Charles de la Brière, seigneur des Moyeux, châtelain de la Chapelle Rablais, "gentilhomme servant de son altesse sérenissime Monseigneur le duc d'Orléans" n'avait pas trop à craindre les rigueurs des gardes, étant lui-même officier de la Capitainerie de Fontainebleau.
Vers 1650, le comte de la Chapelle Gauthier, "Messire Gabriel Thiboust de Berry, chevalier, comte de La Chapelle, conseiller du roi en ses conseils, maréchal de ses camps et armées, gouverneur du château de Fontainebleau et de la forêt de Bière, capitaine des chasses, grand forestier et maître particulier des eaux et forêts du bailliage de Melun" (1), donc à la tête de la Capitainerie de Fontainebleau, "y fit comprendre sa terre de la Chapelle Gauthier, pour s'épargner de payer ses gardes..." (2)
(1) Félix Herbet Dictionnaire
Historique et Artistique de la Forêt de Fontainebleau
(2) 1789 mémoire sur les capitaineries et principalement celle de
Fontainebleau AD77 J 379
Succédant à son père, messire Louis Thiboust de Berry démissionna en février 1656 des "charges et offices de capitaine, garde et gouverneur de la forêt de Bière, bourg et château de Fontainebleau en faveur de François-Gaspard de Montmorin, marquis de Saint-Hérem, conseiller d'Etat et grand louvetier de France" début d'une lignée de Capitaines des chasses dont le dernier membre ne s'éteindra qu'en 1792 au cours des massacres de septembre. AD Vendée11 J 17, pièce n°11
Si le comte de la Chapelle (Gauthier) avait
jugé opportun d'englober ses terres dans la Capitainerie de Fontainebleau,
d'autres seigneurs étaient loin de partager ses vues: "Un
comte de la Chapelle qui en étoit gouverneur, y fit comprendre sa terre
de la Chapelle Gauthier, pour s'épargner de payer ses gardes &
fit par là le malheur de tous ses voisins. Depuis cette époque
plusieurs seigneurs ont eu le crédit d'en faire sortir les terres de
la Borde, Varenne, Saint Germain; Laval &c"
1789 AD77 J 379
D'où litiges sur les limites de la Capitainerie comme nous l'avons
vu à la page précédente, et florilège de libelles
et pamphlets contre cette institution, à la veille de la Révolution,
à l'initiative des riches propriétaires: "Observations
sur les capitaineries" 1788 anonyme à Bruxelles, "Essai sur
les capitaineries royales" 1789 par Gilles Boucher de La Richarderie,"
Mémoire sur les capitaineries et principalement celle de Fontainebleau
présenté à l’assemblée des trois ordres
du baillage de Melun" 1789... sans compter les doléances des paysans
que nous découvrirons plus loin.
AD77 J 378, J 379, 8[4490
Plus encore que le désagrément
de ne pouvoir chasser, seigneurs et riches propriétaires avaient à
déplorer une baisse importante de la valeur de leurs terres sous le
régime de la Capitainerie des chasses du Roi de Fontainebleau, due,
entres autres, à la prolifération du gibier et aux contraintes
imposées pour sa reproduction, ce qui sera le thème de la page
suivante.
Cette baisse fut particulièrement sensible à la Chapelle Rablais,
ce qui valut à notre village d'être cité dans "L'Ancien
Régime" d'Hippolyte Taine, 1875: "Près
de Fontainebleau et de Melun, à Bois le Roi, à Chartrettes,
les trois quarts du territoire sont en friches... Aux Courtilles, à
la Chapelle Rablais, cinq fermes sont abandonnées... "
Il s'agit des Montils et non Courtilles, Taine ayant recopié sur l'Essai
sur les capitaineries royales de 1789 : "Un cultivateur
nous a appris qu'aux Coutils et à la Chapelle Rablay, autres territoires
enclavés dans la Capitainerie de Fontainebleau, on comptoit jusqu'à
cinq fermes abandonnées. Il n'y a presque pas de canton dans cette
Capitainerie, qui ne puisse offrir des pareilles dévastations."
