le choléra de 1832
texte de Jean Giono : le Hussard sur le toit.

Le Hussard sur le toit est un roman d'aventures écrit par Jean Giono, publié initialement en novembre 1951 aux éditions Gallimard. Il fait partie du « Cycle du Hussard ». L'intrigue suit un colonel de hussards qui traverse la Provence en proie à une épidémie de choléra. L'œuvre a finalement été adaptée au cinéma en 1995.
Bien qu'il fasse référence à la deuxième pandémie de choléra, qui est historique (arrivée la même année à Paris et à Marseille en 1832), le choléra que met en scène Giono dans son roman n'est pas une retranscription fidèle et historique : il n'a jamais existé dans ses symptômes et son importance tel qu'il est décrit dans le livre. En réalité le choléra y a valeur de symbole, un peu comme La Peste pour Albert Camus qui, elle, aurait plutôt un sens allégorique. En effet, les personnages du Hussard n'attrapent pas le choléra de façon réaliste. Angelo aura de multiples contacts avec des malades, cependant il ne l'attrapera jamais. Le choléra permet de mettre en évidence l'égoïsme, la haine, la peur, la passivité... Les personnages qui ont ces tempéraments attrapent le choléra. Angelo méprise la contagion, donc il ne l'attrape pas. C'est, par exemple, la peur du choléra qui tue, pas le choléra lui-même.
Wikipédia article le Hussard sur le toit

Le hussard sur le toit 1951

Pagination d'après France Loisirs 1995

Description par le docteur
p 481 / Le cholérique n'a plus de visage : il a un faciès, un faciès éminemment cholérique. L'œil enfoncé dans l'orbite et comme atrophié est entouré d'un cercle livide et à moitié couvert de la paupière supérieure. Il représente ou une bien grande agitation de l'âme ou une sorte d'anéantissement. La sclérotique qui se laisse voir est frappée d'ecchymoses ; la pupille qui s'est dilatée ne se contractera jamais plus. Ces yeux n'auront jamais plus de larmes. Les cils, les paupières sont imprégnés d'une matière sèche et grisâtre. Des yeux qui sont restés écarquillés dans une pluie de cendres à regarder des halos, des lucioles géantes, des éclairs.
Les joues sont décharnées, la bouche à moitié ouverte, les lèvres collées sur les dents. La respiration passant à travers les arcades dentaires rapprochées devient sonore. C'est un enfant qui imite une monstrueuse bouilloire. La langue est large, molle, un peu rouge, couverte d'un enduit jaunâtre.
Le froid qui a d'abord été sensible aux pieds, aux genoux et aux mains tend à envahir tout le corps. Le nez, les pommettes, les oreilles sont glacés. L'haleine est froide, le pouls est lent, d'une faiblesse extrême, vers le déclin de l'existence physiologique.

Description mort d'un paysan
p 115 / Mais le visage qui était d'une maigreur excessive au point de n'être qu'un crâne recouvert de peau se mit à blêmir pendant que les grosses lèvres couvertes de poils durs se retiraient autour des dents noirâtres et gâtées qui, dans ce bleu, paraissaient presque blanches. Au fond des orbites très profondes les yeux, dans de la peau plissée, papillotaient comme l'écaillé de petites têtes de tortues.

Vomissements et diarrhée
p 65 / Sous les mains d'Angélo le corps était glacé et dur. Il se couvrait de marbrures violettes. L'enfant se mit à vomir et à faire une dysenterie écumeuse qui giclait sous lui comme si Angélo pressait sur une outre.

p 192 / Les cadavres continuaient à se soulager dans des suaires qui, maintenant, étaient faits de n'importe quoi : vieux rideaux de fenêtres, housses de canapés, tapis de tables et même, chez les riches, de dessus de baignoires. Des pots de chambre pleins à ras bord avaient été posés sur la table de la salle à manger et on avait continué à remplir des casseroles, des cuvettes de toilette et même des pots à fleurs, vidés en vitesse de leur plante verte : fougère ou palmier-nain, avec cette déjection mousseuse, verte et pourprée qui sentait terriblement la colère de Dieu.

Contagion ?
p 377/378 / Notamment, il était ici de toute évidence que le choléra ne se transmettait pas par contagion. S'il était contagieux, disait-on, nous serions déjà tous morts. Or, nous ne sommes pas tous morts (certains ajoutaient même : « Loin de là ! » Donc, il n'est pas contagieux. Donc, il n'est pas nécessaire de brûler la paille qui produit une fumée si nauséabonde et si suffocante. Et surtout, il n'était pas obligatoire de mettre en quarantaine dans la quarantaine les personnes qui avaient soigné la personne décédée, ou eu des relations avec elle.

Mouche du choléra
p 423 / La mouche du choléra ne volait pas, paraît-il, au-dessus d'une certaine altitude. Les gens se réfugiaient sur les hauteurs quand ils pouvaient.

Remèdes
p 479 /480 / En principe, il n'y a rien à faire. Des cataplasmes sur des jambes de bois, il y en a, vous pensez bien, des variétés infinies. Le calomel en est un. Non, je n'en ai pas. Qu'est-ce que vous voulez que j'en fasse ? Le sirop de gomme aromatisé à la fleur d'oranger en est un autre. On a le choix entre les sangsues à l'anus et la saignée, à quoi il ne faut pas être grand clerc pour penser en pareil cas. On passe des lavements au cachou, du rathania à l'extrait de quinquina, la menthe, la camomille, le tilleul, la mélisse. En Pologne, on donne un grain de belladone ; à Londres, deux grains de sous-nitrate de bismuth. On applique des ventouses sur l'épigastre, des sinapismes sur l'abdomen. On administre (et le mot est joli) de l'hydro-chlorate de soude ou de l'acétate de plomb.

Bizarre
p 360 / Il était cependant obligé de convenir que certaines choses avaient plutôt l'air bizarre, mais il ne fallait pas croire que cela provenait de petites mouches qu'on avalait avec la respiration. Son compère lui avait dit qu'à la Motte, qui n'est qu'à cinq lieues d'ici, un chien s'était mis à parler ; il avait même récité les réponses du catéchisme sur l'extrême-onction. Il n'était pas le seul à savoir que sur le territoire de Gantières, le 22 juillet dernier, il était tombé une averse de crapauds. Ce sont des faits. Il connaissait une femme qui a toujours été recta et mère de famille ; et sur la tête de ses enfants elle pouvait jurer avoir sorti elle-même de l'oreille de sa cadette qui s'appelle Julie un petit serpent gros comme le doigt et long comme une aiguillée. Un animal jaune, rétif comme un âne qu'elle tua avec son hachoir et qui prononça distinctement les mots Ave Maria avant de mourir.

 

Textes littéraires et documentaires sur le choléra, page des choix

Première page du dossier sur le choléra

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