Sommation respectueuse

22 mai 1815
sommation respectueuse de Pierre François Labarre
minutes du notaire Antoine Bernard de la Fortelle, Melun. AD77 217 E 261 n°173

L'an mil huit cent quinze, le lundi vingt deux mai, heure du midi
à la requête du sieur Pierre François Labarre, demeurant à (Fontainebleau, rayé) autrefois au bois Louis actuellement au Châtelet
né à St Pierre, Ile de la Martinique le quatorze juin mil sept cent soixante dix huit.
Maître Antoine Henry Jules Bernard, notaire à Melun soussigné
et François Alexandre Couillard vigneron
et Pierre François Duvau vigneron
témoins requis en conformité de l'article 154 du Code Civil
se sont transportés au Bois Louis Canton du Châtelet de l'arrondissement de Melun dont il est à la distance de trois kilomètres (deux lieues) demeure du sieur Etienne Labarre père auquel lieu (le sieur Labarre, rayé) étant arrivés et n'ayant point trouvé ledit sieur Labarre père M° Bernard et les témoins soussignés lui ont notifié par ces présentes en parlant à Marie Madelaine Eleonore Boutonnet, fille majeure
que le requérant demande respectueusement le Conseil de M. son père sur le mariage qu'il se propose de contracter avec Anne Louise (Pelle Pele, rayé) Peltier fille majeure de feu Jacques Peltier vigneron et de Marie Anne Saulnier décédée, son épouse.
qu'il se propose également de demander aussi le Conseil de Elisabeth Lefèvre sa mère, épouse séparée de corps et de biens du sieur Etienne Labarre retirée à Melun.
Dont acte
Fait et passé au Bois Louis dans la cuisine étant au rez de chaussée éclairée par une croisée donnant sur les bois et dans laquelle cuisine on entre par une porte au près de l'escalier.
Les jour mois heure sus dits.
Le comparant après lecture faite tant à lui qu'à la fille Boutonnet a signé avec les témoins et (les notaires, rayé) le notaire qui ont laissé à ladite fille Boutonnet copie des présentes pour servir de notification à M. Labarre père.
La fille Boutonnet a refusé de signer de ce interpellée par M° Bernard en présence des témoins.
signé Labarre fils avec paraphe, Bernard, avec paraphe, Couilliard, Duvau

On notera que, n'ayant trouvé qu'une domestique, le notaire et ses témoins ont pris soin de décrire les lieux pour prouver leur présence.

8 juillet 1815
Etat civil le Châtelet en Brie AD77 5 Mi 1914 p 22 à 24
Registre paroissial Notre Dame de Bon Port du Mouillage de Saint Pierre 1783

Mariage de Pierre François Labarre, garçon majeur né en la paroisse de Notre Dame de Bon Port du Mouillage de Saint Pierre isle de la Martinique le 14 juin 1778, suivant qu'il appert d'une déclaration faite au directoire du ci-devant district de Melun, du 24 septembre 1793, demeurant au Châtelet, lequel est dans l'impossibilité de représenter son acte de naissance, fils de M. Etienne Labarre, propriétaire au Bois Louis, commune du Châtelet et de Marie Elisabeth Lefèvre... ledit Pierre François Labarre n'ayant pu avoir le consentement de son dit père pour le mariage ... mais lui ayant fait faire une sommation respectueuse par acte passé devant maître Bernard notaire à Melun (Antoine Bernard de la Fortelle, notaire d'août 1811 à novembre 1832) le 22 may dernier enregistré à Melun le 23 dudit mois et ayant obtenu le consentement de sa mère par acte devant le même notaire le 14 juin aussy dernier, enregistré le 15 dudit mois.. signe Labarre fils avec paraphe
et demoiselle Anne Louise Pelletier née aussi au Châtelet le 12 septembre 1773, (ou Anne Marie Louise, Marie Anne, habitant aussi le Châtelet, est une cousine) fille de défunt Jacques Pelletier († 8 brumaire an VII) et de Marie Anne Saulnier (†13 pluviôse an VI)... ne signe pas.
Et aussitôt lesdits époux ont déclaré qu'il est né d'eux quatre enfants avant leur union; inscrits sur le registre d'état civil de cette commune, le premier en date du 27 brumaire an XI sous le nom de Jean François, le second en date du 21 juillet 1806 sous le nom de Madeleine Elisabeth Eufrasie, le troisième en date du 23 décembre 1808 sous le nom d'Antoine Télémaque et le quatrième en date du 14 mars dernier sous le nom de Louise Elisabeth Iphigénie.... lesquels quatre enfants ils reconnaissent pour leurs fils et filles ...

