Le 15 août 1868, profitant de la fête de l'Empereur où "les gardes champêtres avaient l'habitude traditionnelle de manifester leur enthousiasme patriotique plus souvent au cabaret qu'en faisant des rondes de nuit dans les champs... une bande de braconniers, sortie de Paris, devait exploiter dans la nuit du 15 les environs de Mormant." Est-ce l'un d'entre eux qui assassina le garde Dissous, ou est-ce Alphonse Remy qui braconnait aussi ce même soir ? Alphonse, braconnier notoire, fut accusé du meurtre, et très rapidement condamné ...

voir la page: l'assassinat du garde Dissous

"L'Empereur avait donné, en 1865, au prince Napoléon, la chasse de la forêt de Villefermoys, près Melun, forêt très giboyeuse et faisant partie de l'Inspection de Paris." Le cousin de Napoléon III avait dû quitter sa chasse de Meudon, trop fréquentée par des promeneurs où sa tendance à plomber un peu partout aurait pu devenir dangereuse. Ayant le choix entre la Champagne et Villefermoy, il choisit notre forêt, peu commode d'accès, mais moins éloignée. La conduite du Prince Napoléon, dit "Plonplon" de se révéla assez particulière:

Le premier hiver tout se passa régulièrement; le prince y chassait tous les dimanches avec quelques invités, toujours les mêmes. C'étaient : le baron de Plancy, député de l'Aube; le commandeur Nigra, les généraux Duhesme et d'Autemarre; M. Maxime du Camp, l'inspecteur des forêts de la Couronne ; le commandant Brunet, aide de camp du prince, et le capitaine Villot, officier d'ordonnance. La seconde année les deux généraux ne vinrent pas. Ils furent remplacés par Cora Pearl et Mme Claudin, sa dame d'atours. Le scandale a duré jusqu'en 1870, et n'a cessé que le jour où parut l'article de Rochefort."
A noter que si le scandale des chasses de "Plonplon" cessa en 1870, l'abdication de Napoléon III y est peut être tout de même pour quelque chose !

Plus tard... "C'était par une belle et chaude journée de septembre. Le prince était venu chasser à Villefermoys... Un grand nombre de femmes et de jeunes filles des villages environnants, profitant du repos du dimanche, étaient accourues pour voir chasser des "Monseigneurs". Tout à coup le prince Napoléon avise une cabane de bain construite au bord de l'étang pour l'usage d'un grand propriétaire riverain de la forêt. Un garde est vite dépêché pour demander la clef chez M. X*** (Tattet) qui n'ose la refuser; et Monseigneur, au mépris du qu'en dira-t-on, apparaît bientôt aux yeux du public.
"Nu comme un mur d'église, Nu comme le discours d'un académicien."
Vous jugez de l'effroi des dames qui se précipitèrent effarouchées dans leurs voitures, trop justement indignées et scandalisées ! Quant aux villageoises, elles ne bronchèrent. "

La cour impériale à Compiègne, souvenirs contemporains par Sylvanecte 1884

 

Cora Pearl "Dotée d’une personnalité originale et irrévérencieuse, célébrée dans la presse pour ses frasques et ses amours dissolues, elle maîtrisait parfaitement l’art de faire parler d’elle. Entretenant une allure sensuelle et féminine avec une silhouette mince et tonique elle fut incontestablement l’une des icônes féminines du Second Empire." Extrait de l'Histoire par l'image.

Quand le Prince Napoléon Jérôme Bonaparte eut reçu Villefermoy, l'énergique inspecteur de la Rüe transforma ce massif forestier en forêt de chasse, comme il le montre en 1882 dans son livre "Les chasses du second empire"; il est dommage qu'il ait omis de dater la plupart de ses chapitres. "Longtemps Villefermoy fut considéré à peu près comme une non-valeur au point de vue de la chasse, bien entendu; son unique importance était le produit forestier, dans les coupes de bois qu'on y faisait tous les ans."
C'était une forêt touffue: "la forêt de Villefermoy est très fourrée il y a des enceintes qu'on croirait impénétrables, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de villages en France où l'on trouverait des paysans qui consentissent à les traverser; ici, les rabatteurs passent partout avec un incroyable entrain." Des battues y avaient été organisées pour "détruire des sangliers, mais encore de tuer les loups qui inquiétaient la population des environs." et on y chassait à courre: "Le vicomte Aguado d'abord, puis le prince Joachim Murat et son beau-frère, le prince Alex. de Wagram, avaient été autorisés à y chasser le cerf et le sanglier." En 1870, Onésime Aguado, très riche héritier résidant au château de Sivry-Courtry, avait pris l’adjudication de Fontainebleau, à la suite de la Vénerie impériale. Les deux frères Aguado ayant été des pionners de la photographie, il serait curieux qu'ils aient pris quelques clichés en forêt de Villefermoy.

