Les deux vies |
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Les propriétaires des belles demeures
et des vastes fermes de la Chapelle Rablais n'étaient jamais originaires
du village. Bien souvent, ils résidaient à Paris et achetaient
des domaines pour le plaisir de la chasse, ou comme investissement, ou
encore, sous l'Ancien Régime, pour pouvoir accoler à leur
nom, celui d'un fief, petit pas vers l'anoblissement. C'est ainsi que
l'on vit deux frères acquérir la ferme des Moulineaux. Si
leur vie publique fut exemplaire, leur vie privée tient plus des
"Infortunes de la Vertu" que de la "Veillée des
Chaumières". Nous l'allons voir tout à l'heure...
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Leur passage à la Chapelle
Rablais n'a pas laissé beaucoup de traces dans les archives du
village, tout au plus une mention, lors du décès d'un terrassier,
d'Etienne Baudisson, le 27 germinal an II: "mort
à son ouvrage auprès de la ferme des Molinot (+ en marge:
travaillant) pour le citoyen Gran Jean propriétaire de ladite ferme"
AD77 5 Mi 2829 La
chance a voulu que je signale cet accident, car je m'étais penché
sur le fermier de l'époque, François Vincent, originaire
de Bourgogne. La chance a continué quand un correspondant a relevé
cet acte, bien caché au fond d'une page de documents sur les Bourguignons
à la Chapelle Rablais, possibles concurrents des voituriers thiérachiens
qui y travaillaient. Après un échange de courriers et de
documents, de part et d'autre, et quelques recherches complémentaires,
me voici plus savant sur les Grandjean, et prêt à partager.
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Guillaume Grandjean
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Henry Grandjean
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"Grandjean (Henri),
chirurgien oculiste, né au village de Blégné, commune
de Trembleur, comté de Dalhem, le 23 décembre 1725, d'un père,
chirurgien distingué, qui lui donna les premiers éléments
de son art. Grandjean vint à l'âge de 17 à 18 ans faire
ses cours à Paris, et entra à l'Hôtel-Dieu, comme gagnant
maîtrise, en 1752, sous le célèbre Moreau, dont il se
fit remarquer par son aptitude et ses dispositions. Il s'adonna particulièrement
à la chirurgie oculaire, et devint l'élève et l'ami du
savant Daviel, qui le premier a fait l'opération de la cataracte par
extraction. Grandjean la simplifia, et fut le premier qui fit l'extraction
de la membrane cristalline sans extraire le cristallin. Ses qualités
personnelles et ses talens extraordinaires lui attirèrent la confiance
de ses maîtres, l'estime et l'amitié de tous ceux qui le connaissaient.
Il devint l'ami intime de La Martinière, premier chirurgien du roi,
qui le fit connaître à Louis XV. Ce monarque le nomma son chirurgien
ocultiste et celui de toute sa famille. Il fut continué dans les mêmes
fonctions par Louis XVI, qui le décora du cordon de l'ordre de St.
Michel, en récompense des services qu'il rendait à l'humanité.
Une circonstance, à laquelle cette nomination donna lieu, prouve combien
Grandjean avait de déférence et de vénération
pour celui à qui il devait ses premières leçons. Aussitôt
qu'il eut reçu le cordon, il partit pour Versailles, où il arriva
avant le retour du courrier; et s'adressant d'abord à la Martinière,
il lui observa qu'il ne pouvait porter le cordon noir avant que M. Moreau,
son ancien maître et son ami en eût été décoré.
M. La Martinière l'approuva et l'accompagna chez le roi, à qui
M. Grandjean dit avec sa franchise ordinaire: "Sire, vous avez eu la
bonté de m'envoyer le cordon de l'ordre de St. Michel, mais j'observe
à votre majesté que le célèbre Moreau n'en est
pas encore décoré, et qu'il m'est impossible de le porter avant
lui." Le roi admirant cette délicatesse, lui promit que la première
nomination serait pour lui: ce qui se réalisa en 1782. C'est par lui
que le collège de chirurgie fut ouvert. Grandjean fit avec succès
trois opérations de cataractes à trois aveugles-nés,
conjointement avec son frère Guillaume. Ces enfans furent présentés
au roi, qui leur fit donner à chacun 25 louis. Grandjean a donné
la lumière à 114 aveugles-nés, et traitait gratuitement
les pauvres deux fois par semaine, et même tous les jours, lorsqu'il
s'agissait de maladies graves. Il a laissé différentes pommades
très-précieuses pour les maladies des paupières. Il est
mort à Paris en 1802, âgé de 78 ans. On lui doit un "Recueil
inédit d'observations". Il a laissé pour son successeur
M. Masson-Grandjean, son élève et son parent.
Grandjean (Guillaume), frère puîné du précédent, mort le 28 octobre 1796 à 66 ans, apprit de son frère les premiers élémens de son art, l'exerça concurremment avec lui, et y acquit aussi, à l'aide de ses conseils, beaucoup de réputation. Il avait été nommé son survivancier, en 1782, par Louis XVI." Biographie Liegeoise 1837 |
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Dans différents documents, le lieu
de naissance des frères Grandjean peut être
Blégné, commune de Trembleur, comté de Dalhem, Housse,
pays de Liège, Saive paroisse de St Rémy au duché de
Limbourg, Sèves pays et diocèse de Liège, qui ne sont
que diverses appellations de hameaux de la commune actuelle de Blégny,
en Belgique, naissances confirmées par les registres paroissiaux. Retenons
simplement, pour plus tard, que les Grandjean étaient frères,
oculistes et originaires de la province de Liège...
