article Bois
dans l'Encyclopédie Diderot d'Alembert
Le bois abattu ou pris selon la premiere acception du terme bois ou relativement aux usages qu'on en fait dans la société, peut se distribuer en bois de charpente, de sciage, de charronage, & de chauffage.
Bois de chauffage; le bois de chauffage est neuf ou flotté. Les marchands de bois neuf sont ceux qui embarquent sur les ports des rivieres navigables des bois qui y ont été amenés par charroi ; & ils les empilent ensuite en théatre, comme on le voit sur les ports, & autres places dont la ville de Paris leur a accordé l'usage. Voyez CHANTIER. Ces sortes de marchands ne font guere que le tiers de la provision de cette ville, &c.
Les marchands de bois flotté sont ceux qui font venir leurs bois
des provinces plus éloignées. Ils les jettent d'abord à
bois perdu sur les ruisseaux qui entrent dans les rivieres sur lesquelles
ce commerce est établi ; ensuite ces mêmes rivieres les amenent
elles-mêmes encore à bois perdu jusqu'aux endroits où
il est possible de les mettre en trains, pour les conduire à Paris
; après néanmoins les avoir retirés de l'eau avant
de les flotter en train, & les avoir fait sécher suffisamment,
sans quoi le bois iroit à fond. Ces marchands font les deux autres
tiers de la provision.
Il y a quelques siecles que l'on étoit dans l'appréhension
que Paris ne manquât un jour de bois de chauffage ; les forêts
des environs se détruisoient, & l'on prévoyoit qu'un jour
il faudroit y transporter le bois des provinces éloignées
; ce qui rendroit cette marchandise si utile & d'un usage si général,
d'un prix exorbitant occasionné par le coût des charrois. Si
l'on eût demandé alors à la plûpart de ceux qui
sentent le moins aujourd'hui le mérite de l'invention du flottage
des bois, comment on pourroit remédier au terrible inconvénient
dont on étoit menacé, ils y auroient été, je
crois, bien embarrassés ; l'accroissement & l'entretien des forêts
eussent été, selon toute apparence, leur unique ressource.
C'est en effet à ces moyens longs, coûteux & pénibles,
que se réduisit alors toute la prudence du gouvernement ; & la
capitale étoit sur le point de devenir beaucoup moins habitée
par la cherté du bois, lorsqu'un nommé Jean Rouvet, bourgeois
de Paris ; imagina en 1549 de rassembler les eaux de plusieurs ruisseaux
& rivieres non navigables ; d'y jetter les bois coupés dans les
forêts les plus éloignées ; de les faire descendre ainsi
jusqu'aux grandes rivieres ; là, d'en former des trains & de
les amener à flot, & sans bateaux, jusqu'à Paris. J'ose
assurer que cette invention fut plus utile au royaume, que plusieurs batailles
gagnées, & méritoit des honneurs autant au moins qu'aucune
belle action. Jean Rouvet fit ses premiers essais dans le Morvant ; il rassembla
tous les ruisseaux de cette contrée ; fit couper ses bois, &
les abandonna hardiment au courant des eaux : il réussit. Mais son
projet traité de folie avant l'exécution, & traversé
après le succès, comme c'est la coûtume, ne fut porté
à la perfection & ne reçut toute l'étendue dont
il étoit susceptible, qu'en 1566, par René Arnoul. Voyez à
l'article TRAIN, la maniere de les construire. Ceux qui voyent arriver à
Paris ces longues masses de bois, sont effrayés pour ceux qui les
conduisent, à leur approche des ponts : mais il n'y en a guere qui
remontent jusqu'à l'étendue des vûes & à
l'intrépidité du premier inventeur, qui osa rassembler des
eaux à grands frais, & y jetter ensuite le reste de sa fortune.
Entre les marchands de bois flotté, les uns sont bourgeois, les autres
forains ; il y a beaucoup plus de bourgeois que de forains, qui fassent
le commerce du bois, qui vient du pays d'amont ; au contraire il y a beaucoup
plus de forains que de bourgeois, qui fassent le commerce du pays d'aval.
Tout ce qui concerne le bois de chauffage se réduit à sa façon,
au tems de le tirer des ventes, à sa voiture & à son déchargeage,
à la diligence de voiture, à son arrivée, à
sa vente dans les chantiers, & aux officiers qui y veillent.
