Un épisode de la guerre
de 1870
Montereau/ la Chapelle Rablais/ Grandpuits
Extrait du "Journal
de l'occupation prussienne"
par Amédée Fauche 1871 ed L. Zanote à Montereau
" Le Journal de Montereau du 3 novembre 1870, sous la signature "un volontaire de Grand-Puits" raconte ainsi l'affaire dite de Grand-Puits. Nous lui laissons la parole :
... Dans la nuit du jeudi au vendredi 21 octobre, on annonçait
qu'un petit détachement prussien faisait des réquisitions du
côté de La Chapelle-Rablais. On décida d'aller attaquer
ce détachement et, à trois heures du matin, les volontaires
de Montereau, de Cannes et de Varennes se dirigeaient, malgré une pluie
fine et serrée, sur Forges où déjà s'étaient
réunis les volontaires de cette commune et ceux de La Grande-Paroisse.
En route, se trouvèrent encore les volontaires de Misy, Barbey, Marolles,
Saint Germain-Laval, Salins et Laval.
A Coutençon, on fit une petite halte pour laisser à la compagnie
de marche d'Auxerre le temps de nous rejoindre. La compagnie arriva bientôt,
en effet, amenée de Vinneuf par des voitures et des charrettes. A Coutençon
on signalait l'ennemi à La Chapelle-Rablais et on partit joyeux, persuadé
que là enfin on rencontrerait cet ennemi que, deux fois déjà,
nos volontaires étaient allés inutilement chercher...
Cahier journal de l'instituteur de la Chapelle Rablais le 19 septembre 1870
"Par suite de la présence de l'ennemi dans la commune le 16 (à partir de 2 heures) le 17 et le 19, la classe a été suspendue."
Le paiement des indemnités de guerre mit à sec le budget communal de la Chapelle Rablais pendant au moins deux années. Le 16 octobre 1870, on discute de la répartition à faire de la somme de 164.737 francs qui tombe sur l'arrondissement de Provins, qui est engagé, pour éviter des représailles, à payer sa portion dans le délai de six jours. La commune paya alors 1.359,60 francs. Le 8 janvier 1871, le département étant imposé pour un million, la part de la commune s'élèvera à 3.134 francs. Une vache et deux voitures à cheval avaient aussi été réquisitionnées.
... Les volontaires d'Auxerre prirent la tête de la colonne et on arriva
à La Chapelle-Rablais. On y fit une nouvelle halte de quelques minutes
et on apprit que l'ennemi devait être à 10 kilomètres,
à Grand-Puits. Nous avions déjà fait 22 kilomètres,
la pluie sur le dos et sans autre nourriture qu'un morceau de pain bis et
du fromage très-hospitalièrement offerts du reste, par le fermier
d'un pays que nous avions traversé. Néanmoins, tout le monde
voulait aller en avant et le commandant donna le signal de la marche.
A Fontenailles, on eut des renseignements sûrs. Les Prussiens, au nombre
de deux cents fantassins et d'une centaine de cavaliers faisaient des réquisitions
à la ferme de la Salle, commune de Grand-Puits et, pour ainsi dire,
la première maison de ce village. La ferme de la Salle est un ancien
château-fort du XVI° siècle, entourée de hauts murs
et de fossés profonds et remplis d'eau : c'est une véritable
forteresse parfaitement en état de se défendre contre des troupes
dénuées d'artillerie.
A un kilomètre environ de la ferme, au bas de la
colline qui mène à Grand-Puits, la colonne, forte d'environ
7 à 800 hommes; fut divisée en trois détachements à
peu près égaux. L'aile droite avait à se porter en avant,
de façon à tourner le village; le centre avait pour mission
de rester à gauche de la route, abrité par des bois, éloignés
de la ferme d'environ 3 à 400 mètres. Enfin l'aile gauche à
la tête de laquelle s'était mis notre commandant devait, en longeant
les bois de M. de Greffulhe, aller s'embusquer derrière la ferme, afin
de couper la retraite des Prussiens. Chacun des détachements devait
garder le poste convenu et surtout attendre pour attaquer l'ennemi que ce
dernier quittât la ferme.