Le "Rallye Sivry" d'Onésime Aguado sur "Mémoire des équipages"

"Je proposai d'établir un budget des dépenses inhérentes à la chasse de Villefermoy. Cette pièce sur laquelle figurait un chiffre relativement élevé, me fut renvoyée approuvée, sans un centime de réduction." De la Rüe organisa les chasses d'une manière très rationnelle avec layons, plans en couleur, emplacements numérotés pour les rabatteurs et consignes très strictes. Il éleva des faisans et tenta même l'introduction de la pintade: "Très disposé, par nature, à faire des expériences toutes les fois qu'elles m'étaient indiquées par des personnes sérieuses, et que je croyais entrevoir quelque chose de pratique et d'utile à nos chasses, je ne reculais pas devant les essais, fussent-ils dispendieux. C'est ainsi que j'ai cherché à propager la pintade dans nos tirés. Je savais cependant qu'une première tentative avait été faite déjà du temps des princes d'Orléans et qu'elle avait échoué. La première année j'ai obtenu facilement des éclosions en plein bois. Seulement, au moment de la ponte, il fallait surveiller les femelles qui pondaient, à deux ou trois, dans le même nid, un nombre considérable d'oeufs qu'on était obligé de retirer en partie pour les faire couver par des dindes. J'ai poussé l'expérience dans la forêt de Villefermoy, jusqu'à la troisième génération; les pintades nées dans le bois sont constamment restées à l'état domestique; elles s'envolaient bien à l'approche des rabatteurs, mais, pour aller se brancher près de là, se laissant approcher comme les poules de basse-cour."

"Lorsque le prince Napoléon prit la chasse de Villefermoy, il n’existait pas une tuile dans toute la forêt, pas une seule maison de garde convenable et à proximité pour se mettre à couvert par le mauvais temps. C'est pour remédier à ce très grand inconvénient que je fis bâtir trois chalets sur les points les plus accessibles aux voitures, et les plus commodes pour la chasse. Une cheminée en pierres brutes, une table en planches de sapin posée sur deux tréteaux, des sièges faits de grosses branches, des chevilles dans les parois pour y suspendre les fusils et les manteaux, tel est l'ameublement de ces rustiques et primitives demeures. Et cependant qui oserait affirmer que Son Altesse Impériale, à l'abri de ce toit de chaume, ne s'y trouvait pas plus heureuse cent fois que sous les plafonds dorés de ses palais ? La mieux réussie de ces cabanes, c'était celle de Granvilliers; les gardes l'appelaient le Palais-Royal."
Les chasses du second empire
Je n'ai pas trouvé de carte postale ancienne représentant le "Palais royal" de Grandvilliers. Ci-dessus, semblable au pavillon du Moyen Etang et au châlet de la Meunière, le pavillon du Grand Etang où s'illustra le Prince Napoléon, et qui avait un tout autre aspect quand on y enseigna la voile (j'y fus moniteur), jusqu'aux années 1980.

Alexandre Tattet était convié aux chasses du cousin de l'Empereur: "Le 26 septembre 1867, Son Altesse Impériale arriva au châlet de Grandvilliers, accompagné de Son Altesse Royale le prince Humbert son beau-frère, de Son Excellence le chevalier Nigra, du général d'Autemarre, du capitaine Brambilla, officier d'ordonnance de Son Altesse Royale, du capitaine Villot, de la maison de Son Altesse Impériale, de M. Alex. Tatet et de l'inspecteur de la forêt. Il a été tué 9 chevreuils. 10 lièvres, 1 lapin, 47 faisans, 7 perdreaux gris, 46 canards et 1 caille; en totalité, 121 pièces. On avait tiré 310 coups de fusil."

Modestement, Sylvanecte, faux-nez d'Alphonse de la Rüe, trouve bien des qualités audit inspecteur: "L'inspecteur des forêts, grand chasseur et grand veneur devant le Seigneur, par un véritable tour de force avait réussi à faire sur un des étangs de Villefermoys un tiré de canards sauvages. Jamais encore jusque-là, on n'avait pu retenir les Halbrands sur un étang ; l'inspecteur des forêts de Paris, avait réalisé ce prodige en retenant les canards par une abondante nourriture. C'était une chasse nouvelle... Au printemps on achetait à des pêcheurs de la baie de Somme environ 300 canards sauvages au tiers de leur grosseur et pris au filet. On les acclimatait sur l'étang de Villefermoys, on les nourrissait copieusement, et on réussissait ainsi à les garder jusques au moment de les chasser." La cour impériale à Compiègne... 1884

En plus de ses fermes, Alexandre Tattet était propriétaire des étangs de Villefermoy, enclavés dans Villefermoy, forêt "de la Couronne", dépendant de l'Inspection de Paris "qui comprenait les forêts de Sénart, de Villefermoys, de Valence et d'Echou, formant un massif de bois touchant à Fontainebleau et s'étendant jusque à Montereau. L'inspecteur en était M. de la Rüe, qui avant était sous inspecteur à Compiègne." La cour impériale à Compiègne, souvenirs contemporains par Sylvanecte 1884

1° page de "Chasseurs à Villefermoy sous le Second Empire"

