La Chapelle Rablais dans
la Capitainerie de Fontainebleau/1
"L'Homme dans l'état d'innocence
avoit un pouvoir absolu sur tous les animaux, ils lui étoient fournis
& n'avoient garde de l'attaquer. Sa chute lui fit perdre cet empire. Ainsi
la Chasse est aussi ancienne que le monde..." Après
quelques détours par les temps antédiluviens viennent, dans
le "Traité de la Police" de 1710, les sérieux paragraphes
de jurisprudence qui nous intéressent:
"Les uns ont prétendu que suivant les dispositions du Droit Romain,
la chasse doit être libre à chacun du moins sur ses terres &
ses héritages. Les autres ont soutenu au contraire que la Chasse n'appartient
qu'au Souverain."
Nicolas de la Mare, Traité de la Police, 1710
Les Romains accordaient à tous le droit de chasse,
mais, dès que son pouvoir s'affirma, le Roi de France s'attribua la
propriété exclusive des animaux sans maître
"le droit de les tuer et de se les approprier faisait partie des attributions
de celui-ci, et que les seigneurs n’en jouissaient que comme simples
concessionnaires." Bulletin de la société
archéologique de Seine et Marne 1866
Le Roi défendit absolument aux laborieux
le droit de chasser : "une seule chose
étoit à craindre, que l'attrait du plaisir, ou l'avidité
du gain ne portassent les gens mécaniques à négliger
leurs professions pour s'addonner à la Chasse. Mais nos Rois y ont
pourvû en deffendant aux Laboureurs, aux Marchands, & aux Artisans
de chasser. Par ce point de discipline, qui regarde encore bien precisément
la Police, ils ont conservé l'Agriculture, le Commerce & les Arts."
Le Roi accorda le droit de chasser à
ses nobles afin de les entraîner à la guerre: "Platon
nomme la chasse un exercice divin & l'école de la jeune Noblesse,
pour la fortifier & l'élever aux vertus militaires; Aristote dans
ce même esprit conseille de s'y appliquer, si l'on veut se rendre propre
à porter les armes pour la défense de sa patrie... La seureté
publique s'y trouve affermie par la diminution du nombre des Lions, des Ours,
des Loups, & des autres bestes feroces qui la pouroient troubler; &
encore plus par la valeur des Héros qui se forment dans ce noble exercice,
& qui s'y accoûtument à soutenir les fatigues de la guerre
& à deffendre l'Etat contre les ennemis."
Traité de la Police 1710
L'autorisation de chasser qu'il avait donnée à ses nobles,
"simples concessionnaires",
le Roi pouvait la reprendre dès lors qu'il était assez puissant
pour se faire obéir et que cela touchait à ses "Plaisirs".
"Charles le Chauve poussa cette précaution
jusqu'au point que de fixer par une Ordonnance de l'an 877, un certain nombre
de Forests dans lesquelles il ne seroit pas permis à aucun Seigneur
de sa Cour, pas même au Prince, son fils de chasser." Traité
de la Police 1710
Certaines zones dont la chasse était
réservée au roi ou à ses comtes se nommèrent
"foresta" "Les rois mérovingiens,
grands chasseurs, avaient constitué des réserves non loin
de leurs résidences. Il se peut que le mot Foresta qui apparaît
au VII° siècle, désigne des districts réservés
aux chasses royales. Les princes avaient le privilège d'abattre les
bêtes fauves, aurochs, ours, sangliers.." Duby
C'est sous ce vocable que la Chapelle Rablais apparut
pour la première fois en 1175, cent ans avant la première
mention d'une chapelle "Capella de Erableyo"
: "Foresta de Herablen". Forêt d'érables disent certains,
ce qui me semble sujet à caution, voir la page qui traite des origines
du nom dans le chapitre consacré aux origines du village:
Aux temps de la monarchie absolue, les zones de chasses des rois furent protégées, au delà même des possessions royales: "Comme ce qu’on permet peut, le lendemain, être défendu, un roi se trouva, Louis XI, qui interdit la chasse à tous, nobles comme vilains, mais il rencontra une opposition désespérée, et dut, malgré le déploiement d’une sévérité inouïe, renoncer à ce projet qui fut, suivant les chroniqueurs du temps, une des principales causes de la guerre du Bien public. François I° reprit l’œuvre de Louis XI d’une façon moins radicale, mais plus durable; il ne s’appropria la chasse que sur certaines surfaces déterminées; pour la garder il commit des officiers appelés Capitaines des chasses du roi, d’où le nom de Capitainerie donné aux réserves royales." Bulletin de la société archéologique de Seine et Marne 1866
Parce que, comme la moitié du territoire du département actuel de Seine et Marne, la Chapelle Rablais faisait partie de l'une de ces Capitaineries: Nemours, de l’apanage du duc d’Orléans; et surtout celles du Roi: Corbeil, Livry, Montceaux, la Varenne de Meaux et Fontainebleau. La Chapelle Rablais était englobée dans celle de Fontainebleau, bien que le palais en soit éloigné de vingt cinq kilomètres et séparé du massif forestier de Villefermoy par la Seine. Pourtant, les propriétaires, comme les petits paysans, subissaient les contraintes liées à la Capitainerie.
