Des entrepreneurs en défrichement...

C'est une très puissante dynastie de la région qui défricha de vastes forêts en Brie: la famille Cornu.

Moins répandus en France qu'en Allemagne, les entrepreneurs de défrichements, cependant, n'y ont pas été un type social inconnu. Beaucoup d'entre eux furent des hommes d'Eglise: dans la première moitié du XIII° siècle, deux frères, Aubri et Gautier Cornu, prirent ainsi à l'entreprise -quitte à distribuer ensuite des lots à des sous entrepreneurs- l'essartage de nombreux terrains, découpés dans les forêts de la Brie.
"Caractères originaux de l'histoire rurale française" de Marc Bloch.

Vers 1180, vivait à Villeneuve-Cornut, aujourd'hui Salins, près Montereau, une veuve nommée Elisabeth. Cette veuve avait quatre fils qu'elle éleva dans la crainte de Dieu; le premier, Gauthier Cornut devint archevêque de Sens, le deuxième Albéric Cornut fut évêque de Chartres; le troisième, Gilon Cornut fut archidiacre, puis archevêque de Sens et succéda à Gauthier, son frère aîné; le quatrième resta avec sa mère à Villeneuve.
dans Congrès Archéologique de France Dijon 1852

Ci-gist Pierre li Cornu,
seigneur de Villeneuve la Cornue
qui trépassa en MCCLXXVI

Ce texte peu rigoureux (Simon 1° eut cinq fils et une fille, l'aîné n'en étant pas Gauthier, mais Simon II qui reprit la châtellenie ainsi que le montre Paul Quesvers, l'historien de la famille Cornu), montre en peu de mots l'importance des futurs seigneurs de la Chapelle Rablais et Fontenailles. Elisabeth (ou Isabelle) Clément, épouse de Simon 1° était elle-même fille de Robert Clément, régent du royaume sous Philippe Auguste; pour le dire en peu de mots: des gens puissants avec de bonnes relations!

L'actuel château de Salins,
bâti entre 1470 et 1484
par Guillaume de Courtenay

Les moines de Ste Colombe de Sens durent commencer le défrichement avant d'attendre la fin du conflit entre le Comte et le Roi; la construction de villes neuves et de châteaux ayant rendu la Grande Haye moins nécessaire.
Bien plus tard, l'abbaye possédait encore des terres sur le territoire de la commune qui furent confisquées à la Révolution Française:
lot N° 34: la ferme de Putemuse, bâtiment et 240 arpens d'héritage
Archives Départementales de Seine et Marne

Puis, le fief passant aux mains des Cornu, la base du défrichement de la forêt, de la création de la Chapelle Rablais et Fontenailles fut le petit village de Salins. Voici comment il fut attribué à cette dynamique famille:
L'abbaye de Faremoutiers était bénéficiaire, au IX° siècle, du fief dit de la Tombe. Elle en céda une part au XII° siècle, au sire Hilduin qui la donna aux abbayes de St Denis et de St Germain des Prés. Le roi reprit des terres pour en gratifier le vicomte de Thiange qui créa la seigneurie de Marolles, fit bâtir en 1203 le village de Villeneuve en Brie,donna Ce fief à Gilles le Cornu qui lui donna son nom.
Pignard Peguet, monographie de Châtenay.

Blason des Cornu: de vair plein.
"Un des métaux composé d'argent et d'azur en petites pièces égales"
Autrement dit, de petites cloches
bleues et blanches

Bel exemple de pyramide féodale que l'on verra se prolonger sur les lieux du défrichement. L'instituteur du siècle passé, chargé de rédiger l'histoire de sa commune pour le centenaire de la Révolution Française ajoute: par suite des débauches et des désordres de ce couvent royal, les terres furent détachées de leur unique suzerain et passèrent aux seigneurs des environs.
M. Boisvieux, instituteur, monographie de Salins 1889

 

Dans "Nangis, recherches historiques" publié en 1910, Ernest Chauvet indique :
" Les moines de Tours, seigneurs de Mons et de Donnemarie poussent leurs défrichements jusque sur les territoires de Vanvillé, de Rampillon et de Fontains.
Les moines de Barbeau défrichent jusque sur le territoire de Fontenailles et y élèvent l'abbaye de Villefermoy. En 1145, le roi Louis VII leur donne sa terre des Ecrennes à mettre en culture. Le nom primitif de ce lieu, Screona, signifiant huttes de branchages, indique qu'il n'était alors qu'un hameau de bûcherons.
Dans le partage du Montois, le comte de Champagne avait reçu la partie de la forêt de Bièvre formant aujourd'hui les territoires de Villeneuve-les-Bordes et de La Chapelle-Rablais. Au XIe siècle, ses descendants créèrent le village de Villeneuve, qui s'appela alors Villeneuve-Ie-Comte-Champagne, et, plus tard, Villeneuve-les-Bordes-l'Abbé, ou Villeneuve-l'Abbé, après la donation de ce fief aux moines de Sainte-Colombe de Sens. C'est à ces moines qu'il faut attribuer l'origine de la Chapelle-Arablais, devenue par corruption la Chapelle-Rablais.
"

Les moines de Sainte Colombe ne défrichèrent qu'une petite partie du territoire de la Chapelle Rablais, ne dépassant pas le hameau de Putemuse qui leur appartenait encore quand les biens de l'église furetn confisqués, sous la Révolution : "la ferme de Putemusse bâtiments et 240 arpents d'héritage".