Mais les étangs n'appartenaient pas au Prince, ils étaient la propriété d'Alexandre Tattet. Un heureux arrangement fut trouvé où il semble bien que tous y trouvèrent leur compte: les canards et les châlets semblent avoir été fournis par le Prince qui, en plus d'un opportun pavillon de bains, put profiter de cette nouvelle chasse. "M. Alex. Tattet habite le château des Bouleaux, situé à un kilomètre de Villefermoy; ses terres, en partie, sont enclavées dans la forêt. Propriétaire des étangs, cet excellent voisin en avait offert gracieusement la chasse au prince Napoléon, qui, pour ne pas être en retard de bons procédés, lui avait donné la permission de chasser dans le domaine de la liste civile. M. Tattet était invité à presque toutes nos chasses, et j'en étais fort heureux pour ma part; excellent tireur, il lui est arrivé plus d'une fois, par le nombre des pièces qu'il avait tuées, de sauver le soir l'honneur du tableau des victimes de la journée. Pendant trente ans, j'ai été en rapport d'affaires avec beaucoup de nos grands propriétaires riverains des forêts de la couronne je n'en ai pas rencontré un seul avec lequel les relations étaient plus agréables et plus sûres qu'avec M. Tattet. Avec infiniment d'esprit, il avait cependant une manie c'était de changer de coiffure selon les vents, la température et les saisons. Je n'ai pas oublié un certain chapeau à triple ventilation qui faisait mon bonheur." De la Rüe p 319

Autres traces de la famille d'Alexandre Tattet, de son frère Alfred, Musset, Sand, Hugo etc...

L'inspecteur de la Rüe avait emmené avec lui le garde Dissous qui avait d'abord montré ses capacités à élever des canards sur les étangs de Rambouillet: "Il s'agissait de trouver un garde intelligent, capable et s'entendant bien surtout à l'élevage du nouveau gibier qu'on voulait propager... Mon coeur se serre en me rappelant les promesses que je crus devoir faire à Dissous, pour le décider à accepter l'emploi avantageux que je lui offrais. Ah que n'ai-je pressenti alors que ce bien être, que ce bonheur relatif que je faisais miroiter aux yeux de cette famille aboutiraient à un drame sanglant, à une mort cruelle qui ferait une veuve et trois orphelins! Je n'anticiperai pas sur ce triste évènement, le point le plus noir peut-être de ma vie de forestier je le raconterai plus tard." Dissous logeait à Grandvilliers, dans le poste de garde aujourd'hui détruit...

Alexandre Tattet a été mêlé, bien malgré lui à un fait divers tragique impliquant le garde Dissous et le fils d'un des fermiers du châtelain des Bouleaux. Le recensement de 1866 fait figurer, juste avant les Bouleaux, les cultivateurs de l'Heurtebise, ferme dépendant de Fontenailles, bien qu'ouverte sur la Chapelle Gauthier, qui faisait aussi partie du domaine Tattet.
Le fermier était Jules Remy, avec son épouse, deux filles et un fils aîné, Alphonse, alors âgé de 33 ans qui est l'individu contre lequel s'élèvent de graves soupçons cité dans "Le Petit Journal" du 26 août 1868...

Ci-contre: extrait du Petit Journal du 26 août 1868

 

Chasseurs à Villefermoy
sous le Second Empire / 2/2
12° page du dossier sur la chasse

La forme des étangs, dans la forêt de Villefermoy, a très peu varié depuis que les moines de Barbeaux avaient fait établir en 1774 un "Attlas général de la seigneurie, justice haute, moyenne et basse de la prévôté de Ville Fermoy et ses dépendances, des fiefs de la Charmée, le Jardin, Courpitois, les Equieuvres Pars en partie et de la terre et seigneurie de Barbeau Tennery, La Riotterie, La Gringalletterie, les Grands Champs, la Chaumarderie, la Borde aux Moines, la Forêt au Razoir, des Bois de la Forêt de Villefermoy ou le Grand Barbeau, des Fermes du Danjoux, la Loge des prés, Moligny, Champagne et autres lieux appartenant à la manse conventuelle de l'abbaye royale de Barbeau, ordre et filiation de Cisteaux au diocèse de Sens." AD77, 101 H 28

Bizarre autant qu'étrange ! Sylvanecte, auteur de "La cour impériale à Compiègne", s'obstine à mettre un S à VillefermoyS, tout comme le fit souvent l'Inspecteur des forêts de la Couronne Adolphe de la Rüe. Son style est tout aussi gaillard que celui du forestier aux nombreuses publications, qu'on en juge par l'introduction du délectable livre de recettes : "Trente et une manières de manger le lapin"...
La notice biographique "Sylvanecte" de la BNF indique qu'il s'agirait en fait de Berthe de la Rüe, propre fille de l'inspecteur, née en 1841. Que voici donc une fillette bien au courant des faits de chasse qu'aurait pu vivre son père ! Y aurait-il anguille sous roche et usurpation de pseudonyme, d'autant que Sylvanecte pourrait se décomposer en "silva" forêt et "necto" unir, lier...
Après deux beaux mariages qui la laissèrent veuve en 1900 et peut être sans trop de ressources, Sylvanecte / Berthe de la Rüe (1841/1914) tira bénéfice de la Légion d'Honneur accordée à son père en 1867 (récompensant 20 ans de service) pour solliciter l'obtention d'un bureau de tabac en 1905, il fallut reconstituer le dossier, l'attestation paternelle étant perdue (volée ? voir plus loin... ) Les autres décorations du forestier eurent-elles aussi une utilité quelconque : ordre des Saints Maurice et Lazare, de Charles III d'Espagne, peut être celui de Médidjé en Turquie pour vendre aussi du tabac turc ;-)
Base Léonore dossier LH/2423/40

