Les voituriers par terre / 4
La Révolution
" 1792 : Nangis placé au bord et à une des extrémités du canton de ce nom dont il est le chef-lieu, a des communications ouvertes sur son territoire et sur celui du district de Provins avec toutes les villes les plus importantes, les autres communes de ce canton ont divers rapports d’intérêt avec Nangis et sollicitoient les réparations de leurs chemins, soit pour y arriver, soit pour se rendre à d’autres lieux importants; les fonds étant assez peu conséquents pour ne pouvoir suffir qu’à un seul endroit et Nangis surtout ayant éprouvé à lui seul et depuis longtems pour les Bien faits des fonds de secours et ne présentant point d’établissement d’une utilité générale, il a fallu faire un choix parmi toutes les autres demandes.
Le Procureur syndic et l’Ingénieur ont cru devoir faire tomber ce choix sur la Chapelle Rablai. La direction naturelle du chemin de Montereau à Nangis étoit par la Chapelle, mais des intérêts pressants la firent porter autrefois par Montigny, ce qui allonge de plus d’une lieue le chemin de Montereau à Nangis.
Cependant les intérêts du commerce ceux du voyageur qui ne veulent rien perdre ni sur leurs dépenses, ni sur leur tems ni sur leur fatigue, font que la direction par la Chapelle est plus fréquentée que celle par Montigny qu’en tout tems et dans le tems des foires surtout c’est un passage continuel de gens de voitures et des bestiaux qui arrivent des marchés de Cheroy à Nangis: il est reconnu que rien n’abyme plus les chemins que les troupes de gros bestiaux et de bêtes de somme, d’où il arrive que ceux de la Chapelle à Rablai et l’espace de ce lieu jusqu’à Fontains, situé dans un terrain gras, manque de pierres sont presque toujours impraticables.
Suivant l' Instruction adressée par ordre du Roi aux Directoires des Départements, sur le décret du 16 décembre 1790, quinze millions doivent être accordés pour subvenir aux dépenses des travaux de secours qui seront établis dans les quatre vingt trois départements, en exécution dudit décret.
"Les vues qui ont déterminé ce Décret bienfaisant, ont été essentiellement de venir au secours de la classe indigente. Les causes qui doivent amener d'une manière durable l'abondance du travail, la richesse & la prospérité nationales, ont dû elles mêmes, dans les premiers momens, produire du ralentissement dans ce travail, & par là une détresse passagère.
Sur les cinq millions, le décret du 16° jour de ventôse, an second de la République française accorde cinq cent mille livres au département de Seine et Marne; la route Nangis Montereau qui serait passée par la Chapelle Rablais ayant été adjugée à l'entreprise Millet pour 6.565 livres. A l'évidence, cela ne s'est pas fait et il faudra attendre le milieu du XIX° siècle pour que des routes carrossables traversent le territoire de la commune.
Un projet de grande route passant par la Chapelle Rablais a vu le jour au moment de la Révolution française, dans le cadre de grands travaux "afin de veiller à ce que les individus valides ne mendient point, et s'occupent des travaux utiles à la société."
En juin 1789, Arthur Young, agronome anglais
de passage à Nangis, le gros bourg proche de la Chapelle, chez le marquis
de Guerchy note:
" Des familles entières, dans la plus complète
détresse; ceux qui travaillent n'ont qu'un salaire insuffisant pour
se nourrir, et beaucoup ont bien de la peine à en trouver du tout.
"
" J'interrogeai M. de Guerchy sur ce
que l'on m'avait dit; il déclara que c'était la vérité.
Par ordre des magistrats, et pour prévenir l'accaparement, personne
n'est autorisé à acheter au marché plus de deux boisseaux
de blé. Pour qui a le sens commun, il est clair que de pareilles réglementations
ont une tendance directe à accroître le mal, mais c'est en vain
que l'on voudrait raisonner avec des gens dont les idées sont fixées
d'une façon immuable. Le jour du marché, je vis le blé
vendu conformément à ce règlement, avec un piquet de
dragons au milieu de la place pour empêcher toute violence. Le peuple
se dispute avec les boulangers, prétendant que les prix qu'ils demandent
pour le pain sont hors de proportion avec ceux du blé; des injures,
on passe aux coups; c'est l'émeute, et l'on se sauve avec du pain et
du blé sans rien payer; c'est arrivé à Nangis et dans
maints autres marchés; la conséquence, ce fut que ni cultivateurs,
ni boulangers ne voulurent rien apporter, jusqu'au moment où il y eut
danger de famine, et, quand cela arriva, les prix, par suite des circonstances,
montèrent énormément, ce qui aggrava le mal, au point
que des troupes furent réellement nécessaires pour donner quelque
sécurité aux gens qui approvisionnaient les marchés.
"
Arthur Young Voyages en France 29 juin 1789
Pour éviter la mendicité, les émeutes, le pillage -c'est l'époque des "chauffeurs", brigands qui grillaient les pieds de leurs victimes pour leur faire révéler la cachette du magot- le District de Provins avait choisi comme grands travaux la réparation des chemins aux abords de Jouy le Chatel et la "réparation du chemin de Nangis à Montereau par la Chappelle Rablay".
Massacre dans une ferme par les chauffeurs, an V de la République
La Chapelle a tous les inconvénients d’un chemin public et n’en a point les avantages; au contraire même il ne lui apporte que du préjudice, il étoit donc bien naturel de répondre à la sollicitude des habitants de la Chapelle, surtout lorsque le résultat de la satisfaction qu’on va leur accorder assure une communication qui devient utile au public.
à Montereau, le 26 8bre de l’an
1°
Département de Seine et Marne District de Provins Rapport de l’Ingénieur
et devis à la suite pour l’établissement d’un atelier
de charité dans le canton de Nangis
vu par moi, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées du Dept
de Seine et Marne à Melun le 11 février 1793, l’an 2°
de la République Française "
Fonds ancien de la bibliothèque de
Provins, merci à Mme Jude