Edit de novembre 1687
Louis par la grace de Dieu, Roi de France
& de Navarre: A tous présens & à venir; Salut.
Il s'est mû diverses contestations depuis quelques années au
sujet des limites de la Capitainerie des Chasses de Fontainebleau, entre nos
Officers & ceux qui possèdent des Terres dans l'étendue
du Baillage de Melun & autre lieux & environs, lesquelles contestations
ayant été portées par devant Nous, Nous aurions fait
examiner avec soin les Titres de ladite Capitainerie, & les Mémoires
fournis par les Seigneurs Particuliers desdites Terres, & après
avoir pris une entière connoissance de toute l'étendue d'icelle,
& de ce qu'il convient conserver pour notre plaisir de la Chasse, Nous
avons résolu d'en marquer la circonférence par des bornes immuables
qui ne puissent laisser aucun doute, afin qu'à l'avenir nos Réglemens
& Ordonnances sur le fait des Chasses, y soient inviolablement observez.
A ces causes, de notre propre mouvement,
pleine puissance & autorité Royale, Nous avons par ce présent
Edit perpétuel & irrévocable, très-expressement prohibé
& défendu à tous Seigneurs, Gentilhommes, Hauts-Justiciers,
& autres de quelque qualité & condition qu'ils soient de chasser,
ni de faire chasse dans toute l'étendue de ladite Capitainerie de Fontainebleau,
à commencer depuis la Ville de Melun le long du ruisseau des trois
Moulins, ou de Bretignou jusqu'à Fontenailles, & le long du même
ruisseau jusqu'à la Chapelle Rabelais & Gerchy par les grands chemins,
à Forges & à Montreau- Faut- Yonne, de là à
Dormeil, Nanteau, Nonville, & remontant à Grez (sans entrer dans
la Capitainerie des Chasses du Duché de Nemours marquée par
notre Réglement du 15 septembre 1677 auquel nous n'entendons préjudicier)
aller à la Chapelle la Reine, Feuillard, Noisy & Milly, puis le
long du ruisseau de l'Ecole jusqu'à Ponthierry, & de Ponthierry
le long de la Rivière de Seine à Melun....
Edit de novembre 1687 AD77 146 J 3
Le texte des Edits et Arrêts de 1687 1698 1700 1768
La carte fixant les limites Nord de la Capitainerie
Sur cette carte manuscrite dessinée pour régler les "diverses
contestations depuis quelques années au sujet des limites de la Capitainerie
des Chasses de Fontainebleau", en 1687, on peut reconnaître,
sous "confins & limites de la Capitainerie
des Chasses de Fontainebleau", le village de la Chapelle Rablais
(que représente ce gros bâtiment situé près d'une
église éclairée de hublots? les Moyeux, le presbytère?),
le hameau des Montils, les fermes de Frévent, les Gargots, la Noue,
Fresnières, un "chemin conduisant à
Forges & à Montreau" et l'extrémité
du ru de Brétignoust... assez exactement placés. Archives
départementales de Seine et Marne cote H 305-1
La délimitation de la lisière
Nord de la Capitainerie de Fontainebleau donna lieu à trois textes,
sous Louis XIV:
En novembre 1687: "...depuis la Ville de Melun
le long du ruisseau des trois Moulins, ou de Bretignou jusqu'à Fontenailles,
& le long du même ruisseau jusqu'à la Chapelle Rabelais &
Gerchy par les grands chemins, à Forges & à Montreau Faut
Yonne..."
