Insurrection de Grenoble
1816 Extraits

Mémoires sur la Restauration ou Souvenirs historiques sur cette époque, la révolution de 1830 et les premières années du règne de Louis-Philippe, Volume 4

Laure Junot d' Abrantès 1838

chapitre IV p 98...


Vers la fin du mois de mai 1816, on entendit parler sourdement d'une insurrection dans les montagnes du Dauphiné qui avoisinent Grenoble. On disait que l'impératrice Marie Louise était à Genève avec le roi de Rome, et que plusieurs maréchaux et la plupart des lieutenans généraux étaient d'accord pour ramener le royal enfant aux Tuileries, et que plusieurs maréchaux étaient déjà à Grenoble. Pour donner plus de poids à ce bruit, on ajoutait que l'empereur d'Autriche était dans le complot et que le comte de Bubna, qui commandait les forces autrichiennes dans cette partie de l'Europe, devait faire la démonstration d'avancer sur la frontière, mais qu'il avait ordre de ne pas entrer sur le territoire français Il y avait alors à Grenoble un homme de tête et de cœur. Cet homme était un avocat, nommé Didier. Il se mit à la tête du mouvement, excité, dit-on, par cette nouvelle et prit aussitôt des mesures pour qu'il pût réussir. Il était alors maître des requêtes. Il fit plusieurs courses dans les cantons les plus importans des montagnes, et finit par organiser un mouvement qui devait effrayer l'autorité, par l'accord complet des révoltés. Le quartier général fut fixé à La Mure, gros bourg à quelques lieues de Grenoble et dans la montagne. Il s'adressa aux familles les plus influentes du canton; et celle de Guillot, de la Mure même, fut celle qui lui fournit le plus de ressources et lui prêta le plus grand appui. M. Didier disait hautement qu'il était l'agent de Marie Louise. On a prétendu depuis que c'était un autre parti qui avait excité le zèle de Didier. Comment le savoir maintenant? Il faudrait interroger la mort et la tombe est muette.
La famille Guillot accepta toutes les chances de danger dès qu'elle entendit le nom de Napoléon II. Cent hommes armés par elle, et pris parmi des paysans qui étaient de ses terres, formèrent la première base de cette troupe qui devait plus tard trouver la mort sous les murs de Grenoble.
Le 4 mai à trois heures après midi, on vit sortir de La Mure, aux cris de Vive l'Empereur une petite colonne de cinquante hommes, commandée par M. Buisson (maintenant pharmacien rue Montmartre 10), ancien officier de santé de la vieille garde impériale; sur la route, tous les villages qui avaient été prévenus fournirent leur contingent. L'année précédente, l'Empereur avait traversé ces mêmes montagnes à la tête de six cents hommes; et cette année, le nom de son fils faisait à lui seul aussi, soulever des bataillons. Le 5 mai, l'armée montagnarde était forte du même nombre d'hommes et en arrivant à Eybins, village situé à une lieue de Grenoble, ils étaient moins deux mille, tous armés de bons fusils de chasse et même de munition qu'ils s'étaient procurés La colonne s'avança en bon ordre sur Grenoble; "Empire et gloire, Napoléon" était le mot d'ordre.
Didier était l'âme de cette conspiration; aussi marchait-il au milieu de la colonne, exaltant le courage des uns, rappelant celui des autres quand il le voyait faiblir. Il avait avec lui plusieurs habitans notables du pays, dont la présence devait enlever l'affaire: c'étaient des propriétaires riches et maires ou adjoints de leur commune, auxquels on prêtait attention et qui avaient tous des hommes à leurs ordres. On fit halte dans le faubourg Saint Joseph et dans l'intérieur de la ville de Grenoble les amis des conjurés se préparèrent à un mouvement pour seconder les montagnards...

 

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