Maçons limousins |
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Passez
la souris sur les illustrations pour leur légende. |
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"Les campagnards vivent enfermés dans
leurs villages, d'une vie médiocre et sans confort, toujours la même
depuis des siècles, rudes travailleurs, âpres au gain, à
peu près sans contact avec le dehors." C'est aussi ce que je pensais, d'autant que ma propre
généalogie est constituée de lignées de moules
de rocher qui ne commencèrent à s'agiter qu'à la génération
de mes grands parents. |
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Si une partie des campagnards n'osait pas s'aventurer loin de son clocher -ceux que leur métier liait à la terre- il en était d'autres qui n'hésitaient pas à quitter leurs foyers. Dans les archives de la Chapelle Rablais, à côté de fermiers, laboureurs et nombreux manouvriers sédentaires, j'ai rencontré tout un peuple mouvant: artisans en apprentissage, bergers, moissonneurs saisonniers, batteurs en grange, anciens prisonniers des guerres révolutionnaires, forains, quelques colporteurs (ils laissent peu de traces), cordonniers de Lorraine, ramoneurs savoyards (présents, mais pas de traces au village), scieurs de long du Forez, débardeurs thiérachiens, maçons de la Creuse, sans oublier le trafic des "Petits Paris" mis en nourrice à la campagne. |
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Un autre chapitre de ce site traite de
voituriers en bois venus du Hainaut, surnommés les "Thiérachiens".
A ces migrants, j'ai consacré beaucoup de pages, plus de trente, car
le souvenir de leur migration avait été oublié, tant
en Brie que dans leur province d'origine.
Tapez "voiturier thiérachien" dans Google, vous n'obtiendrez que trente trois réponses, 32 proviennent de ces pages, la dernière les cite. Tapez "maçon + Creuse" dans le même moteur de recherche, vous aurez 588.000 occurences, beaucoup étant hors sujet: la première réponse donne l'itinéraire entre Macon et la Creuse ! d'autres recensent toutes les entreprises de maçonnerie de ce département... En affinant la recherche, on trouve cent dix huit mille réponses pour "limousiner", encore plus de dix mille pour "limousinage", termes qui se rapportent sans ambiguïté au labeur des anciens maçons de la Marche. |
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Si les "Tirachiens" ont été oubliés, il n'en est pas de même pour les maçons de la Creuse. Il existe beaucoup d'excellents sites d'aide à la recherche généalogique et à la transmission du patrimoine en Limousin que je me garderai bien de paraphraser. Je contenterai, ici, d'exposer les documents concernant les Limousins retrouvés autour du petit village de la Chapelle Rablais. |
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Aujourd'hui, dans les pages jaunes, à la rubrique
"entrepreneurs en bâtiment",
les noms portugais fleurissent. Jadis, on y trouvait plutôt des
noms italiens. |
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Arrivé le printemps |
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Dans l'ancienne province de la Marche, pendant des décennies, des paysans quittaient leur petite exploitation au début du printemps pour n'y retourner qu'à la fin de l'automne: "En ce printemps 1860, trente-cinq mille Creusois prenaient à quelques semaines d'intervalle les routes du nord mais aussi de Lyon, de Bordeaux et de Vendée. Du département, comme d'un cœur, partaient des artères rouges d'un sang d'hommes vigoureux et poussés par la misère. Des tailleurs de pierre, des maçons, des scieurs de long, des charpentiers, des terrassiers dévalaient des villages perchés sur le plateau de Millevaches ou des campagnes plus au nord, de Boussac à Pontarion, d'Aubusson à La Souterraine, avec un seul projet : faire bonne campagne pour soulager les leurs restés au pays." Jean-Guy Soumy: Les moissons délaissées
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La migration des Limousins vers Paris
est la plus connue, mais la capitale était-elle ce lieu de cocagne
dont ils rêvaient? Le salaire y était évidemment meilleur
qu'au pays -sinon, pourquoi auraient-ils migré?- et les maçons
entendaient bien l'économiser, pour rapporter le plus gros pécule
possible.
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Tout allait bien quand l'ouvrage ne manquait
pas, mais, avant (et après) les grands travaux d'Haussmann, le travail
n'était pas toujours assuré dans la capitale: "A
peine étais-je arrivé à Paris que des camarades du garni
m'apprirent que les travaux allaient très mal. Certains d'entre eux
m'affirmèrent qu'ils n'avaient pas fait une seule journée pendant
la durée de l'hiver." témoigne le maçon Martin
Nadaud en 1833 qui subit un chômage forcé, dû à
une grève de cinq semaines des charpentiers. |
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L'accès à la capitale fut
plusieurs fois restreint: "En octobre 1815, le
sous-préfet rappelle que le Ministre de la Police se plaint de «
l'extrême facilité » avec laquelle on obtient des passeports
pour Paris, où affluent « les intrigants politiques de divers
départements, les aventuriers de toutes les classes, les gens disposés
à tout... Les travaux de construction et de plusieurs autres branches
de l'industrie s'étant ralentis dans la capitale, les ouvriers qui
s'y rendent de divers points du royaume s'y trouvent dépourvus de ressources
et sont obligés de solliciter les secours de route pour retourner dans
leurs foyers." |
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Les épidémies pouvaient aussi bloquer l'économie:
en 1832, le choléra, chassa les migrants de l'Ile de France infectée.