Le 9 novembre
1698: "...depuis la Ville de Melun jusqu'à
Fontenailles, en suivant le Ruisseau des trois Moulins, sans avoir égard
à la dénomination du Ruisseau de Brétignou; dudit Fontenailles
à la Chapelle Rabelais, Petit Villeneuve, les Bordes, Villeneuve le
Comte & Gurcy, nonobstant que ledit Village de Gurcy ait été
dénommé Guerchy; dudit Gurcy à Montigny, & le long
des Bois de Montigny, & Coutanson par les grands chemins à Forges
& Montreau..." AD77 146J3
Le 20 décembre 1700: "...il n'y avoit point
de lieu nommé Guerchy, mais Gurcy, qui se trouve près de deux
lieues au delà desdites limites; sa Majesté auroit ordonné
qu'elles seroient portées de la Chapelle Rabelais au Petit Villeneuve
les Bordes, Villeneuve le Comte, Gurcy, Montigny & le long des bois de
Montigny à Coutanson, par les grands chemins à Forges &
Montreau..."
Passez la souris sur la carte pour localiser Guerchy en vert et Gurcy en rouge, fond de Cassini, plan de gauche: limites capitainerie 1687
Guerchy -Gercy, Guierchÿ, Quercy- se trouve sur plusieurs cartes du XVII° siècle: Description du Pais de Brie, par Damien de Templeux en 1619, Carte de Brie de Tassin en 1638, le Pais de Brie par Guijelmus Blaeu en 1663; d'autres encore qui se sont presque toutes copiées, et où la localisation et l'orthographe des lieux laisse très souvent à désirer. Que l'on observe Blaeu ou Templeux, on s'étonne de trouver Villefermoy au sud de la forêt, plutôt qu'au Nord, Valjouan se glissant entre Villefermoy et Nangis; un ruisseau, celui de la vallée Javot, remontant jusqu'à Nangis, et arrosant la Chapelle Ablais, qu'il figure sur la mauvaise rive, mais qui ne passe pas à Coutençon; Montigny Lencoup progresse de quelques bons kilomètres vers l'ouest et apparaît un mystérieux "le Vaux" au dessus de "le Vivier le Compte", certainement "Villeneuve le Comte", ancien nom de Villeneuve les Bordes. Passez la souris sur la carte....
Au XVIII° siècle, les cartes se font plus précises, mais se révèle encore une confusion, celle du hameau de Guerchy, qui se serait niché à l'extrémité nord- ouest de la forêt de Saint Germain et le village de Gurcy, éloigné d'une dizaine de kilomètres: "Gurcy, qui se trouve près de deux lieues au delà desdites limites..."
En 1731, l'abbé Guilbert trace une "Carte
de la forest de Bierre dite de Fontainebleau et ses environs... avec les
noms des seigneurs à qui appartiennent les terres qui y sont enclavées."
En bordure Est de sa vaste carte figure "la Chapelle Rablais au marquis
de Nangis", Louis de Brichanteau que nous avons déjà
rencontré et "Guerci" au Comte de Brichanteau" titre
qui désigne le seigneur de Gurcy.
Depuis cette époque, on y a encore enclavé, sur la rive droite de la Seine, un territoire d'environ quatre lieues de long sur autant de large; à l'effet de quoi l'on a établi un second siège de Juridiction au Châtelet en Brie, avec Lieutenant, Officiers et Gardes. La Capitainerie dès lors a porté le nom de Capitainerie de Fontainebleau, Bois et Buissons de la Brie: au moyen, de tous ces accroissemens, elle envahit environ, six cent lieues quarrées de pays." Essai sur les capitaineries royales 1789 AD77 ref 8[4490
Les propriétaires demandaient aussi
qu'il soit "par le Géographe-Arpenteur
de Sa Majesté, en la Maîtrise des Eaux & Forêts de
Fontainebleau, procédé à la levée d'un nouveau
Plan général de l'étendue de ladite Capitainerie".
Le tracé étant fixé, le Roi précisa: "ordonne
Sa Majesté que pour fixer les limites de ladite Capitainerie, conformément
auxdits Edit de 1687, Arrêt de 1700, & au présent Arrêt,
il sera planté des Poteaux avec inscription, portant, LIMITES DE LA
CAPITAINERIE DE FONTAINEBLEAU; sçavoir, à l'extrémité
occidentale de la Forêt de Saint Germain-Laval, où étoit
ci-devant le Hameau de Guerchy, à la tête de la Chaussée
de l'Etang d'Echou, à l'extrémité du Territoire appellé
de l'Archevêque, dans l'angle du chemin d'Echou à Montereau,
à l'encoignure des bois appellés les Apentils, au carrefour
du chemin de Montpertuis à Platbuisson, & au carrefour du chemin
de Platbuisson aux Ormeaux, ou Villaron, & autres endroits adjacens."