L'aile gauche n'était pas parvenue à son poste, lorsque quelques-uns
des hommes qui la composaient aperçurent des cavaliers sortant de la
ferme et se dirigeant à toute bride du côté de Mormant,
sans doute pour y chercher des renforts. Une partie des nôtres se détacha
alors espérant couper la retraite des fuyards, mais inutilement; on
revint donc au poste indiqué. La fusillade commençait sur le
centre; on prit le pas de course dans une plaine longue de plus de 800 mètres.
Les balles sifflèrent, mais on parvint sans accident à rejoindre
le commandant placé avec le reste des hommes de l'aile gauche, dans
un bouquet de bois peu éloigné de celui qui devait servir d'abri
au centre.
L'aile gauche était donc ainsi disposée : une partie dans le
bois avec le commandant, l'autre embusquée dans un fossé distant
de la ferme d'environ 120 mètres, mais abritée par des peupliers
et des saules. De plus, ce fossé tout-à fait parallèle
aux bâtiments, touchait, d'un côté, à un chemin
qui longe la ferme, et de l'autre s'appuyait au dernier bois dont nous venons
de parler.
En 1870, un petit bois avait permis l'avancée des "volontaires" jusqu'à la ferme de la Salle, comme le montre cette carte d'Etat Major de la fin du XIX° siècle..
En passant la souris sur l'image, on découvrira la vue aérienne de Grandpuits.
Une vive fusillade était engagée; les hommes du centre dans
lequel se trouvaient bon nombre de volontaires de l'Yonne, entrainés
tous par leur ardeur, avaient quitté le bois où ils étaient
embusqués et s'avançaient complètement à découvert,
dans un champ de betteraves. Là furent faits des prodiges de bravoure
; là tombèrent pour ne plus se relever quelques volontaires
et ceux des nôtres dont nous déplorons la perte. Une partie du
centre avait pu heureusement s'abriter derrière un silo de betteraves,
situé à 80 mètres de la ferme : autrement l'ennemi nous
eût fait subir des pertes beaucoup plus considérables.
Les volontaires de l'Yonne attaquèrent avec courage la ferme; ils arrivèrent
jusqu'à la haie du jardin, mais que pouvaient-ils contre un ennemi
invisible, bien abrité et tirant à coup sûr par les lucarnes
et la toiture? C'était une lutte impossible, mais qui fut cependant
soutenue pendant près de trois quarts-d'heure.
La cavalerie ennemie tenta deux sorties, l'une sur l'aile gauche, l'autre
sur l'aile droite. Leur but était évidemment de nous tourner
pendant que l'infanterie sortirait par les portes de derrière la ferme
: elles échouèrent toutes deux. Par la gauche, les cavaliers
sortirent timidement, en petit nombre et quelques coups tirés sur eux
par les hommes avancés de l'aile gauche suffirent à les faire
rentrer. Quant à l'autre peloton composé d'environ 40 cavaliers,
il avança jusqu'au silo de betteraves. Il fut reçu par une fusillade
à bout portant, faite surtout par les volontaires de Montereau, fusillade
si bien nourrie et si bien envoyée, que le peloton tout entier tourna
bride immédiatement et retourna se mettre à l'abri dans la ferme.
C'est alors que les volontaires d'Auxerre, voyant sans doute l'inutilité
de leur attaque contre la ferme, se replièrent sur le centre, qui fut
ainsi obligé de battre en retraite à son tour. La retraite du
centre entraîna naturellement celle de la droite, et la gauche, obéissant
à son chef, dut exécuter le même mouvement.
Les victimes de cette fatale journée sont nombreuses. Voici les noms
des morts et des blessés qui appartenaient aux gardes nationales du
canton :
Montereau / Morts :
Buthion Michel, 54 ans, ouvrier faïencier.
