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Etienne Fare Charles Huvier/4
1724/1784 Curé de la Chapelle Rablais...
enfance, affection

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Devant les si nombreuses mises en nourrice, tant de Parisiens que de notables de Coulommiers, on peu s'interroger sur l'amour, ou du moins l'affection que portaient les parents envers leurs bébés placés à la campagne que, pour certains, ils ne reverraient pas avant leur sevrage.
Laissons de côté les "Petits Paris" à la Chapelle Rablais, sujets d'un dossier à venir, et restons dans la famille Huvier et proches.

Inutile de chercher l'expression d'un sentiment à propos de la mort des nourrissons, à la maison ou en nourrice. Les journaux de la famille ne notent que brièvement le décès : "Le samedi 9 octobre, feste de St Denis de l'année 1728, Alphonse Denis, mon second fils, est décédé au village de Champ-Breton près Boissi, où il étoit en nourrice sur les onzes heures du soir, n'ayant vécu seulement que 15 jours et le lendemain il a été enterré au cimetière de la paroisse dudit Boissi."
Journal de Pierre Nicolas Hébert recopié par Antoine Huvier AD 77 195 J 18

Il faut attendre qu'il aient dépassé l'âge critique du sevrage pour que se manifestent, quelquefois, des sentiments envers les jeunes défunts. Quand le neveu du curé décéda le 21 septembre 1765, lui aussi de la variole, "petite vérole", aucun sentiment ne perce dans la note qu'il rédigea, par contre, les titres de l'époux de Jeanne Charlotte Marguerite Huvier ne furent pas oubliés : "Mon neveu Lefort de Champroger âgé de 8 à neuf ans, pensionnaire de sa majesté, Capitaine des chasses et maistre particulier des eaux et forêts de Coulommiers en Brie est décédé chez sa mère, le samedy vingt un septembre mil sept cent soixante cinq entre onze heures et midy de la petite vérolle laquelle cette année à enlevé audit lieu et aux environs un grand nombre d'enfans." Registre paroissial Cerneux

En 1741, le père du curé déplorait la mort d'un petit fils, Charles Antoine Jean Huvier, écrasé près de Nanteuil par le renversement d'une voiture: "Cette nouvelle m'a fait une extrème peine"; il était âgé de quatorze ans.

Le 26 septembre 1743 mourut Alexis Henri Hébert. "Exténué d'un long flux de sang, il mourut à l'âge de 3 ans sept mois et 5 jours. Son corps pâle et décharné fut déposé dans la sépulture de ses ancêtres au cimetière de Coulommiers le 27 septembre." Son père rédigea, dans son journal, son éloge funèbre en latin qu'il traduisit en français sur une feuille volante : "Deo optimo maximo Faustis que manibus nati mei dulcissimi Alexis Henri. O fili, fili mî, cor meum... A la gloire de Dieu et à la mémoire de mon enfant chéri Alexis Henri. O mon fils, mon cher fils, amour délicieux de mon coeur, tendre objet de mes désirs et de mon espérance, ton père te pleure, ta mère te pleure, ton frère et tes soeurs qui t'aimoient tant te pleurent."

 

 

Après la manifestation d'un profond amour pour l'enfant pointe une demande d'intercession auprès de Dieu, maintenant qu'il devrait en être proche, d'où peut être la rédaction en latin, langue de l'église : "mais maintenant au milieu des anges, au sein même de la paix et de la joie, devant le trône de l'agneau sans tache, qui t'a prévenu de sa grâce, lève tes mains innocentes; adresse à dieu pour nous tous, et surtout pour ton malheureux père, des prières qui ne pourront manquer d'être exaucées."

Cet éloge funèbre ressemble fort à ceux relatifs aux adultes, parents, épouses, qui figurent dans les journaux de la famille, ou scellés dans les murs des églises, comme la plaque dans l'ancienne église Saint Denis de Coulommiers, en souvenir de l'épouse du bailli Jean Huvier, brisée à la Révolution ou celle que l'on trouve encore dans l'église de Cerneux, apposée par le bailli Jean, en hommage au curé Etienne Fare Charles, son frère.