Arrest du Conseil du Roi... AD77 146 J27
Comme d'autres petites places fortes, et villes neuves, Guerchy comme Gurcy se trouvaient à la lisière de la Grande Haye de Brie, ayant séparé le domaine royal du comté de Champagne, dont des vestiges servaient encore à délimiter la seigneurie de Nangis: "qui est depuis le Grand Chemin Paré, qui passe par Châteaubleau, et de là tenant à Pécy, et depuis Pécy jusqu'à Courpalay, et dudit lieu par devers Grandpuits et le hameau du Feuillet... de là, suivant le long de la Haye de Brie, jusqu'à la Pierre du Compas et dudit lieu, suivant toujours la Haye de Brie, jusqu'à Valjouan." Ernest Chauvet
Si, effectivement, Guerchy n'était pas Gurcy, ce devait être
un fief suffisamment important pour être noté sur les cartes
anciennes, mais dont le fort n'a pas laissé de traces: une motte
castrale entourée de fossés comme celle de Gurcy (encore!)
dont les ruines subsistent à Chalautre la Reposte: "...la
Mothe, sur le territoire de Chalautre plusieurs fois détruit et reconstruit.
Le sol est encore couvert de ruines qui fixent l'attention des archéologues..."
Monographie de Chalautre-La-Reposte 1888 AD77 30 Z 67
La Pierre du Compas figurait encore sur le plan d'Intendance:
"Contrée de la Pierre du Compas et du Rüe Guérin",
du nom d'une ferme disparue à l'extrémité ouest des
Montils. On en trouve aussi mention sur le cadastre napoléonien,
ci-contre.
Dans le rôle des vassaux de Gautier Cornu, établi en 1282,
Guerchy, pas plus que les hameaux du sud de la paroisse ne figurent, faisant
probablement partie des possessions de l'abbaye de St Germain des Prés,
par contre, on y trouve mention de la Haie de Brie:
".. En lan de grâce mil cc iiiixx xii.
Ce sunl li cens mon seigneur Gautier Le Cornu receus le jor de la Saint
Remy à La Chapelle de Erabloy tueus qui les des terres mestre Gautier
le Cornu: ...Agnès, de Foreteilles, xxvii d. por iiij arpenz et demi
vers la haie; item, xxv. d. o. por iiii arpenz et i quartier quele tient
à La Flatouere..."
Le défrichement de la Grande Haye a été évoqué
dans le chapitre consacré à la création du village
au Moyen Age.
Sur même territoire vivaient des paysans tirant leurs revenus de
leurs champs, des marchands de bois, et de riches chasseurs souhaitant l'accroissement
des forêts. Leur cohabitation ne se fit pas sans heurts: on en trouve
traces dans les archives du petit village de la Chapelle Rablais, en Brie,
depuis le règne de Louis XIV jusqu'à l'orée du XX°
siècle...
Trois documents furent à la base de cette recherche, tous traitant
des rapports entre cultivateurs et chasseurs: une carte manuscrite du XVII°
siècle faisant figurer la Chapelle Rablais dans les limites de la
Capitainerie de Fontainebleau, une protestation des habitants en 1789 contre
l'extension des friches et des bois, et une série d'articles du journal
"le Briard" en 1892, dénonçant les pratiques scandaleuses
du comte Greffulhe sur son territoire de chasse. Les dix pages à
venir n'ont pas d'autre prétention que celle d'explorer des pistes
à partir de ces documents.
Au
secours ! Quelqu'un aurait-il une copie de la "carte topographique
de la partie de la capitainerie de Fontainebleau du costé de
la Brie" par Jacques Dubois, géographe et arpenteur du Roy,
dessinateur ordinaire de ses jardins, 1730. Merci à la Société
d'Histoire du Châtelet pour m'en avoir fait décourvrir
une partie. Cliquez sur la bouée pour plus de détails. Merci d'avance. |
La paroisse de la Chapelle Rablais était incluse dans
les Bois et Buissons de la Brie de la Capitainerie
de Fontainebleau. Les paragraphes suivants de cette page traitent des problèmes
de délimitation.
Si vous préférez, vous pouvez sauter à la page suivante
pour découvrir les contraintes dûes à la Capitainerie,
tant pour les chasseurs que pour les cultivateurs.
La Chapelle Rablais dans la Capitainerie de Fontainebleau /2