Les voituriers par terre /20
Marchands de bois

Si le petit peuple des champs et des bois tirait souvent le diable par la queue, il n'en était pas de même des marchands de bois qui faisaient travailler les voituriers thiérachiens. Avec les laboureurs, ils constituaient l'aristocratie paysannne: "La condition essentielle pour faire le métier de marchand de bois, par vocation ou par occasion, c'est de posséder d'abondantes disponibilités. L'exploitation des bois est rémunératrice, mais elle immobilise d'importants capitaux pendant près d'une année, en attendant que les bois séchés et véhiculés puissent être mis en vente... l'exploitation des bois, encore plus que celle de la terre, a déjà pris une allure nettement capitaliste. Elle est, par sa nature même, réservée à ceux qui ont de l'argent."
Emile Mireaux:
Une province française au temps du Grand Roi: la Brie

Extraits du livre d'Emile Mireaux

    Forêt de Barbeau, ventes de la manse abbatiale
    Forêt de Barbeau, réserves de la manse abbatiale
    Forêt de Barbeau, ventes de la manse conventuelle
    Forêt de Barbeau, réserves de la manse conventuelle
    Forêt Saint Germain, ventes
    Forêt Saint Germain, réserves

Les marchands de bois étaient rarement propriétaires des forêts qu'ils exploitaient. Avant la Révolution, en Brie centrale, elles étaient le plus souvent la possession d'ordres religieux. L'actuelle forêt de Villefermoy appartenait à l'abbaye de Saint Germain des Prés de Paris, pour le massif sud, encore nommé Bois de Saint Germain, et pour le massif ouest à l'abbaye de Barbeaux. L'ancienne dénomination du bois était d'ailleurs "forest de Barbeau".

Possessions des institutions religieuses autour de Villefermoy

Un très bel atlas, déjà présenté à la page des ports décrit les possessions de l'abbaye: "Atlas général de la seigneurie, justice haute, moyenne et basse de la prévôté de Ville Fermoy et ses dépendances, des fiefs de la Charmée, le Jardin, Courpitois, les Equieuvres pars en partie et de la terre et seigneurie de Barbeau Tennery, La Riotterie, La Gringalletterie, les Grands Champs, la Chaumarderie, la Borde aux Moines, la Forêt au Razoir, des Bois de la Forêt de Villefermoy ou le Grand Barbeau, des Fermes du Danjoux, la Loge des prés, Moligny, Champagne et autres lieux appartenant à la manse conventuelle de l'abbaye royale de Barbeau, ordre et filiation de Cisteaux au diocèse de Sens."
AD77, 101 H 28

Extrait de l'atlas de Barbeau 1774

 

En reportant patiemment les plans anciens sur la carte IGN actuelle, on peut avoir une idée de la manière dont était exploitée la forêt, avant la Révolution. La moitié de la superficie était destinée aux moines: la manse conventuelle, l'autre moitié, au seul bénéfice de l'abbé: la manse abbatiale. "L'abbaye de Barbeaux, forte autrefois de 40 à 50 religieux, est réduite à presque rien, pour le nombre s'entend, car pour les revenus, ils sont plus que quadruplés. Le revenu était de 20.000 livres au XVIII° siècle."
Voyage de Champeaux à Meaux, 1785
A cette répartition se superpose un autre découpage. En 1669 : "Louis par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre A tous presens & à venir, salut. Quoy que le desordre qui s'estoit glissé dans les Eaux & Forests de nostre Royaume, fust si universel, & si inveteré que le remede en paroissoit presque impossible... Nous puissions sur le tout former un corps de Loix claires, précises & certaines, qui dissipent toute l'obscurité des précedentes, & ne laissent plus de prétexte ou d'excuse à ceux qui pourront tomber en faute..."
ordonnance du 13 août 1669 Sur le fait des Eaux & Forests

"...Voulons que ... la quatrième partie au moins des bois dependans des Eveschez, Abbayes, Benefices, Commanderies & Communautez Ecclesiastiques, soit toujours en nature de fustaye..." Colbert prévoyait de réserver un quart de la superficie des forêts pour de grands arbres, destinés à la construction de vaisseaux de guerre. La construction navale nécessitait aussi des bois aux formes particulières, le "bois courbes". Les voituriers en bois courbe étaient sujets à de nombreux contrôles, que l'on peut découvrir dans un "Etat des courbes envoyées au chantier de Paris pour la construction des chaloupes canonnières par les officiers forestiers de l'Inspection de Fontainebleau" et autres documents. AD77 7 Mp 361

Doc: voituriers en bois courbe de la forêt de Fontainebleau

"Un quart de la forêt destiné à croître en haute futaie, c’est à dire destiné à être maintenu jusqu’à la cent vingtième année.. (Détail amusant: 120 ans après 1669 nous amène en 1789 ) le surplus est structuré en coupes ou ordinaires ou "ventes" ou "triages". Ces termes sont synonymes et leur sens n’est pas celui du langage usuel. Il désignent des compartiments ayant la forme d’un rectangle allongé. Lorsque le dernier vient d’être vidé de son peuplement, le premier va l’être bientôt... Les peuplements sont exploités sur un mode cyclique qui favorise la régénération..."
Dictionnaire de l'Ancien Régime , article Coupes, ordinaires, triages, ventes, usances, révolutions p 351

