Les voituriers par
terre /19
Travail, salaire
En fait, le premier bail a été signé en 1792, sous la Révolution française et le second en 1805, sous Napoléon. Le livre de raison d'Antoine Fare Huvier 1755/1836 montre qu'en 1835, sous Louis Philippe, la pratique du paiement en nature, en plus du numéraire, avait toujours cours: le bail pour le lot de la Trinité, "scis ès environs de Limosin, de 10 arpents 42 perches de terre labourable et 182 perches de pré" 232 livres 10 sols en 1791, a été renouvelé en 1835 moyennant : "205 francs, deux paires de chapons, deux paires de poulets, un cent d'oeufs, 5 boisseaux d'avoine, 10 livres de porc frais à la St Martin; 205 francs à Pâques." AD77 195 J 18
Aux Ecrennes, le 6 thermidor an VIII, le fermier
de la ferme de la Glasière paiera ses moissonneurs en mesures de
blé:
"Ledit citoyen Aumaistre promet et s'oblige de livrer auxdits soyeurs
la quantité de quatre boisseaux et demi de gorge (?) de froment mesure
comble du marché de Melun, par chaque arpent qui seront soyés,
de leur faire ladite livraison audit lieu de la glasière au fur et
mesure du battage qui se fera desdits grains et quand lesdits soyeux le
requiéreront.
Indépendamment de ladite livraison la soupe sera trempée auxdits
moissonneurs pendant le soyage des bleds, et durant le ramassage des avoines
ils seront nourris par et aux dépens dudit Aumaistre." AD77
227 E 104 n° 163
Revenons aux voituriers thiérachiens, dans quelques documents, on
trouve trace de fourniture en nature, mais la plupart du temps, ils sont
payés en numéraire. Dans l'inventaire des biens de Marie Anne
Bony, veuve de voiturier et future épouse d'un autre, on trouve:
"Plus au citoyen Préau demeurant à
Montereau pour graisse dix neuf francs soixante dix centimes 19,70 F".
Pierre Nicolas Préau était un marchand de bois qui, d'ailleurs,
devait 48 francs à Marie Anne Bony, voiturière. Il avait fourni
la graisse (à essieux) mais, au moment des comptes, rappelait qu'elle
n'était pas gratuite.
A Montargis, le journal du chirurgien Paul Simon Charles Meneau renferme
des pages se rapportant au travail de groupes de Thiérachiens, qualifiés
de Luxembourgeois, au fin fond de la forêt. Régulièrement,
le marchand de bois ou son garde-vente (deux écritures différentes
dans le carnet de comptes et une autre pour le chirurgien) versait des avances
en argent aux voituriers. Il réglait aussi les frais: les lettres
de voiture "Réglé et compté
des feuilles de voiture faite par Mimy jusqu'audit jour... ",
les frais d'écluse sur le canal: 12 ou 13 sols à Jean Martin,
l'éclusier, qui servait à l'occasion de relais pour les voituriers.
Le marchand de bois (M. Blesson?) payait aussi nourriture et entretien:
"donné au boulangé despois pour
Mimy 24 £ivres... donné au maréchal de Cepoy pour Nicolas
de Lime plus pour Mimy essieu 6 £... donné au père Nicolas
huit boiseau de blée à 33 sols le boisseau... donné
à Nicolas de Lime 24 £ plus pour 18 boisseaux d'avoine à
16 sols: 14 £ 8 sols. Donné à George 30 £ plus
vingt quatre boisseaux d'avoine.. 19£. Donné à Pascal
24 £ donné dix huit boisseaux d'avoine 14 £ 8 sols..."
Paragraphe sur les voituriers de Montargis au chapitre 15: "dans les forêts d'Ile de France"
Un petit dessin valant mieux qu'un long discours, voici pour
les années 1766/1767, ce que le marchand de bois a donné à
ses groupes de voituriers: petits acomptes, suivis du solde (les petites et
grandes colonnes du graphique), mais aussi les frais d'écluse (puces
bleues), de maréchal ferrant (rouge), la fourniture de blé ou
le paiement du boulanger (vert), d'avoine (jaune). La dépense, pour
cette longue saison de débardage, monte à plus de trois mille
livres, sans compter "le pour boire donné
aux Thiérachiens" de 24 livres. A part pendant l'été
1766, les Luxembourgeois ont travaillé en toutes saisons. Au moins
quatre équipes payées séparément travaillaient
dans le même bois, peut être pour faire jouer la concurrence,
comme le préconisait la Maison Rustique en 1835: "Il
faut encore moins traiter avec une seule bande; on détruirait ainsi
tout genre d'émulation pour la propreté et la perfection..."