Colleray Stanislas, 17 ans, ouvrier coutelier.
Couppé Gatien-Severin, 32 ans, ouvrier faïencier.
Dessaux Jean-Baptiste, 54 ans, pharmacien.
Gérard Louis-Antoine, 52 ans, manouvrier.
Jadrat Augustin-Hector, 36 ans, ouvrier faïencier.
Bertrand Ulysse, 20 ans, paveur.Montereau / blessés
Bournot Eléonore, femme MéIinat LouisProsper, 45 ans, vivandière.
Schneit Prosper-Auguste, 55 ans, mouleur à la manufacture de faïence.Montereau / prisonniers
Pinois, dit Ducret Adolphe, ouvrier faïencier.
Miloche Etienne-Henry ouvrier faïencier.Barbey / tué :
Monpoix François-Alexandre, 43 ans, remorqueur de bateauForges / tué :
Sylvestre Louis-Germain, 52 ans, manouvrier.La Grande Paroisse / tués :
Bonnefond Vincent-Etienne, 35 ans, vigneron.
Poil Etienne-Jules, 31 ans, vigneron.Laval-Saint Germain / tué :
Buffeteau Denis, 32 ans, célibataire.Laval-Saint Germain / blessés :
Desplats Louis, 35 ans, manouvrier.
Desplats Alfred, 40 ans, manouvrier.Marolles / blessé
Dumant Frédéric, 36 ans, boulanger.Salins / tué :
Vilmay Athanase-Camille, 19 ans.Saint Germain Laval / tués :
Correz Louis, 28 ans.
Kasteindech Adam, 40 ans, berger.
Le malheureux Buthion, père de neuf enfants, avait été fait prisonnier avec Miloche et Pinois mais plus âgé que ses compagnons d'armes, et brisé de fatigue, il ne put suivre ses geôliers qui le fusillèrent lâchement, près du village de Vilbert. M. Brichant, curé de Bernay, bon prêtre, au cœur français et charitable, donna la sépulture à ce corps inconnu, à cet homme qui mourait glorieusement pour son pays.
Page consacrée à Michel Buthion, ouvrier faïencier
Notice généalogique de Michel Buthion
Montereau : monument aux "Morts pour la patrie" 1870/1871 Grandpuits Crisenoy
Miloche moins malheureux, traîné d'un camp à l'autre,
était venu jusqu'à Château-Thierry. Mais au moment de
monter dans le wagon partant pour la Prusse, il eut le bonheur de trouver
une personne compatissante qui le fit évader, Le nom de cet homme généreux
mérite de vivre dans notre mémoire: c'est Paul Dechelle, propriétaire
de l'hôtel de l'Aigle-d'Or, place du Marché, n° 20.
Le conseil municipal, dans une de ses délibérations, décide
que des remercîments seront adressés, au nom de la ville de Montereau
tout entière, à ce brave citoyen, aussitôt que les circonstances
le permettront.
Quant à Pinois, dit Ducret, emmené prisonnier en Prusse, il
ne nous reste qu'à chercher le lieu de sa résidence, pour apporter,
s'il est possible, un allégement à sa misère et à
ses souffrances.
Dans sa séance du 22 octobre 1870, le conseil décide que les
funérailles des victimes du 21 octobre seront faites, aux frais de
la ville, avec toute la pompe dont elle peut disposer, et que l'inhumation
aura lieu dans un terrain affecté aux concessions perpétuelles.
"
Extrait du "Journal de l'occupation
prussienne"
par Amédée Fauche 1871 ed L. Zanote à Montereau
Récits
provinois de la guerre de 1870-71
par Louis Rogeron 1843/1925
Société d'histoire et d'archéologie de l'arrondissement
de Provins 2009 p 184/185
"En 1870, le
jeune apprenti-typographe fut témoin de la défaite militaire
de la France, de l'arrivée des Uhlans à Provins, et des dramatiques
épisode vécus par les Provinois..."
