Les scieurs de long/10
Un marché d'ouvrage de 1789 1/3

... de faire à commencer de ce jour pour finir sans interruption de l'ouvrage ci-après à la Saint Martin prochaine au plus tard, l'écarissage de tous espèces de bois provenant de ladite vente de la Coudre à la toise courante jusqu'à huit à neuf pouces d'écarissage pour quinze livres le cent de toises...
... le sciage en dix huit lignes d'épaisseur sur neuf pouces de largeur, la planche de quinze lignes d'épaisseur et le panneau de huit lignes, franc scié pour quinze livres le cent de toises...
... dans le cas où ledit Chevry audit nom jugerez à propos de faire faire de la volige .. de cinq lignes franc scié sur neuf à dix pouces de large seroit payé douze livres le cent les quatre au cent fournis..."
15 juillet 1789 minutes du notaire Baticle, la Chapelle Gauthier AD77 273 E 23

Doc :deux marchés d'ouvrage passés chez les notaires au XVIII° siècle

" 15 juillet 1789 Furent présents Jean Gibert scieur de long demeurant à Chailly en Bierre et Jean Baptiste Jiroudon aussy scieur de long demeurant à Courance, étant tous deux ce jour à la Chapelle Gauthier, d'une part
Et sieur Julien Chevery garde vente demeurant à la Chapelle Gauthier chargé de l'exploitation de la vente appelée la Coudre, appartenante à monsieur Verron, marchand de bois...
Foin des dissertations, aujourd'hui, cette page et les suivantes prendront la forme d'un commentaire de texte, à partir d'un marché d'ouvrage du 15 juillet 1789 passé à la Chapelle Gauthier, entre le représentant d'un marchand de bois et deux scieurs de long, pour écarrir et scier les arbres d'une coupe en forêt de Villefermoy.
Il est fort probable que je passerai à côté d'indices qui n'auront pas échappé à un lecteur plus savant que moi, en cette matière. Merci d'avance pour vos commentaires qui seront bienvenus.

Je demandai à M. de Guerchy si c'était vrai; effectivement. Les magistrats ont défendu à la même personne d'acheter plus de deux boisseaux de blé dans le même marché, par crainte d'accaparement. Le sens commun montre que ces mesures tendent directement à accroître le mal, mais il est inutile de discuter avec des personnes dont les idées sont irrévocablement arrêtées. Aujourd'hui, jour de marché, j'ai vu le froment se vendre sous l'empire de ces règlements; un piquet de dragons se tenait au centre de la place pour prévenir les troubles. D'ordinaire le peuple se querelle avec les boulangers, prétendant que le prix qu'ils demandent est au-dessus du cours; de ces mots il passe aux voies de fait, soulève une émeute et se sauve emportant sans bourse délier et le blé et le pain. C'est ce qui est arrivé à Nangis et en plusieurs endroits; la conséquence fut que boulangers et fermiers refusèrent de s'y rendre jusqu'à ce que la disette fût à son comble; alors les céréales durent s'élever à un taux énorme, ce qui augmenta le mal et nécessita vraiment la présence des soldats pour rassurer les pourvoyeurs du marché. "
Arthur Young Voyages en France 1787 1788 1789

  Texte intégral d'Arthur Young sur abu.cnam.fr
  Doc : Troubles sur les marchés aux bleds de Nangis

L'acte a été signé le 15 juillet 1789, preuve, s'il en était besoin, que la France entière ne s'était pas figée au lendemain de la prise de la Bastille. La vie continuait...
Etait-on d'ailleurs au courant des événements de la veille, à la Chapelle Gauthier, et quelles étaient les revendications, à la campagne? Arthur Young, agronome anglais était justement de passage à Nangis, ville la plus proche de la Chapelle Rablais, comme de la Chapelle Gauthier. Quelque temps auparavant, il avait fait connaissance du marquis de Guerchy, qui l'avait invité dans son château de Nangis...