Dans les coupes, l'ordonnance de 1669 prévoyait de garder seize baliveaux par arpent, destinés à être coupés tous les quarante ans, les "ventes" ne devant être exploitées que tous les dix ans, ce qui n'était pas la tradition: "Depuis toujours, l'usage s'était établi de couper les bois taillis tous les neuf ans, soit de les louer pour neuf années. Ce rythme subsista imperturbablement après comme avant l'ordonnance de 1669." Emile Mireaux Mais la baisse de rendement des taillis trop fréquemment abattus allongea le rythme des coupes à la fin du XVII° siècle.
L'atlas de Barbeaux de 1774 montre une répartition sur vingt et une "ventes", tant dans les bois des moines (34 arpents et 86 perches chaque parcelle) que dans ceux de l'abbé ( 36 arpents 49 perches 14 pieds), soit un cycle de coupe étalé sur vingt et un ans, ce qui était fort sage. A la fin du XVII° siècle, la vente ou la location de la coupe d'un arpent de bois rapportait en moyenne 32 livres à ses propriétaires, sans compter l'exploitation des baliveaux. A l'exploitant de débourser pour la coupe, la vidange, le mesurage, les frais de transport et de manutention.... Chaque "Vente" procurait un revenu d'environ 1.100 livres, tant à l'abbé qu'aux moines, frais d'exploitation, coupe, transport et vente à déduire.
Estimation des frais d'un marchand de bois dans Mireaux : Une province française au temps du Grand Roi: la Brie

Chaque vente procurait un revenu d'environ 1.100 livres, tant à l'abbé qu'aux moines.

Atlas de la forêt de Villefermoy 1774, agrandissement du montage, description des cartes
Atlas de la forêt de Villefermoy 1774, exemple de carte: le Grand Etang

 

En survolant la carte avec la souris, inutile de cliquer, on fera apparaître les ventes et réserves de l'abbé et des moines de Barbeaux, ainsi que le plan du Bois de Saint Germain.

Ce qui précède n'est qu'un exemple, tiré de sources locales, cela ne reflète pas la complexité de la gestion forestière que l'on peut deviner dans cet extrait de l'ordonnance de 1669: "forests, bois, buissons & garennes, assietes, ventes, coupes, délivrances & recollemens, mesures, façons, défrichement ou repeuplement de nos bois, & de ceux tenus en grurie, grairie, segrarie, tiers & danger, appanage, engagement, usufruit & par indivis, usages, communes, landes, marais, pastis, pâturages, panage, paisson, glandée, assiete, motion & changement de bornes & limites dans nos bois."

Les relations entre les travailleurs et les propriétaires des bois ont toujours été tendues. Les habitants de la paroisse d'Echouboulains, limitrophe de la Chapelle-Rablais, notaient, dans leur "Cahier de plaintes, doléances et remontrances que font au Roy en l'assemblée des Etats Généraux.. que les meilleurs biens de la ditte paroisse sont des bois considérables qui environnent de tous costés les terres, dans lesquels bois il se retire un grand nombre de bestes fauves et de gibier qui ravagent les moissons; que ces bois appartiennent à des personnes nobles ou privilégiés qui ne payent aucunnes impositions…"

Voir: la Chapelle Rablais dans la Capitainerie de Fontainebleau

Les cahiers de doléances de la Chapelle Rablais n'ont pas été conservés, cependant, le 31 octobre 1789: "Les principaux habitants de la Chapelle Arablay, près de Nangis en Brie, élection de Montereau, supplient très humblement Messieurs les vénérables membres de l'assemblée nationale d'écouter favorablement leur supplique: Depuis plusieurs années, différents propriétaires de biens dépendant de notre paroisse laissent volontairement la plus grande partie de leurs terres en friches et d'autres propriétaires font planter une grande partie en bois. Comme une telle conduite est très répréhensible, vu qu'elle est très préjudiciable au bien général et qu'elle fait éprouver des torts réels et des pertes sensibles à notre paroisse, les-dits habitants osent supplier très instamment vos augustes personnes d'interposer leur authorité et ordonner aux propriétaires des biens dépendant de la Chapelle Arablay, de les faire valoir où de les louer à un prix raisonnable et de leur défendre expressément de faire planter leurs terres en bois, et vous ferez justice." Archives Nationales F 10 284

Quelques jours après la supplique du syndic et des "principaux habitants de la Chapelle Arablay", le 2 novembre 1789, les biens du Clergé sont déclarés "Biens Nationaux", pour être vendus, suivis en 1792 des biens des émigrés. A la Chapelle Rablais, changèrent de mains:

n° 34 L,, la ferme de Putemuse, bâtiments et 240 arpents d’héritage aux religieux de Sainte Colombe de Sens
n° 38 S1 à S4 lots de terre 23 a 72 p / 13 a 20 p / 6 a 39 p / 8 a 66 p à la fabrique de la Chapelle Rablais
n° 67 V8 4 arpents 11 perches de terre, pré et friche en 19 pièces , présuccession de Dame Marguerite Avoye Desroches veuve de M. Louis René Emmanuel Duroux de Sigy, à cause de l’émigration d’Auguste René Frédéric Duroux, son fils.
n° 75 V8 2 arpents 1/2 de terre à la fabrique de Fontains
n° 78 G2 33 hectares 79 ares 03 centiares, terres, prés et friches à l’émigré Duroux de Sigy
(AD77 série 1Q )

Oh, oh, oh, Mon Cousin comme Diable vous voila
Que Diable avez vous fait de vos bois?
On me les a coupés, hé, hé, hé.
Ou bien Jean qui pleure et Jean qui rit.