Arnoux de Lesse a perçu 534 livres; Mimy: 795 £; Nicolas de Lime:
1133 £, Saint George: 259 £. On voit aussi passer Jacques Lallemand
qui n'est signalé que d'avril à juin 1766 et qui perçoit
84 £. A la fin de l'automne, des voituriers quittent le chantier: trois
"Gofiné" avec 354 £, le père Mathieu qui part
avec 132 £. Georges Pascal arrive à l'été suivant
et ne laisse plus de traces à l'automne, pourtant il a touché
296 livres, dont un louis (valeur de 30 livres): "M.
Blesson a donné à Pascal un louis et moy huit boiseau davoine
à seize sout le boiseau"; certainement
le "pour boire aux thiérachiens"
que le marchand de bois donne à chaque fin de saison.
Le carnet de Montargis note le "marché
fait avec Nicolas Delime, Arnoux de Lesse, Jean Hadoux, Jacques Couvreux et
Jacques Resselle tous voituriers en chariot du pays de Luxembourg pour la
voiturent des bois de charpente des ventes de la forêt de Montargis
... et bois de cordes de la vente du Carteux..."
Pas de mention d'un contrat écrit, d'un acte notarié comme cela
se faisait si souvent, simplement un marché de gré à
gré "tope-là!"
AD77 1197 F 8 page 71
Quelques exemples en forêt de Villefermoy, glanés dans les inventaires après décès, ou les rapports de police, car aucun contrat ou même marché n'a été découvert chez les notaires:
Dans l'inventaire après décès de Thomas Nival 1805, des Montils à Montereau (12 kms à vol d'oiseau), hélas, sans indication de quantité: "par le citoyen Préau marchand de bois à Montereau... quarante huit francs pour charriage de bois."
De Frévent à Montereau (11
kms) , sous la Révolution, par un marché révélé
par un trafic de bois:
"Un homme à lui inconnu, court de taille
qui s'est dit nommé Roussel et demeurer à Boulain ou aux environs
de Boulain, lequel lui a offert une corde de bois à acheter, qu'il
est convenu avec lui du prix de quatorze livres pour la corde, outre les frais
de transport... il avoit aussy acheté chez le nommé Roussel
manouvrier demeurant à Frévan, trois cordes de bois, ledit sieur
Lauchain est convenu avec lui Limosin de prix, à raison de sept livres
dix sols pour lui amener cejour d'huy à Montereau lesdites trois cordes
de bois ..." AD77 L 396 n°38
Et aussi, depuis "Rayonnerie paroisse de Boulain" jusqu'à
l'auberge du citoyen Bertin à Montereau (7,5 kms):
"...quatre cordes de bois moyennant le prix de dix sept livres la cordes
et sept livres pour le transport de chaque voiture." AD77
L 396 n°36
Il leur faut donc tout acheter, tant pour la famille que pour l'attelage
28. Ladite veuve Nival déclare ... dû à Montillard
manouvrier aux Montils soixante francs pour luzerne que ledit a fourny ...
60 F
29. Plus au citoyen Piget maréchal ferrant aux Ecrennes trente six
francs pour ouvrages qu'il a faits et fournitures jusqu'à aujourd'hui
36 F
30. Plus au citoyen Moutier charron aux Ecrennes dix francs pour ouvrages
qu'il a faits jusqu'à aujourd'hui 10 F
31. Plus au citoyen Jean Tancelin boulanger aux Montils vingt quatre francs
pour pain qu'il a fourny cy 24 F (Marie Anne Boni disposait pourtant d'un
four à pain aux Montils)