Plaque funéraire d'Elisabeth Marguerite Hébert; essai de retouche à partir d'une petite photo prise par une descendante
Plaque funéraire d'Etienne Fare Charles Huvier, photo perso

 

Dans la marge de l'éloge funèbre d'Alexis Henri Hébert qu'il a recopié, Antoine Huvier a noté : "Dans la famille, on appelait cet enfant Des Fontenelles", titre qui sera repris plus tard par un enfant du bailli Jean Huvier. A trois ans, sept mois et cinq jours, ses parents voyaient déjà en lui l'adulte titré qu'il aurait dû être plus tard. C'est aussi ce qui semble ressortir des commentaires d'Antoine sur le décès de sa fille Louise, le 7 décembre 1815, âgée de 19 mois et 5 jours, appréciée non pour ce qu'elle était, mais pour ce qu'elle aurait pu devenir: "Cette pauvre petite innocente, dont je me promettais tant de jouissances sur mes vieux jours.."
Extraits du journal d'Antoine Huvier AD 77 195 J 18

 

 

Les journaux familiaux n'ont signalé que les naissances des enfants et les décès prématurés. Ce n'est qu'au moment d'aborder une vie professionnelle que l'on retrouvera mention d'Etienne et de sa fratrie. C'est pourquoi l'on n'a aucune mention de l'enfance d'Etienne Fare Charles Huvier.

Pourquoi ne pas l'imaginer sous les traits du jeune Auguste Gabriel Godefroy, fils de joaillier, peint par Chardin, sage petit "garçon au toton", son contemporain, puisque né en 1728, quatre ans seulement après Etienne.

Si l'on ne sait rien des jeunes années du futur curé, on peut l'imaginer sans peine ouvant de grands yeux devant le "château neuf" de sa ville natale, Coulommiers. Commencé en 1613 par Salomon de Brosse, architecte du Palais du Luxembourg, terminé par Mansart, il avait été construit pour Catherine de Gonzague, épouse Henri Ier d'Orléans, duc de Longueville. Elle n'avait pas souhaité continuer à résider dans le vieux château, en centre ville, que l'on retrouvera plus loin, dans la biographie du curé Huvier. Le "château des fées" engloutit la fortune de Catherine de Gonzague qui avoua "ne plus avoir de quoi acheter une robe"... Le Château Neuf de Coulommiers inspira des décors pour la Princesse de Clèves, le roman de madame de la Fayette en 1678.
Documentation : dossier AD 77 / article de 2014 du Parisien Libéré / Musée des Capucins

 

Gravure du château de Coulommiers, inversée gauche/droite comme beaucoup de gravures d'après un tableau; l'église, actuel Musée des Capucins est figurée à gauche sur la gravure alors qu'elle est située à droite, comme sur le tableau ci-dessous.

Si en 1736, alors âgé de douze ans, Etienne Fare Charles Huvier ouvrait de grands yeux devant le château neuf, ce n'était pas pour mieux l'admirer, mais parce qu'on commençait à le démolir, cent vingt trois ans seulement après sa construction.

"Charles-Louis d'Albert de Luynes, duc de Chevreuse, héritier des biens de la maison de Longueville par sa mère, décida la destruction du château dans lequel il ne souhaitait pas s'installer. Les réparations urgentes à l'intérieur des bâtiments s'élevaient déjà à plus de 150 000 livres. A l'extérieur, il fallait reconstruire une partie notable du château, les saillies étaient détériorées, et les pierres de taille rongées. Il semble que les drainages réalisés au début de la construction du château ne furent pas suffisants pour assainir définitivement le terrain très marécageux. Par ailleurs, la pierre de construction, qui venait de Varreddes à quelques kilomètres au nord de Meaux, se révéla être très poreuse. Avant même la fin des travaux, le château devint très difficile d'entretien. Henri II se borna aux réparations d'entretien, découragé par l'énorme dépense qui s'élevait déjà à plus de six millions de livres." Musée des Capucins

On retrouvera Albert de Luynes ainsi que le "Vieux Château" dans quelques pages...

"Aujourd'hui le parc est redevenu prairie, le parterre produit du blé; des peupliers suisses, déjà séculaires, ont pris la place des pavillons du château, et au milieu d'une végétation parasite, se dressent l'arcade d'entrée du grand escalier de face, tellement rongée que les moulures ont disparu et quelques colonnes engagées des anciens balcons circulaires des angles, avec des vestibules effondrés ou convertis en étables. La vase remplit les fossés couverts de joncs et de roseaux ... seuls, les pavillons des Suisses, quoique chancelants, décoiffés et souvent rapiécés, indiquent que là fut une somptueuse demeure."
Bulletin monumental Société française pour la conservation et la description des monuments historiques n° 19 1853

"L'on songea avant tout à tirer le meilleur parti des matériaux démolis. Ils furent adjugés aux enchères et enlevés avec un tel soin qu'il reste à peine des indications des bâtiments." Source : idem

C'est ainsi qu'on retrouva plus tard, dans une maison en démolition, de grosses poutres couvertes de badigeon rouge décorées de petits cartouches encadrant des figures peintes à l'huile de Jupiter, Vénus, "des personnages symboliques de fleuves ou rivières, des amours lancés au galop et répandant des fleurs l'un d'eux assis sur le croissant de la lune, au milieu des nuages, s'occupe gravement à pisser! " que l'on aperçoit à droite de ce dessin d'Anatole Dauvergne en 1853, conservé au musée des Capucins. (Voir ci-dessus)
Des boiseries furent aussi dispersées, telle cette porte installée dans la chapelle de Pontmoulin, à Coulommiers, ci-contre.

