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Etienne Fare Charles Huvier/5
1724/1784 Curé de la Chapelle Rablais...
collège, bourses

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Après le temps de l'enfance, vint celui des études qui menèrent Etienne Fare Charles Huvier, fils de notable à Coulommiers, jusqu'à la prêtrise et à la cure de la Chapelle Rablais.
Il dut fréquenter les petites écoles de la ville, puis le collège dont le recteur était un prêtre attaché au service de l'Eglise Ste Foy. Il avait pour mission "d'enseigner aux jeunes gens les premiers éléments de la langue latine."

Situé à l'Est de la ville, près de l'ancien cimetière et jouxtant le prieuré Sainte Foy sur lequel les fenêtres du collège ne devaient avoir vue "ni y faire tomber les égoûts sans faire de gouttières". Le collège fonctionna depuis 1589 jusqu'à la suppression des ordres religieux. "Démolis en partie en 1855, les restes de cet établissement disparurent en 1868." Le cimetière et le collège étaient situés à l'emplacement de la nouvelle église.
Source principale : monographie de l'instituteur 1889 AD77 30 Z 122

Pour la construction du collège, le prieur de Ste Foy, "grand écolâtre" donna 300 livres, plus des pierres, bois, matériaux et tuiles provenant de la démolition d'une vieille grange. On a vu, page précédente, que les matériaux provenant des bâtiments détruits trouvaient ailleurs une seconde vie, que ce soit pour le château de Coulommiers, ou pour des objets bien plus humbles comme, à la Chapelle Rablais, où la municipalité vendit au XIX° siècle la boue et l'herbe de la mare, la terre issue des murs du jardin du presbytère et bien d'autres modestes matériaux.

Les dimensions du collège étaient fort réduites : "une place attenant au cimetière, contenant dix toises de long sur cinq toises deux pieds de large", cependant, il accueillait les classes de "grammaire" depuis la sixième à la quatrième, puis la classe d'humanité et celle de rhétorique jusqu'en seconde; les archives Huvier conservent un "poème en latin de Louis-Henry-Vincent Prévost, auditeur en rhétorique au collège de Coulommiers, en l’honneur de Mgr de La Marthonie, évêque de Meaux pour sa première visite à Coulommiers" prouvant que ce collège proposait des cours jusqu'au moins cette année de rhétorique, "trivirum" des arts libéraux (gammaire, rhétorique et dialectique). Pouvait-on trouver à Coulommiers les arts du "quadrivirum" arithmétique, géométrie, astronomie et musique? AD77 195 J 1 à 69

Pierre Huvier des Fontenelles et Antoine Fare, tous deux fils de Jean, le bailli, frère d'Etienne, apprirent le latin, leur père les faisant réviser, chez l'abbé Hattinguais, peut être Pierre Nicolas Hattingais, né en 1722 à Quincy-Voisins, qui fut chanoine de Saint-Saintin, collégiale disparue située dans le "Marché" de Meaux. En 1759, M. Hattinguais était "prêtre habitué" au prieuré Sainte Foy de Coulommiers, y résidant sans exercer aucune fonction ni ministère officiel.

 


Les fils du bailli n'effectuèrent pas toute leur scolarité au collège de Coulommiers. Pierre Huvier des Fontenelles rejoignit le collège oratorien fort réputé de Juilly (ci-contre) dès la quatrième, sa biographie figure parmi celle des anciens élèves.

Antoine Fare poursuivit ses études à Dijon, au collège des Godrans, à partir de la troisième, hébergé par son oncle par alliance Pierre-Denis Hébert. Jean Huvier avait suivi les conseils de son beau-frère : nécessité et utilité de lui envoyer Antoine-Fare Huvier pour ses études : c’est le "parti le moins dispendieux" car les études pouvaient coûter fort cher : "Nous estimons le coût des études de la 6e au quinquenium à au moins 3.000 livres pour un élève externe et à au moins 4.150 livres pour un pensionnaire."
Philippe Moulis: article : Devenir prêtre, le coût des études.. ed. PU de Rennes 201
L'oncle d'Antoine pensait aussi que "le meilleur relativement à bien des égards surtout à la conservation des mœurs qui ne sont en sûreté dans aucun collège mais moins encore dans ceux de Paris"
Correspondance de Pierre-Denis Hébert à Jean Huvier AD77 195 J 14
Quid de la réputation du collège de Coulommiers ?