32. Plus au citoyen Couty maçon à Rampillon vingt neuf francs
pour ouvrages de son état cy 24 F
33. Plus à Joseph Evras, maréchal à Mommigny département
de Jamapes trente francs pour ouvrages qu'il a faits 30 F
34. Plus au citoyen Jean Quenay bourlier à Mommigny huit francs pour
ouvrages et fournitures cy 8 F
35. Plus au citoyen Leveau bourlier à la Chapelle Gauthier trente
francs pour ouvrages & fournitures 30 F
36. Plus au citoyen (nom laissé en blanc) bourlier à Montereau
huit francs pour ouvrages & fournitures 8 F
37. Plus au citoyen Devin, cabaretier à la Chapelle Gauthier pour
nourritures qu'il a fourny douze francs 12 F
38. Plus au citoyen Ouvart cultivateur au Champgridouin douze francs pour
avoine 12 F
39. Plus au citoyen Bailly meunier à Villefermoy douze francs pour
bled cy 12 F
40. Plus au citoyen Do... de Montigny Lencoup treize francs pour le vin
13 F
41. Plus au citoyen François Henry charretier aux Montils pour ...
et charrois qu'il a ... soixante dix neuf francs 79 F
42. Plus au citoyen Préau (marchand de bois) demeurant à Montereau
pour graisse dix neuf francs soixante dix centimes 19,70 F
43. Plus au citoyen Hardouin notaire soussigné pour ... enregistrement,
expédition, papier la somme de dix huit francs 18 F
44. Plus au citoyen Philippe Badoulet son garçon voiturier pour ....
33 F
45. Plus audit Badoulet ... ses gages jusqu'à ce jour 72 F
46. Plus au citoyen Angenoust, cultivateur au Ru Guérin (ferme disparue,
située à l'extrémité ouest des Montils) treize
francs pour ... des chevaux 13 F
L'écriture de cet acte est particulièrement
bâclée, d'où des vides dans la retranscription.
Voir un exemple à la page "nomades et sédentaires"
Elle s'est fournie aussi bien en Brie que dans le Hainaut, aussi bien du
côté Ouest de la forêt où elle vivait jusqu'en
1800 avec feu Thomas Nival que du côté Est quand elle retourna
près de sa famille aux Montils et où le couple Bony/Badoulet
s'installera. Du côté Trois Chevaux, les achats à la
Chapelle Gauthier, chez le bourrelier Veau, le cabaretier Devin; aux Ecrennes
chez le charron Moutier et le maréchal ferrant Piget. Du côté
Montils, des dettes chez le boulanger Tancelin, et chez le manouvrier Monteillard
qui fournit la luzerne. Et en plein centre de la forêt, une ardoise
chez le meunier de Villefermoy et le citoyen Ouvart cultivateur au Champgridouin,
ferme disparue proche des étangs. Un peu à droite à
gauche: un maçon de Rampillon, Couti, qui une dizaine d'années
auparavant, en 1791, avait construit deux maisons semblables aux Montils,
destinées à Jean Bureau et à Louis Hû pour une
somme dérisoire: 160 livres chacune, les propriétaires fournissant
tous les matériaux. Marie Anne a laissé des dettes à
Montereau où elle livrait le bois pour le compte du citoyen Préau.
Mais elle en a aussi laissé à Momignies où son attelage
se rendit puisqu'elle y fit travailler le bourrelier et le maréchal.
Ces dettes remontent-elles au temps de son premier mari, de son futur second
époux, tous deux originaires de cette région? Ou bien Marie
Anne Bony, "voiturière" est-elle
retournée de son propre chef dans le Hainaut où elle avait
vécu les premières années de son mariage?
inventaire avant mariage de Marie Anne Bony, veuve Nival
Traces des voituriers, la famille Nival
Pour la nourriture des chevaux, la veuve Nival doit acheter de l'avoine
à Montillard manouvrier aux Montils, de la luzerne au fermier de
Champgridouin... Nicolas Pupin achète du foin auprès du cabaretier
Satabin aux Ecrennes... La ration quotidienne d'un cheval, estimée
pour les militaires était de "36 livres
de foin, 60 livres de paille, un boisseau d’avoine, 14 livres d’orge,
8 livres de seigle, au milieu du XVIII° siècle."
Dico de l’Ancien Régime article fourrage,
fourrageur
Quel coût journalier? Le gendre de feu Louis
Dupin, voiturier en forêt de Villefermoy avait demandé
132 francs pour la garde de l'attelage pendant 51 jours, du 2 novembre au
23 décembre 1803: "cinq juments et un
cheval ongre" soit environ 43 centimes
par animal et par jour. Est-ce le coût réel pour un cheval?