Parmi les Jean qui rient profitant de l'aubaine de la vente des biens de l'Eglise, se trouvèrent des marchands de bois. Cependant, d'après les actes que j'ai relevés, il semble qu'ils aient préféré les terres agricoles et les fermes (le dossier étant consacré aux voituriers thiérachiens, je ne fais qu'effleurer le sujet des marchands de bois).

Etienne Labarre, marchand de bois au Châtelet en Brie, faisant travailler des Thiérachiens de forêt de Villefermoy, achèta le 28 mars 1801 à Jean François Philippot: 51 ares 14 ca de terres labourables, puis en mai 14 ares 29 ca de terres labourables à François George. minutes du notaire Pinault, le Châtelet en Brie AD 77 227 E 105 Il avait aussi acquis des Biens Nationaux: "La chapelle Sainte-Reine et les Trous des Carrières (appelés ensuite Trous du Cimetière) devenus, par la loi du 4 novembre 1791, biens nationaux, ont été achetés par Étienne Labarre, le 13 messidor An IV, au district de Melun qui lui en a passé vente par deux actes séparés, le 30 pluviôse, An V."
Notice historique sur le Châtelet en Brie

Zones d'ombre dans la vie d'Etienne Labarre, marchand de bois

Son confrère, François Gatien Champagne, de Montereau, achèta cette même année 1801, 3 hectares, 43 ares, 77 ca de prés aux Ecrennes à Jacques François Montaigu et 42 ares, 18 ca de prés à la Chapelle Gauthier au lieu dit Pré au Roy à Jean Baptiste Bodson. AD 77 227 E 105
En 1803, il acquit deux maisons sur les trois que compte le petit hameau des Trois Chevaux, pour y installer, non des bûcherons ou voituriers en bois, mais des fermiers.

Les Trois Chevaux

Les bois de Barbeau et de Saint Germain ne furent pas vendus mais entrèrent dans la "liste civile" pour devenir plus tard forêt domaniale de Villefermoy. Les premières années furent légèrement anarchiques et d'aucuns s'empressèrent de piller ce qui n'était pas trop activement gardé.

Voir plus loin: us et abus dans les bois
Voir plus loin: us et abus dans les bois sous la Révolution

Les bûcherons s'opposèrent aux fermiers pour la gestion des municipalités: "La première cause de la cabale est que les petits particuliers regardent comme à eux les bois ecclésiastiques immenses qui environnent la ditte paroisse, à cause du décret qui les met sous la sauve garde des municipalités, et espèrent, en s'emparant des charges municipales, continuer impunément les dégâts qu'ils y ont fait cidevant."
Gilbert-Robert Delahaye: troubles électoraux à Echouboulains en 1790

"trois fiefs et seigneuries, huit maisons, dont une huilerie à la Sirène, les métairies de la Martinière et du Coudraye également appelée les Métairies, trois manoeuvreries aux Essarts et de nombreuses pièces de terres, bois, prés.." sont les propriétés acquises par le marchand de bois Marc Goudard entre 1736 et 1777 autour de Montargis, n'hésitant pas à acheter des petites fermes, les "manoeuvreries" pour agrandir ses terres, tout en laissant les bâtiments à l'abandon, "la conséquence de ceci fait que la taille, qui est un impôt royal, se répartit sur moins de familles ce qui augmente la part de chacun" d'où procès avec les habitants du lieu. Recherches de Frédéric Pige

 

Il n'était pas rare que des laboureurs (les fermiers parmi les plus riches) trouvent dans l'exploitation des taillis voisins de la paroisse un supplément de ressources. Le mariage des deux activités, l'agricole et la forestière, paraît avoir été surtout fréquent dans les régions plus boisées de l'est, au nord de Montereau notamment, où l'expression de "marchand laboureur" est assez courante." Mireaux
Ainsi, la rédactrice d'un article sur les marchands de bois et leurs aides en Seine et Marne, note:
"mon ancêtre Pierre Larousse, né vers 1675, était à la fois laboureur et marchand de bois à Cucharmoy. Par contre, ses fils Pierre et Savinien exerçaient uniquement la profession de marchand de bois à Cucharmoy. Un autre de mes ancêtres, Jean Pierre Blondellot, qui avait été tisserand dans sa jeunesse, était à la fois cabaretier et marchand de bois à Choisy-en-Brie." bulletin n°53 CGHSM
Un laboureur/marchand de bois du Gâtinais est venu jusqu'à Villefermoy pour exploiter une parcelle, ce que révèle un marché d'ouvrage entre deux scieurs de la même région et le contremaître du marchand :

D'autres marchands de bois ont laissé des traces chez le notaire de la Chapelle Gauthier. Ils étaient marchands de charbon de bois: "Le charbon de bois jouait, à cette même date, un grand rôle dans la cuisine. Le fourneau à charbon aujourd'hui si désuet, était le maître des cuisines de nos pères; il y eut bien quelques essais de chauffage à la tourbe, notamment à Paris en 1784. Mais ce combustible ne réussit pas mieux que la houille à conquérir les sympathies de la population habituée de longue date à l'emploi des excellents charbons cuits près de Saint-Florentin ou sur les rives de l'Armançon." Fromageot
C'est justement de la région de Saint Florentin que proviennent les charbonniers que l'on retrouve dans les villages alentour Villefermoy: Jacques Badier, originaire de Chailley qui décède en 1815 à la Chapelle Gauthier; les membres de la famille Fourrey, originaires de Chailley, Arces et autres villages autour de la forêt d'Othe et qui s'installeront aux Montils, charbonniers et marchands forains de bagues miraculeuses.