À Provins, aujourd'hui, on a entendu le canon une partie de la journée.
Vendredi 21. Rien de nouveau, pas de dépêches
aujourd'hui, nous sommes privés de journaux depuis longtemps, les lettres
particulières ne nous viennent que très rarement, le temps paraît
horriblement long à tout le monde, on est toujours de mauvaise humeur,
il ne fait pas beau non plus, il pleut presque tous les jours.
Six heures du soir, on dit en ville que l'on s'est battu aujourd'hui à
Grand-Puits.
Samedi 22. Des renseignements recueillis sur l'affaire rapportée
hier soir il résulte que dans la matinée, les gardes nationaux
de Montereau, les Volontaires de l'Yonne qui se trouvaient dans cette dernière
ville, et des francs-tireurs, le tout formant un effectif d'à peu près
800 à 900 cents hommes, ayant appris que 200 Prussiens se livraient
à des réquisitions dans les cantons de Nangis et de Mormant,
se portèrent au devant de ces troupes.
Arrivés près des bois qui avoisinent Grand-Puits, des gardes
nationaux s'amusèrent à tirer des coups de fusils sur des renards
et des lièvres, les Prussiens qui se trouvaient dans les environs détachèrent
en éclaireurs, quelques cavaliers qui furent reçus par une décharge
sans résultat.
Ils tournèrent bride immédiatement et coururent prévenir
les autres qui se réfugièrent dans la ferme de la Salles, située
à peu de distance de la grande route.
Les gardes nationaux les poursuivirent vivement et au même moment où
ils entraient dans la ferme ils détachèrent une dizaine de cavaliers
qui partirent à toute bride, sans doute pour aller chercher du renfort.
Les francs-tireurs et les gardes nationaux attaquèrent vivement, malheureusement
l'ennemi était fortement retranché dans la ferme, il ripostait
par une fusillade très vive à travers les ouvertures qu'il avait
faites sur le toit du bâtiment, en sorte qu'il était de toute
difficulté de le déloger.
À plusieurs reprises des assaillants rampèrent jusqu'aux murailles
pour essayer d'incendier, mais ils ne purent réussir. Ils durent se
retirer en essuyant le feu de l'ennemi.
Après deux heures de lutte, les francs-tireurs et les gardes nationaux
dénués de munitions et exposés à tous les coups
des Prussiens qui, parfaitement abrités derrière d'épaisses
murailles, tiraient à coup sûr, se virent dans l'obligation de
cesser le combat.
À ce moment des cavaliers ennemis sortent d'un enclos attenant à
la ferme et chargent vigoureusement les gardes nationaux qui laissèrent
quelques prisonniers entre leurs mains.
On ignore le chiffre des pertes de l'ennemi, mais il est certain qu'il a eu
plusieurs tués ou blessés ; les nôtres sont grandes, 22
tués, parmi lesquels on compte les malheureux fait prisonniers que
l'on retrouva après le départ des Prussiens, ils avaient les
mains attachées derrière le dos et avaient été
fusillés.
Montereau pour sa part a eu dix tués, neuf hommes mariés et
un célibataire, la cantinière qui n'avait pas voulu quitter
les gardes nationaux a eu le bras traversé par une balle.
Cette affaire est comme celle de Bois-Bourdin, elle manque d'organisation,
mais, elle prouve beaucoup de patriotisme de la part des gardes nationaux.
Vers midi ils firent leur retraite en bon ordre, sans que l'ennemi songea
à les poursuivre. Le résultat de ce combat a été
télégraphié par M. le préfet de Seine-et-Marne,
aux membres du Gouvernement à Tours.
Feuille de Provins du samedi 5 novembre 1870
Affaire de Grandpuits
La plaine de Grandpuits, canton de Mormant, dans laquelle, en 1814, les troupes françaises remportèrent un succès signalé sur les troupes alliées, vient d'être le théâtre d'un engagement sérieux entre des soldats volontaires et les prussiens.