"28 juin 1789 Je venais de passer quelque temps à Paris, au milieu de l'ardeur, de l'énergie et de l'animation d'une grande révolution... ( à Nangis : ) l'ignorance de chacun sur les événements d'alors qui le regardaient au plus haut point, la circonstance aggravante de manquer de journaux avec une presse bien plus libre qu'en Angleterre, formaient un tel contraste que le coeur me manqua...
29 juin 1789. Nangis est assez près de Paris pour que le peuple s'occupe de ce qui s'y passe ; le perruquier qui m'accommodait ce matin m'a dit que chacun était résolu à ne pas payer les taxes si l'Assemblée l' ordonnait ainsi.
" Mais les soldats, n'auront-ils rien à dire ? -Non, monsieur, jamais ; soyez assuré comme nous que les soldats français ne tireront jamais sur le peuple, et puis le feraient-ils, que mieux vaut mourir d'une balle que de faim." Il me traça un affreux tableau de la misère du peuple : des familles entières étaient dans le plus grand dénûment ; ceux qui ont de l'ouvrage n'en retirent pas le profit nécessaire à les nourrir; beaucoup d'autres, trouvent même de la difficulté à se procurer cet ouvrage.

Sur la carte de Cassini, fin XVIII°, à gauche le pays de Bière : Courances, Fleury en Bière, Chailly en Bière; au centre, Melun et le nord de la forêt de Fontainebleau, à droite, les bois de Villefermoy et la Chapelle "Thiboust".

Le contrat a été passé chez le notaire Baticle de la Chapelle Gauthier (nommée la Chapelle Thiboust, sur la carte de Cassini), l'une des études notariales habituelles pour les actes concernant Villefermoy, avec celles de Nangis et du Châtelet en Brie. Ce qui est plus étonnant, est que les scieurs avaient leur demeure dans la région de Perthes, l'un comme l'autre ayant laissé des traces en pays de Bière, ancien nom de la forêt de Fontainebleau. Quelques actes où ils figurent :

Le 2 novembre 1788 naquit Antoine Hubert Gibert à Chailly, fils de Jean, scieur de long et Antoinette Segretin (Segretin), la marraine était la soeur du nouveau-né.
Registre paroissial Chailly en Bière AD 77 5 Mi 6872 p 135
Jean "Jibert", scieur de long à Chailly et son épouse, Antoinette Secrétin, étaient présents le 23 novembre 1790 à St Fargeau pour le mariage de leur fille Jeanne Gibert avec Etienne Charrier, fils de vigneron. Pas plus que sur l'acte notarié, Jean Gibert ne savait signer. L'acte de mariage de St Fargeau ne donne, hélas, ni date, ni lieu de naissance.
St Fargeau AD 77 5 Mi 259

Jean Gibert était donc bien scieur de long à Chailly en Bière.

Jean Baptiste "Jiroudon" naquit en 1762 à Châteauneuf en Thymerais, en Eure et Loir, ville qui, sous la Révolution, fut nommée "Puits la Montagne"; fils de feu Antoine Girodon, "scieur de longt" et de Marie Jeanne Pichet. Il se maria à Fleury en Bière en 1794, résidant certainement à Courances, toute proche, située de nos jours en Essonne, avec son frère Antoine, lui aussi scieur de long, qui ne savait pas plus signer que son frère.
Registre paroissial de Châteauneuf en Thymerais AD 28 3 E 089/003/ Registre paroissial de Fleury en Bière AD 77 6 E 197/3

Jean Baptiste Girodon était bien scieur à Courances.

Les scieurs ne manquaient pas, en forêt de Villefermoy. En ne considérant que la décennie où fut signé l'acte, à peu près une trentaine de scieurs ont pu oeuvrer autour de Villefermoy; dix sept avec certitude. Une dizaine de scieurs ayant laissé des traces en Brie soit avant, soit après, étaient peut être aussi présents pendant cette décennie. Sans compter ceux qui sont venus, mais n'ont laissé aucune trace... Plus de détails à la page suivante :