Les marchands de bagues de St Hubert

Citons encore Edme Joseph Gras, charbonnier cuiseur, demeurant au Ruet, commune de "Vernizy", mandataire d'un marchand de charbon de bois, découvert dans un autre acte du notaire Tartarin en 1820; François Henry Casimir Michault, charbonnier de Venizy qui décède chez Véronique Fouet, veuve de Louis Bailly à la Chapelle Gauthier, en 1815; en 1776 décède Toussaint Pouillot âgé de treize ans, "fils mineur de Jean Pouillot charbonnier et d'Edmée Pouillot ses père et mère demeurant ordinairement à Chaillé paroisse de Venizi diocèse de Sens... ont assité au convoi son sudit père et Nicolas Chevallier maître d'école de cette paroisse."; Marie François Heurpeaux de Venizy ou Chailley, fils de voiturier, charbonnier de l'Yonne qui se marie en Brie en 1778, comme en 1775 "Jacques René Prestat âgé d'environ trente deux ans fils majeur de défunt René Prestat et Edmée Matthieu ses père et mère de la paroisse de Chailley succursale de Venizy diocèse de Sens élection de Joigny, ledit Jacques Prestat charbonnier se retirant dans cette paroisse depuis deux à trois ans", épousant Marie François Roubault... furent témoins, deux autres charbonniers: Jean et Savinien Simonnet.
Antoine Labarre, père d'Etienne, originaire de l'Yonne, se livrait au commerce du charbon, comme à celui du bois:
1761 "Transaction entre Jérôme Lepère (père), voiturier par eau de Corbeil et Antoine Labarre, dit Maurice, marchand de bois, paroisse Saint Paul, Paris concernant trois bateaux de charbon (de bois)" Base Arno

Doc: Traces des charbonniers et marchands de charbon de bois en forêt de Villefermoy

Accompagnant les charbonniers, on trouve leurs patrons, les marchands de charbon de bois, eux aussi originaires de la forêt d'Othe. Ils négocient l'achat de "bois à charbon" dans les "ventes", auprès des propriétaires. En 1817, Jean François Renvoyé, lui aussi de Chailley, négocie, à la Chapelle Gauthier, deux cent cinquante cordes auprès de "Monsieur André Etienne Antoine Chabenat de Bonneuil, propriétaire à Paris rue de Hanovre numéro cinq... moyennant trois mille cinq cents francs à raison de quatorze francs la corde. Obliger le commettant de payer le prix ci dessus au domicile de la dame veuve Bazin, marchande de bois à Vaugirard près Paris... (quatre billets à ordre) ... consentir que la cuisson ne commence qu'après l'acceptation des billets..." Puis, en 1820, Jean François Renvoyé mandate "Edme Joseph Gras garçon majeur, charbonnier cuiseur, demeurant au Ruey, commune de Vernizy... pour lui et en son nom acheter soit des sieurs Claude Méry Chertemps, cultivateur demeurant en la ferme de Montjay, commune de Bombon et Jacques Louis Rogue, cultivateur demeurant aux Frileux commune de Blandy et tous autres dans l'étendue du département de Seine et Marne, tous bois charbons à vendre en la présente année, pour être cuits en la présente année et notamment desdits Chertemps et Rogue tout le bois charbon et le brigot d'une vente sise à la Pivoiserie terroir et commune de Saint Méry, canton de Mormant, de la contenance de dix neuf hectares (quarante cinq arpents) environ et tout le bois charbon d'une remise dite le Bellay, située mêmes terroir et commune..."
AD77 273 E 40 minutes du notaire Tartarin, la Chapelle Gauthier
Jean François Renvoyé disposait de plusieurs milliers de francs pour mener à bien ses transactions, mais ne savait même pas signer "Ledit sieur Renvoyé a déclaré ne savoir écrire ni signer"

En 1817, auprès du même notaire, chez le même aubergiste, le sieur Louis Charles Devin qui faisait quelquefois fonction de mandataire, un autre marchand de charbon de bois -toujours de Chailley- signait une reconnaissance de dette: "six mille francs pour prêt avances que ledit Paget reconnaît lui avoir été faites par M. Delavillarmois pour faciliter son commerce de marchand de charbon... laquelle somme ... s'oblige de rendre et payer à mondit sieur Delavillarmois en sa demeure au château de la Chapelle Gauthier..." et pour sûreté, hypothèque ses biens à Chailley et Venizy.
On est bien loin de la fortune et des prétentions sociales des grands marchands de bois!

