La vie retrouvée des voituriers tirachiens
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Us et abus dans les bois /2
D'où des conflits dans les assemblées de communes comme à Echouboulains, commune proche de la Chapelle Rablais: "Les petits particuliers regardent comme à eux les bois ecclésiastiques immenses qui environnent laditte paroisse, à cause du décret qui les met sous la sauve garde des municipalités et espèrent, en s’emparant des charges municipales, continuer impunément les dégâts qu’il y ont fait cidevant et surtout cet hiver, malgré les reproches réitérés que leur a fait le sieur curé dans ses prônes... Messieurs les bûcherons ne veulent aucun laboureur dans leur municipalité." lettre du curé Duparcq d’Echouboulains, 18 février 1790 cité par M.Delahaye
D'où, aussi, de nombreux vols de bois, d'abattages
sauvages, comme le révèle le registre des délibérations
de la Municipalité de Montereau Fault Yonne :
"Vendredi premier juin mil sept cent quatre
vingt douze, cinq heures du soir.
... Que l'abus à cet égard est devenu si général
que la majeure partie des vignerons et manouvriers, tentés par l'appas
illicite de des spoliations, préfèrent de subsister du produit
d'un tel brigandage, au bénéfice de leurs travaux ordinaires
de la campagne, en sorte que l'agriculture en souffre notablement et que
les laboureurs ainsi que les marchands de bois, et les manufacturiers et
exploitans, ne peuvent plus trouver de bras pour l'exploitation de leurs
récoltes ou de leurs entreprises...." AD77
L 396 n° 35
"A la Révolution, toute barrière tomba; la population commença d’ensemble cette oeuvre de destruction. Ils escaladèrent, le feu et la bêche à la main jusqu’au nid des aigles; ils cultivèrent l’abîme, pendus à une corde. Les arbres furent sacrifiés aux moindres usages; on abattait deux pins pour faire une paire de sabots. En même temps, le petit bétail, se multipliant sans nombre, s’établit dans la forêt, blessant les arbres, les arbrisseaux, les jeunes pousses, dévorant l’espérance. La chèvre, surtout, la bête de celui qui ne possède rien, animal niveleur, bête aventureuse qui vit sur la commune, fut l’instrument de cette invasion démagogique, la Terreur du désert. "
Michelet: Histoire de la Révolution, de la France, Etat de la France.
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Courrier | |
Nicolas Henry, garde, garde vente, garde
fond etc... devait coller des prunes à ses voisins et relations. On
imagine l'ambiance certains jours ! Ils étaient voisins, tous des Montils,
et évidemment, se fréquentaient: Julien Trahaut et Nicolas François
Henry, tous deux 45 ans, sont témoins à la naissance d’un
garçon de Nicolas Gibert, charretier et Marie Anne Tancelin, les Montils.
le 23 septembre 1804 / 1° vendémiaire an XIII.
Quelques mois après le PV d'Edme Tissot, François Henry, charretier,
22 ans, est témoin à la naissance d'Olive Sophie Tissot, le
28 juin 1801 / 9 messidor an IX La "marraine" est Anne Geneviève
Bridou, tout juste veuve qui n'allait pas tarder à épouser Nicolas
Docquière, voiturier tirachien. Le "parrain" n'est pas le
garde forestier, né le 30 décembre 1755, mais son neveu, né
le 26 mars 1799, fils de François Henry , cabaretier vers 1780, charretier
vers 1800, et d'Elisabeth Jeanne Louise Du Bois.
Procès verbaux: 20 novembre 1800 / 29 brumaire an IX Jugements de simple Police, Nangis, 1799/1854 AD77 UP 2314
Bûcherons, voituriers et marchands
de bois trichaient de temps en temps sur la qualité ou la quantité:
quelquefois, dans les "cordes" de bois, les bûcherons introduisaient
des essences moins nobles, bois de menuise ou fruitier, ou bien des bûches
tordues : "Les Moûleurs & à leurs
aydes doivent empêcher qu'il ne soit mis du bois tortu dans la membrûre,
qui empêche de le bien corder, & veiller aux autres prévarications
que les Marchands, ou leurs gens pourroient commettre."