Paris subit l'épidémie au printemps, la Chapelle Rablais à
la fin de l'été. Les maçons quittèrent la capitale
pour retourner au pays. "L'état sanitaire
est partout satisfaisant. Cependant il règne de inquiétude
dans la population: des ouvriers revenant de la capitale parce qu'ils ont
manqué d'ouvrage ou qu'ils ont craint la maladie ont semé
l'épouvante sur quelques points."
Graphique de mortalité en 1832 |
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Si les maçons bâtissaient les
beaux immeubles, leur souci d'économie les obligeait à
se loger en "garnis" des plus sordides. Martin Nadaud qui
fut maçon avant de devenir député en témoigne:
"Dans cette chambre, il y avait
six lits et douze locataires. On y était tellement entassés
les uns sur les autres qu'il ne restait qu'un passage de cinquante centimètres
pour servir de couloir le long de cette chambre... nous remontions dans
nos chambres respirer un air fétide et vicié, et par comble
le seul cabinet d'aisances qu'il y eût dans la maison, à
l'usage de plus de soixante personnes, se trouvait sur notre carré,
et j'avoue qu'il n'était pas facile d'y pénétrer
bien qu'il y eût de chaque côté de la lunette pierres
sur pierres. Quand les hommes de notre chambrée se déchaussaient
pour se mettre au lit, les pieds en sueur ou sortant de bas crasseux
qu'ils ne changeaient pas toujours chaque semaine, il fallait être
bien habitué à ce genre de vie pour ne pas se boucher
les narines." |
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Un garni à New York en 1890 photographié par Jacob Riis | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ajoutons
la vie plus chère à Paris que dans d'autres cités: "A
Lyon les ouvriers gagnent 1 franc de moins par jour, mais leurs frais de nourriture
et de logement étant moindres qu'à Paris, l'équilibre
des salaires se rétablit." Bandy
de Nalèche N'oublions pas la concurrence des
maçons locaux et autres provinciaux dont la migration est moins célèbre
que celles des Limousins, les Normands près de 10% des 2.343 maçons
parisiens recensés grâce aux cartes de sûreté (55%
pour les Limousins).
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Evidemment, tout n'était pas si noir à Paris, comme les paragraphes précédents le laisseraient penser, sinon, pourquoi les Limousins y seraient ils retournés, si souvent et si nombreux ? Mais Paris ne pouvait pas absorber l'ensemble de la migration maçonnante qui devait trouver d'autres débouchés. Ce pouvait être Lyon, les Landes et le Sud Ouest, les contrées à l'ouest du Massif Central, le Cantal et le Puy de Dôme, et les villes et villages du Bassin parisien. C'est ainsi qu'on les retrouve si nombreux dans les petits villages de la Brie... Lien vers la carte des destinations et métiers des migrants limousins
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Paris était
la destination première de Léonard Cheroux, en 1804, jeune marié
de dix huit ans, quand il demanda un passeport au Grand Bourg, Creuse, "pour
travailler de l'état de maçon ... muni d'un livré".
Mais, comme l'indique le registre, un compagnon a dû lui souffler de
se diriger plutôt vers "Rozé en Brie" où plusieurs
Creusois avaient déjà travaillé. Autres maçons du Grand Bourg vers la Brie 1801/1806 (Merci au groupe Yahoo Gen23) Passez la souris sur l'acte ci-dessous |
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Si personne de son entourage ne lui avait
soufllé cette destination, il est peu probable qu'un beau matin, un
Limousin se soit exclamé de lui-même :
"Tiens, si j'allais travailler à la Chapelle Rablais?"
petit village situé à plus de trois cent cinquante kilomètres
de la Creuse, 88 heures et 46 minutes de voyage à pied, d'après
Mappy (beaucoup moins pour un Creusois bon marcheur, nous le verrons plus
loin). |
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La Chapelle Rablais et son gros hameau
des Montils sont au centre de deux clairières, dans les dernières
franges de l'ancienne forêt de Bièvre dont fait partie le massif
de Fontainebleau, avant le grand plateau céréalier de Brie,
et à l'écart des routes. Pas de voie qu'aurait empruntée
les migrants: |
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Les documents sur les Limousins à
la Chapelle Rablais et dans les villages alentour sont nombreux, quand on
la patience de les chercher. Le dossier "Traces
des maçons de la Creuse", sur ce site est fort long, il
vous faudrait plus de cinq cents feuilles de papier pour en tirer une copie.
Un attrait singulier aurait-il incité tant de Limousins à venir
dans ce village? Doc: Traces des maçons limousins à la Chapelle Rablais etc... |
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Un Hôpital Général,
un Hôtel Dieu auraient pu faire gonfler le nombre d'actes (de décès)
concernant les maçons. Rien de tout cela dans ce petit village où
malades, accidentés, vieillards et indigents étaient dirigés
sur l'Hôtel Dieu de Provins. Vraiment rien de spécial à la Chapelle Rablais, voici plus de deux cents ans. Ce n'était qu'un petit village comme tant d'autres. Pas le plus riche de la région, à cause du gibier qui faisait grand tort aux récoltes, surtout sous l'Ancien Régime quand la Chapelle Rablais était sous le joug de la Capitainerie de Fontainebleau ou plus tard, quand le comte Greffulhe préférait la chasse aux cultures. Dossier: la Chapelle Rablais dans la Capitainerie de Fontainebleau Cependant, entre 1750 et 1850, plus de cinquante maçons limousins ont laissé des traces à la Chapelle Rablais, et bien plus alentour ...
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