Zones d'ombre dans
la vie
d'Etienne Labarre, marchand de bois... 1/3
Il y a deux cents ans, Etienne Labarre était marchand de bois en forêt de Villefermoy, il faisait travailler bûcherons et voituriers de la Chapelle Rablais, la Chapelle Gauthier et autres villages, ce qui justifie sa présence en ces pages consacrées aux migrants et saisonniers. Il fut aussi huissier de justice à la Martinique, bourgeois de Paris, hobereau au Châtelet en Brie où il était aussi juge de paix et administrateur du département, sous la Révolution. Il se brouilla probablement avec son père, se fâcha avec sa femme, son fils, ses filles, son associé ... Bref, un personnage public, tombé dans l'oubli, aux nombreuses zones d'ombre.
Ces pages ne sont qu'une ébauche de la biographie d'Etienne Labarre qu'il faudrait compléter en consultant les archives des administrateurs du département à partir de 1789, les minutes notariales du Châtelet-en-Brie et de Paris, et bien d'autres documents, mais je laisse ce soin à d'autres; si je consacre trop de temps à ce sujet, je n'en aurai plus pour ceux qui attendent: les scieurs de long du Forez, les maçons de la Creuse retrouvés à la Chapelle Rablais, le curé Huvier qui s'épanchait dans les pages vierges des registres paroissiaux, la Capitainerie de Fontainebleau qui s'étendait jusqu'à la Chapelle... Cependant si de nouveaux aspects de la vie d'Etienne Labarre se révélaient, je serais très heureux de mettre cette petite biographie à jour.
La mention d'un mariage avec une demoiselle Adélaïde
Marguerite Rolin ou Roulin a permis de retrouver l'acte de mariage à
Bussy le Repos, le 15 avril 1755 : "Antoine
Labar marinier veuf de défunte Madeleine Leroy de la parroisse de
Villeneuve Leroy, comme il const. par le certificat des bans et Marie Marguerite
Rolin veuve de défunt Pierre Pathier laboureur de cette paroisse..."
A Bussy le Repos, comme à Villeneuve
le Roy (Villeneuve sur Yonne), on trouve des Labarre, Labar, La Barre, Delabarre...
AD89 5 Mi 187/3 page 40 et 5 Mi 187/6 p 59 / Merci au groupe Yahoo GenYonne.
Maurice avait épousé en premières
noces Madeleine Roy, le 27 janvier 1728 à Villeneuve le Roy, paroisse
Notre Dame; on trouve dans les villages proches des Leroy, Roy, et Rouet
d'après la prononciation de l'époque (Le Rouè, c'est
mouè!). Du couple naquit vers 1730 un fils, lui aussi prénommé
Antoine qui prit aussi le surnom de Maurice d'où risque de confusion
entre père et fils. Une grande différence d'âge séparait
les deux frères.
En troisièmes noces, Antoine père
épousera Renée Delaporte, le 15 février 1763, toujours
à Villeneuve sur Yonne.
La naissance d'Etienne se situait vers 1755 ou
1756 (1783-28 ou 27). Son père ayant laissé des traces en
1755 à Bussy le Repos et en 1763 à Villeneuve sur Yonne, la
probabilité était forte qu'Etienne soit né dans l'un
de ces deux bourgs proches. Effectivement, on trouve trace de son baptême,
non à Paris comme il le déclare, mais paroisse Notre Dame
à Villeneuve sur Yonne: "Le 4
février 1756 a été baptisé par nous vicaire
soussigné Etienne né de ce jour du légitime mariage
d'Anthoine La Bare marinier et de Marie Roulain son épouse de cette
paroisse; le parain le Sieur Etienne Boulard de Château Feuillet;
la maraine demoiselle Françoise Boulard qui ont signé avec
nous." Châteaufeuillé est
un lieu dit au sud du hameau de Valprofonde, Villeneuve sur Yonne.
