Etienne Fare Charles
Huvier/3 |
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Passez la souris sur les |
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"Jeanne Marie Charlotte Huvier fille de Charles
Antoine Huvier et de Marguerite Bazier de la paroisse de Coulommiers a rendu
son âme à Dieu le vingt neuvième septembre mil sept
cent vingt et un, étoit âgée d'environ quatre mois et
son corps a été inhumé dans le cimetière de
cette paroisse le même jour par moy Antoine Meunier curé en
présence des soussignés. Christophe Cheron, Dupré,
Meunier" |
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Même chez les proches de la famille
Huvier, notables aisés de Coulommiers, les décès
en bas âge n'étaient pas rares, surtout dans la famille de
l'épouse du bailli Jean Huvier, Elisabeth Marguerite Hébert
: Alphonse Denis ne vécut que du 24 septembre au 9 octobre 1728;
Jeanne Marie Magdelaine une année entre le 4 juin 1730 et le 5
septembre 1731; un seul mois pour Denis Armand du 22 avril au 23 mai 1733;
Jeanne Françoise de Paule décéda après une
quinzaine de jours, du 2 au 18 avril 1738. Alexis Henri vécut trois
ans, sept mois et cinq jours comme le nota son père, il eut droit
à une épitaphe, ce qui ne fut pas le cas des nourrissons
où seul le décès est mentionné. (Voir page
suivante)
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Ci-dessus, le journal de Pierre
Nicolas Hébert, recopié par Antoine Huvier, neveu du curé,
relate les circonstances particulièrement éprouvantes de
la venue au monde d'une fille en 1726. Le registre paroissial de Coulommiers
en relate une version un peu différente : l'enfant venue avant
terme ne fut pas baptisée par le chirurgien, mais simplement "ondoyée",
elle n'eut ni parrain, ni marraine, ni même de nom, ce qui fait
très fortement penser à un bébé mort-né,
donc dans l'impossibilité d'être baptisé et inhumé
en terre consacrée, comme on l'a vu en page précédente.
Le vicaire ayant procédé à l'inhumation avait d'abord
écrit: "née et décédée
d'hier" avant de rayer cette dernière
mention et la remplacer par "née
et ondoyée du même jour et décédée aujourd'huy".
Le père avoue que l'enfant est morte "quelques
moments après" sa naissance,
le curé la fait mourir le jour suivant... A l'évidence,
il y eut accomodement entre le notable et le prêtre pour que l'enfant
puisse être inhumé en terre consacrée. Par contre,
un neveu du curé, venu après seulement cinq mois de grossesse,
vécut effectivement du 3 au 5 septembre 1749.
Nicolas Lefort de Champroger, fils de Jeanne Charlotte Marguerite Huvier Coulommiers 5 Mi 2260 p 320 |
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Une petite parenthèse à propos
de la variole, la "petite vérole" qui grêla tant de
visages et fut à l'origine de l'accouchement prématuré
en 1726. Louise Madeleine Barentin en fit un commentaire plutôt primesautier,
que n'auraient probablement pas apprécié les parents Hébert:
"Vous m'avez fait trouver, Monsieur, le seul désavantage que j'ai eu à avoir la petite vérole, puisqu'elle est cause que j'ai été privée d'avoir l'honneur de vous posséder à Marolles. Je sais que vous la craignez beaucoup, mais peut-être seriez-vous revenu de ce préjugé, si vous nous aviez vus quatre attaqués de cette jolie petite maladie, la manière dont elle nous a traités est vraiment attrayante. Je me trouve si heureuse de l'avoir eue, que je la désire de même nature à toutes les personnes à qui je m'intéresse. J'en éprouve une satisfaction, un bien-être que l'on ne peut rendre que lorsqu'on l'a éprouvé. Je vais tête levée dans les rues montrer à tout le monde mon joli masque couleur de rose. Je suis toute fière, même lorsque j'entends dire autour de moi: « Tiens, regarde-la donc, elle a eu la vérole. » J'en ris !" Lettre du 5 janvier 1791 au curé Cagnyé de St Mars |
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Bien que n'étant pas de la même
génération, Louise Madeleine Charlotte de Barentin de
Montchal put être en relations avec le curé Huvier. Elle
épousa en 1769 Nicolas Michel Quatresolz, seigneur de Marolles
en Brie, proche Coulommiers, où Etienne Fare Charles Huvier fut
curé de 1749 à 1752; il avait gardé contact avec
cette paroisse puisqu'il fit venir auprès de lui Louis Guinand,
maître des petites écoles à la Chapelle Rablais,
puis Pierre Leroy dit Dauphin, son domestique à Cerneux, tous
deux originaires de Marolles. Louise Barentin entretint une longue correspondance
avec le curé de Saint Mars (aujourd'hui St Mars/ Vieux Maisons),
entre autres, pour transmettre des instructions au fermier de leur fief
de Villers Templon dans cette paroisse, dont quelques parcelles sur
Cerneux furent redevables de la dîme auprès du curé
Huvier. Cette correspondance entre le curé de St Mars et Madame
Quatre-Solz de Marolles, née Louise-Madeleine-Charlotte de Barentin
de Montchal lui fut fatale; elle servit de base à l'accusation
pour écrits contre-révolutionnaires.