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A 21 ans, Henri Grandjean figure
déjà dans l'Etat pour la maison du Roi du 1° juin 1766,
parmi le nombreux personnel médical: "opérateur oculiste"
doté d'une petite pension de 300 livres, pas plus qu'un "galopin"
et moins qu'un "servant panetier". Il gagnera peu à peu
la confiance des rois Louis XV puis Louis XVI.
Laissons donc la parole à ce dernier, en 1786: "Il s'est acquis une grande réputation par des cures célèbres qu'il a opérées que le feu Roi, notre très honoré seigneur et aïeul, le fit appeler auprès de sa personne pour le traiter d'une inflammation à l'oeil, et la satisfaction qu'il eut de ses soins le détermina à le nommer son chirurgien oculiste; nous lui avons conservé la même place et il l'occupe également auprès de nos très chers et aimés frères et soeurs Monsieur, Madame; le comte et la comtesse d'Artois, dont il a mérité à juste titre la confiance dans différentes circonstances où il a été appelé auprès de leurs personnes... nous sommes assuré qu'il a constamment donné des soins charitables et gratuits au soulagement des pauvres et des malheureux." |
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Henry Grandjean avait atteint une
telle renommée que Voltaire le cita dans une lettre de 1771 destinée
à l’archevêque d’Aix-en-Provence: "Est-ce
l’oculiste Grandjean, ou moi aveugle qui me trompe ? ... vous voulez
me dessiller les yeux... permettez moi de vous en remercier, et de vous assurer
que j’ai les yeux fort ouverts quand il s’agit de rendre justice
à vôtre mérite..."
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On peut avoir une idée des remèdes
prescrits en ophtalmologie par une ordonnance de 1812, prescrite par
l'héritier de leur savoir, Jean Baptiste Masson Grandjean, "élève
et parent": |
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Je me garderai bien de critiquer ces remèdes
et me contenterai de citer la conclusion de l'article de la Revue d'histoire
de la pharmacie qui commente cette ordonnance:
Texte de l'article de la Revue d'Histoire de la Pharmacie sur le site Persée |
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En mars 1786, Henry Grandjean obtient la
nationalité française: "Il nous a très humblement
fait supplier de lui accorder les lettres de naturalité qui lui sont
sur ce nécessaire. A ces causes voulant favorablement traiter l'exposant
nous l'avons de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité
royale reconnu tenu censé et réputé et par ces présentes
signées de notre main le reconnaissons, tenons, censons et réputons
pour notre vrai et naturel régnicole voulons et nous plaît que
comme tel il puisse s'établir et demeurer à Paris et dans tels
autres lieux de notre royaume que bon lui semblera, qu'il jouisse des privilèges
franchises et libertés dont jouissent nos vrais et originaires sujets
et régnicoles..." J'arrête ici cette interminable phrase
courant sur 25 lignes...
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Le même mois, le voici anobli:
"Louis par la grâce de Dieu Roy de
France et de Navarre à tous Présents et à venir Salut
: nous avons toujours accordé une protection particulière à
ceux de nos sujets qui par la supériorité de leurs talents se
sont rendus recommandables dans l'état qu'ils ont embrassé et
la marque la plus précieuse que nous ayons pu leur donner de notre
estime, a été de les faire jouir des privilèges de la
noblesse. Notre cher et bien aimé Henry Grandjean de Haute Borne, notre
chirurgien oculiste nous a paru digne de cette prérogative..."
Puis le roi vante les mérites de son
oculiste, comme nous l'avons vu plus haut.
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Comme le précisait la "Biographie
liégeoise", il avait déjà été décoré
du cordon noir de l'ordre de Saint Michel: "Sire,
vous avez eu la bonté de m'envoyer le cordon de l'ordre de St. Michel,
mais j'observe à votre majesté que le célèbre
Moreau n'en est pas encore décoré, et qu'il m'est impossible
de le porter avant lui." "Cet ordre
prestigieux est bien déchu de la considération dont il jouissait
jusqu'au milieu du XVIe siècle. À partir du règlement
de Louis XIV du 14 juillet 1661 et des nouveaux statuts du 12 janvier 1665,
l'Ordre est décerné plus particulièrement à des
écrivains, artistes et magistrats... Au XVIIIe siècle, la très
grande majorité des chevaliers de Saint-Michel sont des anoblis, aussi
ils bénéficient lors de leur réception d'une dispense
du roi pour les deux degrés qui leur manquent. Il arrive aussi assez
souvent que le roi nomme dans l'ordre des roturiers ; avant leur réception,
ceux-ci doivent alors obtenir un anoblissement, et bien sûr une dispense
de deux degrés de noblesse." Wikipédia
S'il faut en croire la "Biographie liégeoise" qui recopia presque mot pour mot le "Dictionnaire universel, historique, critique, et bibliographique", de Louis Mayeul Chaudon, il semblerait que l'on ait mis la charrue avant les boeufs: cordon de St Michel avant 1782, anoblissement en 1786... A moins que ces dictionnaires biographiques ne soient pas infaillibles. |
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Avec la renommée vint l'aisance.
Les frères Grandjean habitaient ensemble une maison qu'ils achèteront
plus tard rue Galande.
