Maçons limousins |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Passez
la souris sur les illustrations pour leur légende. |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Dans ces pages, il est souvent fait mention de "Passeports
pour l'Intérieur". Il s'agissait d' ancêtres de la carte
d'identité, que l'on devait demander dès qu'on franchissait
les limites du canton. Ils étaient délivrés le plus
souvent en mairie, où l'on en conservait le talon. Le voyageur devait
présenter la feuille à chaque contrôle. |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Passez la souris sur l'illustration |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Un livret ouvrier était
conservé par le travailleur; on peut en trouver dans les papiers
de famille, mais très rarement dans les dépôts d'archives
: "C'est un petit cahier qui identifie
l'ouvrier, enregistre ses sorties et ses entrées chez ses maîtres
successifs ... Tout ouvrier voyageant sans livret est réputé
vagabond et condamné comme tel. Il ne peut quitter un employeur qu'après
que celui-ci eut signé un quitus sur le livret, la signature devant
être certifiée par une autorité, et ne peut quitter
une commune sans le visa du Maire ou de la Gendarmerie, avec indication
du lieu de destination. L'employeur doit inscrire sur le livret la date
d'entrée dans l'entreprise puis la date de sortie, et indiquer que
l'ouvrier le quitte libre de tout engagement."
Livret ouvrier d'un maçon creusois sur le site Migrants du Limousin |
||||||||||||||||||||||||||||||||
"En principe, le voyageur doit être muni d'un passeport établissant de façon indiscutable son origine, son nom et la raison de ses déplacements. Pour se le procurer, il faut se rendre au siège de l'intendance. Or Moulins est à 140 km d'Aubusson et Bourganeuf à 50 km de Limoges. Comme il y a aussi des droits à acquitter, les Marchois se contentent de simples saufs-conduits établis par les autorités de leurs villages, le curé le plus souvent ou le juge d'une justice locale qui, moyennant un peu d'argent, n'hésitent pas à leur fournir une attestation munie de quelques cachets de cire. Certains emportent un certificat de baptême et par économie s'en servent pour plusieurs voyages. Mais la plupart ne s'en préoccupent qu'en période difficile, lorsqu'ils redoutent une multiplication des contrôles. Ainsi, en 1700, le curé de Linard établit sur une simple feuille volante un certificat dans lequel il déclare que le nommé Jean Moune est marié, père de famille, que sa conduite n'a rien que de très régulier et qu'il l'a requis "attendu le bruit de milice de lui délivrer le présent certificat; que n'ayant jamais désobéi aux ordres du Roy, il lui serait fait injustice de l'interrompre dans sa marche". Annie Moulin: Les Maçons de la Creuse: les origines du mouvement |
||||||||||||||||||||||||||||||||
"Parmi les sources pour parvenir à
établir des statistiques, certains ont pensé pouvoir utiliser
les livrets ouvriers et les passeports intérieurs. Cette source n'est
pas sûre. Les livrets ouvriers n'intéressent que les migrants
choisissant des activités industrielles; (création: 1746, abolition:
1791, nouvelle obligation: 1804, mise en sommeil: à partir de la Seconde
Restauration, remise en vigueur: 1854, disparition totale: 1890). Ce sont
les maires qui les délivrent (à Paris, le préfet de Police).
Or, les préfets du Premier Empire reconnaissent qu'il y a un laisser-aller.
Les livrets ouvriers permettent de suivre les déplacements et les changements.
Peut-on avoir mieux confiance dans les passeports intérieurs qui avaient
la valeur de la carte d'identité d'aujourd'hui? Là aussi, le
maire les délivre. Mais ce passeport peut servir pour de nombreuses
migrations et tous les migrants n'en ont pas, les jeunes sont sous le couvert
des anciens. Des préfets du Massif central ou des Alpes le reconnaissent.