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Revenons à la soeur du curé, Jeanne
Charlotte : "Le vingt quatre may mil
sept cent vingt et un, entre une et deux heures du matin, le vingt neuf
de la lune" naquit à Coulommiers
Jeanne Marie Charlotte, soeur d'Etienne, qui ne vécut que quelques
mois : "Jeanne Marie Charlotte Huvier
fille de Charles Antoine Huvier et de Marguerite Bazier de la paroisse de
Coulommiers a rendu son âme à Dieu le vingt neuvième
septembre mil sept cent vingt et un, étoit âgée d'environ
quatre mois et son corps a été inhumé dans le cimetière
de cette paroisse le même jour ..." |
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"Morte le 29 7bre 1721
à Snt Germain sous Doue inhumée ledit jour dans le cimetière
dudit lieu" note Charles Antoine Huvier, le père,
dans son journal, en marge de son baptême. AD
77 195J8 |
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Dans des familles de notables proches des Huvier, nombre de nourrissons signalés plus haut sont décédés dans des villages autour de Coulommiers, dans un rayon de 3 à 6 kilomètres, moins d'une heure à pieds :
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Tout semble indiquer que les nouveaux-nés
avaient été mis en nourrice à la campagne, ce que confirme
une note du journal du père à l'occasion de l'inhumation de
Jeanne Françoise de Paule Hébert:
"en présence de Pierre Robinot, manouvrier à la Grande
Foiret où elle étoit en nourisse".
Il en est de même pour les décès d'Alphonse Denis décédé
"au village de Champ-Breton près Boissi où il étoit
en nourrice" et de Denis Armand Hébert
"décédé au village de Barny, paroisse St Augustin
où il étoit en nourrice";
et si la précision manque pour les petites Jeanne Marie Charlotte
Huvier et Anne Perrine Ogier de Baulny, on se doute bien de la cause de
l'éloignement... Il est fort possible que les enfants survivants aient eux aussi été placés en nourrice, mais pour le prouver, il faudrait trouver un acte qui n'a peut être jamais existé, comme on le verra plus loin. Le curé Huvier a peut être passé les deux premières années de sa vie dans une famille de paysans, dans un village proche de Coulommiers; rien pour le confirmer, mais c'était, hélas, dans l'air du temps... |
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Quand on pense "nourrice", on évoque le plus souvent celles du Morvan, donnant leur lait aux rejetons des plus belles familles parisiennes dans leurs luxueuses demeures. A Paris, en 1780 on recensait ainsi mille nourrices à domicile, autant que de mères qui allaitaient. Une infime proportion par rapport aux dix-neuf mille campagnardes qui, chaque année, accueillaient des "Petits Paris". Tels étaient les chiffres : seulement un enfant sur vingt et un était nourri par sa mère, et le plus grand nombre était envoyé à la campagne; soit dans les banlieues les plus proches, les plus chères, où les parents pouvaient rendre visite à leurs rejetons, soit dans des villages plus reculés, plus abordables pour les bourses des parents, souvent modestes artisans, mais trop éloignés pour envisager une visite au bébé jusqu'à son sevrage. L'hôpital des Enfants Touvés, aux finances restreintes, était obligé d'envoyer ses protégés dans des villages encore plus éloignés. "Les gens mettent leurs enfants en nourrice à la campagne et ne se soucient pas d’eux pendant un an ou deux." Princesse Palatine lettre du 4 août 1718 |
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Comme de nombreux villages d'Ile de France, la Chapelle Rablais accueillit des bébés en nourrice, révélés par le grand nombre de leurs décès. Entre 1749 et 1852, on dénombre près de deux cents nourrissons qui y moururent, la plupart étant originaires de Paris, l'adresse et le métier des parents y sont même précisés. Combien ont été placés dans ce petit village d'une centaine de feux, moins de quatre cents habitants sous la Révolution; combien ont survécu ? Traces
des Petits Paris à la Chapelle Rablais |
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Les hospices cherchaient aussi des nourrices,
pour les jeunes orphelins, mais surtout pour le grand nombre d'enfants
abandonnés à la naissance, rares à la Chapelle
Rablais : "Le vingt six mars (1760)
a été baptisé Anne Alexandre fils de père
et mère inconnu reçüe et présenté par
Margueritte Bectare (Bectard) femme de Antoine Rondinet maîtresse
sage femme..." |
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A la campagne, les abandons dès
la naissance étaient rares, comme ce bébé "reçu"
par la sage femme du village. Comment cacher les derniers mois de la grossesse,
comment accoucher (en silence) sans témoins? Marguerite Bectard,
la sage-femme a-t'elle vraiment découvert le bébé
devant chez elle, a-t'elle accouché discrètement la mère
en gardant le secret sur son identité?