Ils investirent en 1766 sur le "Boulevart Neuf" qui s'appellera plus tard Montparnasse, en signant un bail pour 99 années avec les prêtres de l'Oratoire, propriétaires, de même que les Chartreux, d'un gros patrimoine immobilier, dans ce quartier presque vierge de constructions. (Institution des PP de l'Oratoire, face à l'Observatoire) |
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Rue Galande, à droite de cet
extrait du plan de Turgot. Les Grandjean habitaient une maison proche
de la place Maubert
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"Passons aux Nouveaux boulevards. Le site est agréable, le coup d'œil champêtre, l'air pur, les allées y sont plus longues, plus larges, plus majestueuses, et les arbres mieux venus qu'aux anciens boulevards. On y voit des champs cultivés; on y voit croître la récolte. Il s'y trouve cependant, du côté, de la ville, quelques jolies maisons..." J.A. Dulaure, Nouvelle description des curiosités de Paris, 1785 Passez la souris sur la carte ci-dessous pour découvrir les modifications du quartier Montparnasse entre 1740 (fond de carte) et 1797. La puce orange indique l'emplacement des propriétés des frères Grandjean, jardins, petites maisons qu'ils sous-louaient, grande maison qui était leur résidence d'été, et même un petit théâtre... |
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"Ces boulevards commencent
à être très fréquentés dans la belle
saison depuis que la quantité de bâtimens que l'on y faits,
et la verdure des arbres que l'on y a plantés, en ont rendu la
promenade agréable. Il y a une salle de spectacle, dans laquelle
on ne joue que quelques fois, les fêtes et le dimanches seulement."
Almanach forain 1773
L'aspect n'en est pas connu; il aurait pu ressembler au petit théâtre de Nicolet, boulevard du Temple, représenté ci-dessous, d'autant que ce comédien avait été sollicité pour la création de ce premier "Théâtre du Mont-Parnasse": [Les prévôts des marchands voulurent rendre attractifs les nouveaux boulevards du Sud...] En conséquence, on ordonna à Nicolet le jeune de construire un théâtre quelconque; il n'avait aucun fonds, et son frère le 'Richard' ne voulut point lui en prêter; heureusement qu'il se trouva deux bons citoyens, deux zélés patriotes, je veux dire, MM. Grandjean frères, oculistes du Roi, qui voulurent bien bâtir une salle de spectacle sur une partie de terrein qui leur appartenait au lieu dit 'la butte du Mont Parnasse." Nouveaux essais historiques sur Paris 1781-1786 On trouvait, non loin un Vauxhall, établissement de plaisirs organisé autour d'un dancing et une "Grande Loge où l'on voit le combat du Taureau. Il n'a lieu que les jours de Fêtes de vierge, & ceux où tous les spectacles sont fermés... Il est d'usage que les personnes qui ont des chiens qu'ils veulent dresser à se battre, les conduisent dans cet endroit." Almanach forain 1773 Le public était populaire; le programme du théâtre devait répondre à ses demandes, on ne connaît pas celui proposé sous les Grandjean, mais voici ce que promettait le compliment prévu pour sa réouverture, quand les frères l'eurent revendu en 1779: |
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...Partisans
de l'honneur, amis de la sagesse Nous rejetons les tableaux scandaleux, Cherchant à conserver la candeur dans les âmes La scène n'offrira que d'innocentes flâmes. La sévérité même approuvera nos jeux Où vous voyez déjà la décence qui brille Mère ! vous y pourrez amener votre fille... |
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Ceci n'est qu'un survol de l'article
de M. Glaumaud: "Les Muses cachottières ou a la recherche du premier
Théâtre Mont-Parnasse sur le "Boulevart Neuf" à
retrouver dans le n° 240 de la Revue d'Histoire du Théâtre.
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Les frères Grandjean acquirent,
à la Chapelle Rablais, le domaine des Moulineaux et les terres
de la Haute Borne, ce qui justifie leur présence sur ce site. On
ignore qui les orienta vers ce petit village de la Brie, peut être
rencontrèrent-ils à Versailles Charles de la Brière,
seigneur des Moyeux qui se disait: "Gentilhomme
servant de son altesse sérenissime Monseigneur le duc d'Orléans".
Les Grandjean étaient familiers
de ce prince qui n'était autre que "Monsieur", frère
du roi Louis XVI et futur Louis XVIII. (à noter que le libraire
dont il sera question plus loin en était aussi un proche puisqu'il
était "libraire de Monsieur")
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L'acquisition d'un fief était
une "savonnette à vilains", autrement dit un premier pas
vers un anoblissement tant souhaité par la bourgeoisie:
"À la mort de son père, le jeune Salomon acheta, suivant
l'expression du temps, une savonnette à vilain, et fit ériger
en baronnie la terre de Villenoix, dont le nom devint le sien." Balzac,
Louis Lambert 1832 En avait-il vraiment besoin,
lui qui bénéficiait des bonnes grâces du roi? Cependant,
le nom "Grandjean de Haute Borne" sonne mieux que son patronyme
de naissance.