Doc : années de présence des scieurs et terrassiers autour de Villefermoy

Les deux scieurs du pays de Bière ne peuvent être assimilés aux migrants ou saisonniers, comme ceux du Forez puisqu'ils demeuraient habituellement à l'ouest de la forêt de Fontainebleau. Pour oeuvrer sur le chantier de la Coudre, ils devaient quitter leur famille pendant plusieurs semaines ou mois. Même s'il ne fait que cinquante kilomètres, aller et retour, le trajet quotidien Chailly / la Chapelle Gauthier n'était pas envisageable à cette époque.
Ils n'étaient pas les seuls à se déplacer pour le travail, sans changer de région: certains saisonniers passaient d'un chantier à l'autre en cours d'année comme peuvent le révéler les mentions sur les passeports : Jacques Branchet, originaire du Forez, quitta la Chapelle Rablais en février 1835 pour se rendre à Paris, d'autres encore...
Des scieurs établis en Brie avaient été amenés à s'éloigner temporairement de leur foyer pour travailler dans une autre commune, comme Jean Porte, en 1807, quittant les Montils, hameau de la Chapelle Rablais pour se rendre à une dizaine de kilomètres, où il trouva la mort. Son compagnon scieur, Louis Pacon, était présent, ce qui semble prouver qu'ils s'étaient rendus à Salins pour travailler. Sa veuve se mettra en ménage avec Antoine Bigné scieur de long auvergnat, probalement employé par Pierre Porte, déclarant résider à Montereau. Il abandonnera Marie Pacon aux Montils avec des jumeaux qui décéderont rapidement; on retrouvera le scieur sous le nom de Besnier à Villeneuve la Guyard.

Doc : Jean Porte à "Traces des scieurs de long" 3° page

Girodon et Gibert, loin du pays de Bière, devaient donc trouver un logis près de leur lieu de travail, peut être avec l'aide de Julien Chevry, le garde-vente du marchand de bois "Verron", qui avait été auparavant garde-vente d'un autre modeste marchand de bois en 1771 : Jean Louis Simon marchand de bois, mais aussi maçon couvreur à la Chapelle Gauthier.
Le garde-vente leur fournissait-il aussi la pitance, comme prévu dans un autre acte de 1755:
"S'oblige en outre ledit Neuville pendant ledit ouvrage de tremper la soupe audit Pierrefort une fois le jour ainsi qu'il est d'usage tant à lui qu'à ses ouvriers..."
Minutes du notaire Vaudremer , Nangis, AD 77 188 E 63

Doc : Gibert et Girodon à "Traces des scieurs de long" 2° page

Même si on n'avait découvert aucune trace généalogique des deux scieurs, on aurait pu se douter qu'ils ne faisaient pas partie des migrants du Massif Central; car contrairement aux saisonniers qui venaient du Forez à l'automne, les deux scieurs du pays de Bière devaient honorer leur contrat en plein été, depuis sa date de signature, le 15 juillet 1789, jusqu'à la Saint Martin d'hiver, le 11 novembre.

Le choix d'une paire de scieurs du pays de Bière s'explique dès lors qu'on a pu retrouver les traces du marchand de bois. "Sieur Julien Chevery garde-vente demeurant à la Chapelle Gauthier chargé de l'exploitation de la vente appelée la Coudre, appartenante à monsieur Verron, marchand de bois..."
"Verron", marchand de bois, aurait pu être domicilié aussi bien à Paris, comme Labarre père, que dans les bourgs proches: Labarre fils était au Châtelet en Brie, Champagne, Préau et Mérat de la Geneste à Montereau; bourgs à la fois proches de la forêt et des ports au bois sur la Seine.

Les voituriers en bois p 18 / Quel port ?

Le sieur "Verron" ne s'était pas déplacé pour la signature du marché d'ouvrage, laissant le soin de le parapher à Julien Chevry, son "garde-vente", à la fois garde et contremaître, ce qu'il fit de manière assez maladroite. On disposait donc de peu de détails sur le sieur en question. L'idée m'est venue de fouiller un peu les archives du côté de Courances, Fleury et Chailly en Bière, cités dans les bios des scieurs. La chance me sourit puisqu'une famille Véron était présente à Chailly. (Je serais certainement allé plus vite en utilisant les versions payantes des sites de généalogie, mais où aurait été le plaisir de la recherche ?)

