Le chapitre sur le bois de chauffage du "Traité de la police, où l'on trouvera l'histoire de son établissement, les fonctions et les prérogatives de ses magistrats ; toutes les loix et tous les reglemens qui la concernent... Tome troisième. Par M. De La Mare, conseiller Commissaire du Roy au Châtelet de Paris 1719 "commence par une assez longue introduction sur l'origine du feu, d’une rigueur très approximative :

"  … Les Poëtes & quelques autres Anciens, qui font remonter cette découverte jusques aux temps fabuleux, ont feint que Prométhée ayant été enlevé au Ciel par Minerve, alluma un morceau de bois à la roue de feu du Soleil, qu’il apporta sur terre. Ceux qui ont voulu rechercher quelques faits historiques dans l’obscurité de cette fable, prétendent que Prométhée vivoit du temps d’Osiris Roy d’Egypte, qui n’est autre chose que Cham, fils de Noé… "

Nicolas De la Mare détaille les types de bois vendus pour le chauffage de Paris:
« On les distingue d’abord par la taille en gros & menu, par la voiture en neuf & en flotté, & par la mesure en bois de moûle, ou de compte, & en bois de corde ; tous ces termes vont être expliquez.
Tout le gros bois est compris sous le nom generique de bûche ; chaque bûche, de quelque bois que ce soit, doit avoir trois pieds & demy de long ; elles ne sont distinguées dans le commerce que par leur grosseur.
Les plus grosses sont nommées bois de moûle parce que pour les livrer par le Marchand, elles doivent être mesurées dans un anneau, qui a six pieds & demy de circonférence que l’on nomme moûle, dont le patron, ou prototype, est à l’Hôtel de Ville, sur lequel ceux dont on se sert sont étalonnez & marquez aux armes de la Ville.
Trois de ces moûles, ou anneaux remplis, en ajoûtant douze bûches de plus sur les trois anneaux, doivent faire la charge d’une charrette ; ce qui se monte ordinairement depuis cinquante deux, jusques à soixante deux bûches, d’où ces bûches ont été aussi nommée bois de compte….
Les anciennes Ordonnances nomment bois de traverse les bûches qui suivent immédiatement en grosseur le bois de moûle , & nomment bois taillis, les bûches qui n’ont que cinq ou six pouces de tour…
(le bois de corde) Ce nom luy est donné, parce que dans les forêts, les Bucherons pour compter avec leurs Maîtres, ou les Marchands avec les Acheteurs, ils plantent quatre pieux qui forment un quarré de huit pieds en tout sens, & de quatre pieds de haut, qu’ils remplissent de bois, & mesurent ces dimensions- là avec une corde….
…Quant au menu bois, il consiste en cotterets, en fagots, & en bourrées.
Il y a des cotterets de bois taillis fendus, & des cotterets de petit bois rond : ceux- cy nous viennent ordinairement par la rivière d’Yonne, les uns et les autres doivent avoir deux pieds de long, & dix sept à dix huit pouces de grosseur.
Les fagots sont faits de branches les plus menües des arbres ; ceux qui sont exposez en vente à Paris, doivent être de trois pieds & demy de long, & dix sept à dix huit pouces de grosseur. Un bateau de cotterets ; ou de fagots, est ordinairement de vingt milliers.
Bourrée est une espèce de fagot distingué des autres, parce qu’il n’est composé que de broussailles, d’épines, de ronces, & du plus menu & plus mauvais bois ; il prend feu promptement, mais il est de peu de durée. »

Les voituriers par terre / 9
Le commerce du bois

Les lois et la maréchaussée privilégiant le nomade, le presque bohémien, l'autorisant à utiliser contre la tradition les biens des paysans, le fait est assez rare pour être signalé; plus encore aux siècles passés où le migrant était le seul à devoir justifier de son identité.