Trente et une manières de manger le lapin
Recette du hâtelet de lapin à la Villefermoy
De La Rüe sur Gallica, site de la BNF

En août 1870, Alexandre Tattet est sollicité par l'inspecteur des forêts de la Rüe :
"Au début de la guerre, je compris tout d'abord que les gardes-forestiers seraient nécessairement appelés à rendre de véritables services, dans les localités où ils résident. Mais les huit gardes de la forêt de Villefermoy, dans le voisinage de laquelle je demeure, ne suffisaient pas à la réalisation de mon projet qui était de former une compagnie d'éclaireurs. Autorisé, encouragé par M. le Préfet de Seine et Marne, je fis appel au patriotisme des grands propriétaires du pays, et je leur demandai leurs propres gardes : presque tous accueillirent favorablement ma proposition. "
Adolphe de la Rüe : Mon Journal dans "Sous Paris pendant l'invasion : 500000 Prussiens. 45000 prisonniers français, 1870-1871" sur Gallica

A noter que l'inspecteur de la Rüe se conformait au décret impérial du 15 août 1870 mettant les agents et gardes domaniaux et communaux des forêts à disposition du ministre de la Guerre : "Dès l’ordre de mobilisation du 14 juillet 1870 signé, nombreux sont les forestiers à vouloir partir en campagne, mais ces volontaires doivent faire preuve de beaucoup de patience avant de pouvoir marcher sur l’ennemi. "
Wikipédia article "compagnies de guides-forestiers"

"Le dimanche 21 août, vingt gardes particuliers se trouvèrent au rendez-vous que je leur avais asssigné en forêt. Dans cette circonstance, MM. Alex. Tattet, beau-frère d'un ancien ministre (Le Roux) et le comte de la Chappelle, furent très-énergiques et acceptèrent le projet avec un véritable et patriotique empressement, ce sont de tels hommes qui nous ont manqué au début de la guerre. J'expliquai que mon plan était moins de faire usage des armes, que de servir de guides à nos troupes, de leur indiquer les routes praticables à l'artillerie, etc. etc. " De la Rüe, idem

Un autre témoignage, extrait de lettres du comte d'Haussonville; quelques détails divergent...
"M. de la Rüe avait, à l'annonce de nos premiers désastres, et malgré ses soixante trois ans, songé à profiter de la configuration de ce massif forestier pour y organiser une guerre de partisans. Le 18 août, il faisait appel à tous les châtelains ses voisins, et leur demandait de l'aider à former une compagnie d'éclaireurs forestiers avec leurs gardes, qui se joindraient aux siens. Presque tous répondirent avec empressement, et parmi ceux dont je me rappelle particulièrement les noms, il faut citer : le général comte de Ségur, le comte de Lachapelle, le comte Horace de Choiseul, M. Alex. Tattet, etc., etc., puis le comte d'Haussonville qui écrivit du château de Gurcy la lettre exquise qu'on va lire : "Monsieur, votre plan me paraît aussi raisonnable que patriotique. Vous pouvez compter sur mes gardes. Ils seront au rendez-vous de lundi prochain et à tous les autres. On dit qu'il n'y aura pas de gibier cette année. Tant mieux ! nous ne chasserons que le Prussien." Le lendemain, monsieur d'Haussonville envoyait ses gardes au rendez-vous que M. de la Rüe leur avait assigné en forêt de Villefermoys, au carrefour des huit routes, et où se trouvaient déjà tous les châtelains cités plus haut, à l'exception de M. le comte de Choiseul, retenu à la Chambre des députés." à propos du comte d'Haussonville, supplément littéraire du Figaro 20 novembre 1886

S'ensuivit alors une curieuse équipée du forestier : après avoir recruté des forestiers sous ses ordres et d'autres de domaines amis, il erra entre Provins, Blandy, Echouboulains, Dammarie, Melun... refusant d'obéir à l'ordre de rejoindre Paris "Quant à moi, j'avoue que l'idée de m'enfermer avec des gardes forestiers dans Paris condamné à être assiégé, n'a jamais pu pénétrer dans mon esprit et y prendre la moindre racine." pendant que Domet, son adjoint, rejoignait la capitale avec "84 hommes ... des gardes des forêts de Fontainebleau, Sénart et Mormant". Wikipédia
De la Rüe était revêtu d'un vêtement presqu'allemand "J'avais, pardessus mon uniforme de forestier, un vêtement gris et vert comme en portent les forestiers allemands ; c'était avec intention, je savais que tout ce qui appartient à l'administration forestière en Allemagne, jouit de beaucoup de considération : pris, j'eusse été reconnu plus facilement, en déclinant mon titre de maître des forêts en fonction, j'eusse été certainement respecté." Il s'installa volontairement à Corbeil où il fit le tampon entre le maire, M. Darblay (des Moulins de Corbeil, puis de la papeterie la Chapelle-Darblay), et les Allemands; libre de ses mouvements.
Il fut considéré comme franc-tireur à Melun : "Mardi 7. Je vais à Melun déposer mon vote tout particulièrement pour M. Voisin. M. le maire de cette ville qui m'a déclaré militant lors de l'arrivée du premier Allemand, et m'a obligé à quitter la ville, lorsqu'il s'agit de recevoir mon bulletin de vote que je viens déposer dans l'urne électorale du pays où je me trouve, usant cette fois de mon droit de militant, ne veut pas le recevoir, et prétend que je ne suis qu'un franc-tireur et non pas militant." Adolphe de la Rüe : Mon Journal
J'aimerais savoir si, après la guerre de 1870/71, de la Rüe conserva ses fonctions officielles... Son ouvrage "Sous Paris pendant l'invasion", publié dès 1871 réussit certainement à éclaircir sa situation puisque "la reconnaissance de la ville de Corbeil envers M. de la Rüe s'est manifestée par le don d'une grande médaille d'or, aux armes de la ville et frappée spécialement à son intention, à son effigie..."
Mémoires et documents de la Société historique et archéologique de Corbeil, d'Étampes et du Hurepoix Volume 2 1900 p 59
C'est à Corbeil qu'il finit ses jours, en 1899, à l'âge de 90 ans, dans une petite maison sise au 4 Montagne de Saint Germain.