Fils d'un manouvrier de Moigny sur Ecole, Nicolas Véron père commença comme "chartier de vacation" dans une ferme à Nandy, près de Savigny le Temple, l'un de ces modestes meneurs d'attelages qui devaient s'arrêter de manger quand le premier charretier pliait son couteau, comme l'avait vécu l'un de mes grands-pères. Il y épousa la fille d'un manouvrier, puis se fixa à Chailly en Bière, garde des bois de M. de Boismont, en 1755 à la naissance de Nicolas Martin; garde des bois de M. Chiquet de la Perrière, seigneur de Chailly à la naissance de Paul en 1757; il était homme d'affaires de M. de Palerme à son décès en 1780. Décédé en 1780, ce ne pouvait évidemment être le marchand de bois de 1789.
Nicolas Martin, le fils, fut régisseur de la terre de Faÿ, hameau de Chailly en Bière en 1780 et 1786, laboureur en 1781, et marchand de bois de 1789 jusqu'à son décès en 1804. C'est bien lui.

Certaines relations du marchand de bois transparaissent dans le choix des parrains, s'ils étaient choisis hors de la famille. C'étaient un maître charpentier, un garde des Plaisirs du Roi (la Capitainerie royale dans la forêt toute proche), des membres d'une famille de notaires et procureurs au Châtelet de Melun, et deux fils de feu le maître de la Poste aux Chevaux de Chailly qui, en plus du relais, possédait la plus grosse ferme du village. Les proches de Martin Nicolas Véron n'étaient ni des manouvriers, ni des nobles. Par exemple, le seigneur de Chailly, qui employa Nicolas père, n'est jamais cité. Il ne le fit pas figurer sur son testament, qui prévoyait, après son décès, de substantielles rentes au personnel à son service: trois "Voisin" originaires de Lorraine : "Pierre Voisin, cuisinier, 400 £ de rente viagère; à Thomas Voisin, son frère, 300 £ de rente viagère, toute la garde robe et autant de fois cent livres qu'ils ont été d'années à son service... Barbe Voisin femme de Noisette, 150 £ de rente viagère et autant de fois cent livres qu'elle a été d'années à son service." mais aussi le jardinier, le charretier... sans oublier le curé de Chailly, les soeurs religieuses, les pauvres de la paroisse...
AD 75 DC 6 273 p 113
Il faut avouer que si en 1757, Nicolas Véron était bien garde des bois de M. Chiquet de la Perrière, seigneur de Chailly, en 1780, à l'époque du testament, du décès du seigneur, le 21 mars de la même année, et de celui du garde, le 26 mai, Nicolas père était homme d'affaires de M. de Palerme et non de Chiquet de la Perrière.

Martin Nicolas Véron exerça le métier de marchand de bois au moins de 1789, comme le prouvent les mentions sur l'acte notarié et la déclaration de naissance de son fils Louis Stanislas, jusqu'à son décès en 1804. Quel était son degré de fortune? Il ne semble pas avoir poussé son commerce jusqu'à la capitale, ce qui aurait exigé une lourde organisation et un degré de fortune affirmé, car il n'est jamais qualifié de "marchand de bois pour la provision de Paris". Possédait-il les droits d'exploitation de la totalité de l'immense parcelle de la Coudre ? (détails page suivante) Il faudrait pousser un peu plus loin les recherches pour répondre à ces questions, trouver, au moins, les inventaires après décès...

Les Véron sont un bel exemple d'ascension sociale, de simple charretier, le père fut ensuite garde de bois seigneuriaux, puis gagna la confiance d'un propriétaire "homme d'affaires de M. de Palerme", ce propriétaire possédait-il, en plus du fief de "Maison Rouge" près de Ponthierry, la ferme de Faÿ dont le fils fut régisseur et laboureur? Puis il fut marchand de bois, ce qui nécessitait aussi des capitaux. Si la Révolution n'avait pas changé l'ordre établi, peut-être l'un des fils de Martin aurait-il développé l'entreprise et, lui aussi, cédé à la tentation de détenir un fief, un titre, comme ses confrères : Champagne de la Briole, Labarre de Bois Louis, Mérat de la Geneste... Véron de Faÿ, pourquoi pas?

Dossier Voituriers en bois, page 20 / "marchands de bois"
Doc : traces de Martin Nicolas Véron, marchand de bois

Martin Nicolas Véron demeurait à Chailly en Bière, de même que Jean Gibert; Jean Baptiste Girodon habitait Courances après s'être marié à Fleury en Bière; tous villages très proches. Le marchand de bois avait préféré faire travailler une équipe de scieurs qu'il connaissait plutôt que de se fier à des inconnus, d'où la présence inhabituelle de scieurs du Gâtinais en Brie.