Les lettres patentes de 1787 précisent: Aussitôt après la rédaction du procès-verbal dans le délai de vingt-quatre heures prescrit par l'article précédent, lesdits chevaux ou bœufs seront remis à leurs maîtres, sans que, pour quelque prétexte que ce soit, ils puissent être tenus en fourrière plus long-temps, et seront les expéditions desdits procès-verbaux adressées sans délai au procureur du roi et de la ville de Paris.
sur arrêt au sujet des délits qui peuvent être commis par suite des pâturages des chevaux et bœufs, dans les prés fauchés, bruyères, etc. Versailles, 3 mars1787.

Quel qu'en soit le motif, il ne fallait pas que les Thiérachiens soient empêchés de travailler, trop d'enjeux économiques en dépendaient. Car les voituriers ne transportaient pas n'importe quel bois, ils étaient chargé d'alimenter la ville de Paris. Et chacun sait qu'un groupe capable de paralyser d'une manière ou une autre la capitale bénéficie d'un moyen de pression non négligeable.
S'ils ont eu gain de cause, dans l'affaire de 1753 à Château Thierry, concernant la réquisition de biens de voituriers, c'est que les Thiérachiens menaçaient de se mettre en grève: "... de manière que ces Voituriers veulent abandonner l'ouvrage, ce qui serait constamment un tort des plus marqué au Suppliant , mais de plus priverait la provision de Paris d'une quantité considérable de Bois & Charbons... "     Code rural, ou Maximes et réglements concernant les biens de campagne ..

Texte intégral de la sentence qui maintient les voituriers dans l'usage du pacage

"Les provisions de bois pour la Ville de Paris, ont toujours été jugées si favorables & si nécessaires, qu'il n'y a point de protection, de facilitez & de privilèges qui n'ayent été accordez aux négocians qui s'appliquent à ce commerce."
Traité de la police... 1719

" Il est permis de voiturer depuis les forêts jusqu'aux rivieres, à-travers toutes terres, en avertissant dix jours auparavant par des publications aux prônes ; de jetter les bois dans les rivières ; de les pousser par les ruisseaux, étangs, fossés de châteaux, &c. sans qu'ils en puissent être empêchés par qui que ce soit."       Encyclopédie Diderot D'Alembert

l'Encyclopédie Diderot D'Alembert : le bois de chauffage

"… C'est une vérité reconnue, que le bois à brûler est un des objets de nécessité première; c'est lui qui donne au pain le dernier degré qui le rend propre à devenir la nourriture de l'homme. Excités par ce grand intérêt, les marchands vont soumettre à leurs concitoyens quelques réflexions, et leur seul but est de donner une nouvelle preuve de leur zèle à contribuer au bien général.
A Paris, la consommation du bois est considérable; mais tout le monde sait que ce n'est pas à Paris ni dans son voisinage que se trouve cette denrée. Il faut aller chercher a des distances éloignées de 20, 30, 50 et 100 lieues. On sait encore que c'est à la faveur des rivières, canaux et ruisseaux, que se fait le transport des bois, soit en bateaux, soit par flottage.

Mais la sûreté de l'approvisionnement de Paris tient à bien d'autres considérations, que n'aperçoit pas ordinairement le consommateur inattentif, surtout lorsque ses besoins ne lui font point naître d'inquiétudes. En effet, quand le bois est sur les ports propres au flottage, soit à bûches perdues, soit en trains, il a déjà nécessité beaucoup de travail et de dépenses. La coupe, la façon, l'empilage, le charroi du lieu de l'exploitation sur le bord des rivières et ruisseaux ont occupé beaucoup de bras, exigé des frais et consommé du temps, puisque deux années de travail sont nécessaires pour ces premières opérations, à l'égard des bois les plus éloignés. Ce n'est pas tout, les bois sont éloignés des rivières et ruisseaux de 2, 3 et 4 lieues et l'on conçoit que, pour leur faire faire ce trajet par terre, il faut nécessairement le secours d'hommes, chevaux et bœufs. C'est sur cette portion du travail qu'il faut principalement s'appesantir pour connaître une des causes qui, dans les circonstances actuelles, peuvent faire appréhender la rareté du bois. Inutilement les eaux seraient-elles aussi favorables que la nature, dans toute sa bienfaisance, peut le promettre, que Paris ne sera pas approvisionné, si d'abord les bois n'ont pas été voiturés des ventes aux ports. "

Jurisprudence générale Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence en matière de droit civil, commercial, criminel, administratif de droit des gens et de droit public. tome VI pp 272 / 273...