A moins qu'ils n'aient eu des propriétés plus proches (ou que je ne me trompe de personnages), les lieux de résidence des comtes étaient assez éloignés de Villefermoy : le comte Othenin Joseph de Cléron d'Haussonville 1809/1884 résidait à Gurcy le Châtel comme il l'indique; le comte Horace de Choiseul-Praslins 1837/1815 résidait dans le "pavillon Choiseul" à Saint Assise. A noter que Gaston de Choiseul était encore propriétaire de Vaux le Vicomte, jusqu'en 1875 et que la famille Choiseul Daillecourt avait eu des possessions à Aubepierre, proche de Mormant, nous y reviendrons plus loin.
Quel comte de Ségur ? Paul Charles Louis Philippe comte de Ségur 1809/1886 avait un château à Lorrez-le-Bocage (il y avait reçu Sophie Rostopchine, plus connue sous le nom de comtesse de Ségur); son père, le comte Philippe Paul, possédait une résidence plus proche, le château de la Rivière à Thomery. Paul Charles, comte de Ségur, avait épousé une Greffulhe, Amélie Jeanne Joséphine 1812/1902 tante d'Henry Greffulhe auquel quatre pages sont consacrées sur ce site; et le château de la Rivière de Philippe Paul appartiendra ensuite aux Greffulhe. A noter que le comte Henry Greffulhe ne fit pas partie des notables sollicités par de la Rüe qui semblait ne pas l'apprécier. Reste à trouver le comte de la Chapelle ou Delachapelle qui pourrait faire partie de la famille Boby de la Chapelle, puissante à Provins et qui donna plusieurs préfets. Eugène Auguste Boby de la Chapelle décéda le 16 août 1870 à la fameuse bataille de Gravelotte. A l'évidence, ce ne pouvait être ce "comte de la Chapelle".

Chasses chez le comte Greffulhe

"J'apprends que dans les environs de Mormant que j'habitais avant la guerre, on m'accuse d'être passé aux Prussiens. Mon Dieu ! qu'il y a de stupides gens en France ! "
Parti fringuant fin août, on le retrouve moins d'un mois plus tard à fréquenter les Allemands à Corbeil. Les faits ou les apparences étaient contre lui. Son logis fut pillé :"les Prussiens pendant que j'étais en campagne, m'ont pillé, vidé ma cave, volé les robes, les parures de ma fille, mes livres, mes cartes, ils ont tout enlevé, grâce à l'obligeance du fermier, mon voisin, qui a jugé convenable de les conduire chez moi et d'y manger avec eux, dans l'intérêt de sa propre maison qu'il sauvait par là du pillage en me sacrifiant." On voit bien les Prussiens vider la cave, on les imagine moins bien pillant les robes, les parures de sa fille...

"Installé dans le curieux château de la Chapelle-Gauthier, entouré de douves et de fossés fermés par des ponts-levis, on se serait cru, en entrant dans l'immense vestibule de ce château, dans le burg de quelque farouche margrave des bords du Rhin. Les murs disparaissaient sous les trophées de chasse, et les veneurs y admiraient avec envie, depuis le bois de cerf gigantesque tué dans les Balkans, jusqu'à la trace du sanglier forcé à Villefermoys."
Charles Maurice de Vaux: "Les hommes de sport" 1888
préface d'Alexandre Dumas

Ainsi le baron de Vaux décrit-il la résidence du forestier dans le château de la Chapelle-Gauthier, effectivement entouré de douves et de petits ponts de bois comme on peut le voir sur cette vue depuis le parc. S'il dit vrai, on peut imaginer le hall et le grand escalier décoré des trophées du chasseur. Visionnez "Portrait de la jeune fille en feu" dont les scènes intérieures ont été tournées dans ce château, et ajoutez quelques grands bois de cerfs sur tous les murs...

Faut-il pourtant le croire ? Est-ce la demeure pillée par les Prussiens ? Les chroniques du baron de Vaux ont autant de valeur historique qu'Ici Paris ou Jours de France. Voici comment il relate l'arrivée d'Adolphe de la Rüe à Corbeil :"il fut arrêté à Corbeil par l'ennemi. Frappé, injurié, emprisonné par un jeune officier prussien, il dut passer en conseil de guerre. Par un hasard providentiel, le commandant était, comme M. de La Rüe, franc-maçon." alors que de la Rüe avait écrit : "Un factionnaire bavarois m'arrête; je lui demande en allemand de quel pays il est; il me répond qu'il est de Landau, il connaissait un de mes parents qui habite cette ville, il me donne du feu, j'allume ma cigarette et je passe." Sans commentaires...

