Décès 1830/1850
autour de Mourioux

Entre 1837 et 1838, Jean Boucher a perdu presque tous les membres de sa famille. A Mourioux et dans plusieurs communes avoisinantes, le taux de mortalité a doublé. Quelle épidémie a pu frapper cette petite région de la Creuse?

La variole avait marqué plusieurs maçons creusois venus limousiner à la Chapelle Rablais: Denis Lambert, Léonard Le Roudier, Barthélémy Momet... Sur leurs passeports, à "signes particuliers, est noté "marqué de petite vérole".

Dans le "tableau des épidémies par département et par arrondissement pour l'année 1893", on trouve, pour Aubusson et Bourganeuf, la fièvre typhoïde; à Guéret: le pié, la diphtérie.

"Dans une lettre adressée le 10 février 1866 au ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, le préfet (de la Creuse) se félicitait du fait que la "graine du choléra" ne pût pas fructifier dans la circonscription dont il avait la charge ; mais quelques lignes plus loin il ajoutait : "La dysenterie, au contraire, est bien autrement contagieuse dans mon département, elle se prend avec une facilité effrayante d'un voisin et d'un village à d'autres." En effet, la dysenterie constitua avec la variole, la fièvre typhoïde et la diphtérie, la plus importante des attaques épidémiques qui frappèrent la région au siècle dernier.
A l'automne 1834, le mal se manifesta dans plusieurs lieux de l'arrondissement de Bourganeuf, en particulier dans le canton de Bénévent, dont le chef-lieu fut profondément touché. (contredit par le registre des décès, voir plus bas)
Cette même année 1857, le docteur Cressant, médecin des épidémies pour l'arrondissement de Guéret, lutta contre la maladie qui se manifesta dans la commune du Bourg-d'Hem. Dans le rapport qu'il fit parvenir au préfet au lendemain de l'épidémie, il dénonça le très grand nombre de remèdes vantés par l'empirisme, les tisanes de glands et des fruits de l'églantier, la poudre de chasse dans de l'eau-de-vie, mais aussi les baies de sureau ou leur suc mélangés avec du sucre, si fortement préconisé par son confrère de Boussac ! "
Mémoire de la société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse tome 41, 3° fascicule. A propos de quelques épidémies de dysenterie dans la Creuse au XIX° siècle

Dans "les fruits de la ville" un des romans de la trilogie de Jean Guy Soumy sur la migration de maçons de la Creuse, l'auteur relate une épidémie de dysenterie dans un bourg proche de la région d'origine des maçons de la Chapelle Rablais:

"C'est la dysenterie, ma pauvre ! Le docteur Villevet n'arrête pas. Il est passé au café pas plus tard qu'hier. Il a parlé à mon mari.
Léonie, inquiète, attendait la suite.
- Le mal vient à cheval et s'en va à pied, ajouta Pauline Larigaudrie.
La dysenterie avait laissé dans toutes les mémoires sa trace cruelle. Les épidémies de 1807, de 1834, de 1859 avaient fait des ravages. La graine du choléra n'était jamais encore parvenue jusqu'en Creuse, tuant ceux qui la portaient depuis Paris le long d'une route trop longue pour qu'ils puissent résister. Il en était tout autrement de la dysenterie.
- Le docteur a dit à Barthélémy que dix personnes étaient déjà mortes à Anzème. Qu'est-ce que nous allons devenir ?
Léonie fit le signe de croix. Son oncle Pradeix avait été emporté par le mal il y avait à peine cinq ans. Celui-ci venait d'assister dans sa mort un cousin qui rentrait de limousiner à Saint-Etienne. Pradeix avait porté le cercueil du malheureux. Trois jours plus tard, il partait au cimetière.
- Le plus fort, c'est qu'on nous dit rien ! Pensez donc, des paysans !
La vieille gargotière était très excitée. Elle se pencha vers Léonie.
- Je vous le dis, mais c'est entre nous. Rien qu'à Bourganeuf, depuis le début, nous en serions à soixante-dix morts ! Léonie recula d'un pas. - Soixante-dix ! "

Ci-dessous: les épidémies de 1834 et 1838 ont entraîné des excédents de décès dans les communes avoisinant Mourioux: en 1838, plus du double de la moyenne à Mourioux, Aulon et Ceyroux, mais rien d'inhabituel à Marsac et Arrènes. Cette épidémie semble avoir été limitée à une petite zone, elle n'a pas marqué les mémoires et ne figure pas dans les annales médicales de l'époque.
Sources: recherches perso à partir des registres de décès des communes & relevés Gendep23

  Mourioux Marsac Bénévent Aulon Ceyroux Chastelus Arrènes Azat Ch
1830
20
13
29
7
12
27
15
15
1831
15
18
28
5
14
20
19
8
1832
34
23
28
18
13
36
18
13
1833
36
16
31
18
26
27
11
19
1834
51
44
40
23
24
41
35
17
1835
30
36
35
10
25
60
38
12
1836
32
23
50
13
23
11
24
15
1837
52
30
51
10
29
71
36
18
1838
67
20
53
33
41
51
26
27
1839
31
18
31
17
15
29
25
11
1840
37
29
23
19
21
35
18
17
1841
21
17
29
10
19
42
13
8
1842
32
24
57
19
13
20
20
10
1843
20
16
48
10
6
40
23
13
1844
18
20
28
7
18
46
31
17
1845
24
19
42
21
8
42
19
19
1846
19
22
45
13
29
38
13
20
1847
35
35
43
16
36
26
21
8
1848
32
31
34
18
25
40
15
10
1849
32
24
37
22
35
42
33
18
1850
14
12
48
7
18
40
19
10
 
moyenne
31
23
39
15
21
37
22
15
une fois 1/2
47
35
58
23
32
56
34
22
deux fois
62
46
78
30
42
74
44
30

La terrible épidémie de choléra de 1832 n'a pas été ressentie dans cette région de Creuse:

"Dès avril et mai 1832 la peur du choléra qui sévit avec violence Paris... les maçons creusois sont plus nombreux que de coutume emprunter le chemin du retour. Ce faisant, ils participent la contamination de la Seine-et-Oise, du Loiret, du Loir-et-Cher, et même bout de souffle de l'Indre. En effet, dès les portes de Paris on les voit s'effondrer le long des routes, résister parfois Orléans s'ils ont emprunté la voiture publique, puis en être descendus malades, dans un relais de poste Quelques-uns encore ne tomberont qu'au-delà au sud de Blois aux environs de Châteauroux. Aucun n'importera finalement le choléra dans la Creuse. Et pourtant, certains y parviendront valides puisque le préfet écrit de Guéret au ministre de Intérieur le 19 avril 1832: "L'état sanitaire est partout satisfaisant. Cependant il règne de inquiétude dans la population: des ouvriers revenant de la capitale parce qu'ils ont manqué d'ouvrage ou qu'ils ont craint la maladie ont semé l'épouvante sur quelques points." Tous les porteurs du germe seraient donc décédés avant avoir atteint la Creuse, et l'Indre constituerait en fonction de la rapidité des moyens de transport de l'époque et des probabilités de contamination sur le trajet même la limite de la propagation."

La marche du choléra en France : 1832-1854; Jean-Yves Raulot

Voir le chapitre sur le choléra de 1832

Plan: les maçons limousins à la Chapelle Rablais
   
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Doc: traces des maçons limousins

Doc: traces de la famille Boucher