"... si d'abord les bois n'ont pas été voiturés des ventes aux ports..." Un petit point de vocabulaire. Rappelons que voiturer était synonyme de transporter, par terre, par eau, par air... "Nous vous voiturerons par l'air en Amérique" promettaient les canards à la tortue de la Fontaine. Dans ce cas, il s'agit bien de mettre du bois dans des voitures. Le mot "Ventes" a un sens particulier quand il s'applique aux Eaux et Forêts:

A chaque occasion, nous essayons de retrouver la vie de Denis Toussaint Félix, 1762/ 1835. Dans l'acte de vente de la petite maison qui devint l'école de la Chapelle Rablais, figure la profession de ses nombreux enfants: l'aîné, Adrien Toussaint est marchand de bois, Brigitte a épousé un menuisier... Edme Louis est garde-vente:

Définitions extraites du Larousse du XX° siècle.
Ci dessous extrait de l'atlas de la forêt de Villefermoy, 1774, carte n° XXI.
AD77, 101 H 28


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Nicolas De la Mare expose en cinq paragraphes les étapes de l'exploitation du bois de chauffage, de la coupe à la distribution dans Paris:
§ 1 / Ce qui doit être observé par les Bûcherons en façonnant dans les forêts le bois de chauffage.
§ 2 / Dans quel temps les Marchands sont tenus d'exploiter les ventes qu'ils achètent dans les forêts, & d'en tirer & sortir les bois.
§ 3 / Des voitures des bois, depuis les forêts jusques aux rivières navigables ou flotables.
§ 4 / De la diligence que les Marchands doivent faire pour conduire & faire arriver leur bois à Paris.
§ 5 / De l’arrivée & de la décharge des bois à Paris

Lien vers les extraits du Traité de la Police.

Pour savoir ce qu'est un bois arsin, chamblis, en pueil, cantiban, d'entrée, flache, canard, de gravier, et tant d'autres, rien ne vaut l'article de l'Encyclopédie de Diderot d'Alembert...

Extraits de l'Encyclopédie: le bois de chauffage
Extraits de l'Encyclopédie: autres articles sur le bois

Les bois de chauffage

Il est enjoint aux Marchands trafiquans de bois pour les provisions de Paris, de faire façonner tous les bois à brûler, de trois pieds & demi de longueur, & à l'égard des grosseurs. Le bois de moûle de dix-huit pouces au moins.
Le bois de cordes de quartier de pareille grosseur de dix-huit pouces au moins: Ce bois étoit nommé dans les anciennes Ordonnances bois de traverse, vieux mot qui étoit peut-être alors d'usage; au lieu de fente; ainsi l'un & l'autre de ces bois devant être de même longueur & de même grosseur, il faudroit dire, pour y admettre quelque différence, que celuy de moule est un tronc de corps entier de l'arbre & celuy de traverse un tronc fendu par quartiers.

"Les plus grosses sont nommées bois de moûle parce que pour les livrer par le Marchand, elles doivent être mesurées dans un anneau, qui a six pieds & demy de circonférence que l’on nomme moûle.."
Trois siècles après Nicolas De la Mare, le bois de corde / bois de moule redevient à l'ordre du jour puisqu'en forêt de Villefermoy, les bûcherons utilisent un anneau dans lequel ils empilent une stère de bois de chauffage qu'ils entourent d'une forte corde ( à noter qu'au XVIII° siècle, la corde était plutôt une unité de mesure). Au lieu d'être livré en bûches bennées d'un camion, le bois arrive maintenant chez le client en gros fagots soulevés par une petite grue, comme on voit aussi le sable livré en "big bags" plutôt qu'en vrac.

PS: Je remercie les forestiers pour leur amabilité.