Charles Antoine Huvier, 1691/1754, père d'Etienne, avocat en parlement, bailli et maître particulier des eaux et forêts de Faremoutiers, de Rebais, entre autres fonctions, né à Meaux, y débuta ses études qu'il poursuivit à l'Université de Paris, comme l'attestent ses diplômes sur parchemin, scellés à la cire, maître es-arts (3 juillet 1710, ci-dessous), bachelier puis licencié en droit "Me Charles Antoine huvier denommé es présentes lettres a esté receu au serment d’avocat A paris en parlement le quatre aoust mil sept cent seize."
AD77 Inventaire Huvier 195 J 5

3 juillet 1710 maîtrise ès-arts de Charles Antoine Huvier AD77 195 J 5

 

Le père du futur curé avait commencé ses études à Meaux et c'est dans le séminaire de cette cité épiscopale (peut être aussi pour ses dernières années de collège) que le futur curé les poursuivit. Hélas, les archives ecclésiatiques ayant été détruites à la Révolution, le parcours d'Etienne Fare Charles Huvier n'y a pas laissé d'autre trace que des mentions comme "Etienne Fare Charles Huvier prêtre du diocèze de Meaux", de plus, les papiers personnels du curé n'ont pas été conservés.
Collégien, Etienne avait la possibilité de loger chez son oncle Claude, huissier et greffier du grenier à sel de cette ville, économisant ainsi le prix d'une pension d'environ 200 livres; si l'on n'en a pas confirmation, on a la preuve de la présence de son frère Jean à Meaux à l'âge de seize ans, proche de son oncle (voir plus bas).

2 juillet 1738 AD77 Meaux St Christophe 5 Mi 4470 p 100

 

La ville de Meaux était centrée sur sa cathédrale et de fort nombreuses institutions ecclésiastiques. Le "Pouillé du diocèse de Meaux avec le revenu de chaque bénéfice.. " compilé par l'archiviste Lhuillier montre que les bénéfices à Meaux (ville et cathédrale) s'élevaient à 157.749 livres pour l'année 1756 pour seulement 44.629 livres pour le doyenné de Coulommiers, ville et paroisses alentour comprises, la population de la ville de Meaux étant seulement deux fois plus élevée que celle de Coulommiers-ville. AD77 J 186
"En 1771, Meaux compte 1283 feux soit 6.000 âmes, et 1.255 feux en 1787. On y trouve : trois prieurés: Ste Céline, St Père du Cornillon, St Rigomer; trois abbayes : Chaâge, Notre-Dame, St Faron; une collégiale: St Saintin; cinq paroisses: St Christophe, rue du Grand Cerf, St Martin, rue Cornillon, St Nicolas, au prieuré Ste Céline, St Rémi, rue St Rémi, St Thibault, rue St Faron, Mgr Allou précise que l'église de l'Abbaye du Chaâge et celle de la collégiale de St Martin, rue Cornillon, servaient également d'églises paroissiales, ce qui en porte le nombre à sept, une huitième, la paroisse St Germain du Cornillon avait été supprimée en 1726; cinq couvents: Capucins, Cordeliers, Filles de Ste Marie, Trinitaires et Ursulines."

RC Plancke Meaux et ses environs ed Amattéis 1988

Ajoutons les séminaires; au "grand séminaire" que fréquenta Etienne Huvier (ci-dessus), fut adjoint en 1874 un "petit séminaire Sainte Marie" (ci-dessous) puis, en 1926, à St Jean les Deux Jumeaux, commune proche, un "séminaire pour les vocations tardives".


 

"Pour subvenir à leurs frais d’entretien et de formation sacerdotale, les séminaristes étaient tenus de payer une pension... Il fallait 220 livres pour douze mois passés au séminaire et 275 livres pour les 15 mois de présence... En plus de la pension, chaque séminariste devait effectuer une retraite de quelques jours avant de recevoir la tonsure et des ordres mineurs et majeurs. Ces retraites avaient un coût. De 1716 à 1725, chaque tonsuré payait au comptable du séminaire 5 livres 12 sols. Le prix fut de 7 livres à partir de 1737. Quelques jours avant l’ordination, les séminaristes effectuaient une retraite préparatoire. La durée variait, semble-t-il, entre 9 jours et 17 jours. Les prix étaient de 15 à 18 sols par jour. Nous estimons, à partir de ces exemples, pour le XVIIIe siècle, le coût moyen des retraites de la tonsure à la prêtrise à une cinquantaine de livres." A cette époque, "le salaire journalier d’un manouvrier était de 10 sols ; celui d’un menuisier de 18 sols et celui d’un maçon d’une livre".
Tous documents sur le coût des études : Devenir prêtre, le coût des études dans les collèges et les séminaires ecclésiastiques. L’exemple des diocèses d’Arras, de Boulogne-sur-Mer et de Saint-Omer (XVIIe-XVIIIe siècles) Philippe Moulis

