Les paysans bûcherons...

C'est le fey que monsor Henri de Beau marches tient de monsor Gautier le Cornu: c'est assavoir environ IIII XX arpens de boys au grand arpent qui tient au bois devant Le Mes et au haies de Brie, et XIII arpenz au grant arpent delez le chemin de Brie, et L VII arpenz et III quartiers delez les haies de Brie, et delez le boys Saint Germain a larpent de Champeigne, et des haies de Brie XXV arpenz au grand arpent; item la moitié du fief de la Charmée.

Les colons qui défrichèrent la forêt étaient attirés par des conditions particulières. Les impôts étaient moins lourds que sur des terres déjà mises en culture: environ 4 deniers par arpent, pour des superficies moyennes de 4 arpents, sans compter la dîme de la dixième ou onzième gerbe. Les contraintes, pour créer une hôtise, étaient multiples: obligation de défricher, interdiction de rétrocéder des terres à des chevaliers ou à des églises, obligation de demeurer pour celui qui héritait... C'est ce qu'imposait le chapitre de Notre Dame de Paris pour ses défrichements sur Vernou, organisés par Aubry Cornu; il est probable que les conditions ont été semblables pour notre forêt.

Un chemin fut tracé, le long duquel les hôtes commençaient à couper les arbres, installaient l'herbagium: maison, cour, bâtiments, jardins, dépendances, d'une superficie inférieure à un arpent, puis continuaient le défrichement, créant de longues clairières à l'arrière de leurs maisons. Ces étroites parcelles se retrouvaient encore sur le cadastre, au début du XIX° siècle.

Etaient-ils tous des hommes libres? Le servage existait encore: en 1239, Simon II vend à Simon, abbé de St Germain des Prés, plusieurs hommes de corps à St Germain Laval pour 40 livres       Maurice Lecomte
Plus tard, encore,   Aubry ,  le 12 juin 1283 transigea avec le Chapitre de Sens sur le partage de leurs hommes et femmes respectifs mariés ensemble.       Paul Quesvers

Des traces de défrichement, peut- être moins ancien que celui du Moyen- Age peuvent être observées sur la photo infra- rouge .
Institut Géographique National .
Sur l'agrandissement de la limite sud de la commune, on distingue des taches noires, il pourrait s'agir de "lunes" de défrichement:
Larges taches circulaires, témoins des énormes brasiers lors du défrichement et visibles tous les cinquante mètres; les branchages accumulés par les bûcherons ayant brûlé incomplètement et donné du charbon de bois qui s'est mélangé à la couche superficielle du sol. Ces traces sont particulèrement visibles au printemps.
extrait de Etude d'une haie forestière, la Haie de Nangis
dans Provins et sa région n°132 1978 pages 39 à 50 ADSM REV 371

Les colons venaient de Montigny, Rubelles, Machault, Melun, Provins... puisque c'est le surnom qu'on leur donne. Les noms de famille ne sont pas encore fixés; on accole au prénom la provenance Aaliz, fame de feu Jehan de Rosoi, un défaut ou une qualité: Forcul, Platpié, le Plusbeau, Houdin le Roi -il n'était Roi que du tir à l'arc- ou le métier. On peut donc connaître les activités pratiquées dans les premiers temps du village: le Cerclier, le Charbonnier, des Boys, le Forestier, le Cendrier, le Cordier, le Monier, des Molins, le Coutelier, Lefebvre (forgeron), le Suor (cordonnier), le Prestre.

La forêt ayant été pendant quelques siècles la frontière imprécise entre le Comté de Champagne et l'Ile de France royale, la clairière de défrichement emprunta des deux territoires. La superficie de certaines parcelles du rôle des vassaux de 1292, sur Coutençon, est mesurée à larpent de Champeigne, correspondant à une perche carrée de 20 pieds, soit 42,21 ares, mesure qui figurait encore sur le cadastre en 1831. Plus au nord, on employait le grand arpent de 22 pieds carrés, soit 51,07 ares, comme l'indique la citation.