Sous Louis XIV : "L'exercice de la profession est libre, qu'il s'agisse des marchands bourgeois résidant à Paris ou des marchands forains, ceux du plat pays. Ce sont de véritables entrepreneurs qui exploitent, transportent et vendent. Ils sont tenus toutefois de vendre en personne "ou par leurs gens": point de commissionnaire pour éviter les frais superflus. Ils ne peuvent "faire aucunes associations secrètes". Les adjudicataires des coupes dans les forêts royales ne peuvent avoir plus de trois associés, dont ils sont tenus de donner les noms au greffe de la maîtrise. Si l'exercice de la profession est libre, elle est toutefois interdite à certaines catégories de personnes: aux ecclésiastiques, gentilshommes, officiers, magistrats de police et de finances, ainsi qu'aux officiers des forêts et chasses royales, à leurs enfants, gendres, frères, beaux-frères, oncles, neveux et cousins germains." Emile Mireaux

Condition première pour être marchand de bois: être fortuné: le commerce de bois immobilise des capitaux pendant le temps de l'exploitation des parcelles. Deux ans étaient prévus, sous François Premier: "la première année pour abbatre & façonner, & la seconde pour en faire sortir le bois & le conduire sur les ports, & que tous les bois qui se trouveroient appartenans aux Marchands dans les forêts après ce delay passé, seroient confisquez au profit du Roy, ou des Seigneurs Hauts-Justiciers." Traité de la Police Sous le Roi Soleil, "la coupe et le façonnage commencent à la fin de l'automne et se prolongent jusqu'au milieu d'avril, parfois jusqu'à la mi-mai. La vidange doit être terminée à la Saint-Remi, le 1er octobre." Mireaux
Il faut aussi savoir gérer des équipes, tant sur les exploitations que sur les lieux de vente: "Vous serez marchand de bois ... Voyons Paris, il vous y faudra louer un chantier, payer patente et des impositions, payer les droits de navigation, ceux d'octroi, faire les frais de débardage et de mise en pile, enfin avoir un agent comptable.." Balzac: Les Paysans Par contre, les revenus ne dépendent pas des aléas climatiques, comme pour les laboureurs, à la merci d'une sécheresse, d'une gelée, d'un orage...

"...parvenu en la vente qui a été coupée extraordinairement en 1793, adjugée au citoyen Mesrat marchant de bois demeurant à Montereaut jé trouvé en ladit vente qu'il y avait deux cent cinquante pied de chain* que les ouvriers dudit Mesrat ont abattu de différentes grosseur et longueur..." AD77 L 396 n°95
Le citoyen Mérat, marchand de bois à Montereau, est cité dans ce procès verbal du garde Miloche pendant les premiers temps révolutionnaires où les actes de pillage se succédaient en forêt domaniale, Miloche ayant lui même trempé dans de louches affaires. Il s'agit d'Edme Germain Mérat de la Geneste, fils d'un marchand de "bois de four et de chauffe". On le retrouve le 28 messidor an XIII, premier actionnaire du Comptoir Commercial, fondé le 21 frimaire an IX, avec 220.000 francs de crédit. Il n'est d'ailleurs pas le seul marchand de bois: "Une impression analogue de richesse foncière est donnée par tout un groupe de marchands qui restent, par leur profession même, plus ou moins liés d’ailleurs à la propriété rurale. Ainsi des marchands de fer: peu nombreux - quatre - ils sont fort riches... des marchands de bois - dix-huit..."
Louis Bergeron Banquiers, négociants et manufacturiers parisiens du Directoire à l’Empire

En capitalistes avisés, les marchands de bois savent rentabiliser leurs affaires. Pour ne rester que dans le cadre des voituriers acheminant le bois des forêts aux ports, les marchands ont préféré employer des étrangers au pays plutôt que la main d'oeuvre locale qui aurait été plus à même de s'organiser. D'où les protestations des paysans que les Thiérachiens et les galvachers privent de labeur, en cassant les prix: "Quant à la difficulté des charrois, les Thiérachiens, les Bourguignons qui font cent lieues pour venir avec leurs boeufs débarder nos ventes de bois à la barbe des Laboureurs, démontrent assez que le préjugé seul peut combattre ici la vérité." Vues patriotiques d'un laboureur
"... en payant des voitures ordinaires ce qu'il convient, on n'en manquera jamais, ni les marchandises n'en seront pas plus chères, étant bien notoire que les marchands qui emploient d'autres voituriers que ceux-là, ne vendent pas à plus haut prix que ceux qui s'en servent. Ce n'est donc que pour faire le bénéfice de quelques marchands qu'on a sollicité et surpris au Roi une pareille autorisation (lettres patentes autorisant la pâture); mais pour enrichir ces particuliers, personne n'a pouvoir de mettre propriété d'autrui à contribution."
Cahier de doléances de Chelles

Doc: plaintes contre les Thiérachiens

François Gatien Champagne, 1761/1805, était marchand de bois à Montereau "Du citoyen Champagne, marchand de bois à Montereau... pour charrois de bois savoir quatorze cordes de grands bois rendus au port de Barbeau.."inventaire Dupin
Outre les "ventes" qu'il exploitait à Villefermoy, les maisons et parcelles qu'il acquérait, il avait hérité de son père, boucher à Montereau, des bois dans la forêt de Valence et de terres à Tavers, où se trouve le lieu dit "la Tirache", comme on l'a vu à la page précédente.