Traité de la Police 1719
Les marchands de bois pouvaient profiter de la déformation des membrures servant à corder le bois "à tel point que ces mesures étaient parfois contrôlées non pas par les mouleurs mais par les mesureurs de sel, hommes d'une intégrité redoutable. C'est le cas le 19 août 1785, où le Bureau (de Paris) rend un jugement ordonnant la visite des mesures à bois par ces mesureurs. En 1784, le Bureau fait changer toutes les membrures et demi-membrures et prend des dispositions très précises pour éviter que les nouvelles ne soient faussées par le personnel des chantiers des marchands de bois. La corde ainsi mesurée devait avoir seize pieds de superficie et quatre pieds de largeur et d'épaisseur." Gilbert-Robert Delahaye Pour l'alimentation de Paris en bois au XVIIIe siècle
Les itinérants: bûcherons,
scieurs, voituriers... profitaient quelquefois de leur mobilité pour
arnaquer le client. Un cas est révélé à la fin
du XIX° siècle; nul doute qu'il dut y en avoir d'autres, au début
du siècle, qui n'ont pas laissé de traces : "La
Chapelle Gauthier. Depuis février dernier, Cr.. Auguste, bûcheron,
qui travaillait dans la forêt de Villefermoy, territoire de Fontenailles,
dans une vente exploitée par M. Granger, marchand de bois au Châtelet,
vint acheter, en plusieurs fois, chez M. Marinier, marchand de nouveautés,
pour plus de 80 francs de marchandises. Aussi, lorsque Cr.. qui a quatre enfants,
proposa à ce dernier de lui vendre du bois, M. Marinier, pour lui être
agréable, lui acheta-t-il à son tour 20 francs de bois. Le 12
juillet dernier, Cr.. se présentait chez M. Marinier pour régler
son compte, sur lequel furent déduits les 20 francs de ce bois. En
même temps, M. Marinier en profita pour demander où était
son bois :
" Derrière ma loge, et vous n'avez pas à vous tromper,
votre nom est dessus ! " répondit Cr.. . Le 16 juillet, M. Marinier
étant allé au bois indiqué, ne trouva rien.
Il écrivit au Châtelet où Cr.. avait dit qu'il se rendait,
mais la lettre ne tarda pas à lui revenir avec cette mention : "
Parti sans laisser d'adresse ". M. Marinier a porté plainte à
la gendarmerie. "
le Républicain le dimanche 28 juillet 1907
Le journal donne le nom intégral du bûcheron.
Les voituriers dont la mobilité
était source d'inquiétude pour bien des locaux, n'étaient
pas en reste pour la filouterie, déchargeant quelques bûches
entre départ et arrivée (tombées du camion?), comme le
montre cet extrait des minutes du secrétariat de la municipalité
de Montereau Fault Yonne : Ce jourd'hui, vendredi premier
juin mil sept cent quatre vingt douze...
...Ayant sur le champ fait empiler et corder en notre présence le bois
étant au devant de la porte, arrivé et déchargé
cejour d'huy et l'ayant mesuré, il ne s'est trouvé qu'une quantité
de cinquante pieds en carré savoir sept pieds trois pouces de hauteur
sur sept pieds de largeur... Interpellation par nous faite audit Pelle, pourquoi
au lieu de quatre cordes qu'il étoit chargé de voiturer, il
ne s'en trouve que les quantités ci-dessus constatées en sa
présence.
Ledit Pelle a déclaré qu'ayant été chargé
de voiturer lesdites quantités qui étoient en tas dans les cours
desdits Petit et Fournier, qui lui ont livré lesdites quantités
pour quatre cordes, il les a amené comme telles, qu'il n'est point
garrant ou du moins, n'étant pas le vendeur mais le voiturier."
AD77 L 396 n° 36
Ce qui précède n'est que roublardise
sympathique : braconniers jouant aux gendarmes et aux voleurs ( à
part les amendes atteignant des sommes astronomiques), pâtres poussant
un peu trop loin leurs bêtes, et Thiérachiens continuant à
fonctionner comme par le passé. Quelquefois, les relations étaient
plus tendues. Les braconniers ou les voituriers pouvaient être armés...
Tel ce paysan voiturant du bois illicite qui promenait innocemment son fusil
chargé: "... sur laquelle voiture
étoit un fusil, que ledit Limosin nous a déclaré lui
appartenir, lequel nous avons reconnu être un fusil à deux
coups, et que ledit Limosin nous a déclaré avoir apporté
pour y faire mettre une vis et cependant nous a avoué que ledit fusil
est chargé... " AD77 L 396 n°
38
Le garde Miloche "des
Bois nationaux" de la forêt Saint Germain, au sud de la
Chapelle Rablais déclara avoir eu affaire à des bûcherons
voleurs de bois, tête camouflée et vêtements recouverts
d'une blouse. On verra plus loin que son témoignage était sujet
à caution :
"Cejourd'huy mercredi six juin mil sept cent quatre
vingt douze environ huit heures et demye du soir ...ces deux délinquants
étaient munis de chacun un fusil et de chacun une cognée ...