On peut s'étonner qu'en 1787, à si peu d'années de la Révolution française, ces vieilles pratiques qui sentaient le Moyen Age aient encore eu cours. Qu'un bourgeois de Paris ait pu prétendre à des droits de basse et moyenne justice sur un territoire qui lui était étranger... C'est pourtant ce que révèle cet acte d'inféodation passé à Paris, devant le notaire Dosne, entre les deux frères Grandjean et le marquis de Guerchy, seigneur de Nangis et autres lieux, dont la Chapelle Rablais: |
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Par devant les conseillers du Roi notaires au
Châtelet de Paris soussignés, fut présent haut et
puissant Seigneur Anne Louis de Regnier marquis de Guerchy mestre de
camp commandant du Régiment d'Artois d'infanterie, chevalier
de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, lieutenant des chasses
de sa majesté en la Capitainerie de Fontainebleau, demeurant
à Paris en son hôtel cul de sac Férou quartier Saint
Germain des Prés, paroisse Saint Sulpice. Texte de l'acte d'inféodation et plan Le 11 décembre 1785, le chargé de pouvoirs des frères Grandjean avait déjà rendu foi et hommage audit marquis de Nangis, comme pouvait le faire, des siècles plus tôt, un vassal à son suzerain médiéval : "Et ledit Marquis de Guerchy et Nangis étant survenu, ledit sieur Connot lui a exhibé lesdites procuration et contrat d'acquisition, et s'étant mis en devoir de vassal sans épée ni éperons tête nue et un genouil en terre ledit Connot lui a dit qu'il lui faisoit foy et hommage pour lesdits sieurs Grandjean frères ses commettants à cause dudit fief mouvant et relevant de lui à cause de sa seigneurie de Vienne." 11 déc 1785 Minutes du notaire Vaudremer 188 E110
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Une autre histoire des frères Grandjean fut relatée,
non par le Roi qui espérons-le, ignorait cette double vie, mais par
l'écrivain des nuits parisiennes de la fin du XVIII° siècle,
Nicolas Restif de la Bretonne (encore un qui a accollé un nom de
lieu à son nom de famille). Restif connaissait bien la maison des Grandjean, rue Galande, il y fit plusieurs fois référence: "Je me mis en pension chez Bonne Sellier, femme d'un compagnon imprimeur à la presse... La maison était celle de Sophie Grandjean, dite la Belle Pâtissière... Mlle Zoé, qui occupait alors le troisième étage de la maison Grandjean. etc..." Il a eu sous les yeux les protagonistes de la nouvelle qui suit; on pourra les reconnaître avec force détails, une fois les masques tombés. On avait vu, plus haut que les Grandjean étaient
frères, oculistes et originaires de la province de Liège,
avec le cordon de St Michel. Dans l'Année des Dames Nationales de
Restif de la Bretonne, on découvre dans "Sanseverote Rustane
batarde filleule maîtresse", des Petitjean, frères, oculistes
et originaires de la province de Liège, avec le cordon de St Michel... |
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Sanseverote Rustane batarde filleule maîtresse Saintsever de Rustan, sur l'Arros, est à 2 li. de Tarbes. Deux célèbres Oculistes, originaires de Liége, nommés Petitjean, s'étaient établis dans cette Ville du Bigorre. Ces 2 Hommes avaient pris chés eux, pour gouverner leur maison, la jeune Epouse d'un Mercier ruiné. Elle était jolie, c'est à dire, rouge comme une pomme-de-chataigner, et ayant l'embonpoint d'une citrouille. Les Petitjean firent leur maîtresse de mad. Hochin, ét ils en eùrent une Fille, qu'ils nomèrent Henriette- Hochin. |
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Ils l'élevèrent chés eux, mais la
mirent au Couvent pour faire sa 1re comunion: ce qui Lui donna un petit
air Demoiselle. A 16 ans, aubout de 6 mois de couvent, Henriette revint
à la maison paternelle, grande, formée, appétissante.
Le plûs jeune des Frères, qui était en- même-
temps celui qui avait le plûs de mérite, fut ébloui
par les atraits naissans d'Henriette. Ses vives couleurs, son oeil noir,
sa gorge superbe, son tour voluptueux alumèrent ses desirs. Il
convint, avec son Frère- aîné, qu'elle lui serait
devolue. Il la seduisit donc et fut même tenté de l'épouser,
mais il la surprit en infidélité avec son Frère;
ce qui tempéra sa passion. Petitjean fut appelé à
Paris, pour traiter Josef-II qui avait la vue tendre: il mena Henriette
avec lui. Ce fut là que Petitjean cadet fut seduit par une Femme-
de-qualité, qui voulant s'attacher; cet habile Homme, l'enchaîna
par des faveurs. Il fut dabord amoureux: Mais biéntôt,
il fut mené, maîtrisé: La Comtesse devint jalouse
d'Henriette; elle exigea qu'elle fût renvoyée en Bigorre,
Ou dumoins mariée sur- lechamp. Petitjean encore épris,
ét craignant d'être desservi par une Femme très-
repandue, lui dit alors, que c'était sa fille. -Fille ou non!
nous sommes bién à cela près, aujourd'hui: J'ai
un Cousin établi en Amerique qui a pour concubines 12 de ses
filles naturelles, ét 72 qu'il a eùes, ont toutes passé
par son lit avant de se marier à des Colons. Petitjean consentit
à marier Henriette. Il se présenta à un Libraire
de Paris, originaire de Verdun- 3- Evèchés, nommé
Jeansucre, sans doute parcequ'il étoit du pays des dragées... L’Année des dames nationales, ou Histoire jour par jour d’une femme de France, 1791-94 // 20 juin // pages 1793 à 1796 Sur ce site: les frères Grandjean et leur famille chez Restif de la Bretonne, textes des nouvelles |
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Je ne vais pas jusqu'au bout de
cette nouvelle qui ne fait franchement pas partie des oeuvres impérissables
de la littérature française. Dans les deux pages suivantes,
étaient intercalés quelques paragraphes à propos
du ridicule du nom "Jeansucre", d'autres encore sur l'inconduite
d'Henriette avec des moines, des commis, un passant, un conseiller au
Châtelet, un "Garson- de- boutique"...