Un cinquième enfant était né hors mariage, Louise Iphigénie, née le 22 mars 1813 et décédée le 10 juin 1814 au Châtelet 5 Mi 1913 p 316 .
En 1813, le fils Labarre habitait au Châtelet "Grande rüe près de la place du puits de l'Echelle" , il est noté "cultivateur" . En 1819, à la naissance de son fils Adolphe, Pierre François est marchand épicier. En 1836, Pierre François est décédé. Sa veuve de 62 ans est marchande épicière, elle vit avec Iphigénie de 21 ans et Adolphe, 16 ans, garçon confiseur, qui mourra à Montereau en 1856, marchand épicier confiseur. En 1828, on retrouve Jean François,lui aussi confiseur à Melun.

  Zones d'ombre dans la vie d'Etienne Labarre, marchand de bois
  D'autres éléments biographiques dans "traces des marchands de bois"

Ainsi Pierre François Labarre, 37 ans, fils du marchand de bois Etienne Labarre du Châtelet en Brie, dut-il passer devant le notaire Bernard de Melun, un acte de sommation respectueuse. Le père, qui avait occupé les fonctions d'administrateur du Conseil du Département et de Juge de Paix du canton sous la Révolution, "ami de l'ordre" et admirateur de la Police, comme il l'écrivit lui-même, n'avait pas dû apprécier que son rejeton ait eu cinq enfants hors mariage, le plus grand approchant l'adolescence, avant qu'il ne songe à convoler, en 1815; d'autant plus que sa fille Madeleine Thérèse aura été l'épouse du maire de Melun, Adrien Joseph Hippolyte Delacourtie, chevalier de la Légion d'honneur et qu'un autre de ses gendres, Jean Baptiste Cécile Werger, soldat ayant fait toutes les campagnes de Napoléon, capitaine à la Légion de Seine et Marne sous la Restauration, ait lui aussi été décoré de la légion d'honneur.

Le refus d'Etienne Labarre de laisser son fils convoler après avoir eu quelques enfants hors mariage est d'autant plus cocasse qu'Etienne avait fait de même. En janvier 1783, à Notre Dame du Bon Mouillage, Saint Pierre de la Martinique, il fait baptiser l'un après l'autre ses trois rejetons, eux aussi nés hors mariage: Pierre François né en 1778, Madeleine Thérèse née en 1780 et la petite Catherine Rachel en 1782. Le père n'assite même pas aux baptêmes qui ont lieu à quelques jours d'intervalle: "Sr Etienne Labarre qui nous a prié et authorisé par un billet en datte de ce jour et signé de lui, de batiser sur son nom l'enfant ci dessus". Etienne Labarre ne se maria qu'en 1785, paroisse St Gervais à Paris.

Il est possible qu'avant de retourner en France où il rachète, en 1786, le domaine de Bois Louis vendu en 1767 par son père, Etienne Labarre ait voulu donner un état civil à ses enfants et jeter un voile sur sa respectabilité perdue dans les Iles. Lors du mariage de son fils, celui-ci est d'ailleurs dans l'impossibilité de présenter son acte officiel, remplacé par une déclaration faite presque vingt ans plus tôt au "directoire du ci-devant district de Melun". Pour le mariage en 1802 de sa fille Marie Thérèse avec Adrien Joseph Hippolitte Delacourtie, les Antilles sont opportunément injoignables "attendu que l'isle de la Martinique dans laquelle elle est née est au pouvoir des Anglais." Par contre, vingt ans après, en 1822, pour le mariage tardif de Catherine Rachel , 39 ans avec Jean Baptiste Cécile Werger, il est déclaré: "légitimée par le mariage subséquent de ses dits père et mère". Etienne Labarre n'avait plus son mot à dire, pour la bonne raison qu'il était alors décédé.

Peut être le père avait-il caché à ses rejetons sa jeunesse tumultueuse maintenant qu'il était devenu un notable, peut être aussi craignait-il qu'en officialisant son union, son fils Pierre n'ait été obligé de fournir un acte qui aurait révélé son ascendance illégitime? Ou peut être n'y avait-il rien de tout cela?

AD77 L 396 n° 26 , état civil le Châtelet en Brie 5 Mi1914 Etat civil Melun 5 Mi 6034, minutes du notaire 217 E 261 n°173, base Léonore L2754013, registres paroissiaux de Notre Dame du Bon Mouillage, Saint Pierre de la Martinique, Notice historique sur le Châtelet en Brie

Même ayant atteint la majorité pour le mariage, les jeunes gens étaient tenus de solliciter le consentement des parents récalcitrants par un "acte respectueux" présenté par un notaire, plus témoins, par trois fois pour les hommes entre vingt- cinq et trente ans (de 21 à 25 pour les femmes), avec un mois de délai entre chaque acte. Après trente ans, un seul acte était encore requis.