Les batailles de Grandpuits sur Wikipédia
Dans la matinée du vendredi 21 octobre, des francs-tireurs
de l'Yonne et des garde nationaux ayant appris que deux cents prussien"s
se livraient à des réquisitions dans les cantons de Nangis et
de Mormant, se portèrent au-devant de ces troupes. Ils les rejoignirent
dans la plaine de Grandpuits et échangèrent avec elles quelques
coups de fusils, mais sans résultat important.
Cette partie du territoire de la Brie est vaste, peu accidentée, et
convient parfaitement à un engagement en rase campagne. Mais ce n'était
pas le désir des prussiens, qui ne cherchaient qu'à éviter
d'en venir aux mains avec les braves soldats volontaires qui les pourchassaient.
Avisant la ferme de la Salle, située sur la commune de Grandpuits,
à peu de distance de la grande route, l'ennemi s'y réfugia.
Cette ferme est un ancien manoir du XVI° siècle, entourée
de fossés et de hauts murs, avec tourelles aux angles et pavillons
au-dessus de l'entrée principale; c'est une véritable forteresse
pouvant soutenir un siège contre des troupes privées d'artillerie.
Au moment même où les prussiens entraient dans la ferme de la
Salle, une dizaine de cavaliers les quittèrent, fuyant à bride
abattue, sans doute pour aller chercher du renfort. Les francs-tireurs et
les gardes nationaux attaquèrent vivement. Malheureusement, l'ennemi
s'était fortement retranché dans la ferme; il ripostait par
une fusillade très-vive à travers les ouvertures qu'il avait
faites sur le toit du bâtiment, en sorte qu'il était de toute
difficulté de les déloger.
Après deux heures de lutte, les francs-tireurs et les gardes nationaux,
dénués de munitions, et exposés à tous les coups
des prussiens qui, parfaitement abrités derrière d'épaisses
murailles, tiraient à coup sûr, se virent dans l'obligation de
cesser le combat. Leurs pertes consistaient en une vingtaine d'hommes tués
ou blessés. Leur retraite se fit en bon ordre, sans que l'ennemi songea
à les poursuivre. On ignore le chiffre des pertes que ce dernier a
subies; il est certain qu'il a eu plusieurs tués et blessés.
Le résumé de ce combat a été télégraphié
par M. le Préfet de Seine et Marne aux membres du gouvernement à
Tours. (Nouvelliste)
L'enterrement des victimes de Grandpuits a donné lieu, à Montereau, à une cérémonie imposante. Au moment du cortège, toutes les boutiques, tous les magasins étaient fermés et toute la population, les femmes en grand deuil, accompagnait à leur dernière demeure ces braves qui avaient sacrifié leur vie pour sauver la patrie.
A noter que cet article ne fait pas mention de la sortie des cavaliers et de la capture de prisonniers.
Plus loin:
Rien de nouveau dans les environs, sinon le retour à Montereau du sieur Miloche, prisonnier à Grandpuits, échappé à Coulommiers. (erreur: Château Thierry)
Plus loin :
Les Prussiens à Montereau
Dimanche dernier, à 7 heures et demie du matin, on
annonçait l'arrivée d'un corps d'armée prussien. Chacun
courut sur le quai d'Yonne, sur les ponts, sur la montagne de Surville, et
on vit en effet une vingtaine de cavaliers battant la plaine St Maurice. Ils
s'avancèrent peu à peu, en déployant des drapeaux blancs,
jusqu'aux premières maisons du faubourg puis prièrent quelques
personnes qui se trouvaient là de bien vouloir prévenir M. le
maire de la ville qu'ils désiraient lui parler. Le conseil municipal
déjà réuni, voulait suivre M. Lebeuf de Montgermont,
mais ce dernier ne consentit à se laisser accompagner que par deux
conseillers: M. le colonel Nérat et M. Garré, président
du tribunal de commerce.