AD 77 273 E 28
Pour l'entretien des chevaux, on trouve des dettes chez le maréchal
Pigot des Ecrennes, le bourrelier Bertaud de Nangis, le charron Mouton (ou
Moutier?) aux Ecrennes, le maréchal ferrant Piget aux Ecrennes, chez
"Leveau bourlier à la Chapelle Gauthier",
d'autres artisans à Momignies et Montereau, mais, bizarrement, aucune
trace chez le charron Dagourreau (ou Nocard ou Gambrelle qui se sont succédés),
ni chez le maréchal Guérin à la Chapelle Rablais. Ne
les fréquentaient-ils pas ou bien ces artisans arrivaient-ils à
se faire payer régulièrement?
Pour l'entretien de ses chevaux, Grenadou note, au XX° siècle: "Fallait payer le maréchal deux fois par an. J'avais six chevaux à lui mener, chacun deux fois par mois et au bout de l'année, ça me coûtait plus de deux mille francs... Pour entretenir les harnais de mes six chevaux, je payais plus de trois mille francs par an." Grenadou paysan français
Harnais et traits étaient souvent compris dans le prix du cheval, lors des ventes aux enchères: "Item un cheval sous poil rouge hors d'âge avec son collier et traits en fer" vente Nival "un cheval sous poil rouge brun hors d'âge faisant le numéro vingt sept de l'inventaire adjugé et livré après plusieurs enchères à Nicolas Ledoux, voiturier travaillant dans la forêt de Villefermoy avec ses harnoys" vente Pupin
Si le charron, le bourrelier, le maréchal
entraînaient des frais inévitables, il est peu probable que les
voituriers aient fait appel aux soins du vétérinaire. Ils savaient
trouver les gestes et les soins que les charretiers se sont transmis, jusqu'à
la fin de l'ère de la traction animale: "J'ai
entendu, bien des fois, le chuintement que font les mères quand elles
écartent les cuisses de leur bébé pour l'inciter au pipi.
Rien de commun avec le sifflement des charretiers quand ils veulent dégonfler
leurs bêtes et qui est irrésistible."
L e Cheval d'orgueil, Pierre Jacquez Hélias
"Tenez, un cuai (curé) sait-il ce qu'il faut faire à eun k'va qui a un coup de sang? Un vrai charretier le sait, lui ! Comme le vétérinaire arrive toujours trop tard, il faut savouère soigner le k'va sans rin demander à perchonne. Faut seulement percer c'te veine du cou.. le sang gicle ? Pas de panique ! Pour arrêter l'moragie, eun épingle de nourrice ou un crin d'k'va suffit... Et pour finir, un p'tieu de repos et le k'va est sauvé..." Le Horsain, B. Alexandre
A Nangis, l'artiste vétérinaire, ainsi qu'il se définissait, ne devait être appelé que par les bourgeois, ainsi, en 1820, Charles Auguste Hardouin, marchand de bois à Nangis, fit-il appel à l'expertise du sieur Edme Jacquemard à propos d'un cheval acheté six cent vingt sept francs payés comptant à la foire de Sergines qui s'était révélé "poussif": "...Est comparu le sieur Edme Jacquemard artiste vétérinaire demeurant à Nangis... ledit sieur Jacquemard s'est transporté chez ledit sieur Charles Auguste Hardouïn marchand de bois à Nangis, qui lui a présenté un cheval sous poil gris truité entier à tout crin, âgé de cinq à six ans, taille de quatre pieds huit à dix pouces, que ledit Hardouïn lui a déclaré être celui faisant l'objet de la plainte. Qu'après avoir scrupuleusement examiné le cheval dont est question, tant dans l'état de repos qu'après un exercice modéré. Il a reconnu que le mouvement du flanc était irrégulier ou entrecoupé par l'espèce de subresseau qui s'observe dans le moment de l'inspiration, que la toux est faible et cassée, qui est un simpthôme caractérisant la pousse, maladie qui existait avant la vente..." Justice de paix de Nangis UP 2315
Peut-on estimer la "fortune" des voituriers par rapport à celle des manouvriers qu'ils côtoyaient? Il faudrait, pour une étude sérieuse, dépouiller de nombreux actes de succession, tant chez les Thiérachiens que chez les paysans. Un raccourci peut être fourni par les contrats de mariage. Ainsi, pour la période 1789/1811, le graphique ci-dessous détaille les apports des époux: la puce bleue représente la part du mari, la puce orange, la dot de l'épouse et le petit carré vert la somme totale. Les sommes apportées au mariage varient de cent francs (un couple de manouvriers, un batteur en grange d'origine polonaise) jusqu'à près de huit mille francs, l'époux étant fermier. L'apport moyen d'un ménage lors du mariage était d'un peu moins de mille francs, l'époux apportant généralement un peu plus que l'épouse. Deux tiers des ménages sont en dessous de cette somme, d'où un étirement de la courbe du graphique avant d'atteindre la valeur de deux mille francs. Pour plus de lisibilité, j'ai modifié l'échelle des sommes les plus faibles où l'on trouve la "fortune" des Tirachiens. En passant la souris sur le petit cadre, on fait apparaître, entourées de rouge, les valeurs qui concernent les voituriers.