La nouvelle se termine sur la nécessité d'ôter à Henriette Hochin, veuve Jeansucre, la garde de son fils "car l'enfant, malgré sa mauvaise éducacion, promettait beaucoup." |
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Il n'est pas besoin de chercher comment faire tomber le masque des "Petitjean" si clairement définis: frères, oculistes et originaires de la province de Liège, avec le cordon de St Michel. Restif de la Bretonne a même ajouté, de son orthographe si personnelle, un soin à "Josef-II qui avait la vue tendre", les oculistes étaient tous deux chevaliers du Saint Empire Romain, certainement en remerciement d'une guérison de Joseph II. "Guillot, libraire parisien originaire de Verdun ... avait épousé la fille de Grandjean l'oculiste" est-il indiqué dans les Mémoires de Fauche-Borel, 1825. Le problème est qu'aucun document n'indique une épouse ou un enfant de l'un des deux frères. Pour son mariage en 1779, (période de la revente du théâtre), les actes passés chez notaire à défaut de l'état civil ayant brûlé sous la Commune, indiquent de Margueritte Henriette Dollan, née le 21 novembre 1754: "qu'elle était la fille mineure des défunts Pierre Dollan et dame Margueritte Buzelard tous deux inhumés à l'Hôtel Dieu de cette ville", qu'elle réside chez M. Grandjean, qui la dote de 4.000 livres, qu'Henry Grandjean intervient "tant en son nom que comme amy et parein de la d. mineure que comme fondé de procuration du Sr Nicolas Bernard Lépicié peintre ordinaire du roy professeur de son académie royale de peinture, cousin maternel de la d. mineure". Parrain (Henry / Henriette), logeur, généreux ami, et plus encore, s'il faut en croire Beaumarchais: "Règle certaine, mon enfant : lorsque telle orpheline arrive chez quelqu'un comme pupille ou bien comme filleule, elle est toujours la fille du mari." |
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Pour Restif, dans "Sanseverote Rustane" et une
autre nouvelle où transparaît le couple Guillot, Henriette
est "grande, formée, appétissante... Ses vives couleurs,
son oeil noir, sa gorge superbe, son tour voluptueux alumèrent
ses desirs.. une grosse rejouie, pleine de gaîté, de bonté"
pourquoi pas "jolie, c'est à dire, rouge comme une pomme
de chataigner, et ayant l'embonpoint d'une citrouille" si elle
ressemblait à sa mère. |
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L'époux d'Henriette Hochin / Dollan
/ Grandjean / Sanseverote Rustane... était Jean François
Hubert Guillot, né en 1748 à Verdun, patrie des dragées,
d'où le nom "Jeansucre", aussi synonyme de "Jean-foutre"
signifiant: "incapable, indigne ou moralement condamnable."
On ne sait trop pourquoi Restif de la Bretonne consacra quinze lignes
à dire que le nom du "Libraire
de Paris, originaire de Verdun- 3- Evèchés" était
ridicule ! A moins que Guillot n'ait eu à l'époque un
sens maintenant oublié. |
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On ne sait pourquoi Restif place en 1791 une arrestation
qui eut lieu en 1792: "Au moment que
son mari était dans les angoisses de la mort, Henriette le 1 avril
1791, donnait des poissons-d'avril à des Commis- de-Librairie..." |
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"Depuis l'execusion de Jeansucre,
elle a eu l'indecence de faire afficher des Livres, avec l'indiqué
de l'adresse de la Veuve Jeansucre! Elle affecte une scandaleuse improbité,
elle qui a tant d'interêt à detruire le préjugé
qui l'envelope! Un de ses Confrères s'étant rendu chés
cette Affrônteuse, pour reclamer une creance, elle repondit, Que la
mort de m. Jeansucre la liberait de tout. L'honnête Confrère
ayant insisté, la Jeansucre s'est jetée sur lui, & secondée
par son Concubin, peu s'en est falu qu'elle ne l'ait tué. Si mr Usiol
avait rendu plainte, il aurait fort embarassé la Jeansucre, déja
notée, & qui fut recherchée par les Tueurs du 2 7bre. C'est
ce qui lui a imposé silence..."
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Masque presque transparent, M. Usiol,
passablement bousculé par la veuve Jeansucre et son garçon
imprimeur, était le libraire Louis, qui avait repris le fonds de
librairie de Guillot. Henriette, devenue Mme Masson, publia quelques volumes,
rue Galande. L'enseigne n'était plus "le Martir de St Etienne",
comme au temps des Grandjean, mais "Aux Hommes célèbres".
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Autre masque, celui d'un "certain
Conseiller au Chàtelet dont le nom est le dernier des titres
avant Châtelain". J'ai cherché,
dans le "Répertoire numérique des archives du Châtelet
de Paris" s'il n'avait pas existé un certain Lecuyer, ou
autre nom évocateur. J'en ai trouvé deux, et que leurs
fantômes ne viennent pas me chatouiller si je les accuse à
tort. L'un est Claude Denis Leseigneur, actif 1775 à 1791 dans
le quartier Saint Germain des Prés, pas très loin de la
résidence des deux frères, rue Galande et de celles de
l'imprimeur, rue des Bernardins, et rue St Jacques. L'autre est François
Jean Sirebeau, actif de 1753 à 1791, aussi contemporain des Grandjean
et de Restif, il s'est occupé surtout du quartier du Palais Royal,
bien connu pour avoir été un lieu de plaisir tarifé:
"Au 18e siècle, la prostitution
parisienne se concentre dans les Tuileries et les galeries du Palais-Royal,
où les filles sont surnommées « castors »
ou encore « hirondelles »" Paris
Zigzag |
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Une mère adultère, des pères
à la morale élastique jusqu'à l'inceste, une fille
débauchée, un mari complaisant et faussaire, qui, pour compléter
ce charmant tableau de famille?
