Du colporteur, on a souvent l'image d'un semi- vagabond, passant de maison en maison pour proposer ses rubans et autres colifichets, n'hésitant pas à chaparder quelque poule quand la vente n'a pas été bonne.
Si, de tous temps, il s'est trouvé sur les routes de pauvres gens qui cherchaient autre part une fortune qu'ils ne pouvaient trouver dans leur village, d'autres marchands ambulants avaient une activité bien plus structurée qu'on ne l'imagine.
Parmi tous les migrants qui passèrent à la Chapelle Rablais, un seul était une véritable colporteur
La profession de colporteur a connu un essor grandissant depuis le XVII° siècle jusqu'à la fin du XIX° siècle. En 1611, on dénombre 46 colporteurs autorisés. Leur nombre passe à 3500 à la fin du régne de Louis-Philippe. Les colporteurs se sont recrutés, très tôt, parmi les petits paysans ou les journaliers qui recherchaient par cette activité saisonnière, compatible avec le travail de la terre, un complément de ressources durant la morte saison. Au cours du XIX° siècle, plusieurs communautés montagnardes du Haut-Comminges, avaient organisé un véritable réseau de colportage et avaient la main mise sur les circuits de distribution de la littérature populaire. Étant issus du milieu rural, les colporteurs touchaient avant tout une clientèle de paysans dont ils connaissaient bien les goûts. On distingue plusieurs types de circuits de colportage selon qu'il s'exerçait dans un département, dans un arrondissement, ou dans le cadre plus vaste de l'ensemble du territoire. Ces circuits étaient toujours pré- déterminés, obéissant à un ordre bien défini et revenant à des périodes fixes de l'année. Les colporteurs n' avaient donc rien à voir avec des vagabonds se déplaçant au hasard des chemins.
Cette idée préconçue de l'inorganisation du système de colportage, très répandue, même au XIXe siècle, explique en partie les mesures de rigueur prises à son égard. En 1727, les colporteurs doivent obligatoirement savoir lire et écrire; en 1757, un édit les punit de la peine de mort s'ils diffusent des livres clandestins et, en 1793, la Convention les place sous une stricte surveillance. L'apogée du colportage se situe sous le régne de Louis-Philippe bien que les contrôles qui en limitent l'exercice aient continué à se multiplier pendant cette période.
Les lois de 1849 et 1852 imposent trois conditions pour la vente d'une publication par colportage: l'examen préalable de l'ouvrage par une commission, l'apposition d'une estampille sur chaque exemplaire, le port d'un passeport spécial par tous les colporteurs.
En 1841, Jean Baptiste Agut circule avec
un passeport ordinaire. Il sait lire et écrire
et signe d'une belle écriture.
En 1834, une loi oblige le colporteur à demander une autorisation municipale pour exercer son commerce. En 1849 c'est à l 'autorité préfectorale qu'il doit se référer et en 1852, une commission de surveillance rend obligatoire sur les livrets et les images, l'estampille "colportage", avec le nom du département et l'année. Ces contraintes ne furent levées qu'à partir de 1880, c'est-à-dire à l'époque ou le colportage déclina et où tend à disparaître la littérature populaire qu'il permettait de diffuser et à laquelle est resté attaché le nom de "Bibliothèque bleue". Sous ce vocable sont rangés quantités de livrets de petit format, facilement transportable dans une "balle" de colporteur, et caractérisés par une présentation peu soignée, une impression défectueuse et un brochage fragile. Ils comportent des romans, des contes, des recettes de médecine ou d'art vétérinaire, des textes de cantique ou de catéchisme mais aussi, bien sûr, toutes sortes de récits d'événements remarquables et extraordinaires, d'histoires de brigands, de crimes, de phénomènes et de curiosités de la nature. L'information diffusée par les colporteurs avait l'inconvénient d'être extrêmement irrégulière et les livrets, en fait d'actualité, rapportaient des événements qui pouvaient s'être produits des années avant, quand ils n 'étaient pas totalement imaginaires. Le développement du réseau ferroviaire et des grands quotidiens populaires, en provoqua la disparition.
Les bagues de Saint Hubert
Les colporteurs