Une recette de l'inspecteur des forêts à
Villefermoy
Hâtelet de lapin à la Villefermoy
Cela dit, nous allons maintenant faire connaître et apprécier les trésors gastronomiques que le lapin offre avec profusion à quiconque sait lui ouvrir une casserole hospitalière, un moule à pâté intelligent...
Hâtelet de lapin à la Villefermoy
Levez les parties les plus charnues d'un
ou de plusieurs bons lapins. -les filets et les cuisses-. Coupez-les en rondelles
ou bouchées de l'épaisseur du petit doigt; on peut les aplatir
un peu. Prenez une brochette en bois de la grosseur d'un tuyau de plume et
d'environ 25 centimètres de long, si vous n'avez pas de brochette en
argent, enfilez par le milieu, un morceau de lapin, après une rondelle
de lard mince et bien frais, suivie d'un autre morceau de lapin puis de lard
en alternant ainsi le lard et la viande, jusqu'à ce que la brochette
soit garnie sur une longueur de 20 centimètres.
Assaisonnez un ou deux œufs avec sel, poivre, fines herbes et quelques
champignons hachés le plus menu possible; battez le tout, comme pour
faire une omelette; trempez-y votre brochette: lorsqu'elle est bien enduite,
roulez-la dans de la mie de pain à panure jusqu'à ce que la
brochette ait à peu près la forme d'une andouillette. Cela fait,
beurrez bien une feuille de papier pour en envelopper vos brochettes et mettez
sur le gril. Servez très chaud.
Lorsque je fis offrir, pour la première fois, des hatelets de lapin
à quatre convives d'élite, Albert L... et sa charmante femme,
Paul Dup... et son excellent ami Henri P..... ils nous furent servis sous
le nom de "Hâtelets à la Villefemoy". Je racontai modestement
que tout le mérite de l'invention revenait de droit aux Arabes que
j'ai vu maintes et maintes fois faire cuire des brochettes de rognons découpés
où la graisse de mouton remplaçait le lard interdit aux sectateurs
de Mahomet.
-Vos hatelets, se mit à me dire gracieusement M. Albert, sont parfaits
: c'est une perle de plus que vous avez ajoutée à l'écrin
déjà si riche de la cuisine française. Seulement à
cause de leur origine, je propose de les appeler, à l'avenir: Hatelets
à la Krumir.
(Le hâtelet est le nom donné à une broche utilisée pour rôtir de petites pièces de viande au XVIII° siècle. On trouve souvent sur cette broche un motif évoquant la chasse.)
Adolphe de la Rüe, ancien inspecteur des forêts de la Couronne (dont Villefermoy) Trente et une manières de manger le lapin 1883
L'Eclaireur de Coulommiers du 5 septembre 1895 relate un pari engagé par "Delarue, ancien conservateur des forêts de Seine et Marne" s'engageant à ne présenter que des plats de lapin à ses convives. Cependant, on peut douter de la véracité de cet article où sont servis ensemble des myrtilles, de nèfles, des cèpes, des châtaignes, des topinambours et des pommes que l'on récolte en automne, en même temps que des fleurs d'acacia à la floraison éphémère et fragile, en mai.
Je ne connais qu'une viande dont on ne
fatigue jamais et je parie ma meilleure chienne d'arrêt contre une barrique
de Bouzy-Moët, qu'avec le lapin seulement et les végétaux
de la forêt, je ferais préparer un dîner pour six personnes...
Potage : Purée de gibier aux croûtons
Hors d'oeuvre : Thon de lapin mariné à l'huile; petites timbales
aux filets-mignons de lapins, aux fines herbes et aux champignons
Relevé : Hattelets de lapins à la Villefermoy
Entrées : Pâté chaud, côtelettes de lapin panées
à la Riffaudière
Légumes : Pointes de houblons en petits pois
Rôti : Lapereaux frais aux châtaignes et aux cèpes, choisis
au point exact de la jeunesse et de la maturité
Salade : Macédoine de coeurs de pissenlits, cubes de blancs de lapin
rôti, de pommes vertes et de topinambours, oeufs durs de faisan
Entremets : Tartelette aux myrtilles, friture de fleurs d'acacia au sucre
Dessert : Couteau de miel sauvage; compote de pommes, noisettes, fraises,
framboises et nèfles
Café au gland grillé, kirsch, ratafia à la prunelle noire.
Pour assurer l'indépendance des juges et mettre les intéressés
à l'abri des hallucinations et des bizarreries de l'estomac, on convint
qu'après chaque plat servi à la russe, les cinq convives exprimeraient
au scrutin secret les diverses nuances de leur mécontentement ou de
leur satisfaction... il en résulta que l'honorable marquis de C.. en
fut pour sa barrique de Bouzy (134 points sur 200)
31 manières de manger le lapin, introduction
Dossier sur la chasse à la Chapelle Rablais
Adolphe de la Rüe, qui fut inspecteur de la
forêt de Villefermoy sous Napoléon III ajouta à ses
talents de gestionnaire et de chasseur celui d'écrivain. Quelques
éléments de son oeuvre prolifique sont au catalogue du site
Gallica, de la BNF; on en retrouvera des extraits au fil des pages sur la
chasse dans la forêt de Villefermoy sur ce site.
L'une des ses missions aurait dû être d'éradiquer l'expansion
des lapins qui faisaient tant de ravages dans les cultures. Il s'en garda
bien "Détruire jusqu'au dernier des lapins, grand Dieu ! Et
nos chasses aux bassets, au furet, à gueules ouvertes, en battue,
à la surprise et à la bourse ! Et les charmes si grands d'une
chasse aux lapins qu'on ne tire jamais deux fois de la même manière,
avec un bon épagneul, dans de jeunes taillis, où comme entrefilet,
il vous part un chevreuil, une bécasse ou un faisan ! Et puis, est-ce
que la vie à la campagne serait supportable si nous n'avions plus
un seul lapin ? Mais ce serait à y mourir d'ennui !...."
Comme Parmentier, rusant pour faire apprécier la pomme de terre,
de la Rüe écrivit un livre de cuisine pour inciter les belles
personnes à déguster ce plat du pauvre...