la Tirache, Tavers, bois de Valence
Doc: Traces des marchands de bois

Simon Joseph Champagne avait aussi acquis "le domaine de Coutençon sur lequel se trouvait la ferme de la Briolle, ancien château fortifié à présent détruit dont le nom fut adopté par la descendance." amelleh sur Geneanet Le père du marchand de bois tentait, en achetant un fief, de changer d'état pour accéder à la noblesse, comme le fit aussi Etienne Labarre à Bois Louis: en 1788, il signait "Labarre de Bois Louis... en son fief du Bois Louis situé en cette paroisse", mais pendant la Révolution, en 1790 Etienne revint à un simple "Labarre"! Etat civil du Châtelet
Ils essaient de quitter le Tiers Etat non seulement pour le prestige, mais aussi pour les privilèges associés. Ainsi Marc Goudard, marchand de bois à Auxerre veut-il être
"privilégié" et ceci vaudra aussi pour sa descendance. Il veut être affranchi de droits et ne plus payer que la capitation, que la noblesse paye aussi, mais avec un rabais." Il s'engage à payer des seaux goudronnés et leurs crochets, destinés à lutter contre les incendies dans sa ville, en contre partie, demande "l’exemption d’ustancils, subsistance, logement des gens de guerre, guet, garde, collecte [...], et la protection de votre grandeur pour être taxé à la somme de 6 livres pour sa capitation pour chaque année dont il ne paye actuellement que la somme de 25 livres." Frédéric Pige

Même sans être nobles -ce qui leur aurait, théoriquement, interdit le commerce de bois-, les marchands de bois découverts dans les actes des voituriers, étaient très influents. En plus de leur commerce lucratif, ils occupaient des fonctions élevées dans la communauté. François Gatien Champagne était marchand de bois, seigneur de la Briolle, conseiller du Roi, grenetier du Grenier à sel de Montereau; Edme Germain Mérat de la Geneste éait fils d'un marchand de "bois de four et de chauffe"et magistrat consulaire; Pierre Nicolas Préau a été maire de Montereau en 1791/92 tout en poursuivant son négoce de bois et Etienne Labarre, "bourgeois de Paris", et marchand de bois a été représentant de la paroisse pour les cahiers de doléances: "S'étant assemblés et concertés certain jour de février à l'issue de la messe paroissiale, sous le porche de l'église, suivant la coutume, les paroissiens du Châtelet élirent, pour les représenter à l'assemblée de Melun, trois de leurs concitoyens, les plus aptes à la défense de leurs droits et de leurs intérêts : Louis-Nicolas Marin, propriétaire de la petite ferme de Saveteux, Jean-Jacques Lependry, notaire, et Étienne Labarre, propriétaire du Bois Louis."

Etienne Labarre était aussi administrateur départemental et juge de paix, sous la Révolution, ce qui lui permit d'user de son influence pour tenter de châtier ceux qui empiétaient sur son commerce; il demanda la création d'une brigade de gendarmerie au Châtelet en Brie, qui aurait été bien utile pour surveiller les forêts qu'il exploitait:
"7 février 1792 Comme confrère, comme Juge de paix et principallement comme ami de l'ordre, je vous préviens qu'il se commet dans mon canton des délits affreux, qui finiront, si l'on n'y met ordre, par avoir les conséquences les plus funestes; les bois nationaux sont entièrement dévastés, en beaucoup d'endroits, dans les coupes d'un an et deux ans, les souches sont arrachées, à ce mal j'en vois succéder un autre non moins grand, les particuliers circonvoisins y mettent paître leurs troupeaux, de manière qu'il y a lieu de croire qu'il n'y poussera jamais de bois, je vous cite, Messieurs, pour exemple la forêt de Vilfermoy; les bois des particuliers situés près des villages commencent aussi à être fort endommagés et les citoyens lésés n'osent se plaindre, intimidés par les mal intentionnés qui en imposent, parcequ'ils ne sont point réprimés, ce qu'il est cependant bien facile de faire, n'étant pas en aussi grand nombre qu'on se l'imagine; des citoyens sont assassinés pour ainsi dire en ma présence, sans que je puisse faire aucun exemple; ce n'est pas que je manque de fermeté ni que j'autorise le vice, celà n'est pas dans mes principes, mais que je manque des moyens nécessaires pour faire exécuter la loi. ... pour que nous ayons enfin une brigade au Châtelet et si ce minystre ne fait pas son devoir, dénoncez-le à l'assemblée nationale, pour le lui faire faire: sous le règne des lois, quand on a la raison et la justice pour soi, on peut parler sans crainte, ce sont là les droits de l'homme libre dans lesquels je mourrai." AD77 L 396