AD 89 Registre paroissial de Villeneuve sur Yonne, paroisse Notre Dame p
172
Maurice Labarre, grand père d'Etienne, lui aussi marié trois fois, fut compagnon marinier à Villeneuve. Sur l'Yonne, les gens de rivière étaient principalement flotteurs de bois issu du Morvan pour la provision de Paris. Son fils Antoine se déclarant marinier avait fait prospérer les affaires du père, dont il avait aussi repris le prénom. Le frère d'Etienne, Antoine, lui aussi "dit Maurice", dut avoir l'audace de sauter le pas: de simple transporteur, il devint marchand de bois, ce qui demandait des capitaux et beaucoup de travail: "Vous serez marchand de bois ... Voyons Paris, il vous y faudra louer un chantier, payer patente et des impositions, payer les droits de navigation, ceux d'octroi, faire les frais de débardage et de mise en pile, enfin avoir un agent comptable.." Balzac: Les Paysans
Quand son frère achèta le domaine de Bois Louis, Etienne allait sur ses six ans. Il en avait onze quand le manoir fut revendu: "Le 20 août 1767, le Bois Louis est de nouveau vendu, par Antoine Labarre, à haut et puissant seigneur messire François-Ferdinand, comte de Launoir de Wannes, colonel au corps des Grenadiers de France, habitant Paris, hôtel de Vallois, et au château de Surville à Montereau. " Notice historique sur le Châtelet en Brie
A l'âge de seize ans, Etienne embarque à Nantes sur le navire
"Ville de Rennes" le dix juillet 1772 et débarque aux Antilles
le six septembre. Relevé CGLA cote 120J-435
Qu'est-ce qui l'a poussé à traverser l'océan?
Etait-ce l'espoir d'une carrière plus rapide, d'autant que les Antilles
n'étaient revenues dans le giron de la France que depuis une dizaine
d'années, après le traité de Paris qui, en 1763, mit
fin à la guerre de Sept Ans et instaura un nouveau partage des terres
lointaines? Comme pour les familles nobles, l'aîné n'était-il
pas favorisé, charge au cadet de faire une carrière militaire
ou ecclésiastique. Antoine fils aurait poursuivi l'activité
de marchand de bois avec son père, Etienne étant obligé
trouver une autre ressource. Ou était-ce un exil forcé dû
à une mésentente avec sa famille, car on verra plus loin que
les relations pouvaient être tendues.
En juillet 1774, dans la petite ville de Sainte Marie, il est témoin
au mariage du fils d'un "receveur des droits
et poids de ladite ville", l'époux étant "Trésorier
de la bourse commune des huissiers de la juridiction de la Trinité
et y demeurant" Etienne Labarre est cité avec Simon Boutin,
René Marchand, négociant, Jean Baptiste Duran,
"tous quatre résidens à la Trinité",
bourgade proche de Sainte Marie. Registre paroissial
de Sainte Marie, 1774 page 4
Y avait-il tant d'huissiers à la
Trinité qu'il fallait que l'un d'entre eux ait la charge particulière
de leur bourse commune? Quelques années plus tard, Etienne Labarre
est témoin, à la Trinité, au mariage de Simon Boutin,
déjà cité, lequel est "huissier
au Conseil souverain et en la juridiction de la Trinité, natif de
Duras diocèse d'Agen, majeur d'âge, fils du sieur Boutin maître
en chirurgie audit bourg de Duras et de dame Marie Chalon" Registre
paroissial de la Trinité, 1775 p 5
Quelques années plus tard, en 1781, Etienne est parrain d'une fille
dudit Boutin. Etienne Labarre et Simon Boutin résident alors à
Saint Pierre le Fort; il est précisé qu'Etienne est
"aussy huissier à conseille de cette
île et en la sénéchaussée de ce bourg"
Registre paroissial de Saint Pierre le Fort,
1781 page 7
Etienne Labarre n'était donc pas venu
acquérir une fortune rapide dans le négoce ou l'exploitation
forestière. C'était à l'époque un petit fonctionnaire
de l'administration royale outremer.
Retranscription des actes et références à la page "Labarre, actes et documents"
Etienne Labarre était lié à Simon Boutin, par le travail,
tous deux étant huissiers, par les résidences, passant l'un
et l'autre de la petite ville de la Trinité à Saint Pierre,
mais aussi par les liens familiaux. Simon épousa une Lefèvre:
"Marie Victoire Lefèvre, fille mineure
du sieur Gabriel Lefèvre, marchand en cedit bourg et de Marie Françoise
Gouraud", soeur de la concubine du futur
marchand de bois, "Marie Elisabeth Lefèvre
native de la paroisse de la Trinité", avec
laquelle Etienne eut trois enfants entre 1778 et 1782. On peut assurer que
les concubins se fréquentaient au moins depuis octobre 1777, période
de la conception de leur aîné, se connaissant depuis au moins
juin 1775, réunis au mariage Boutin/Lefèvre. Elisabeth avait
dix ans de plus que Labarre car, si un document peu fiable de 1783 lui donne
l'âge de 27 ou 28 ans, d'où une naissance possible en 1755/56
d'autres actes de 1822 et 1828 la font naître en vers 1747.
