataire,
comme étant l’un de ses principaux substituts en l’office
de la daterie. C’est chez lui que les banquiers de Rome, dès
que le courier est arrivé, portent les mémoires des bénéfices
sur lesquels ils ont ordre de prendre date ; & les provisions qu’on
en expédie ensuite, sont datées de ce jour-là,
pourvû qu’on porte les mémoires avant minuit ; car
si on les porte après minuit, la date n’est que du lendemain,
& non du jour précedent que le courier est arrivé.
L’officier des petites dates a un substitut, dont la fonction
est de le soulager en la recherche, réponse & expédition
des matieres pour lesquelles on fait des perquiratur ; & de mettre
au bas des suppliques la petite date avant qu’elle soit vérifiée
par cet officier ou préfet des petites dates, & ensuite étendue
par le dataire ou soûdataire.
Dans les vacances par mort & par dévolut, celui qui veut
empêcher le concours retient plusieurs dates, afin que ses provisions
ne soient pas inutiles, comme il arrive lorsque plusieurs impétrans
obtiennent des provisions de même date sur le même genre
de vacance : on retient en ce cas plusieurs dates, dans l’espérance
qu’il s’en trouvera enfin quelqu’une sans concours.
Pour savoir si un des impétrans a fait retenir des dates du vivant
du bénéficier, ce qui s’appelle une course ambitieuse,
prohibée par la regle de non impetrando beneficia viventium,
on peut compulser le registre du banquier expéditionnaire.
On ne retient point de date quand le saint siége est vacant ;
en ce cas les provisions de cour de Rome sont présumées
datées du jour de l’élection du pape, & non
du jour de son couronnement.
Il s’étoit autrefois introduit à cet égard
un grand abus, en ce que les impétrans retenoient ces dates sans
envoyer la procuration pour résigner ; c’est ce qu’explique
la préface & l’art. 2. de l’édit de 1550,
appellé communément l’édit des petites dates.
Un titulaire qui vouloit assûrer à quelqu’un son
bénéfice après sa mort seulement, & sans en
être dépossédé de son vivant, passoit une
procuration pour résigner en faveur ; mais il la gardoit en sa
possession, & sur cette résignation feinte il faisoit retenir
à Rome une date tous les six mois.
Si le résignant décedoit dans les six mois, alors on envoyoit
à Rome la procuration pour résigner, sur laquelle on obtenoit
des provisions sous la date retenue ; & le résignataire ayant
la faculté de prendre possession, soit avant ou après
le décès du résignant, parvenoit ainsi à
s’assûrer le bénéfice.
Si le résignant ne décédoit qu’au bout d’une
ou plusieurs années, en ce cas le résignataire abandonnoit
les premieres dates & se servoit de la derniere, & par ce moyen
se trouvoit toûjours dans les six mois.
Pour arrêter cet abus, Henri II. donna en 1550 son édit
appellé communément l’édit des petites dates,
c’est-à-dire contre les petites dates, par lequel il ordonna
que les banquiers ne pourroient écrire à Rome pour y faire
expédier des provisions sur résignations, à moins
que par le même courier ils n’envoyassent les procurations
pour résigner. Il ordonna aussi que les provisions expédiées
sur procurations surannées, seroient nulles.
Cet édit ne remédia pourtant pas encore entierement au
mal ; car en multipliant les procurations & en envoyant à
Rome tous les six mois, on se servoit de la derniere lorsque le résignant
venoit à décéder.
Urbain III. pour faire cesser totalement ce desordre, fit en 1634 une
regle de chancellerie, par laquelle il déclara qu’en cas
que les procurations pour résigner n’eussent pas été
accomplies & exécutées dans les vingt jours, &
mises dans les mains du notaire de la chambre ou chancellerie, pour
apposer le consens au dos des provisions de résignation ou pension,
les signatures ou provisions ne seroient datées que du jour qu’elles
seroient expédiées. Il ordonna aussi qu’à
la fin de toutes les signatures sur résignations on apposeroit
le decret : & dummodo super resignatione talis beneficii antea data
capta, & consensus extensus non fuerit ; aliàs præsens
gratia nulla sit eo ipso.
Cette regle ayant pourvû aux inconvéniens qui n’avoient
pas été prévûs par l’édit des
petites dates, Louis XIV. par son édit de 1646, a ordonné
qu’elle seroit reçue & observée dans le royaume,
de même que les regles de publicandis resign. & de infirmis
resign. au moyen de quoi l’on ne peut plus retenir de petites
dates sur une résignation, mais seulement pour les autres vacances
par mort ou par dévolut. Voyez le traité des petites dates,
de Dumolin ; la pratique, de cour de Rome, de Castel ; le traité
des bénéfices, de Drapier, tome II. (A)