Le nouvel époux d'Henriette. C'était le commis du libraire-imprimeur qui, comme il était fréquent à l'époque, reprit les affaires de son patron décédé en épousant la veuve. D'après Restif, il semblerait qu'il ait testé l'épouse du temps du mari: elle favorisait "un Garson- de- boutique, derrière un paravent du fond, tandis que son Mari parlait d'affaires à son bureau... Pendant qu'il était en prison, ce Monstre femelle continuait de catiner. Elle couchait avec son Comis, espèce d'escroq." Espèce d'escroc: en plus des pratiques commerciales musclées du couple d'imprimeurs "...la Jeansucre s'est jetée sur lui, & secondée par son Concubin, peu s'en est falu qu'elle ne l'ait tué...", le successeur de Guillot a secouru en 1809 contre la vindicte impériale Alexandre Rousselin-Corbeau de Saint-Albin en le cachant chez eux. Ne changeons pas une riche nature: "Mme Vve Guillot trouva, à ce moment, réconfort près de Rousselin." |
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Ledit Rousselin avait échappé
de peu à la guillotine comme ami de Danton, le 2 thermidor de l'an
II, mais connut -temporairement- les prisons révolutionnaires.
Il s'en défendit, plus tard, mais son action comme très
jeune commissaire civil national envoyé dans la ville de Troyes
n'y a pas laissé que de bons souvenirs: "Quelques-uns des
principaux chefs de la secte jacobiniste vouloient un deux septembre encore
plus expéditif ; c'étoit de braquer les canons sur la maison
de réclusion. Telle étoit sans doute l'intention de Rousselin;
du moins, lors des premières incarcérations qu'il fit faire,
il se permit de dire à un patriote de Troyes: - "Vois-tu ces
scélérats que j'ai fait arrêter cette nuit ? Je les
réunirai à deux-cents autres, je les enverrai à Saint-Yon,
et je ferai sauter leurs membres." S'il faut en croire "l'Histoire
du terrorisme exercé à Troyes par Alexandre-Rousselin, et
son comité révolutionnaire, pendant la tyrannie de l'ancien
comité de salut public", il s'était aussi permis quelques
abus de pouvoir: "Une marchande de Troyes lui envoyoit par sa fille
des gants qu'il lui avoit demandé ; le prix étoit de dix
livres. - "Je saurai bien forcer ta mère, lui dit-il, à
les doner pour six francs, en la faisant enfermer." L'officier de
santé, que ses débauches lui rendoit tous les jours nécessaire,
eut pour indemnité une incarcération de sept mois."
Il faut bien que jeunesse se passe, il n'avait que 22 ans, mais menait
Troyes à la baguette!
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Alexandre Rousselin-Corbeau de Saint-Albin |
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Aidé par le couple d'imprimeurs, Rousselin change de nom, ils se "chargeront de le faire adopter par le lieutenant-colonel de Corbeau de Saint-Albin, cette même année 1809" puis, aidé par un sien cousin, le libraire témoignera du décès de Rousselin à St Domingue et du remariage de sa femme avec le tout nouveau sieur Corbeau de Saint-Albin. Le premier mari d'Henriette était faussaire, le second reprit la boutique, l'épouse et les pratiques. Alexandre Rousselin-Corbeau de Saint-Albin se montra reconnaissant: le commis se trouva embauché quelque temps au ministère de la Guerre, pistonné par l'ancien révolutionnaire. De commis de librairie, le voici fonctionnaire. Mais la reconversion n'est pas terminée. La fille des Grandjean épousée, le commis de libraire & fonctionnaire embrassa aussi le métier de ses "beaux-pères" en devenant aussi oculiste. C'est lui que cite la Biographie liégeoise: "Il a laissé pour son successeur M. Masson-Grandjean, son élève et son parent." En fait, Jean-Baptiste Masson-Grandjean était né Masson d'un père qui se nommait aussi Masson: "Jean Baptiste, fils légitime de Nicolas Masson, mayre royalle, et de Jeanne Riel de cette paroisse (Dommartin le Franc, Haute Marne) est né de légitime mariage le 21 juin de la présente année (1766)..." Schéma classique: un Masson et une Riel sont parrain et marraine, il n'a aucun lien de parenté avec les Grandjean. |
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Il semblerait que Jean-Baptiste
Masson, en reprenant la clientèle des Grandjean en ait aussi repris
le nom prestigieux. C'est plus facile de percer au cirque quand on s'appelle
Zavatta, à la banque si on est né Rotschild et chez les oculistes
si on se dit Grandjean, même si la science médicale n'a été
acquise qu'en épousant la "fille" d'opérateurs célèbres.
Un peu plus tard, il n'est pas interdit de penser que quelques entrefilets
dans les gazettes aient aussi été des coups de pub déguisés:
dans le journal de Paris, 1810: "Cet opérateur
aussi modeste qu'habile s'est montré le digne successeur de son prédécesseur
le grand oculiste de la cour. Il est impossible d'avoir un succès plus
complet que celui dont je suis l'heureux et miraculeux objet." ou
bien: "La mort d'un oculiste habile, dont
le nom approchait celui de M. Masson Grandjean, qui exerce la même profession,
avec moins de talent, a fait croire à plusieurs de ses amis qu'ils
venaient de le perdre; nous adhérons avec plaisir à l'invitation
qu'il nous adresse de les détromper."
