Les voituriers par terre / 10
Le flottage du bois
" La grande quantité de blé qui se vend sur le marché de Provins, & qui s'enlève pour la provision de Paris, a toujours fait désirer une communication directe par eau entre ces deux villes. Provins, il est vrai, n'est éloigné de la Seine que d'environ trois lieues et demie, mais ce trajet étant difficile & quelquefois impraticable, le service pour la capitale est pénible, coûteux, & souvent interrompu. On a cherché de tout temps à épargner le transport par terre... "
De 1665 au début du XIX° siècle, le projet de rendre navigable la Voulzie, ou de contruire un canal, suivant les recommandations de Vauban ont été au centre des préoccupations des Provinois. Evidemment, le projet n'aboutit pas...
Lien vers le dossier sur le canal inachevé de Provins
Ce détour par l'exemple de Provins montre que le transport par eau était privilégié, dès qu'il était possible.
"Il y a quelques siecles que l'on étoit dans l'appréhension que Paris ne manquât un jour de bois de chauffage ; les forêts des environs se détruisoient, & l'on prévoyoit qu'un jour il faudroit y transporter le bois des provinces éloignées; ce qui rendroit cette marchandise si utile & d'un usage si général, d'un prix exorbitant occasionné par le coût des charrois." L'Encyclopédie
Du milieu du XVI° siècle jusqu'à l'avénement des chemins de fer qui verra aussi la ruine de nombreux rouliers, maîtres de Poste et autres postillons, est entreprise une vaste politique d'aménagement de la Seine et de la plupart de ses affluents, même de faible débit, afin d'assurer leur flottabilité et leur navigabilité, afin d'approvisionner Paris en bois... Ils permettent la mise en place d'un système de transport très structuré, relativement efficace et peu coûteux, dont l'organisation diffère assez peu d'une vallée à une autre.
La plus grande partie du bois à
destination de Paris ne provenait pas d'Ile de France, mais du Morvan qui,
depuis la fin du XV° siècle avait développé des techniques
de transport du bois de coupe:
Coupé durant l'hiver par les bûcherons,
le bois était empilé l'été sur la rive et découpé
en grosses bûches. Chaque marchand de bois avait son marteau avec lequel
il marquait chaque bûche à l'un des bouts coupés à
la scie. Ces bûches étaient d'abord jetées à bois
perdu dans les ruisseaux où les marchands les faisaient pousser sur
la Cure par des journaliers dits approcheurs jusqu'à Vermanton, ce
qu'ils appelaient le premier flot. Le tout y était arrêté
par des perches et des cordes mises en travers de la rivière, puis
tiré à terre.
Après tri suivant les marques reconnues
sur les bûches, empilage et séchage de deux mois, les bûches
étaient groupées en trains constitués
de trois ou quatre branches de dix-huit coupons de soixante bûches de
quatre mètres –soit 72 mètres de longueur et 100 stères
de bois- unis au moyen de perches liées avec des "harts",
appelés également "rouettes", les branches étant
unies par des traverses. Site Isaa métiers
d'eau douce
Les marchands de bois provoquaient des crues artificielles en lâchant
l'eau retenue derrière les écluses barrant les étangs,
les réservoirs et les petites rivières affluentes. C'était
aussi le cas pour la navigation sur la Seine qui ,
depuis Nogent jusqu'à Bray, a peu de profondeur dans certains endroits.
Pendant neuf mois de l'année, les bateaux qui chargent entre ces deux
villes n'ont pas leur cargaison complette; les mariniers sont même obligés
de concerter leur départ avec celui du coche de Nogent, au départ
duquel on lâche une grande masse d'eau retenue à dessein, &
qui, augmentant la rivière & lui donnant plus de rapidité,
leur fait plus aisément gagner Bray. Supplique
du Conseil Général de la Commune de Provins
"Les diminutions arrivées dans les Forêts, les accroissemens de la ville de Paris, & les augmentations successives de ses habitans y ont souvent fait ressentir la disette de bois de chauffage, & fait craindre d'en manquer: Cette disette commença à paroître dès le Regne de Charles VI." Traité de la Police
"La capitale étoit sur le point de devenir beaucoup moins habitée par la cherté du bois, lorsqu'un nommé Jean Rouvet, bourgeois de Paris ; imagina en 1549 de rassembler les eaux de plusieurs ruisseaux & rivieres non navigables ; d'y jetter les bois coupés dans les forêts les plus éloignées ; de les faire descendre ainsi jusqu'aux grandes rivieres ; là, d'en former des trains & de les amener à flot, & sans bateaux, jusqu'à Paris. J'ose assurer que cette invention fut plus utile au royaume, que plusieurs batailles gagnées, & méritoit des honneurs autant au moins qu'aucune belle action. " L'Encyclopédie
La reconstitution d'un train de bois de 72 mètres a descendu l'Yonne
puis la Seine, de Clamecy à Paris en juin 2015. On le voit ici arriver
à Héricy.
On suivra l'actualité de l'association sur
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