C'est précisément à cause de ces poutres et ces boiseries que l'on peut être assuré qu'Etienne Fare Charles Huvier assista à la démolition du château de la Princesse de Clèves (et aussi, bien sûr, parce que cette démolition dura plusieurs années, comment rater ça quand on habite Coulommiers ?) :
"La vue de ces poutres a réveillé les souvenirs de quelques anciens habitants de Coulommiers et, grâce à eux, j'ai pu retrouver plusieurs objets provenant du château ... 3° toute la boiserie peinte d'une des salles du château. Cette boiserie, acquise par M. Jean Huvier, bailli de Coulommiers, lors de la démolition du château, en 1737, a été disposée par lui dans la salle à manger de la ferme du Mée."

Bulletin monumental ... n° 19 1853

Oh que voilà un bel amalgame ! S'il est vrai que des boiseries provenant du château ornaient la salle à manger du "logis seigneurial" de la ferme du Mée, quand Anatole Dauvergne la visita en 1853, Jean Huvier, futur bailli aurait bien été en peine de les acheter en 1737, il n'avait alors que quatorze ans, pour les installer au Mée qu'il n'acheta qu'en 1769. Le père du curé et du bailli les avait probablement acquises, et peut être installées dans sa demeure de la rue des Moulins. "Il y a sept panneaux cintrés par le haut, de deux m. de hauteur sur un m. de largeur et une porte divisée en six compartiments sur chaque face. Sur chacun des panneaux, est peinte une figure de grandeur naturelle sur fonds d'or. On voit quatre guerriers, casqués, cuirassés et armés à la romaine selon le XVIe et le XVIIe siècles, et trois belles femmes, magnifiquement vêtues selon le goût héroïque de ces mêmes époques, toutes parées de perles et de diamants... Cette boiserie, acquise par M. Jean Huvier, bailli de Coulommiers, lors de la démolition du château, en 1737, a été disposée par lui dans la salle à manger de la ferme du Mée, à 3 kil. de la ville, où elle a été conservée, je ne dirai pas avec soins, mais au moins sans qu'il ait été fait aucun effort pour aider aux altérations amenées par le temps. Elle sert aujourd'hui de lambris au magasin à fromages de Brie de la ferme du Mée, célèbre dans la spécialité, et mériterait à juste titre une place dans un musée."
Les boiseries de la laiterie du Mée disparurent lors de l'incendie de 1916. Une porte installée dans le hall des Huvier, à l'emplacement actuel de la clinique des Moulins, a aussi disparu.

Une autre boiserie qui pourrait provenir du cabinet du bailli Jean Huvier était récemment en vente chez un antiquaire de Mons, en Belgique, provenant de la destruction d'une maison située à l'angle des rues le Valentin et de Varennes, vendue en 1967, depuis détruite pour faire place à un parking. Cette demeure avait appartenu à Marthe Ogier de Baulny, épouse Chirac, fille Marie Thérèse Huvier du Mée, descendante du bailli par son fils Antoine.
"Lambrizering van een rotonde, tijd van Lodewik de XV... Ze komt uit het kasteel von Chirac / Petite boiserie de rotonde ep. Louis XV. Chêne peint. Provenant du château de Chirac."
Correspondance avec Denis Sarazin-Charpentier

La forme presque circulaire de cette boiserie semble bien correspondre à la façade de la "Maison de Mr Huvier Bailly et subdélégué de Coulommiers" sur un plan du jardin du bailli, à découvrir en suivant le lien ci-dessous.

Emplacement de la maison du bailli

Autre exemple de matériaux baladeurs : à la Chapelle Rablais ont été ré-installés vers 1960 le carrelage et un escalier monumental provenant de la destruction de l'aile droite du château de Bois Boudran à Fontenailles, la carte postale ancienne en montre en noir et blanc l'aspect à Bois Boudran; en passant la souris, on verra leur ré-emploi au château des Moyeux.
Quant aux boiseries de Bois Boudran, elles ont traversé l'atlantique pour orner l'hôtel de la Colombe d'Or à Houston, Texas.

 

Si l'on n'a aucun document sur l'enfance du curé Huvier, espérons qu'elle fut heureuse, avant les années d'austérité qui l'attendaient au séminaire de Meaux; pour lesquelles nous n'avons aussi que très peu de documents, les archives de l'évéché ayant brûlé à la Révolution...

 


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