Une partie des études des séminaristes pouvait être financée par des bourses, octroyées par de généreux donateurs. On en trouve même la trace dans un petit village fort éloigné de l'Université comme la Chapelle Rablais où, non loin du stade actuel et de la ferme disparue de la Truchonnerie, le cadastre révèle "les Cardinaux" qui gardent le souvenir de terres destinées à financer les boursiers du collège du Cardinal Lemoine. "Parmi les plus importants propriétaires fonciers dans le territoire de la paroisse, il faut compter, outre l'abbaye parisienne de Saint-Germain des Prés, le collège du Cardinal Lemoine fondé à Paris au commencement du XIV° siècle et qui achète en 1308 cent quarante arpents de bois et le 24 août 1309 une pièce de terre à La Chapelle Dairblay. Les boursiers du collège, car le moyen- Age connut les boursiers, qui ne sont pas d'institution moderne, donnèrent à bail emphythéotique pour 99 ans, peu après 1548, soixante-six arpents de terre dans l'étendue de la paroisse."
Article de Maurice Lecomte dans Almanach historique, topographique et statistique du département de Seine et Marne et du diocèse de Meaux 1909

"Au temps de la pré-renaissance, le collège du cardinal Lemoine, comme celui d'Harcourt ou de Sainte Barbe ou de Montaigu, avait pour fonction de former les étudiants préparant leur entrée dans la Faculté des Arts qui n'acceptait pas les moines mais à côté des clercs, admettait des laïcs auxquels elle interdisait le mariage. Les étudiants et les maîtres s'y répartissaient en quatre nations (France, Picardie, Normandie, Allemagne). Le collège du cardinal Lemoine recevait surtout les étudiants de la nation picarde. "

Wikipédia : le collège du Cardinal Lemoine

Quatre "nations" dans un collège gothique, Harry Potter sors de cette page !

Ci-dessous, dans le quartier latin, le collège du Cardinal Lemoine sur le plan de Turgot gravé entre 1734 et 1739.

Les Archives départementales conservent une requête imprimée d'une vingtaine de pages "Mémoire pour le sieur Huvier, clerc tonsuré du diocèse de Meaux, & étudiant en l'Université ... " datée de 1769.
"La demande du sieur Huvier, tend à être admis à l'une des places d'étudiants fondées à St. Lazare, par feu Me Braquet son parent, & à jouir des droits & émoluments desdites places ... conformément au testament dudit Me Braquet, & à être payé par provision, en attendant le contrat de fondation qui doit fixer le produit desdites places, la somme de 619 livres que les Lazaristes reconnoissant devoir...
... Feu Me Braquet Avocat au Parlement a fait par son testament olographe du 24 avril 1707, pour cinq cens mille livres de fondations toutes utiles à l'état, & avantageuses aux citoyens. Celle dont il s'agit ici, est la seule à laquelle il ait appelé ses parens par préférence..." AD 77 4 Mi 82

Le testament d'Etienne Braquet, avocat en Parlement, prévoyait qu'au décès de son frère (qui eut lieu en 1720), la forte somme serait répartie... "un quart à l'hôpital général, d'un autre quart à celui des enfans trouvés, d'un autre quart à partager entre les maisons de Sainte Pélagie, & de l'hôpital de la Charité, & l'autre à partager en les maisons des Missions étrangères & de St Lazare aux charges suivantes. Sçavoir par Messieurs des Missions étrangères & de St Lazare, d'élever de jeunes hommes, qui se consacreront à l'état ecclésiastique, & qui n'auront pas le moyen de payer leurs pensions, en préférant ceux de ma famille à des étrangers... le quart revenant aux Missions étrangères & de St Lazare s'est trouvé monter à plus de 120.000 livres..." Pour ne pas toucher au capital, il devait être placé en sous forme de rente à 5%, puis redistribué sous forme de bourses. Le jeune Huvier réclama l'un de ces bourses : "qu'il y auroit deux places à perpétuité, de chacune 619 liv. 9 s. 8 den. pour élever, pendant le cours ordinaire de trois années de théologies, deux jeunes hommes que le Général aura droit de nommer..."

Pour argumenter plus efficacement contre les directeurs des Missions étrangères, fut établie une liste "des parents du fondateur intervenus au procès ... et qui ont justifié de leur parenté avec M. Braquet" comportant cent huit noms. AD 77 G 36
Parmi eux des Huvier : César, marchand de draps à Coulommiers et Pierre Huvier, procureur fiscal et notaire royal à Rebais. On trouve aussi des Leroy apparentés aux Huvier. Le "jeune Huvier" n'est jamais nommé plus précisément. Etienne Fare Charles aurait-il pu solliciter cette bourse, en arguant d'un lien familial avec les Braquet? Tout d'abord, la branche dont descend Etienne diverge au niveau de son grand-père; c'est le frère de Jean 1661/1729, Charles 1664/1704, qui épousa une Leroy et non son ascendant direct; d'autre part, au moment où fut sollicitée l'obtention de la bourse, en 1769, Etienne était déjà prêtre depuis vingt ans!

