Un propriétaire du manoir des Bouleaux
Pierre Alfred de Tamisier 1801/1854

A la recherche du château détruit de Maison Rouge, hameau de Fontenailles, proche de la Chapelle Rablais, j'ai été amené à m'intéresser à ses propriétaires, qui possédaient aussi le manoir des Bouleaux, situé entre Saint Ouen et la Chapelle Gauthier. Le descendant de l'un de ses propriétaires a eu l'amabilité de me communiquer des éléments de la vie de Pierre Alfred de Tamisier et de sa famille.
Plusieurs études de la Société d’histoire de Remiremont ont mis en lumière Charles Arnould Delorme, natif des Vosges, et beau-père dudit Pierre Alfred de Tamisier.
Les paragraphes ci-dessous doivent beaucoup à ces sources. Que leurs auteurs en soient encore remerciés.

Page: le château de Maison Rouge
Lien vers le site de la société d'histoire de Remiremont

Pierre-Alfred de Tamisier est né le 6 Juin 1801; il est le fils d' Etienne Carrier et de Marie Françoise Huet de Guerville. Sa mère perd son mari le 9 avril 1818 et se remarie le 6 mai 1819 avec Marc Antoine Tamisier.

Des démarches sont aussitôt entreprises pour permettre au jeune Pierre-Alfred de prendre le nom de son beau-père. Une fâcheuse homonymie rendait le patronyme de Carrier difficile à porter (le tristement célèbre Carrier des noyades de Nantes, entre novembre 1793 et février 1794). Par ordonnance du roi Louis XVIII du 13 octobre 1819, rendue effective par jugement du tribunal de 1ère instance de La Seine du 28 novembre 1820, Pierre Alfred est autorisé à substituer à son nom de Carrier celui de Tamisier..
Marc Antoine Tamisier décède le 6 août 1821.

 


Patronné par le Prince Jules de Polignac (portrait ci-contre), dont nous ignorons comment il l'a connu, il est fait Chevalier de l'ordre de Malte par brevet des 15 et 19 avril 1822.

Le 27 juin 1823 Pierre-Alfred est nommé attaché d'ambassade à Londres où l'ambassadeur n'est autre que le Prince de Polignac.

Le 27 avril 1824, sous le nom de Pierre-Alfred de Tamisier, il achète à Monsieur Cromot, baron du Bourg, le château du Bourg St Léonard auprès d'Argentan et son domaine de 565 Hectares.

Le 26 juin 1828, il écrit au garde des sceaux pour solliciter un titre de vicomte. Le 2 novembre 1828 c'est un titre de baron héréditaire qui lui est conféré par une ordonnance du roi Charles X.
Pierre Alfred demande le 1er juin 1829 la délivrance des lettres patentes et la concession d'armoiries. Satisfaction lui est donnée le 23 octobre 1829.
Ses armes se lisent ainsi: "Parti au 1er d'azur à un chevron d'or chargé à la pointe d'une rose de gueules et accompagné de trois losanges d'argent (Carrier), au 2eme d'or à une fasce d'azur chargée de trois étoiles d'argent (Tamisier),"

Entre temps Jules de Polignac est rentré de Londres. Charles X lui confie le ministère des affaires étrangères et la présidence du conseil des ministres. Pierre-Alfred devient le chef de cabinet de Polignac. Pierre-Alfred ne rejoint sans doute pas St Petersbourg où il a été nommé secrétaire à l'ambassade de France, le 23 Août 1829.

Pierre-Alfred va se marier. Le contrat de mariage est signé le 24 mai 1830 devant Maître Nolleval, notaire à Paris. La promise est Françoise-Charlotte Delorme fille mineure de Monsieur le Marquis Charles-Arnould Delorme. La seule trace de l'origine de ce titre de marquis a été trouvé dans le registre des archives du Sceau qui comporte une mention à la date du 31 mai 1830 "Delorme Charles-Arnould. Majorat auquel sera attaché le titre de marquis et transmission éventuelle au sieur Tamisier". On ne peut s'empêcher de voir encore l'influence du Prince de Polignac. Les événements politiques ont dû empêcher l'impétrant d'obtenir les lettres patentes avant la chute de Charles X. Ce titre a bien été concédé mais n'a pu prendre d'existence juridique.

Pierre Alfred de Tamisier achète "la terre des Bouleaux de Fontenailles" le 30 septembre 1841. Plus de détails à la page sur le château détruit de Maison Rouge.

Page: le château de Maison Rouge

Ci dessus, le discret manoir des Bouleaux, entre Saint Ouen et la Chapelle Gauthier, attribué à tort à cette commune, alors qu'il est sur le territoire de Fontenailles.
Robert (photo) nait le 14 septembre 1833. Resté célibataire, il n'a pas de descendance.
Il entre au ministère des affaires étrangères le 9 avril 1851. Le 8 juillet 1857, il est au cabinet du ministre, le comte Walewski dont il fut chef de cabinet. Après différents postes, il est envoyé à Stockholm comme ministre plénipotentiaire. Il y reste jusqu'au 16 octobre 1880, date de sa mise en disponibilité. Il décède à Montreux (Suisse) où il était en séjour le 10 Août 1917.

Roger blessé pendant la campagne d'Italie, succomba des suites de ses blessures à Paris le 5 novembre 1859 à l'âge de 22 ans sans laisser de descendance.