L'officier déclina sa mission. Il venait, suivi de 300 cavaliers, 1.200
fantassins, quatre pièces de canons et une mitrailleuse désarmer
la garde nationale; il prévenait en outre, que si dans une demi-heure,
la ville ne s'était pas rendue, le bombardement et l'attaque commenceraient
immédiatement. Le corps d'armée était campé dans
les bois de Motteux, entre la Seine et la route de Bray.
Résister à de pareilles forces, sans avoir été
prévenu, avec trois cents garde nationaux mal armés et peu pourvus
de munitions eût été une folie. M. le maire le comprit
et, malgé son patriotisme, il consentit, n'ayant pour soutenir sa garde
nationale, ni armée, ni mobiles, ni francs-tireurs, à laisser
entrer les Prussiens, à les nourrir pendant la journée et à
leur remettre les fusils, mais il tint bon sur certaines demandes que nous
ferons connaître plus tard: grâce à la fermeté de
M. Lebeuf de Montgermont, grâce à ses refus énergiques,
certaines conditions très-dures ont été épargnées
à Montereau. M. le maire du reste, n'a été prévenu
officiellement de l'arrivée des Prussiens que deux heures après
leur arrivée en ville; ce qui explique comment Montereau a été
surpris sans avoir pu faire aucun préparatif de défense.
A neuf heures, le corps d'armée composé uniquement de Wurtembergeois
entrait dans la ville et occupait la Grande-Rue dans toute sa longueur. Deux
cents cavaliers partirent immédiatement camper à la gare; une
partie de ce détachement alla désarmer la garde nationale de
Varennes. Les fourriers se mirent alors à écrire sur chaque
maison le nombre d'hommes à loger; des rues entières furent
épargnées, mais toute la Grande-Rue et une partie du faubourg
St Maurice eurent à héberger un nombre d'hommes variable suivant
l'aspect de chaque maison.
Les fusil rapportés furent brisés un à un, mais nous
renonçons à dépeindre la rage concentrée et la
douleur des gardes nationaux armés depuis peu, et obligés de
rendre leurs armes sans avoir pu les employer à la défense de
leurs foyers; alors surtout que deux jours avant, en portant secours à
des communes voisines, la ville avait perdu 7 de ses enfants.
Nous devons reconnaître en somme, que les Wurtembergeois se sont contentés
de la nourriture qui leur a été donnée dans les maisons
où ils étaient logés, et qu'il ont payé les petites
choses, les cigares et le tabac achetés par eux, et les consommations
faites dans les cafés et les cabarets de la ville.
A neuf heures du soir, ordre fut donné au nom du colonel Wurtembergeois
de fermer tous les établissements publics. Pendant la journée
et la nuit, des patrouilles ont constamment sillonné nos rues. Puis
à six heures du matin, les Wurtembergeois reprenaient la route de Bray
par laquelle ils étaient venus. (Journal de Montereau)
Quel jour exactement? La "Feuille de Provins", du samedi 5 novembre commence par "Dimanche dernier, à 7 heures et demie du matin" faisant donc référence au dimanche précédent, le 30 octobre. Or dans le texte, on trouve "Les fusils rapportés furent brisés un à un, mais nous renonçons à dépeindre la rage concentrée et la douleur des gardes nationaux armés depuis peu, et obligés de rendre leurs armes sans avoir pu les employer à la défense de leurs foyers; alors surtout que deux jours avant, en portant secours à des communes voisines, la ville avait perdu 7 de ses enfants." Deux jours après le 21 octobre, nous voici le dimanche 23 du même mois, date probable de l'entrée des "Wurtembergeois" à Montereau. Il faut dire que la Feuille de Provins reprenait nombre d'articles issus d'autres journaux, dans ce cas, le "Journal de Montereau" sans les adapter. De la fiabilité des sources, encore une fois...