Cependant, il était tout à fait possible que le château ait été loué quelque temps au forestier. Après avoir été habité par le comte du Lau d'Allemans, le château fut vendu en 1859 à Louis Danger, puis racheté en 1860 à M. Deneuve, marchand de meubles à Paris "qui le loue, démonte les cheminées, les peintures, les grilles", puis en 1867 à M. Louis, "marchand d'objets d'art et d'objets de curiosité, demeurant à Paris, rue Blanche n°1". Il sera racheté en 1872 par M. Castille, commissionnaire en bestiaux. Pendant cette période trouble, le château fut bien loué, est-ce à de la Rüe ? Source : AD77 monographie de l'intituteur de la Chapelle Gauthier 1889

La Chapelle-Gauthier ou un autre château ? Car le forestier lui-même déclare : "J'arrive le soir au château de Courgousson; les Prussiens pendant que j'étais en campagne, m'ont pillé..." Courgousson est aussi "entouré de douves et de fossés fermés par des ponts-levis".
Cette
localisation est confirmée par le comte d'Haussonville : "M. de la Rüe était alors imspecteur des forêt de la couronne, habitait dans Seine et Marne le château de Courgausson, très voisin de la partie de forêts qui s'étendait de Sénart à Montereau."

Courgousson, commune d'Aubepierre : château, 15 ha en dépendant avec une ferme d’exploitation et 110 ha de terres cultivables, et 10 ha divers, estimés à 370,000 francs. A appartenu à la famille Choiseul Daillecourt, jusqu'au décès d'Aimée Constance de Tulle de Villefranche en 1861 ou de son mari en 1841 car Michelin note, cette même année, dans la notice d'Aubepierre : "Le château et la ferme de Courgousson, dont les héritiers Guespereau sont propriétaires, font partie de cette commune." Je ne sais pas à qui il appartenait en 1870.

Deux ans plus tard, 1870, la France avait déclaré la guerre aux Allemands qui occupèrent la Seine et Marne avant d'enclercler Paris. L'intituteur de la Chapelle Rablais nota sur son cahier-journal, à la date du lundi 19 septembre : "Par suite de la présence de l'ennemi dans la commune, le 16 à partir de 2 heures, le 17 et 19, la classe a été suspendue." Archives de la mairie
La commune ne connut d'autres atrocités que la réquisition d'une vache et autres fournitures, (contrairement au Châtelet en Brie, voir sur le site de la Société d'Histoire) mais le paiement des indemnités de guerre mit à sec le budget communal pendant au moins deux années. Le 16 octobre 1870, on discuta de la répartition à faire de la somme de 164.737 francs qui tombait sur l'arrondissement de Provins, qui était engagé, pour éviter des représailles, à payer sa part dans le délai de six jours. La commune paya alors 1.359,60 francs. Le 8 janvier 1871, le département étant imposé pour un million, la part de la commune s'éleva à 3.134 francs. Les frais de guerre entraîneront un retard important pour les projets en cours, principalement la nouvelle école, l'actuelle mairie-école qui ne fut terminée qu'en 1879.

Episodes de la guerre de 1870 la Chapelle Rablais/ Grandpuits / le Châtelet en Brie

Les recensements montrent qu'à Courgousson, on trouvait, jusqu'au recensement de 1861, deux maisons et deux ménages : la ferme et le château, bien que ces mentions ne figurent pas explicitement sur le registre. Le château était entretenu comme une résidence campagnarde, puisqu'on y trouvait un ou plusieurs jardiniers, qui révèlent l'entretien d'un parc, et un concierge, gérant un manoir en l'absence des propriétaires. A partir de 1866, Courgousson ne comportait plus qu'une maison et un ménage, celui du cultivateur avec sa famille et ses ouvriers... Résidence campagnarde jusqu'à ce recensement, le château de Courgousson n'était plus habité par ses propriétaires, il est probable qu'il était loué puisque de la Rüe y résidait, aux frais de la Couronne puisqu'à l'époque, le traitement des inspecteurs "égale celui des conservateurs donc confortable avec droit de chasse et pêche, chauffage et logement. Mais les débours pour leur présence dans les festivités impériales écornent bien leur budget" Sylvanecte...

Le fermier de Courgousson, Alphonse Chrétien a marié deux de ses filles pendant la résidence présumée d'Alphone de la Rüe. Le forestier ne figure pas parmi les témoins et les signataires. L'un de ses gendres (tous deux Colleau, mais de pères différents), Edouard Colleau, demeurait à "Varenne" (Varennes-Jarcy), arrondissement de Corbeil. Il n'est pas interdit de penser que le gendre fréquentant Corbeil, avait été mis au courant de l'intimité des Prussiens et du forestier, voisin de son beau-père; d'où les soupçons de collaboration évoqués plus haut.