Survolez sans cliquer !
Les voituriers sont dans la moyenne basse des dots apportées au
mariage. Ni parmi les plus démunis -ils possédaient généralement
leur attelage-, ni parmi les plus aisés; bien qu'un voiturier, Nicolas
Pupin originaire de Momignies, avait laissé 4.567,24 francs à
son décès, ramenés à 3.688,78 francs, toutes
dettes payées. Mais il faut avouer que Nicolas Pupin fait figure
d'exception et qu'il ne figure pas dans ce graphique pour la bonne raison
qu'il était resté célibataire. On trouve plus souvent
des Tirachiens emprunteurs que prêteurs. Sans compter ceux qui peinent
à régler leurs dettes: "3 mai
1819 Victor Sandrin, meunier et boulanger à Fontenailles contre Collinet
père, Tirachien à Laborde le Vicomte et Chaigneau, voiturier,
55,70 F pour fourniture de pain pendant les mois de juin et juillet 1817"
Sans compter d'autres dettes réclamées
à Claude Chesnot, et l'engagement de son neveu comme remplaçant
de conscrit qui seront détaillés plus loin.
Justice de paix du Châtelet 100 W 302 n°88
Les jeunes adultes de la famille devenaient "garçons
voituriers" de leur parents, comme l'attestent les passeports pour
l'intérieur de François Philippe Badoulet qui partit avec
son père dans la Marne, à l'âge de dix neuf ans, et
celui de son frère utérin Charles Thomas Nival qui accompagna,
à vingt quatre ans, le nouvel époux de sa mère dans
la forêt de Sourdun. Aucun acte ne précise
si les jeunes enfants aidaient ou non leurs parents; cependant, on peut
affirmer que la plupart ne fréquentaient pas l'école du village,
attestée depuis le milieu du XVIII° siècle. L'auraient-ils
fréquentée qu'ils auraient au moins su signer leur nom. Prenons
les enfants de Marie Anne Bony: Marie Joseph Nival n'a pas su signer à
son mariage, sa soeur Marie Louise Nival non plus, pas plus que leurs époux;
son frère Charles Thomas Nival n'a pas signé son passeport
pour l'intérieur pas plus que ses demi-frères François
Philippe et Philippe Cyprien Badoulet. Aucun des enfants de cette famille
n'a été capable de tracer les lettres de son nom. Comme
il est peu probable qu'ils aient passé le temps de leur enfance à
la maison à regarder des dessins animés, quand ils séchaient
l'école, on peut supposer qu'ils participaient aux travaux des parents.
Les épouses pouvaient avoir une part active, comme Marie Anne Bony,
veuve de Thiérachien, qui a pu être qualifiée de "voiturière
demeurante aux Montils" AD77 8E88 p53
ou l'épouse de Jean Charles Prieux (Prieur), voiturier cabaretier
à la Borde de Châtillon, qui s'occupait aussi de charrois comme
le montre cet acte de 1818:
"journées employées par la femme du demandeur avec son
cheval et sa voiture pour conduire des matériaux sur la route dont
ledit Sachot a l'entreprise".
Justice de paix du Châtelet 100 W 302 n°110
Commençait alors le long cheminement qui allait mener l'attelage lourdement chargé jusqu'à la Seine. On connaît les dégâts que peuvent occasionner les engins forestiers actuels, montés sur d'énormes pneus; on peut imaginer les ornières crées par les étroites roues ferrées des chariots des Thiérachiens.
Il fallait ensuite poursuivre jusqu'au port,
décharger les voitures, empiler le bois ou charger les margotats, puis
amorcer le chemin du retour.
Combien pouvait rapporter une journée de charroi ?
Avant d'essayer d'estimer le salaire des voituriers thiérachiens, quelques
exemples de rapport à l'argent des paysans de Brie...