Hugues nait le 8 décembre 1851, 20 ans après Marie, 18 ans après Robert et 14 après Roger. Il épouse en 1884 Maria del Carmen de los Dolores de Santa Maria y Hurtado. Il mènera une vie de rentier. C'est le seul des quatre enfants ayant encore des descendants aujourd'hui. Il décède le 24 octobre 1919 à Paris.

Pierre-Alfred et sa femme née Delorme ont eu quatre enfants:
Marie-Antoinette, dite Marie (portrait ci-contre), est née au Bourg St Léonard le 24 juillet 1831. Elle épousa en 1851 le Comte Ernest de Stachelberg. Celui-ci, au service du Tsar, fut ministre à Turin, à Madrid puis à Florence. Marie est morte en couches à Turin le 6 juin 1860. Stackelberg , alors aide de camp du tsar Alexandre II, devait revenir à Paris comme ambassadeur de Russie auprès de Napoleon III. Marie a eu deux enfants, l'un, Lieutenant Général fut massacré à St Petersbourg par les bolcheviques en 1917 sans laisser de postérité, l'autre décède également sans postérité à Pau où il était en séjour.
Le 12 juin 1854 Pierre-Alfred décède à Baden-Baden. Il avait 53 ans, laissait une veuve de 42 ans, une fille de 23 et trois fils de 20, 14 et 2 ans et demi. il repose au cimetière du Père Lachaise. Francoise-Charlotte de Tamisier, née Delorme, décède le 20 octobre 1894.
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Mise à jour 21 août 2022

Pendant les Cent Jours, "M. Delorme offrit à l'Empereur à titre patriotique et pour le temps que durerait la guerre, le revenu du Passage Delorme qui s'évelait à 60,000 francs. Un article du Moniteur ci annexé du 21 mai 1815 constate ce fait". 1/6/1849 Légion d'Honneur notice 109095

Le Moniteur universel 21 mai 1815 p 2 col 3

Alfred de Tamisier fit sa carrière sous la Restauration, régime qui était loin d'être au goût de son beau-père puisqu'il aurait refusé d'être décoré de la Légion d'Honneur avant le retour d'un Bonaparte au pouvoir. Il l'obtint le 1° juin 1849, six mois après l'élection à la présidence de la république de Louis Napoléon Bonaparte.
Un autre des gendres de Charles Arnould Delorme fut aide de camp du maréchal Ney, il écrivit ses mémoires disponibles sur Gallica.

Souvenirs militaires par Octave Le Vavasseur

Le beau-père de Pierre Alfred de Tamisier, Charles Arnould Delorme, fut, entre autres, le créateur du premier passage couvert de Paris, de soixante douze mètres, entre l'actuel 177 rue St Honoré et le 188 rue de Rivoli.
"Il est une ancienne galerie que je ne me pardonnerais pas d'oublier : c'est la galerie Delorme, nouvel exemple des caprices de la mode. Lorsqu'en effet elle vint, la première, offrir aux dames l'occasion de marcher entre deux rangs de glaces, et de n'arriver aux Tuileries qu'après avoir consulté sur leur toilette quarante ou cinquante miroirs, son enceinte pouvait à peine contenir la foule qui s'y pressait : une jolie femme s'arrangeait toujours pour que le passage Delorme se trouvât sur son chemin. Que les tems sont changés! Des enfans et leurs bonnes, quelques solliciteurs qui vont au château, et ne veulent pas descendre de fiacre trop près de la grille, quelques personnes qui se rendent à leurs affaires traversent rapidement; voilà tout ce qu'on remarque au passage Delorme. Moins volage, je l'ai vu des mêmes yeux qu'autrefois, et je l'ai trouvé toujours joli."
Joseph Costa de Beauregard Les nouveaux tableaux de Paris 1828

Ci-contre, une vue en 1870 du passage qui sera démoli en 1896.

Charles Arnould Delorme fut propriétaire à Massy du domaine de Vilgenis dont il fit raser l'ancienne demeure pour construire le château, actuellement propriété de Safran. Il le revendit en 1852 à Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon 1°, et père de Napoléon Jérôme Bonaparte qui en hérita en 1860 le revendit en 1865. "D’étranges coïncidences au château de Vilgénis" pour reprendre le titre d'un dossier de Massystoric firent que Delorme put utiliser dès 1808 les pierres du château rasé pour bâtir son "Passage Delorme" alors qu'il n'acquit la propriété de Massy qu'en 1823...

Pdf externe : D’étranges coïncidences au château de Vilgénis.

Coïncidence ou relations? Napoléon Jérôme Bonaparte, pendant un temps possesseur du domaine de Charles Arnould Delorme, beau-père de Pierre Alfred de Tamisier, eut le privilège de la chasse à Villefermoy. Là, il eut d'excellentes relations avec Alexandre Tattet, l'un autorisant la chasse en forêt, l'autre prêtant ses étangs. Alexandre Tattet fut propriétaire de la ferme des Bouleaux ayant appartenu à Pierre Alfred de Tamisier. Le monde est petit ! Ou bien tous étaient en bonnes relations.

« Le comte de Stackelberg, ministre de Russie, a une maison agréable je la fréquente peu, bien que sa femme, mademoiselle Tamisier, soit Française et sœur d’un de mes collègues au ministère des affaires étrangères. La comtesse de Stackelberg est jolie et spirituelle; elle reçoit surtout le corps diplomatique. Les dames de Turin, ayant eu à se plaindre de son esprit mordant, la tiennent à l'écart …"
Henri d’Ideville, dans Journal d’un diplomate en Italie Rome 1859-1866, transmis par un correspondant de Remiremont