En ville, les abandons se multiplièrent tellement que, pour garantir la survie des nouveaux-nés, souvent laissés au seuil d'une église, certains hospices se dotérent de "tours d'abandon", comme celui du couvent des Cordelières, ci-dessus, conservé au Musée de Provins. |
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Certaines filles célibataires avaient cherché
à se débarrasser définitivement de leur nouveau-né,
ce que combattirent évidemment les autorités, tant laïques
que religieuses car le nourrisson privé de baptême ajoutait
la damnation au meurtre (voir page précédente). Henri II publia
en 1756 un édit qui enjoignait les filles célibataires enceintes
à déclarer leur état.
Les curés étaient tenus de "fulminer"
cette ordonnance d'Henri II quatre fois par an, au prône de la
messe. Le registre paroissial de Pierrelez que desservit le curé
Huvier, en même temps que Cerneux, en garde les traces, le 5 janvier
1773 et le 11 janvier de l'année suivante, les deux actes sont
fort tachés, d'où les lacunes dans leur transcription
: "Nous Etienne Fare Charles Huvier prêtre
du diocèze de Meaux... curé soussigné desservant
nôtre Dame de Pierrelay .... que pendent le cours de ladite année...
d'Henry deux concernant les femmes et les filles enceintes à
été publié tous les trois mois au prône des
messes paroissiales. Fait à Cerneux ce mardy cinq janvier mil
sept cent soixante treize. Huvier C. de St Brice de Cerneux dessvt N.D.
de Pierrelay"
Les curés avaient aussi la charge
de contrôler la mise en nourrice des bébés. Un "Certificat
de renvoi pour les nourrices" est resté glissé entre
les pages du registre paroissial de Cerneux, car il n'avait jamais été
envoyé, le bébé étant décédé
comme l'indique la note marginale du curé Huvier : "décèdé
le mercredy 30° Xbre 1767 (30 décembre), et inhumé le
lendemain dans le cimetière près l'églize. Ledit enfant
décédé d'un flux de sang qu'il avoit depuis trois semaines/.
Huvier curé desservant St Brice de Cerneux"
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Cette petite feuille oubliée révèle une mine de renseignements sur les formalités entourant la mise en nourrice des "Petis Paris". Le curé Huvier avait donné son assentiment pour que Marie Françoise Cendrier puisse recevoir un nourrisson ".. Marie Françoise Cendrier Femme de Pierre Guezou, Nourrice de la Paroisse de Cerneux Election de Provins, nous a remis entre les mains le Certificat du Sieur Huvier Curé de ladite paroisse, que nous avons enregistré en notre Bureau de la rue St Jacques de la Boucherie". La nourrice prit en charge le bébé, dès le lendemain de sa naissance, après qu'il eut reçu le baptême : " l'Enfant un garçon né le 20 juillet 1767 qui a été cejourd'hui (le 21 juillet) confié à ladite Nourrice". Accompagnée par Benard, meneur, Marie Françoise Cendrier rejoignit son village où elle présenta au curé ce certificat délivré par la "recommandaresse". Le curé en confirma la réception le 19 août. |
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Quelques mots, seulement, à propos des personnages cités,
car le sujet des enfants en nourrice à la campagne est trop vaste
pour être traité sur une seule page, ce sera le thème
d'un dossier à venir. |
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Le meneur était toujours sur les routes, pour
convoyer les futures nourrices jusqu'aux bureaux de Paris, (imagine
t'on une jeune paysanne de débrouiller seule dans les rues de
la capitale?), revenir au village avec elles et leurs nourrissons (paiement
: 2 livres) avec la "bulle" de la nourrice, comprenant les
petits habits, le certificat de baptême, et, en prévision,
celui de décès. Les meneurs devaient ensuite faire le
lien entre les parents et la famille nourricière, apporter chaque
mois le salaire dont ils prélevaient environ 1 sol par livre;
ramener, sans la nourrice, les bébés d'environ deux ans
à la famille à la fin du nourrissage, ce qui coûtait
3 livres aux parents, et dans le cas où le bébé
venait à décéder, cinq sous pour rapporter la "vêture"
aux parents. Le réseau des meneurs d'enfants
trouvés était distinct de celui des bureaux de nourrices.
Aux meneurs de nourrices, il était interdit de convoyer des marchandises,
un bébé seul, une nourrice avec plusieurs bébés,
un nourrisson d'un autre bureau ou provenant des Enfants Trouvés...
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Après ce très rapide survol
du réseau des enfants mis en nourrice à la campagne par leur
parents par le truchement de recommandaresses, de meneurs, en faisant l'impasse
sur le réseau des Enfants Trouvés, à la mortalité
encore plus effrayante, revenons aux bébés Huvier et apparentés.
Si une vraie structure de placement des nourrissons à Coulommiers reste à découvrir, il n'est pas possible qu'il n'ait pas existé au moins un réseau informel pouvant mettre en relation les familles cherchant à placer leurs bébés et les nouvelles mamans prêtes à les accueillir; avec peut être, à la base, les sages-femmes...
Pour résumer : des nouveaux-nés Huvier et familles apparentées ont été placés en nourrice dans des petits villages alentour, ce que prouvent des actes de décès et des notes sur les livres de raison. Etienne Fare Charles avait-il lui aussi été en nourrice? Cela reste à découvrir, comme les traces du réseau mettant en liaison les futures accouchées avec les futures nourrices...
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