Les privilèges des
bouchers et voituriers
Pour la pâture des bêtes tout au long du chemin, puis celle de l'engraissement afin de compenser l'amaigrissemnt dû au voyage, "les bouchers, en beaucoup de lieux, étaient arrivés à tourner les règlements qui fixaient, dans la pâture, la part proportionnelle de chaque habitant ; parfois, ils s'entendaient avec les plus pauvres pour mettre des bestiaux sous leur nom. Souvent même, autour des villes, la coutume ou les ordonnances leur avaient concédé expressément des privilèges particuliers : c'est ainsi que les bouchers de Paris s'étaient fait reconnaître, dès le XIII° siècle, par la royauté et confirmer, à partir du XVII°, par la Cour des Aides et le Parlement, toujours soucieux de l'approvisionnement de la capitale, la vaine pâture dans toute l'étendue de la banlieue, sur les jachères et le long des chemins. Bloch à préciser
Les riches marchands de bois et l'influente corporation des bouchers de Paris avaient obtenu, pour les Thiérachiens et les toucheurs de boeufs, des privilèges qui empiétaient sur l'usage traditionnel des terres: " Une fois de plus, les nécessités de l'économie nouvelle, à larges débouchés, avaient détourné de leur destination première les vieilles servitudes champêtres, faites pour de petits groupes fermés. A dire vrai, ces « pirates » du grand trafic étaient détestés des paysans, dont ils dévoraient les terres. " Bloch à préciser
Le trafic de bêtes à cornes était intense pour le foirail du jeudi à Poissy, auquel s'ajouta celui du lundi à Sceaux à partir de 1655 (Colbert tenta de détourner le marché de la viande vers la ville où il résidait). Pour le mois de décembre 1847 que détaille le "Journal d'agriculture pratique et de jardinage", plus de mille cent boeufs étaient vendus à Sceaux, chaque semaine, plus de deux mille trois cents à Poissy sans compter les vaches, les veaux et les moutons (les cochons ne sont pas cités.)
Tout ce bétail destiné à la capitale, se rendait,
du pâturage aux portes de la boucherie, via les marchés aux
boeufs, par ses propres sabots. Un long voyage qui pouvait commencer en
Normandie, dans le Berry, le Bourbonnais, le Charolais, passer par les marchés
de Cholet ou de la Mothe Sainte Héray, proche Poitiers, mais aussi
venir du Limousin, de l'Auvergne...
Ce périple est décrit sur le site d'Anost, fief des galvachers:
"Là, il peut s'il le veut, sous la conduite d'aînés,
pratiquer le premier métier des hommes du boeuf, menant à
pied, les bêtes rouges du Morvan destinées à la boucherie,
jusqu'aux abattoirs de Lyon, de Besançon et plus encore de Sceaux
ou de Poissy, près de Paris. On lui confie alors quatorze animaux
non liés, qu'il doit convoyer aidé de son chien, en évitant
les villes, les bourgs et même les écarts proches de ces derniers,
couchant à la belle étoile par tous les temps, ayant des provisions
de bouche pour douze journées. On a du mal à imaginer désormais
ce que réprésentait la grande caravane de ces toucheurs, ainsi
nommés, menant des bêtes par dizaines, voire davantage, chaque
groupe étant espacé du précédant et du suivant
d'une centaine de mètres, afin de garantir un minimum de sécurité
car un grand troupeau ne peut être pleinement dominé et devient
en cas de panique, un réel danger. Déjà, ils faisaient
peur et certaines régions traversées ont conservé la
mémoire de ces "bou aux boeufs farouches, qui entre chiens et
loups s'approchaient des villages avec leurs équipages..." pour
disait-on, emporter les enfants peu sages."