Les Thiérachiens n'étaient pas les
derniers à se mettre en infraction: "l'agriculture,
qui pourvoit seule aux premiers besoins, ne doit être négligée
dans aucune de ses parties. Elle souffre par les délits champêtres
des pertes considérables; l'exploitation des bois amène dans
les campagnes une multitude d'étrangers qui font vivre seulement
leurs bestiaux aux dépens du public."
Cahier de doléances, Château Thierry Art. 37 Archives parlementaires
, tome II, p 666
"Les voituriers employés au débardage
des bois dans les ventes écorchent souvent avec leurs voitures les
baliveaux réservés, ce qui cause à ces arbres de grands
dommages... Les voituriers ne peuvent faire paître les bêtes
de voiture dans les ventes ni dans les forêts à peine de confiscation
desdites bêtes et d'amende."
Traité général des eaux et
forêts, chasses et pêches Volume 7 Jacques-Joseph Baudrillart,
Pierre Etienne Herbin de la Halle, de Quingery 1825
A la Chapelle Rablais, deux voituriers, installés depuis quelques
années et semblant avoir perdu la protection des Lettres Patentes
de 1787, avaient été surpris à laisser divaguer leurs
bêtes dans les bois, ce que n'appréciaient guère les
propriétaires: "...les particuliers circonvoisins
y mettent paître leurs troupeaux, de manière qu'il y a lieu
de croire qu'il n'y poussera jamais de bois, je vous cite, Messieurs, pour
exemple la forêt de Vilfermoy; les bois des particuliers situés
près des villages commencent aussi à être fort endommagés..."
AD77 L 396 forêts n° 26 lettre de Labarre sur les délits
en forêt de Villefermoy le 7 février 1792
Le 6 brumaire an IX "... sur le rapport du garde fonds des propriétés des citoyens Moufle frères ... ledit procès verbal portant que le six dudit mois six heures du matin ledit Henry faisant l'exercice de ses fonctions, et étant parvenu à une Pièce de Bois appelée Bois de la Chapelle tenant du midi et du couchant au bois de la Nation, ledit bois en taillis de l'âge de deux ans, il a trouvé quatre boeufs sous différents poils et âges appartenant au citoyen Edme Tissot manouvrier (en fait, scieur de long et voiturier "thiérachien") demeurant aux Montils, commune de la Chapelle Arablais, qui étoient à même ledit bois à le manger et le brouter à garde faite par ledit Tissot qui étoit à environ cent cinquante pas de distance desdits boeufs à se chauffer près d'une loge avec son chien.... ledit Henry poursuivant sa ronde et étant parvenu auprès dudit Tissot, il lui a fait part de sa contravention, et lui a déclaré Procès verbal que ledit Tissot a reconnu de justice..."
Le 4 brumaire an IX, Julien Trahaut, lui aussi voiturier,
avait été verbalisé pour un délit équivalent
dans la même pièce de bois, ses bêtes divaguant en liberté
à la manière thiérachienne:
Ledit Henry ... "a trouvé six chevaux et juments sous différents
poils et âges qui étaient à traverser et à l'abandon
dans un bois taillis de la coupe dernière... dans laquelle partie
de bois, lesdits chevaux et juments ont commis un délit considérable
et que vu qu'il n'y avoit personne à la suite desdits chevaux et
juments, ledit Henry s'est de suite transporté au domicile dudit
Trahaut qui étoit absent et que parlant à sa femme il lui
a fait part de ladite contravention..."
Edme Tissot et Julien Trahault ne se sont pas présentés à
l'audience du 20 novembre 1800 mais ont été condamnés
à six journées de travail envers la République et aux
frais ( 5,50 F ) "sauf les dommages intérests qui pourront être
dus aux propriétaires desdits Bois, s'il y a lieu..."
Les bois du citoyen Moufle, copieusement broutés par les bêtes des voituriers, figurent sur le plan minute an XI; l'un s'étendait du Ru Guérin à la Pierre du Compas, l'autre se situait au nord de la Fontaine du Tonneau.