Le 21 mai 1866 Anne Alphonsine Chrétien a épousé Auguste Colleau, fils d'Auguste, fermier à Pecqueux, Aubepierre 5 Mi 5351 p 61; le 12 octobre 1868, Virginie Eulalie a épousé Edouard Colleau, fils de feu Louis, domicilié à Varenne, arrdt de Corbeil 5 Mi 5351 p 80

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pour leur légende
Mise à jour 16 août 2022

De la Rüe aimait bien n'en faire qu'à sa tête, voici comment il concevait sa mission d'éradiquer les lapins qui faisaient tant de ravages dans les cultures: "Détruire jusqu'au dernier des lapins, grand Dieu ! Et nos chasses aux bassets, au furet, à gueules ouvertes, en battue, à la surprise et à la bourse ! Et les charmes si grands d'une chasse aux lapins qu'on ne tire jamais deux fois de la même manière, avec un bon épagneul, dans de jeunes taillis, où comme entrefilet, il vous part un chevreuil, une bécasse ou un faisan ! Et puis, est-ce que la vie à la campagne serait supportable si nous n'avions plus un seul lapin ? Mais ce serait à y mourir d'ennui !...." dans: Trente et une manières de manger le lapin.

D'autres facettes de la personnalité d'Adolphe de la Rüe sont à découvrir dans ses nombreux écrits. Ne sont évoquées ici que celles en rapport avec son office à la forêt de Villefermoy et son séjour en Brie...

Napoléon Jérôme Bonaparte, dit Plonplon était habitué à la fantaisie. Il avait fait construire, avenue Montaigne, pour honorer sa maîtresse Rachel, une fastueuse villa pompéienne, qu'il ne garda que peu de temps, Marie Clotilde de Savoie qu'il épousa après le décès de la comédienne, appréciant peu l'endroit. Il se débarrassa aussi de la propriété de Vilgenis, à Massy, ayant appartenu au beau-père du marquis de Tamisier (voir la page précédente), rachetée par Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon 1° et père de Plonplon. Jérôme agrandit le domaine et eut la fantaisie d'y creuser un étang ayant la forme du célèbre chapeau de l'Empereur!


Des multiples relations de Napoléon Jérôme, naquirent quelques enfants illégitimes; de Marie Scheppers, naquirent un petit Napoléon Céligny et une petite Catherine. Il suivait en cela les traces de son père à qui l'on attribue une dizaine de bâtards.

Et que dire de son célèbre cousin, l'empereur Napoléon III? Il ne fallait pas chercher bien loin pour retrouver des enfants de ses oeuvres. Pour tout dire, à la lisière de la forêt de Villefermoy, dans la commune de la Chapelle Rablais, au château des Moyeux. Eugène Alexis Louis, dit Pipiou, futur comte d'Orx et son frère Louis Ernest Alexandre, comte de Labenne (deux lieux situés dans les Landes, en cours de valorisation par comte Alexandre Colonna Walewski, fils naturel de Napoléon I°, encore un!), fils de Léonore Vergeot...

La villa pompéienne

Eleonore Vergeot, 21 Champs Elysées, Paris, et châtelaine des Moyeux, la Chapelle Rablais entre 1865 et 1870, eut des débuts bien modestes. Elle s'appelait alors Alexandrine, née en 1820 à Estouilly, dans la Somme, elle était repasseuse dans la ville de Ham. Ce bourg tire sa célébrité d'une forteresse où furent détenus, entre autres prisonniers politiques, Louis de Condé, le prince de Polignac, le général Cavaignac et Louis Napoléon Bonaparte. Celui-ci y était emprisonné à perpétuité pour avoir tenté de renverser Louis Philippe en 1836 à Strasbourg puis en 1840 à Boulogne.

Le caractère du prisonnier commençant à s'aigrir du fait d'une chasteté prolongée, il lui fut octroyé une maîtresse choisie administrativement, sous le prétexte de s'occuper du linge du prisonnier. Une dizaine de jeunes filles furent présentées à Louis Napoléon Bonaparte par l'entremise d'un abbé, Vital-Honoré Tirmarche. Alexandrine-Eléonore fut choisie; on l'appelait la Belle Sabotière, surnom qu'elle garda quand Louis Napoléon devint célèbre.

Mais, en décembre 1842, le commandant du fort de Ham écrivit à son ministre: "Par ma lettre du 26 novembre dernier, j'ai eu l'honneur de vous rendre compte que la femme que vous avez autorisée à entrer dans la prison pour visiter et réparer le linge est enceinte..." Eléonore fut éloignée de la prison de Ham pour l'accouchement qui eut lieu à Paris, chez un très proche du prince, Pierre Bure, frère de lait de Napoléon III.

Le bébé d'Eléonore naquit le 25 février 1843 et reçut les prénoms d'Eugène Alexandre Louis. Le père demanda à une amie intime, Mme Cornu (aucun rapport avec les seigneurs de la Chapelle Rablais au XIII° siècle!) de le prendre en pension; elle était fille d'une dame de compagnie de la reine Hortense, mère de Louis Napoléon.
Eléonore retourne au fort de Ham, puis, en mars 1845, à force de repasser le linge du prisonnier, elle met au monde un second fils, Louis Ernest Alexandre, à Paris, sous la protection, à nouveau, de Pierre Bure.