A Montereau, Pierre Nicolas Préau, maire de la commune, surveillait lui aussi les trafics de bois; son expérience de marchand de bois lui permettait, indiquait-il, de découvrir la provenance de bûches frauduleuses:
"Ce jourd'hui, vendredi premier juin mil sept cent quatre vingt douze sept heures du matin, nous, Pierre Nicolas Préau Maire de Montereau Fault Yonne y demeurant, ayant été instruit que par une suite des délits et brigandages qui se commettent journellement depuis plusieurs années dans les forest et bois voisins, et notamment dans ceux de Vallence et de Boulains, il arrive fréquemment à Montereau des voitures chargées du bois provenant de ces vols et pillages; que notamment il est arrivé hier matin deux voitures et de deux pareilles voitures viennent encore à l'instant de passer, qu'ayant fait examiner le lieu où ces deux dernières voitures se déchargent, il a appris que c'étoit chez le sieur Bertin, aubergiste rue de la Poterie à l'auberge Saint Nicolas.
Examen par nous fait de la qualité et grain dudit bois, nous avons par nos connaissances particulières, et presque certaines reconnu que ledit bois provient des bois de la forest de Saint Germain appartenant à la Nation comme dépendant de la ci-devant abbaye de Saint Germain des Prés."
AD77 L 396

Voir plus loin: us et abus dans les bois
Voir plus loin: us et abus dans les bois sous la Révolution

La puissance financière et la position sociale des marchands de bois pour la provision de Paris ont dû être à l'origine de privilèges destinés à leurs employés, les Thiérachiens, car on imagine mal comment ces pauvres voituriers semi-étrangers auraient pu influencer le Roi pour qu'il leur accorde ces lettres patentes: "Louis, etc. Par arrêt cejourd'hui rendu en notre conseil d'état, nous y étant, et pour les causes y contenues, nous aurions, en confirmant aux voituriers connus sous le nom Thiérachiens la faculté dont ils ont ci- devant joui de faire paître leurs chevaux et bœufs dans les communes, prés fauchés, bruyères..."

Faut-il voir aussi l'influence des marchands de bois dans cette réquisition de tous les partenaires de la Provision de bois pour Paris, qui les obligeait à délaisser les travaux agricoles -eux aussi indispensables en ces temps de disette- pour revenir à leurs fonctions premières?
décret du 8 ventôse an III AD 77 L372

*chêne

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   Courrier

Au fil des actes concernant les voituriers thiérachiens, on découvre les marchands de bois qui les employaient: 1803: François Gatien Champagne: "Du citoyen Champagne, marchand de bois à Montereau... pour charrois de bois savoir quatorze cordes de grands bois rendus au port de Barbeau à raison de quatorze francs la corde et dix huit pièces de bois de charpente à raison de 60 francs le cent"; 1753: "Nicolas Denys Colinet, Marchand de Bois, pour la provision de Paris, Adjudicataire des Ventes ordinaires & extraordinaires de la Forêt de Crécy"; vers 1740: Gilles Gournay, Dominique Payen, Charles Pillé, marchands de bois à Fontainebleau; 1820: "ledit sieur Charles Auguste Hardouïn marchand de bois à Nangis"; Antoine et Maurice Labarre, au Châtelet en Brie, auxquels un chapitre entier est consacré; 1797: Philippe Loisellier, à la Borde; 1817: Jean Baptiste Désiré Paget marchand de charbon demeurant à Chailley, travaillant à la Chapelle Gauthier, comme Jean François Renvoyé, marchand de charbon, demeurant aussi à Chailley; 1792: Pierre Nicolas Préau, maire de Montereau Fault Yonne et marchand de bois; 1765, à Montargis, Antoine Blesson, marchand de bois qui rédigeait ses comptes aux Tirachiens dans les pages vierges du carnet de son gendre, chirurgien défunt; 1797: Edme Germain Mérat de la Geneste, marchand de bois à Montereau et premier actionnaire du Comptoir Commercial, révélé dans l'acte ci-i-dessous:

Les marchands de bois étaient rarement propriétaires des forêts qu'ils exploitaient. Avant la Révolution, en Brie centrale, elles étaient le plus souvent la possession d'ordres religieux. L'actuelle forêt de Villefermoy appartenait à l'abbaye de Saint Germain des Prés de Paris, pour le massif sud, encore nommé Bois de Saint Germain, et pour le massif ouest à l'abbaye de Barbeaux. L'ancienne dénomination du bois était d'ailleurs "forest de Barbeau".

Possessions des institutions religieuses autour de Villefermoy

Doc: Traces des marchands de bois
Zones d'ombre dans la vie d'Etienne Labarre

S'il se trouvait bien quelques petits marchands de bois, les coupes les plus importantes étaient encore aux mains de notables, influents et plus qu'aisés. A la fin du XIX° siècle, un entrefilet dans un journal local révèle un marchand de bois dont la notice biographique montre bien qu'en un siècle, la situation n'avait guère changé depuis la période révolutionnaire :
La Chapelle Rablais. "Ne trouvant pas leur salaire suffisamment rémunérateur, les bûcherons de la coupe des Moyeux viennent de se mettre en grève. L'exploitation appartient à M. Ouvré, marchand de bois à Paris, conseiller général de Seine et Marne." 14 avril 1889 Journal de Seine et Marne

Né en 1852, André Félix Ouvré faisait partie d'une dynastie de notables, tant Parisiens que Seine et Marnais, fils d'un marchand de bois, petit fils d'un juge au tribunal de commerce de la Seine... Six Ouvré furent conseillers généraux du canton de Château Landon sur les douze mandatures de 1833 à 2015. André Félix fut aussi maire de cette ville de 1871 à 1878. Industriel (il fonda la sucrerie de Souppes sur Loing, toujours dans la famille) et marchand de bois, il était aussi président de la chambre syndicale des marchands de bois à brûler de Paris et de la banlieue, en plus d'une douzaine de titres et fonctions: "Exploitation dans les forêts de l'Etat et bois de particuliers dans plusieurs départements. Très importantes cultures dans Seine et Marne. Usines de Souppes, sucrerie, distillerie. Occupe continuellement 2.500 à 3.000 ouvriers et pour les deux tiers au moins en Seine et Marne" Base Léonore notice L2029009

Doc : André Félix Ouvré, marchand de bois à Villefermoy et plus encore...