AD77 8[4490, reprise d'un texte de 1788, Mémoire
sur les capitaineries et principalement celle de Fontainebleau:
"Je connois des paroisses sur cette capitainerie, où le prix de
la location est diminué d'un tiers depuis vingt ans, au point qu'aux
Montils et à la Chapelle Rablay, la diminution de la valeur des terres
est si forte, qu'il y a cinq fermes abandonnées dans ce moment ci."
AD77 J379
Les disparitions de hameaux au cours du XVIII° siècle sont aussi nombreuses, sans que l'on puisse mettre en cause l'exode rural. Mettons de côté la Ricarderie, groupe de masures dépendant des Moyeux attesté en 1650 qui ne figure sur aucune carte; ont disparu depuis le premier cadastre de 1832: la Pilloterie, la Fontaine du Tonneau, la ferme du Ru Guérin, les Petits Montils, le Petit Trenel, le Petit Villeneuve (parfois mentionné sur le plan de Fontains)... Au moins cinq hameaux qui correspondent aux cinq fermes citées: "aux Montils et à la Chapelle Rablay, la diminution de la valeur des terres est si forte, qu'il y a cinq fermes abandonnées dans ce moment ci"
Plus de renseignements sur les hameaux, carte, tableau, sources
Les loups n'étaient pas rares en Brie, voici deux cents ans et plus.
La "masle bête du Gâtinais"
avait terrorisé la région près d'un siècle avant
la fameuse bête du Gévaudan. L'ancêtre du Capitaine des
Chasses, le grand louvetier Gaspard Montmorin de Saint Hérem l'avait
tuée en 1655, à grand renfort de chiens et de gardes: "Enfin,
Monsieur de Saint-Héran, qui prend trente loups par an, a pris cette
beste vilaine, qui mangeait tant de chair humaine... Enfants, Bergers, Femmes,
Pucelles, Qui de frayeurs continuelles, Aviez les pauvres cœurs gênez,
Désormais allez et venez, Vous n'avez plus besoin d'escorte. Puisque
la male-bête est morte." extrait
du poème de Jean Loret En l'an XII
de la République, il se chassait encore cent quatre vingts loups
en Seine et Marne. Napoléon I° vint le chasser le 7 novembre
1807, dans les bois de Châtillon, tout proches de Villefermoy, ayant
logé au château de la Borde, maintenant détruit, accompagné
de "son frère Jérôme,
Murat, le prince de Wurtemberg et les officiers des chasses de Fontainebleau."
article de Th Lhuillier dans Notre Département n°18 avril mai
1991
Quelques habitantes de la Chapelle Rablais, quand elles n'étaient pas marchandes de balais ou de sangsues, s'étaient fait la spécialité de la vente de bagues de St Hubert, grigris vendus sur les foires pour préserver des morsures de loup et de la rage.
Croissez et multipliez, bêtes des champs et des bois! A l'exception toutefois du loup qui présentait encore quelque danger: "Le Loup est le plus dangereux ennemi des hommes, & du bestial, parce que c'est le plus goulu, le plus carnacier, & le plus fin de toutes les bestes feroces." Traité de la Police
Les payasans devaient participer aux battues pour les exterminer, seule occasion légale pour eux de pratiquer la chasse.
Il se chassait encore des loups sous Napoléon III : "Il
s'agissait, cette fois, non seulement de détruire des sangliers,
mais encore de tuer les loups qui inquiétaient la population des
environs... La forêt de Villefermoy est très fourrée
il y a des enceintes qu'on croirait impénétrables, je ne pense
pas qu'il y ait beaucoup de villages en France où l'on trouverait
des paysans qui consentissent à les traverser; ici, les rabatteurs
passent partout avec un incroyable entrain... Le déplacement de Villefermoy
a amené la mort de deux loups et de cinq sangliers. Un sixième
sanglier, en voulant traverser un étang a disparu sous la glace et
s'est noyé. "
De la Rüe Les chasses du second empire
En abattant des animaux dangereux, la chasse aux loups éliminait aussi le prédateur des bêtes fauves (cerfs, chevreuils) et noires (sangliers), d'où augmentation du cheptel destiné à la chasse, mais aussi problèmes forestiers: ces grands mammifères avaient tendance à brouter les jeunes pousses des arbres et leur prolifération mit en danger le renouvellement de la forêt.