Façon. Il est enjoint de donner à tous les bois à brûler,
trois piés & demi de longueur ; au bois de moule, dix-huit pouces
de tour ; au bois de corde de quartier ou de traverse, autant. Si le bois
de quartier, de traverse, ou fendu, a dix-huit pouces de tour, il se mesure
au moule ; s'il n'en a que dix-sept, il va avec le bois de corde dans la
membrure. Le bois taillis doit avoir six pouces de tour. Le bois d'Andelle
a la même grosseur : mais il est plus court ; il n'a que deux piés
& demi ou environ.
Sortie des ventes. Les marchands sont tenus de faire couper & sortir
les bois des ventes, dans les tems qui leur auront été fixés,
eu égard aux lieux & à la qualité des arpens.
Voitures. Il est permis de voiturer depuis les forêts jusqu'aux rivieres,
à-travers toutes terres, en avertissant dix jours auparavant par
des publications aux prônes ; de jetter les bois dans les rivieres
; de les pousser par les ruisseaux, étangs, fossés de châteaux,
&c. sans qu'ils en puissent être empêchés par qui
que ce soit.
Diligence. Il est défendu de séjourner en chemin sans nécessité,
& de décharger ailleurs qu'à Paris.
Vente. Il est enjoint de les mettre en chantier, & ils ne peuvent être
vendus ailleurs.
Officiers. La Ville commet des personnes à elle pour veiller à
cette distribution. Toute la différence qu'il y a entre le bois de
chauffage soit neuf, soit flotté, se tire de la taille, de la voiture,
& de la mesure.
Relativement à la taille, il se distribue en gros bois & en menu
bois ; à la voiture, en bois neuf & en bois flotté ; à
la mesure, en bois de moule & de compte, & en bois de corde.
Tous le gros bois est compris sous le nom générique de bûches
; chaque bûche, de quelque bois que ce soit, doit avoir, ainsi que
nous l'avons déja dit, trois piés & demi de long.
Les plus grosses bûches sont nommées bois de moule, ou de moulure,
ou de compte ; parce qu'elles se mesurent dans le moule ou l'anneau. Voyez
ANNEAU. Elles doivent avoir dix-huit pouces de tour.
Le bois de traverse suit immédiatement en grosseur le bois de compte
ou de moule ; il doit avoir dix-sept pouces de tour. Il y en a qui comprennent
sous la même dénomination tout le bois blanc.
On appelle bois taillis, tout celui qui n'a que cinq à six pouces
de tour.
Le bois de corde, doit avoir au moins dix-sept pouces ; il est appellé
bois de corde, parce que les Bucherons plantent à la corde quatre
pieux en quarré, dont le côté a huit piés, &
chaque pieu a quatre piés de haut. C'est-là leur mesure ou
corde qui contient, comme on voit, quatre fois 64 ou 256 piés cubes
de bois. Cette méthode de mesurer le bois a duré jusqu'en
1641, qu'il fut ordonné de se servir d'une membrure de charpente,
qui retint le nom de corde. Voyez CORDE. Voyez MEMBRURE.
Le menu bois est ou coteret, ou fagot, ou bourrée.
Il y a des coterets de bois taillis fendu, ou des coterets de bois rond.
Ceux-ci viennent par l'Yonne : mais ils doivent avoir les uns & les
autres neuf piés de long, sur dix-sept à dix-huit pouces de
tour.
Les fagots sont faits de branches d'arbres menues. Ils doivent avoir trois
piés & demi de long, sur dix-sept à dix-huit pouces de
tour.
La bourrée, qui est une espece de fagot, est faite de brossailles
d'épines & de ronces, &c.
Voici encore quelques dénominations qu'on donne au bois de chauffage.
BOIS EN CHANTIER, est celui qui est en pile ou en magasin ; on nomme
ordinairement ces sortes de piles théatre.
BOIS FLOTTE, est celui qu'on lie avec des rouelles & des perches,
& que l'on amene en train sur des rivieres. Voyez TRAIN.
BOIS PERDU, est celui qu'on jette dans les petites rivieres qui n'ont
pas assez d'eau pour porter ni train ni bateau, & qu'on va recueillir
& mettre en train aux lieux où ces rivieres commencent à
porter.
BOIS CANARDS, sont ceux qui demeurent au fond de l'eau, ou qui s'arrêtent
aux bords des ruisseaux, où l'on a jetté une certaine quantité
de bois, bûche à bûche, pour le laisser aller au courant
de l'eau. Après que ces bûches sont arrivées au lieu
où le ruisseau est devenu une riviere navigable, les marchands peuvent
faire pêcher leurs bois canards pendant 40 jours sans rien payer.