Deux jours plus tard : "Cejourd'huy
huit juin 1792 ... j'ai apperçu de loing venir trois quidants (quidams)
munis de chacun un fusil et une cognée sous leurs brats sont entrés
dans laditte réserve environ sur les huit heures et demy du soir ayant
la tête bandée de leur mouchoir et leur chapeau rabattu sans
avoir pu les connaître... ... je les ai poursuivi l'un d'eux sont retourné
sur moy et avoit un coup de fusil chargé à bal une desdittes
bal ayant percé mon chapeau sur ma tête santant avoir été
blessé à cause d'un morceau de bois qui m'a parré le
coup. de manière que nous sommes retourné sans avoir pu les
connaître à cause de leur déguisement ayant des blaudes
(blouses) de toile par dessus leur habillement
.."
AD77 L396 n° 39 & 41
Si les Tirachiens de Villefermoy
ne se sont pas signalés par des actes de violence, dans d'autres contrées,
ils s'étaient montrés redoutables:
"Le 21 mai 1740 Supplient humblement Nicolas Baudeau,
Estienne Potier, Nicolas Corbin et Antoine Houdet tous laboureurs demeurant
en ce lieu de Presles, disons qu'actuellement il est arrivé dans l'étendue
de cette paroisse un nombre assez considérable de voituriers du pays
de Tirache... attendu qu'ils usent de violence et souvent même qu'ils
prennent la voie des armes pour se rebeller contre la justice.."
Archives du greffe de Presles en Brie AD77 2Bp4498
"Ces voituriers thiérachiens, connus
sous le nom de hourriats, abusent tellement de cette permission, que dans
tout le ressort du châtelet de Paris, on peut, sans les injurier, les
traiter comme de vrais pirates, qui, pendant qu'ils font dévaster par
leurs chevaux, durant, la nuit, les prairies tant naturelles qu'artificielles,
même les terres non moissonnées, pillent eux-mêmes les
fruits et les vignes; et si l'on va pour les surprendre, ce n'est qu'avec
grand risque d'y perdre la vie; il y a une multitude d'exemples de leur férocité
contre ceux qui ont essayé de garantir leurs possessions de leur pillage."
Cahier de doléances de Chelles. Archives parlementaires,
Paris hors les murs Tome IV
A noter: certains recueils de jurisprudence font état d'une "ordonnance du roi du 3 mars 1787 qui ordonne le désarmement des voituriers connus sous le nom de Thiérachiens"; à cette date correspondent effectivement des lettres patentes "sur arrêt au sujet des délits qui peuvent être commis par suite des pâturages des chevaux et bœufs, dans les prés fauchés, bruyères, etc. " qui ne traite que des droits accordés aux voituriers "en confirmant aux voituriers connus sous le nom Thiérachiens la faculté dont ils ont ci- devant joui de faire paître leurs chevaux et bœufs dans les communes, prés fauchés, bruyères..."
Certains voituriers thiérachiens sont pris
en flagrant délit de détournement de bois volé, comme
dans ce PV où paraît à nouveau le garde Miloche:
"Qu'après cette découverte et mesure par moi faite desdits
arbres en délits, je suis sorti dudit bois par la vente actuellement
en coupe j'ai trouvé dans la route de cette vente le citoyen Chardon
voiturier tiérachien demeurant à Frévan commune de
la Chapelle Rablais lequel avec son chariot attelé de cinq chevaux
transportoit lesdits cinq fresnes en grume ce qu'ayant remarqué et
reconnu, j'ai demandé audit Chardon d'où provenoit ce bois
et où il le conduisoit il m'a répondu qu'il venoit de les
charger dans la pièce de taillis susdésignée à
l'ordre du citoyen Miloche garde et que du même ordre il conduisoit
ces arbres chez un tourneur à Montereau qu'il ne m'a pas nommé."
Miloche, garde des Bois Saint Germain, canton
de la forêt de Villefermoy était un sacré coquin: il
s'était vanté d'avoir échappé par deux fois
à de dangereux voleurs "le coup
passa si près que le chapeau tomba.."
Victor Hugo Quand il sentit que le vent tournait,
il colla quelques prunes à deux ados conduisant des ânes chargés
de branches vertes: "... j'ai trouvé
le fils de Louis Catalant manouvrier a Boulin et la fille de Matieux Bonhomme
... qui conduissais chacun un anne chargé de branche de chaine verte
sortant de chaines qui sont abattu en la vente de 1793..."
pendant ce temps qu'il abattait les plus beaux arbres, tels les cinq frênes
ci-dessus au prétexte "qu'il n'avoit
abatu lesdits arbres que pour faire une loge et malgré nos observations
sur ce que le voiturier apportoit les arbres à Montereau il a sans
vouloir s'expliquer plus amplement persisté à soutenir que
c'étoit pour faire une loge..."