Etienne, âgé de trente cinq ans et prêtre depuis fort longtemps, ne pouvait donc être le "jeune Huvier" qui affirmait pouvoir répondre aux trois critères requis pour l'obtention de la bourse :
1° Il est parent du fondateur, cette qualité ne lui est pas contestée, & quand elle le seroit, la preuve lui seroit aussi facile que courte, puisqu'il se trouve dans le testament même du Fondateur, un legs fait à son grand père, comme parent du Fondateur.
2° Il se consacre à l'état ecclésiastique puisqu'il est tonsuré, & actuellement en Philosophie.
3° Il est hors d'état de payer pension, ses parens n'ayant qu'une fortune très médiocre, & étant chargés de nombreuse famille...

Parmi les "parents du fondateur intervenus au procès", César Huvier avait 38 ans en 1769; Pierre Huvier, né en 1703 était, lui, âgé de soixante six ans. A l'évidence, ils ne pouvaient correspondre au profil, il convient plutôt de chercher dans leur descendance...

César ne semble pas avoir eu d'enfants; par contre, Pierre eut de nombreux rejetons, tous nés à Rebais où il officiait : Marie Anne Françoise en 1734, autre Marie Anne Françoise en 1737, filles d'un premier mariage avec Simone Potel, puis Marie Anne Charlotte en 1747, Pierre Philippe Louis en 1748, Alexandre Claude en 1749, Perrette Françoise en 1751, Marie Louise en 1752 et enfin Charlotte Jeanne en 1756, des secondes noces de Pierre, avec Marie Jeanne Dubois qui était la petite fille de la soeur de l'avocat Braquet. Parmi la nombreuse descendance de Pierre Huvier l'un des deux garçons semble pourrait fort bien être le demandeur de bourse tel qu'il se décrit dans le mémoire : l'âge correspond: nés en 1748 et 1749, l'un comme l'autre était âgé d'une vingtaine d'années en 1769; parent du fondateur par sa soeur; rejeton d'une famille nombreuse pas des plus fortunées (par exemple, le notaire ne faisait pas partie des plus riches familles de Coulommiers, dans la liste évoquée à la première page).

Quant à la tonsure qui aurait prouvé sa consécration à l'état ecclésiastique, cela dut faire sourire les lecteurs du mémoire qui savaient bien que nombre d'étudiants demandaient des lettres de tonsure, sans pour cela envisager la prêtrise. Le propre père d'Etienne Fare Charles, avocat en Parlement, les obtint le 6 juin 1706, et ne devint pas curé pour autant, voir ci-dessous. Le frère d'Etienne, le bailli Jean, fut aussi à seize ans "clerc tonsuré", témoin à l'inhumation de Pierre Nicolas Huvier, fils de Claude.
2 juillet 1738 AD77 Meaux St Christophe 5 Mi 4470 p 100
Si, à l'époque d'Etienne Fare Charles Huvier 75% des tonsurés allaient jusqu'à la prêtrise, ils n'étaient plus que 58% en 1767 !
Dominique Julia L'éducation des ecclésiastiques aux XVIIe et XVIIIe siècles

Le "clerc tonsuré" était-il Pierre Philippe Louis Huvier qui devint notaire à la Ferté sous Jouarre, ou Alexandre Claude qui fut marchand de fer, se maria à Paris, et, comme son frère, termina sa vie à la Ferté sous Jouarre. On ne sait si l'un ou l'autre obtint une bourse de la fondation Braquet; mais à partir de 1770, peut être à la suite de cette requête de 1769, la gestion des bourses par les Directeurs du séminaire des Missions Étrangères de Paris fut remise en cause et passa en 1774 à l'abbé Dupeyron puis à son décès, à l'évêque de Meaux et "la fondation de bourses faite en 1720 par Etienne Braquet, au séminaire des Missions étrangères, pour élever de jeunes ecclésiastiques, et ses parents par préférence, fut transférée au collège Louis le Grand à Paris."
AD77 9HDT/H9 & G36 // archives de l'Institut de recherche France-Asie (missionnaires)

  Documents sur les bourses d'Etienne Braquet et le mémoire du jeune Huvier...

 

 

6 juin 1706 Lettres de tonsure de Charles Antoine, père d'Etienne Fare Charles Huvier AD77 195 J 5

 


  Suite : le curé Huvier /6 : séminaire & rente cléricale