Voyez l'Ordonnance de 1672.
BOIS VOLANS, sont ceux que le flot amene droit au port.
BOIS ECHAPPES, sont ceux que les inondations portent dans les prés
ou dans les terres.
BOIS NEUF, est celui qu'on apporte dans des bateaux sans qu'il ait
trempé dans l'eau.
BOIS PELARD, est un bois menu & rond, dont on ôte l'écorce
pour faire du tan. Les Rotisseurs & Boulangers s'en servent.
BOIS DE GRAVIER, est un bois qui croît dans des endroits pierreux,
& qui vient demi flotté du Nivernois & de Bourgogne ; le
meilleur est de Montargis.
BOIS D'ANDELLE, ainsi nommé du nom de la riviere qui le voiture,
est un bois de hêtre qui a ordinairement deux piés & demi
de longueur ; il faut quatre mesures d'anneau pour la voye, & quatre
bûches de témoins par anneau.
BOIS TORTILLARD ; ce bois n'est point ordinairement reçû
dans les membrures à cause des vuides qu'il laisse, & le tort
qui en résulte pour le public.
BOIS BOUCAN, bûches qui par vetusté ne sont plus de
mesure pour être mises en membrures.
Je ne finirai point cet article du bois de chauffage, qui forme un objet
presqu'aussi important, que celui de construction & de charpente, sans
observer que nous sommes menacés d'une disette prochaine de l'un
& l'autre ; & que la cherté seule du premier peut avoir une
influence considérable sur l'état entier du royaume. Le bois
de chauffage ne peut devenir extrèmement rare & d'un grand prix,
sans chasser de la capitale un grand nombre de ses habitans ; or il est
constant que la capitale d'un royaume ne peut être attaquée
de cette maniere, sans que le reste du royaume s'en ressente. Je ne prévois
qu'un remede à cet inconvénient, & ce remede est même
de nature à prevenir le mal, si on l'employoit dès à
présent. Quand les forêts des environs de la ville furent épuisées,
il se trouva un homme qui entreprit d'y amener à peu de frais les
bois des forêts éloignées, & il y réussit.
Lorsque la négligence dans laquelle on persiste aura achevé
de détruire les forêts éloignées, il est certain
qu'on aura recours au charbon de terre ; & il est heureusement démontré
qu'on en trouve presque par-tout. Mais pourquoi n'en pas chercher &
ouvrir des carrieres dès aujourd'hui ? pourquoi ne pas interdire
l'usage du bois à tous les états & à toutes les
professions dans lesquels on peut aisément s'en passer ? car il en
faudra venir là tôt ou tard ; & si l'on s'y prenoit plûtôt,
on donneroit le tems à nos forêts de se restituer ; & en
prenant pour l'avenir d'autres précautions que celles qu'on a prises
pour le passé, nos forêts mises une fois sur un bon pié,
pourroient fournir à tous nos besoins, sans que nous eussions davantage
à craindre qu'elles nous manquassent. Il me semble que les vûes
que je propose sont utiles : mais j'avoue qu'elles ont un grand défaut,
celui de regarder plûtôt l'intérêt de nos neveux
que le nôtre ; & nous vivons dans un siecle philosophique où
l'on fait tout pour soi, & rien pour la postérité.
BOIS (MOULEUR DE), Police, officier de ville, commis sur les ports
pour que le bois y soit fidelement mesuré dans les moules ou les
membrures. V. MOULE & MEMBRURE.
BOIS (MARCHAND DE), voyez ci-dessus l'article BOIS DE CHAUFFAGE.
Aucune planche, à part la fabrication du charbon de bois et celle des sabots, ne montre l'exploitaion d'une forêt, par contre, l'article BOIS dans l'Encylopédie Diderot d'Alembert couvre quatorze pages double colonne. Il y est traité du "Bois sur pié", de la meilleure méthode de régénérer les forêts, inspirée par les travaux de Buffon, des tables d'expériences sur la force du bois, des différentes dénominations, tant pour le "bois sur pié" que celui de charpente et de chauffage.
La saine gestion d'une forêt n'étant pas mon propos, on trouvera ci dessous ce qui traite du bois de chauffage et à la page suivante, les termes employés pour le bois vert et le bois abattu: charpente, sciage, charronage...