La Chapelle Rablais
dans la Capitainerie de Fontainebleau/2
la Chasse
Pour que le Roi ait du gibier en abondance, il suffisait de réserver à sa seule Majesté l'exercice de la chasse et d'interdire à tous ce qui aurait pu limiter la prolifération "des féroces qui attaquent ou qui se defendent, & qu'il faut combattre, & des timides qui fuient & qu'il faut poursuivre... depuis "les bestes fauves rousses & noires: Cerf, Biche, Chevreuils, Sangliers... jusqu'aux Lievres, Connins, Perdrix, Phaisans & autres Gibiers". Extraits du Traité de la Police 1710
Avec, tout de même, quelques arrangements entre
gens bien nés... "Très jaloux
de leurs territoires, les souverains cèderont très difficilement
des parcelles de leurs domaines. Seuls les Princes de Sang tels les Condé
pour la forêt d’Halatte à côté de Chantilly
et les Conti pour la forêt de l’Isle-Adam et leurs terres qui
vont à Pierrelaye, puis le comte d’Artois devenu seigneur de
Maisons-Laffitte, pourront obtenir des espaces importants."
CG Brie Valérie Arnold-Gautier: le garde
des plaisirs du Roi dans le nord de l’Ile-de-France
La chasse était, en théorie, interdite à tous, même aux religieux; témoin, ce moine chasseur de l'abbaye de Barbeaux, dont dépendait Villefermoy: "Les plaisirs du roi sont trop près pour qu'on se permette la chasse. Un religieux, il y a quelques années, s'étant adonné à cet amusement, a trouvé qu'il n'était point innocent à l'ouverture d'une lettre de cachet qui l'exilait, pour le seul port d'armes, dans une de ses maisons fort éloignées." Voyage de Champeaux a Meaux, fait en 1785
Quand il arrivait à un seigneur haut-justicier de récolter une prune, une intervention des plus hautes autorités permettait parfois de l'effacer, ainsi le 29 octobre 1783, pour une minuscule amende de dix livres (voir plus loin le sort réservé à deux paysans de la Chapelle Rablais), le "marquis Desroches, seigneur de Bois Boudran y demeurant, paroisse de Fontenailles" a dû au Capitaine des Chasses en personne, la grâce d'en être exempté: "décharge ledit S. marquis Desroches de ladite amende de dix livres ... à la charge pour lui de se conformer aux ordonnances des chasses et réglements de cette Capitainerie... fait et donné par nous Capitaine des Chasses soussigné Le lieutenant de Robe longue appelé en l'hôtel de notre Gouvernement à Fontainebleau, ce vingt neuf octobre mil sept cent quatre vingt trois." Signé Montmorin (de St Herem) AD77 B64
Prendre plaisir à chasser en mission commandée était même passible d'amende: "... à la fouille et au renversement des terriers, auroit lui même avec plusieurs batteurs et sans la présence du subdélégué et du sindic de la communauté, fait chasser et prendre avec furets, panneaux et chiens, les lapins dont ils s'attribuoit entièrement la jouissance, en sorte que laissant subsister les terriers, il se ménageoit ainsy les occasions fréquentes de fureter et de jouir plustôt du plaisir de la chasse que d'user de la faculté de détruire réellement les lapins..." AD 77 B 64 janvier 1783
Exactement un siècle plus tard, l'Inspecteur
de la forêt de Villefermoy écrivait :
"Détruire jusqu'au dernier des lapins, grand Dieu ! Et nos chasses
aux bassets, au furet, à gueules ouvertes, en battue, à la
surprise et à la bourse ! Et les charmes si grands d'une chasse aux
lapins qu'on ne tire jamais deux fois de la même manière, avec
un bon épagneul, dans de jeunes taillis, où comme entrefilet,
il vous part un chevreuil, une bécasse ou un faisan ! Et puis, est-ce
que la vie à la campagne serait supportable si nous n'avions plus
un seul lapin ? Mais ce serait à y mourir d'ennui !...."
Ajoutons qu'il attendit d'être à la retraite pour faire cet
aveu...
Adolphe de la Rüe Trente et une manières
de manger le lapin 1883
Recette du hâtelet de lapin à la Villefermoy par Adolphe de la Rüe
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