Journal de Montereau
Cité dans l'article de la Feuille de Provins.
Archives départementales de Seine-et-Marne PZ 20
Journal de Montereau. - Montereau : Imprimerie L. Zanote puis Georges Zanote,
1862–1914
PZ 20/2 de 1867 à 1872 lacunes pour 1870 : n°13, 36, 45 à
52
N'a pas paru du 3 nov. 1870 au 9 mars 1871
Journal d’informations locales et départementales. Contient une chronique de faits divers nationaux et internationaux, une chronique politique, des annonces commerciales, agricoles et des informations judiciaires. Journal antisémite, anti-socialiste et clérical. Extrait du PDF AD 77
A la Chapelle Rablais
La commune n'a pas connu d'autres atrocités que la réquisition d'une vache et d'autres fournitures (en 1871, deux voitures à cheval sont réquisitionnées pour la caserne de Melun), mais le paiement des indemnités de guerre mit à sec le budget communal pendant au moins deux années. Le 16 octobre 1870, on discute de la répartition à faire de la somme de 164.737 francs qui tombe sur l'arrondissement de Provins, qui est engagé, pour éviter des représailles, à payer sa portion dans le délai de six jours. La commune paya alors 1.359,60 francs. Le 8 janvier 1871, le département étant imposé pour un million, la part de la commune s'élèvera à 3.134 francs.
En plus de l'annexion des provinces de l'Est, cinq milliards de francs d'indemnités avaient été demandées à la France. Un texte polémique cité par Louis Rogeron dans "Récits provinois de la guerre 1870-71" en donne la valeur : "Qu'est-ce que l'indemnité de cinq milliards demandée par la Prusse ? On peut s'en faire une idée par les données suivantes : Si l'indemnité était payée en billets de banque de mille francs, la surface qu'ils occuperaient serait de 143.750 mètres carrés ou 14 hectares 37 ares 50 centiares... C'est aussi l'équivalent de 84 mètres cubes d'or, formant la charge de 161 wagons... C'est payer un peu cher les malheureux oui du 8 mai."
Au Châtelet en Brie
Au Châtelet en Brie, les habitants
du Châtelet livrèrent un combat au bois de la Haye contre un
détachement de l’armée allemande. Des otages furent pris...
A découvrir sur le site de la Société d'Histoire du Châtelet
en Brie:
"Le jeudi 29 septembre 1870, vers midi, le bruit
de l’arrivée d’un détachement de cavalerie prussienne,
fort de vingt-cinq hommes environ, se répandit au Châtelet :
le maire était à ce moment à Nemours, conférant
avec le préfet du département. L’émotion devint
immédiatement très vive et un certain nombre de gardes nationaux
résolurent, pour organiser la défense du pays, de se répandre
en francs-tireurs dans les bois. Le tocsin sonne… On crie aux armes
! Les cartouches et les fusils qu’on avait mis en lieu sûr sont
bien vite retrouvés et quarante hommes environ se précipitent
dans les bois de la Haie, situés entre Le Châtelet et Sivry.
Le détachement ennemi venait de Melun ; à son arrivée
près du bois, il reçoit une décharge de mousqueterie,
deux soldats tombent mortellement frappés, un troisième est
blessé. Les cavaliers mettent pied à terre, pénètrent
dans le taillis et tuent trois de nos concitoyens ; le reste des gardes nationaux
prend alors la fuite vers les grands bois ou vers Le Châtelet... "
La suite sur le site de la SHCB.
la guerre de 1870 au Châtelet en Brie.
Voir aussi les étranges pérégrinations d'Alexandre de la Rüe, inspecteur de la forêt de Villefermoy sous Napoléon III, qui partit combattre le Prussien en août 1870, et que l'on retrouva quelque temps plus tard, à faire le tampon entre la municipalité de Corbeil et l'occupant allemand.
Alexandre De la Rüe à retrouver à la 12° page du dossier sur la chasse.