Cet entrefilet de 1827 est issu du "Constitutionnel:
journal du commerce, politique et littéraire"
Coïncidence -ou pas- l'ami Alexandre Rousselin-Corbeau de Saint-Albin
était justement l'un des membres fondateurs de ce journal, créé
au début de la Restauration. Les bonnes relations avec Rousselin sont
encore prouvées lors du remariage en 1815 de Jean-Baptiste Masson-Grandjean
avec Justine Fany Aglaé Hainguerlot. Marie Clémentine Espérance
Tremolety de Montpezat de Bucelly figure parmi les témoins au contrat
de mariage; elle n'est autre que l'épouse de Rousselin-Corbeau de Saint-Albin
qui est aussi présent. Le monde est petit (mais les noms sont bien
longs) !
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Jean Baptiste Masson, dit Grandjean,
avait l'art de choisir des relations pour le moins toniques. On le retrouve
en 1832, dans une affaire de potion qualifiée de "remède
secret", en compagnie d'un pharmacien,
M. Buisson, d'un sieur Mahon et d'une dame Fromard: "Le
Tribunal correctionnel de la Seine a adopté dans plusieurs cas, sur
la vente de remèdes secrets, une jurisprudence favorable qui n'est
point toujours partagée par la chambre d'appel de la Cour royale. Mme
Régent, veuve Fomard, débitante d'une pommade anti-ophtalmique,
M. Masson Grandjean et M. Mahon, qui ont vendu ou annoncé d'autres
pommades pour les yeux, comparaissaient devant la Cour, sur l'appel interjeté
par le ministère public d'un jugement
qui les a renvoyés de la plainte.
Les motifs d'acquittement à l'égard de Mme Fromard sont qu'il y a eu pour sa pommade une autorisation anciennement délivrée. A l'égard de M. Masson-Grandjean, qu'il n'a fait qu'appliquer aux maladies des yeux une pommade qu'il fait préparer par le sieur Buisson, pharmacien; et enfin, à l'égard de M. Mahon, que cet officier de santé a fait divers traités avec les hospices pour la fourniture de médicamens qui ne peuvent être séparés de ses traités. M. Pécourt, avocat général, reconnaissant que les pommades dont il s'agit ne sont point des remèdes secrets, mais plutôt des cosmétiques composés de substances connues, et qui ne peuvent être nuisibles, a renoncé à soutenir la prévention. M. Victor Augier, avocat des prévenus, s'est borné à de simples conclusions. Le jugement a été purement et simplement confirmé." Gazette des Tribunaux dimanche 29 avril 1832 |
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On trouve le pharmacien Buisson
dans l'Almanach général de médecine pour la ville de
Paris 1845, "pharmaciens établis" page 373: "Buisson
(Louis-Germain), 7 nov. 1818 ex-pharmacien aux armées de l'Empire,
faubourg Montmartre, 10". Une autre source
indique que Louis Germain Masson aurait été,
non ex-pharmacien aux armées de l'Empire,
mais "ancien officier de santé de
la vieille garde impériale" Laure
Junot d' Abrantès
Il avait repris l'officine de Louis Pacthod, qui figure dans les Almanachs précédents, pharmacien au n°12 du même faubourg Montmartre. Louis Pacthod resta en bons termes avec son repreneur, puisqu'il était l'un des témoins de son mariage. |
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Le symbole suivant le nom du pharmacien indique qu'il avait été décoré de la Légion d'Honneur, comme Masson-Grandjean, cité avec la même médaille dans "l'Almanach des 25,000 adresses des principaux habitans de Paris" cependant, on ne retrouve ni l'un ni l'autre dans la base "Léonore". Pour faire comme ses illustres prédécesseurs, en 1817, l'oculiste avait aussi posé sa candidature pour le cordon de St Michel. Maison du Roi. Distinctions honorifiques sous la Restauration O/3/814 Jean Baptiste Masson-Grandjean et Louis Germain
Buisson étaient très proches: le pharmacien avait épousé,
le 30 novembre 1818, l'année même où il se fixait
comme pharmacien, une cousine de l'imprimeur-oculiste: Marie Crescence
Aimée Masson, fille de Claude Nicolas Masson et d'Aimée
Marguerite Gillot, née le 2 juillet 1788, paroisse Sainte-Madeleine
de la Ville-l’Évêque, un bourg proche de Paris qui
deviendra quelques années plus tard le Faubourg St Honoré.
Rien de bien exceptionnel dans ce qui précède: un ancien pharmacien militaire qui s'installe dans le civil et prend épouse; une petite affaire de rien du tout à propos d'un médicament qui aurait eu "une certaine tendance au surnaturel" comme on l'a vu plus haut; pas bien méchant puisqu'ils furent acquittés deux fois. |
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Il suffit de remonter deux années plus tôt,
en 1816, pour trouver M. Buisson, "ancien officier de santé
de la vieille garde impériale (maintenant pharmacien rue Montmartre
10)", dans une insurrection autour de la présence supposée
de Marie Louise et du Roi de Rome, alors âgé de cinq ans,
Napoléon II fantasmé. A noter que l'on trouve aussi un
Guillot (de la Mure et non de Verdun) parmi les conspirateurs. "Le
quartier général fut fixé à La Mure, gros
bourg à quelques lieues de Grenoble et dans la montagne"
qui avait vu passer Napoléon, une année auparavant. |
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" Vers la fin du mois de mai 1816, on entendit
parler sourdement d'une insurrection dans les montagnes du Dauphiné
qui avoisinent Grenoble. On disait que l'impératrice Marie Louise
était à Genève avec le roi de Rome, et que plusieurs
maréchaux et la plupart des lieutenans généraux
étaient d'accord pour ramener le royal enfant aux Tuileries,
et que plusieurs maréchaux étaient déjà
à Grenoble.... Il y avait alors à Grenoble un homme de
tête et de cœur. Cet homme était un avocat, nommé
Didier. Il se mit à la tête du mouvement, excité,
dit-on, par cette nouvelle... Le quartier général fut
fixé à La Mure, gros bourg à quelques lieues de
Grenoble et dans la montagne. Il s'adressa aux familles les plus influentes
du canton; et celle de Guillot, de la Mure même, fut celle qui
lui fournit le plus de ressources... La famille Guillot accepta toutes
les chances de danger dès qu'elle entendit le nom de Napoléon
II. Cent hommes armés par elle, et pris parmi des paysans qui
étaient de ses terres, formèrent la première base
de cette troupe qui devait plus tard trouver la mort sous les murs de
Grenoble. Louis Germain Buisson fut peut être inquiété,
mais, malgré son rôle de meneur, il échappa à
la guillotine, puisqu'on le retrouva deux années plus tard, marié,
établi à Paris et en bonnes relations avec le sieur Masson-Grandjean.