La grande ferme de Faÿ Avec 140 hectares et 15 chevaux dans la première moitié du XXème siècle, cette ferme était l’une des plus importante du territoire.
Au XIXème siècle elle possédait l’un des grands troupeaux de moutons du village, si souvent peint par la famille Chaigneau.
Extraits du site de Chailly en Bière

Est-ce la ferme de Faÿ sur ce tableau de Chaigneau, peintre de Barbizon qui n'était alors qu'un hameau de Chailly.


  Suite : marché d'ouvrage de 1789, suite...

 

Mais pourquoi avait-il pris en charge l'exploitation de bois dans la forêt de Barbeau, à telle distance de son logis qu'il ne s'était pas déplacé pour signer l'acte notarié? Pourquoi ne pas s'être tourné vers la forêt de Fontainebleau si proche?

Passez la souris sur les illustrations
pour leur légende
Martin Nicolas a été laboureur, régisseur et marchand de bois. Le fut-il en même temps?
"Il n'était pas rare que des laboureurs (les fermiers parmi les plus riches) trouvent dans l'exploitation des taillis voisins de la paroisse un supplément de ressources. Le mariage des deux activités, l'agricole et la forestière, paraît avoir été surtout fréquent dans les régions plus boisées de l'est, au nord de Montereau notamment, où l'expression de "marchand laboureur" est assez courante."
Emile Mireaux Une province au temps du Grand Roi: la Brie
Ainsi, la rédactrice d'un article sur les marchands de bois et leurs aides en Seine et Marne, note: "Mon ancêtre Pierre Larousse, né vers 1675, était à la fois laboureur et marchand de bois à Cucharmoy. Par contre, ses fils Pierre et Savinien exerçaient uniquement la profession de marchand de bois à Cucharmoy. Un autre de mes ancêtres, Jean Pierre Blondellot, qui avait été tisserand dans sa jeunesse, était à la fois cabaretier et marchand de bois à Choisy-en-Brie.
bulletin n°53 CGHSM

Faÿ, entre plaine et forêt sur le plan d'Intendance

Le marchand de bois et son contremaître, le garde-vente avaient peut être suivi les conseils prodigués par Mathurin Jousse dans son "Art de charpenterie", en 1627, pour du bois de qualité :
"Le temps propre pour abattre les arbres est depuis le mois d'octobre jusqu'au commencement du mois de mars dans les derniers quartiers de la Lune & hors de ce tems-là, le bois est sujet à être mangé des vers... Il les faudra laisser au moins trois mois dans la forêt avant que d'y toucher afin qu'ils s'affermissent et se consolident."

Tout nouveau sur le marché, Martin Nicolas Véron a dû avoir du mal à trouver sa place auprès des marchands de bois depuis longtemps établis dans sa région. D'où nécessité de trouver des coupes un peu éloignées...
De plus, le massif de Fontainebleau n'était pas aussi boisé qu'à notre époque, voir une chasse de Louis XIV, ci dessus :
"En 1716, M. de la Faluère, grand maître des Eaux et forêts pour l'Ile-de-France, évalue la forêt de Fontainebleau à 26 264 arpents (13 395 hectares), mais les bois n'occupent que 7 103 hectares, soit un peu plus de la moitié de la superficie totale (53 %). Le reste (6 290 hectares) est constitué de "rochers et vides" souvent impropres à la plantation."
Site des amis de la forêt de Fontainebleau

La forêt de Fontainebleau était plutôt destinée à la chasse royale dans le cadre d'une "Capitainerie" très contraignante. Cette capitainerie englobait aussi la paroisse de la Chapelle Rablais, interdisant le gibier au commun des mortels, mais trop éloignée du Palais pour être fréquentée par les chasses royales. La forêt ne sera aménagée qu'au cours du second empire :
"Longtemps Villefermoy fut considéré à peu près comme une non-valeur au point de vue de la chasse, bien entendu; son unique importance était le produit forestier, dans les coupes de bois qu'on y faisait tous les ans."
Sylvanecte Les chasses du second empire 1882

la Chapelle Rablais dans la Capitainerie
Chasseurs à Villefermoy sous le second empire