Aussi, il est bien difficile de n'utiliser que cette source pour obtenir des
statistiques pour telle commune de départ des migrants. Cela reviendrait
à se servir des cartes d'identité d'aujourd'hui pour faire un
recensement de population..." Abel Châtelain
|
||||||||||||||||||||||||||||||||
Si le passeport ne semble pas une source
fiable pour les statistiques, il n'en est pas de même ici, où
les actes ne sont pas assez nombreux pour permettre des décomptes savants. Si le nombre réduit de passeports conservés à la Chapelle Rablais ne permettrait pas des analyses statistiques, il n'est cependant pas négligeable: une douzaine de maçons a laissé seize feuilles et vingt et un talons à la mairie de cette petite commune. Si l'on ne peut se livrer à de savants calculs, on a la possibilité de suivre chaque migrant individuellement, ce qu'un trop grand nombre de documents interdirait. Et les passeports deviennent alors sources de nombreux renseignements dont nous tirerons profit au cours de ces pages. Liste des deux cents passeports conservés à la Chapelle Rablais
|
||||||||||||||||||||||||||||||||
Passez la souris sur ce passeport Département de la Creuse; sous préfecture
de Bourganeuf; commune de Bénévent Verso: |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Signalement: âgé de 40 ans,
taille d'un mètre 67 centimètres, cheveux châtains, front
rond, sourcils chatains, yeux gris, bouche moyenne, nez moyen, barbe noire,
menton rond, visage oval, teint brun, signes particuliers néant .
Signature du porteur: n'a pas signer |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Un passeport coûtait deux francs, sauf exception:
gratuit pour les indigents, il a quelquefois été délivré
sans frais à des maçons, quand le chômage sévissait
à Paris et que des ouvriers inoccupés auraient pu participer
à des émeutes. Le préfet, en 1828: "Les
travaux de construction et de plusieurs autres branches de l'industrie s'étant
ralentis dans la capitale, les ouvriers qui s'y rendent de divers points du
royaume s'y trouvent dépourvus de ressources et sont obligés
de solliciter les secours de route pour retourner dans leurs foyers."
Alain Becchia: Etude des passeports intérieurs
conservés à Elbeuf
|
||||||||||||||||||||||||||||||||
Deux francs équivalaient au salaire journalier
d'un artisan, sous Napoléon. A vrai dire, ce tarif est comparable
à celui d'un passeport moderne: 86 € en 2017, quand le smic
horaire net était à 7,61 €, donc l'équivalent
de 11 heures de travail; une bonne grosse journée, comme voici
deux cents ans. |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Le record fut battu par son compagnon,
Jean Momet: il fit établir son passeport pour l'intérieur à
Bénévent, chef lieu de canton, le 30 mars 1812; renouvelé
à la Chapelle Rablais le 20 novembre 1813; vu à Mourioux le
5 juin 1814, puis à la Chapelle Rablais le 9 décembre de la
même année, il fut prolongé par le maire de Mourioux (lui
avait-il fait payer les 2 francs que coûtait l'imprimé?) "Vu
le passeport de l'autre part du nommé Momét Jean de cette commune
de Mourioux et bont pour retourner dans le dpt de Saine et Marne, il ne fait
party d'aucune fonction militaire, et il s'est toujours bien comportés
en vret au nette homme. Délivré le présent certificat
à defaux de papier fait au bureau de la merié de Mourioux le
trois mars mil huit cent quinze." Signé Laforge
Le passeport de Jean Momet qui avait bien duré ne fut renouvelé qu'à l'automne 1815, le 10 novembre. Prévu pour n'être valable qu'une année, il servit 24 mois. |
||||||||||||||||||||||||||||||||
"A defaux de papier", les formulaires arrivaient à manquer, ou bien les événements politiques se succédaient à un rythme trop rapide! On continua à utiliser des imprimés à l'en-tête de "Police générale de l'Empire", sur le talon et "de par l'Empereur et Roi" sur la feuille quand l'Empereur ne gouvernait plus que la petite île d'Elbe, en surchargeant le tampon d'une mention manuscrite. Puis quand l'empereur revint pour cent jours, il fallut de même modifier les imprimés royaux... |
||||||||||||||||||||||||||||||||
C'est une chance pour nous que les maçons aient un peu tiré sur la ficelle à propos des passeports. Auraient-ils respecté scrupuleusement la date de péremption de leur document, qu'ils auraient certainement sollicité leur justicatif d'identité dans leur commune de résidence, au printemps, en Creuse et auraient fait de même au printemps suivant, ne laissant ainsi aucune trace en Brie. Cette première vague de migration n'a laissé que peu de traces dans les registres d'état civil, à part quelques décès. Contrairement à d'autres groupes de migrants (les voituriers thiérachiens, les scieurs de long du Forez) ils ne sont pas cités comme témoins avant que le type de migration ne change et qu'ils ne s'installent définitivement au village; ce qui n'est le cas d'aucun Creusois, sous Napoléon I°. La plupart des traces qu'ils ont laissées en Brie proviennent des passeports. Comme celui d'autres migrants qui n'ont pas fait renouveler leur passeport à la Chapelle Rablais, le passage d'un bon nombre de maçons limousins aurait pu rester inconnu. |
||||||||||||||||||||||||||||||||