Avec un sens du partage qui l'honore, Louis Napoléon confia son ancienne maîtresse aux bons soins de son ancien compagnon de têtée. S'il ne souhaita pas la revoir, il la dota de 1.600 francs or de rente annuelle par l'entremise de Pierre Bure chez qui Eléonore avait pris ses quartiers, si confortablement qu'un nouveau poupon, Jean Bure, naquit hors mariage en 1850. Eléonore et Pierre Bure eurent ensuite deux enfants légitimes.
Louis Napoléon Bonaparte étant devenu Napoléon III, et son frère de lait occupant les fonctions de trésorier général de la Couronne, l'empereur demanda à Pierre Bure de régulariser sa situation conjugale, ce qu'il fit en 1858, reconnaissant dans la foulée les deux rejetons de l'empereur: "Lesquels enfants les futurs ont reconnu pour leur appartenir et entendu légitimes..."
acte de mariage du 3 août 1858, mairie du II arrondissement

Napoléon Jérôme Bonaparte, chassant à Villefermoy et se baignant dans les étangs pouvait très facilement rendre visite à ses petits cousins illégitimes. L'a-t'il fait? Rien ne le confirme, comme on ignore si l'auguste père fit le déplacement jusqu'à la Chapelle Rablais. Quant aux villageois, savaient-ils que le trésorier général de la Couronne, châtelain des Moyeux, élevait deux enfants nés d'actifs repassages du célèbre prisonnier de Ham?

D'autres paragraphes à la page "Eléonore Vergeot"

Nous voici rendus bien loin du point de départ de cette petite enquête : y avait-il un château de la Maison Rouge et a-t'il été détruit? Jusqu'à présent, rien ne confirme l'existence d'un "château" à quelques encablures de Champbrûlé, à part un paragraphe dans un article du Briard, rédigé par le père Gérôme, pseudonyme du directeur du journal, et opposant politique au comte Greffulhe, au domaine de Bois Boudran : "... on me montre l'emplacement du château et de la ferme de Maison Rouge, bâtis à la porte de Glatigny et aujourd'hui rasés. Le château construit il y a quelques vingt cinq ans était abattu huit ans après, encore tout flambant neuf, et les démolitions ont servi à combler les caves. "Voilà des décombres qui sont revenus cher." me dit-on." Le Briard 21 octobre 1892
Et un témoignage oral: "Mon Père qui fut un moment ouvrier agricole puis maçon à Nangis dans les années 1920 mentionnait ces lieux et disait, en effet , qu'il y avait "par là" les ruines d'un château." Y faire des fouilles est exclu: la Maison Rouge se situait exactement où se trouve maintenant une petite exploitation pétrolifère !

La comparaison de plans de l'époque montre, effectivement, la disparition du hameau "Maison Rouge", on le vérifie en passant la souris sur le plan ci-dessus, entre l'extrait en couleur de la carte d'Etat Major, avant 1870 et le plan de la forêt tracé par le garde Osterberger en 1881.
Mais il faut avouer qu'à l'époque, la disparition de petites exploitations agricoles n'était pas chose rare. De nombreux écarts de la Chapelle Rablais ont disparu au fil des siècles, principalement au cours du XIX°, quand les grands propriétaires étendaient leurs terres et regroupaient leurs fermes. Et ce mouvement avait commencé bien avant la Révolution: "aux Montils et à la Chapelle Rablay, la diminution de la valeur des terres est si forte, qu'il y a cinq fermes abandonnées dans ce moment ci." 1789 / AD77 J 379 Sept hameaux y avaient disparu avant l'établissement du cadastre en 1832, et huit autres disparaîtront ensuite, dont il ne reste plus aucune pierre, ayant probablement servi à d'autres constructions. Le comte Greffulhe, propriétaire de terres proches, n'hésitait pas à laisser à l'abandon ses exploitations agricoles, préférant étendre le domaine de ses chasses, comme nous l'avons vu précédemment : "Le rêve de M. Greffuhle serait assurément que tout le département de Seine et Marne fût converti en une immense terre de chasse appartenant à lui seul et à quelques autres gros propriétaires comme lui. S'il consent à avoir des fermes et des fermiers, c'est absolument pour la frime, pour donner le change et pour faire croire qu'il ne rejette pas entièrement et de parti pris toute culture sur ses terres. Mais au fond, M. Greffuhle se soucie bien moins d'un cultivateur que d'une volée de perdreaux. Il est très loin de compter sur ses revenus de terre pour soutenir son train de maison ou seulement pour payer les frais de chasse à Bois Boudran." Le Briard, 9 décembre 1892, original au fonds ancien, bibliothèque de Provins

Doc : Hameaux de la Chapelle Rablais, carte, liste et sources
Doc : les propriétés du comte Greffulhe autour de Villefermoy

Les recensements de Fontenailles confirment l'abandon de la Maison Rouge entre 1872 et 1876, qui ne semblait plus habitée que par un fermier et sa famille : Louis François Ropsy, cultivateur, 42 ans & Mélanie Tisserand, 38 ans, ainsi que Louis Ropsy, 12 ans. Pas de jardinier, pas de concierge ou de régisseur qui auraient indiqué un usage plus prestigieux.
Recensements 1872 10 M 237; 1876 10 M 268

 

La Maison Rouge a bien disparu à la période indiquée par le père Gérôme, mais il ne s'agissait probablement que d'une grosse ferme... Reste à trouver le document qui prouverait le contraire...