"Le 15 juillet 1789 Furent présents Jean Gibert scieur de long demeurant à Chailly en Bierre et Jean Baptiste Jiroudon (Girodon) aussy scieur de long demeurant à Courance (Courances, Essonne, proche de Chailly), étant tous deux ce jour à la Chapelle-Gauthier, d'une part
Et sieur Julien Chevery garde vente demeurant à la Chapelle Gauthier chargé de l'exploitation de la vente appelée la Coudre, appartenante à monsieur Verron, marchand de bois...
... de faire à commencer de ce jour pour finir sans interruption de l'ouvrage ci-après à la Saint Martin prochaine au plus tard, l'écarissage de tous espèces de bois provenant de ladite vente de la Coudre à la toise courante jusqu'à huit à neuf pouce d'écarissage pour quinze livres le cent de toises...
... le sciage en dix huit lignes d'épaisseur sur neuf pouces de largeur, la planche de quinze lignes d'épaisseur et le panneau de huit lignes, franc scié pour quinze livres le cent de toises...
... dans le cas où ledit Chevry audit nom jugerez à propos de faire faire de la volige .. de cinq lignes franc scié sur neuf à dix pouces de large seroit payé douze livres le cent les quatre au cent fournis.
Et en faveur du présent marche, ledit Chevry audit nom s'oblige de donner et livre audit Gibert et Jiroudon une demie corde de copeaux par chaque millier de toises.
signatures du notaire, de Julien Chevry, de témoins non cités: Boutillier et Beaujean. Les scieurs ne savent pas signer.
minutes du notaire Baticle, la Chapelle Gauthier AD77 273E23

Fils d'un manouvrier de Moigny sur Ecole, Nicolas Véron père commença comme "chartier de vacation" dans une ferme à Nandy, l'un de ces modestes meneurs d'attelages qui devaient s'arrêter de manger quand le premier charretier pliait son couteau, comme l'avait vécu l'un de mes grands-pères. Il y épousa la fille d'un manouvrier, puis se fixa à Chailly en Bière, garde des bois de M. de Boismont, en 1755 à la naissance de Nicolas Martin; garde des bois de M. Chiquet de la Perrière, seigneur de Chailly à la naissance de Paul en 1757; il était homme d'affaires de M. de Palerme à son décès en 1780.
Nicolas Martin, le marchand de bois cité dans l'acte de 1789, fut régisseur de la terre de Faÿ, hameau de Chailly en Bière en 1780 et 1786, laboureur en 1781, et marchand de bois de 1789 jusqu'à son décès en 1804.
Les Véron sont un bel exemple d'ascension sociale, de simple charretier, le père fut ensuite garde de bois seigneuriaux, puis gagna la confiance d'un propriétaire "homme d'affaires de M. de Palerme", possédait-il, en plus du fief de "Maison Rouge" près de Ponthierry, la ferme de Faÿ dont le fils fut régisseur et laboureur, ce qui, à l'époque, signifiait que le fermier possédait le matériel de culture et quelquefois le cheptel, donc était suffisamment aisé. Puis il fut marchand de bois, ce qui nécessitait aussi des capitaux. Si la Révolution n'avait pas changé l'ordre établi, peut-être un de ses fils aurait-il développé l'entreprise et aurait, lui aussi, cédé à la tentation de détenir un fief, un titre... Véron de Faÿ, pourquoi pas?

D'autres marchands de bois aux ambitions certainement modestes ont été découverts, pour certains, à partir de la biographie de Martin Nicolas Véron. Julien Chevry, son garde-vente en 1789 fut au service d'un autre marchand de bois quelques années auparavant: Jean Louis Simon fut parrain, et son épouse marraine, d'un fils de Julien Chevry, prénommé lui aussi Julien; Simon se déclarait marchand de bois. Dans d'autres actes, il est maçon et couvreur...

A Faÿ, hameau de Chailly en Bière, où Martin Véron fut marchand de bois jusqu'en 1804, le recensement de 1836 fait apparaître un autre marchand de bois : Jacques Antoine Crenier qui fut successivement berger à son mariage en 1823, manouvrier en 1828 et 1831, marchand de bois en 1833 et en 1836, cultivateur en 1848 et de nouveau manouvrier à son décès en 1874. Il est probable que ce n'était qu'un marchand de bois local, le pécule qu'un berger aurait pu amasser étant loin d'être suffisant pour envisager un investissement important.

Léon Nicolas, garde-vente à son mariage en 1891, était marchand de bois au recensement de 1911 à la Chapelle Gauthier... D'autres sont encore à découvrir...