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"Telle est aujourdhui la situacion
de la Veuve Jeansucre, à laquelle la Police- nacionale devrait
ôter son Fils: C'est le voeu des Citoyéns qui les connaissent:
car l'Enfant, malgré sa mauvaise éducacion, promettait beaucoup
!"
Enfin quelqu'un de bien, dans cette famille digne du marquis de Sade (par ailleurs, soigné par les Grandjean et peu apprécié de Restif). Le fiston mourut jeune à 22 ans; il promettait beaucoup, d'après la nouvelle Sanseverote Rustane. Hélas, dans une autre nouvelle: "La Mère-Gâteau" , Restif de la Bretonne met en scène l'enfant, la mère: Henriette Dollan et le père: Jean François Hubert Guillot, sous la presque anagramme de Bloutil (Guillot où G devient B). Guillot ne s'y est d'ailleurs pas reconnu: "10 8b. Presque rien. Corrigé à l’imprimerie un remanîment sur E Françaises. Guillot a reconnu Bastien dans Nesbat (Mère Gâteau), mais il ne s’est pas reconnu dans Blantil (Bloutil)." Mes Inscriptions |
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Dans cette nouvelle, le jeune Jean (prénom
du père) Baptiste (du commis libraire Masson), Henri (grand père),
Guillaume (aussi grand-père?) Guillot, le "Babouin"
et les "Babouines", ses voisines en prennent pour leur grade,
résumons : Sur ce site: les frères Grandjean et leur famille chez Restif de la Bretonne, textes des nouvelles Vous trouverez de nombreux autres documents dans
l'article de M. Glaumaud: Sanseverote Rustane ou la Vve Jeansucre, paru
dans la Revue Études rétiviennes N° 47, décembre
2015, dans lequel j'ai picoré plus que de raison, avec l'accord de
l'auteur auquel j'ai soumis cette page avant parution. |
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Voici quelques épisodes des deux vies
des frères Grandjean à Paris. Reste à savoir s'ils
ont importé leurs pratiques libertines à la Chapelle Rablais,
petit village de la Brie. Y ont-ils seulement résidé?
A l'époque, la Haute Borne n'était plus qu'un nom de fief
et les Moulineaux une grosse ferme occupée par la famille Vincent,
pas de trace d'un pavillon comme aux Farons ou d'un château comme
aux Moyeux. Pourtant, on trouve trace de l'aîné :
"...parmi les nobles appelés en 1789
pour la nomination des députés aux Etats généraux,
nous voyons figurer Henri de Grandjean de Haute Borne, écuyer,
chirurgien oculiste du roi, chevalier de son ordre et du Saint Empire,
en qualité de possesseur des fiefs de Haute Borne et des Molinots,
sur les territoires de la Chapelle Rablais et de Fontains."
site de Fontains Lien vers la page: Eleonore Vergeot
Quelques sources: Correspondance avec M. Jean Paul Glaumaud qui m'a fait découvrir les deux facettes des frères Grandjean et qui m'a transmis les actes de naturalité, d'anoblissement et d'inféodation, ainsi que les copies d'écran des Femmes nationales. Qu'il en soit encore une fois grandement remercié. Publications de M. Glaumaud: La revue Études rétiviennes N° 47, décembre 2015 (266 pages) Sanseverote Rustane ou la Vve Jeansucre Almanach Forain ou différens spectacles
et foires de Paris avec un catalogue, etc. (année 1773) sous la rubrique
«Nouveaux Boulevards» Décès d'Etienne Baudisson Nomination des députés aux
Etats Généraux Extrait de Etat pour la maison du Roi
1° juin 1766, site en anglais: Notices sur les oculistes Gandjean Ordre de St Michel Correspondance de Voltaire, lettre du 12 juin 1771 adressée à l’archevêque d’Aix-en-Provence Citation de Beaumarchais: La Mère coupable, acte I, scène IV Plans de Paris L'année des dames nationales Histoire
jour par jour d’une femme de France, 1791-94, 12 vol. in-12, 3 825
pages Notices sur le libraire Guillot sur le
site de la BNF et... Dénonciation par la Reynie: Révolutions de Paris dédiées à la nation et aux districts..., Louis-Marie Prud-homme, 1792. Cf. aussi Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution par Maurice Tourneux, Paris, Imprimerie nouvelle, 1890-1913, tome 2, p. 610 Sur les guillotinés et la famille
Sanson Répertoire numérique des
archives du Châtelet de Paris Série Y Tome 2: les commissaires A propos de de Jean Baptiste Masson (Grandjean) Alexandre Rousselin-Corbeau de Saint-Albin
: Catalogue raisonné de Nicolas Bernard
Lépicié Fermier des Moulineaux Eleonore Vergeot sur ce site A propos d'Anne Louis Guerchy: |
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