Pendant ce temps, dans une coupe prévue pour 150 arbres, deux cent
cinquante avaient été abattus pour le marchand de bois Mesrat
de Montereau (Mérat), avec la bénédiction du garde
forestier. Le 15 frimaire an V, Miloche est
"traduit et en état d'accusation devant le tribunal correctionnel
de Fontainebleau" .
AD 77 L 396 n° 39 41 88 89 95 96 94 97
doc: vols de bois en forêt de Villefermoy sous la Révolution
Dans le dossier L
396 des Archives départementales, consacré aux forêts
sous la Révolution, on voit apparaître principalement deux noms
pour Villefermoy: Préau, maire de Montereau et Labarre, administrateur
du conseil du département de Seine et Marne et juge de paix au Châtelet
en Brie qui se définit comme "Juge
de paix et principallement comme ami de l'ordre"
et, dans une belle envolée lyrique, forme des voeux "pour
que nous ayons enfin une brigade au Châtelet et si ce minystre ne fait
pas son devoir, dénoncez-le à l'assemblée nationale,
pour le lui faire faire: sous le règne des lois, quand on a la raison
et la justice pour soi, on peut parler sans crainte, ce sont là les
droits de l'homme libre dans lesquels je mourrai."
" Ce jourd'hui, vendredi premier juin mil
sept cent quatre vingt douze sept heures du matin, nous, Pierre Nicolas Préau
Maire de Montereau Fault Yonne y demeurant, ayant été instruit
que par une suite des délits et brigandages qui se commettent journellement
depuis plusieurs années dans les forest et bois voisins, et notamment
dans ceux de Vallence et de Boulains, il arrive fréquemment à
Montereau des voitures chargées du bois provenant de ces vols et pillages..."
Préau, maire de Montereau, se disait capable de déterminer la
provenance d'une bûche : "...Examen
par nous fait de la qualité et grain dudit bois, nous avons par nos
connaissances particulières, et presque certaines reconnu que ledit
bois provient des bois de la forest de Saint Germain appartenant à
la Nation comme dépendant de la ci-devant abbaye de Saint Germain des
Prés."
Sources à la page "traces des marchands de bois"
Dossier "zones d'ombre dans la vie d'Etienne Labarre"
Il faut dire que le citoyen Préau, comme le citoyen Labarre étaient marchands de bois et fort intéressés à la forêt de Villefermoy où bûcherons et voituriers travaillaient à leur fortune. On retrouvera le marchand de bois Labarre à propos de la succession du voiturier Dupin en 1803: "Du citoyen Labarre, marchand de bois au Bois Louis, le Châtelet en Brie, pour charrois de bois: 41,86 F en déduction sur celle de l'obligation de 300 F due à Labarre (4 frimaire an XI, notaire Pinault, le Châtelet) avec intérêts de 5%, versée au passif" et, la même année, la trace du marchand de bois Préau dans l'inventaire après décès du Thiérachien Thomas Nival: "Dettes actives .. par le citoyen Préau marchand de bois ... quarante huit francs pour charriage de bois et dans le passif: "Plus au citoyen Préau demeurant à Montereau pour graisse dix neuf francs soixante dix centimes". A noter que le citoyen-maire-marchand de bois Préau n'avait peut être pas été mécontent de compromettre, avec le garde Miloche, le citoyen Edme Germain Mérat de la Geneste, marchand de bois concurrent sur Montereau.
Comme le bois, le gibier des forêts fut allègrement pillé sous la Révolution, jusqu'au Consulat. La Chapelle Rablais avait fait partie de la Capitainerie de Fontainebleau, terrain de chasse réservé au Roi, aux règles très contraignantes, tant pour les propriétaires chasseurs que pour les petits paysans. La nuit du 4 août, abolissant les privilèges, mit fin à ce régime.
"Cerfs, biches, daims, sangliers, lièvres, lapins, tués par milliers, sont cuits avec du bois volé et mangés sur place. Pendant deux mois et davantage, c’est une fusillade continue par toute la France, et, comme dans une savane américaine, tout animal vivant appartient à qui l’abat." Hippolyte Taine Les origines de la France contemporaine