Etienne Labarre fréquenta les bonnes familles de la Martinique, comme
le montrent les actes de baptême de ses enfants: les familles Guys,
Dieudonné, Vessiny, familles commerçantes relativement aisées
du Mouillage de Saint Pierre. Joseph Guys fut fournisseur privilégié
de l'administration de la Martinique, touchant une commission sur toutes
les fournitures, entre 1765 et 1783, et il se retira à Marseille
après cette date. Les Vessiny étaient une famille de marins
et commerçants corses, implantés à Saint Pierre vers
1765 et semblant s'être transportés à la Trinidad Espagnole,
comme de nombreux commerçants martiniquais et de la Grenade fatigués
de l'administration française, après l'adoption de la cédule
de colonisation de 1784.
Correspondance avec M. Alexandre Blondet
auquel je dois beaucoup
Etienne
Labarre fit connaissance de Louis Lézin de Milly:
"né le 13 février 1752 à Saint-Pierre de la Martinique
et décédé à Paris le 23 août 1804 est un
avocat, homme de loi et franc-maçon, dit américain de par sa
naissance aux Antilles. À Paris durant la Révolution, il milita
au sein de différentes sociétés populaires et clubs.
Il était rallié aux idées nouvelles d'une monarchie constitutionnelle,
mais restait d'opinion modérée. Il prit parti également
contre l'abolition de l'esclavage." article
Wikipédia
Après un premier passage à Paris, et avant de se fixer en métropole,
Louis Lézin repassa aux Iles de 1779 à 1784, où, avocat,
il dut forcément rencontrer le sieur Labarre, huissier, qui y laissa
des traces de 1774 à 1783. Il se retrouveront en France; Louis Lézin
occupant une charge qui recoupait les activités du marchand de bois;
ils finiront par s'associer...
L'arbre généalogique de la concubine d'Etienne Labarre, née Lefèvre, croise celui d'Angélique Lefèvre, grand-mère de Louis Lézin de Milly; on verra plus loin les conséquences de cette parenté présumée .
Louis-Lézin de Milly sur Wikipédia
Livre numérique d'Alexandre Blondet:
Petites et Grandes Révolutions de la Famille de Milly
Saint Domingue Année 1783. Département du Port au Prince.
Le Brigantin Le Joseph Second Au mois. A l'armement n°32
Rôle de l'équipage du Brigantin le Joseph Second du port de
180 tonneaux, armé de .. canons, appartenant au sieur Jacques Martin
& commandé par lui même pour aller au Havre de Grâce
les gages duquel équipage commenceront le ce jour premier mai 1783
savoir Le sieur Jean Jacques Martin du Havre capitaine, Gages par mois 250
£; Jean Shar, d'Ostende 2° , 200 £; Charlemagne le Roux
de Bruge , 80 £; Handrik Crolot de Prusse, charpentier, 120 £;
Charles Peze, d'Amsterdam, matelot, 100 £; Manuel Joseph du Portugal,
idem, 100 £; Joseph Marie de Libourne, idem, 80 £; Charles Burque,
de Bruge, 80 £ .
Armement du Joseph Second AD 76 Cote 6P6_12 p 120
à 123
Les voituriers par terre /20 : Les marchands de bois | |
Doc : Traces des marchands de bois | |
Doc : Labarre sources et documents | |
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Courrier | |
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illustrations pour leur légende.
Mise à jour: avril 2021
La rue où résidait
Antoine Labarre, bourgeois de Paris est révélée en septembre
1770, et confirmée dans d'autres documents, par un
"Marché de fournitures de bois de bouleaux et de trembles entre
Adrien-Pierre Mignon, entrepreneur de la manufacture royale des terres d'Angleterre
au Pont-aux-Choux, au coin de la rue Saint-Sébastien, y demeurant,
et Antoine Labarre, marchand de bois, rue Saint-Antoine, paroisse Saint-Paul,
dont ils se désistent le 2 mars 1771."
On le verra au fil des actes, toutes les résidences
des frères Labarre et de leurs alliés seront situés dans
les mêmes quartiers de Paris, entre le Marais et la Bastille.
Les lieux fréquentés par Etienne Labarre et sa famille à Paris
Les deux Antoine Labarre, père et
fils étaient dans le commerce du bois, l'un dans l'Yonne où
il devait préparer les trains de bois qui descendaient jusqu'à
Paris où son fils les recevait, les entreposait et après séchage,
trouvait à les vendre.
Les ports au bois de Paris sont très nombreux, il est probable qu'Antoine
avait fréquenté le plus proche de sa demeure, situé sur
l'ancienne île Louvier, réservée aux marchands de bois
qui y payaient lourde patente, (en amont de l'île St Louis, le bras
de Seine comblé est maintenant le boulevard Morland) ou sur la rive
gauche, le port St Bernard où étaient aussi entreposés
les bois flottés.
Doc : plan des ports au bois de Paris
Dossier : le commerce du bois