Passez la souris sur les |
Etienne Fare Charles
Huvier/6 |
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Guillaume Briçonnet, évêque
de Meaux : « L'an mil cinq cens
vingt, faisant sa visite, il examina luy mesme en personne tous et chacuns
les vicaires et les simples prêtres de son diocèse, affin
qu'il reconnût ceulx qui étoient capables d'annoncer la
parole de Dieu, et n'en ayant trouvé que quatorze seulement,
il en nota cinquante trois d'incapables, et soixante qui se pouvoient
tolérer pour un an, les autres médiocrement sçavans;
mais toutefois qui n'avoient pas de la capacité suffisamment
pour prescher, de quoy faisant le rapport en son Synode la mesme année,
il priva les incapables tout-à-faict de l'administration des
sacrements, et laissa jusqu'au prochain Synode ceux qu'il avoit jugé
se pouvoir tolérer pour une année, admonestant les curez
de luy en présenter d'autres dans le terme de Sainct Martin qu'il
leur donnait, au lieu des incapables, ce qui feût faict »
Guillaume Briçonnet cherchait "à lutter contre la dépravation des mœurs et le relâchement de la discipline ecclésiastique en réformant en profondeur son diocèse dès 1518", ce qui n'était pas évident, d'après le cahier de doléances du Tiers Etat de Provins aux Etats généraux de 1560 : |
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"Le
clergé est trop riche, l'église est trop abondante en biens;
il faut que les prêtres aient moins de bénéfices et
moins de concubines; il faut qu'ils instruisent davantage le peuple à
bonnes meurs, qu'ils fassent de plus solides aumônes aux pauvres
gens, et qu'ils soient moins débourdez en leurs passions, moins
processifs, moins luxueux dans leurs vêtements, moins coureurs de
filles et de tavernes; qu'ils emmènent plus rarement à la
chasse leurs chiens et leurs oiseaux, et qu'ils molestent moins le peuple
en corps et en biens. Il est urgent de ne les admettre à la prêtrise
qu'après trente ans, quand ils justifieront d'une bonne conduite,
d'une instruction convenable, et d'une fortune capable de suffire à
leurs besoins; il faut, enfin, s'opposer aux usurpations judiciaires du
clergé." En 1745, quand
Etienne Fare Charles Huvier entra au séminaire, le temps des curés
"débourdez en leurs passions" et ignorants était
révolu. "l’on n’était
admis au séminaire que si les classes d’humanités
étaient entièrement terminées et après deux
années de philosophie..." De
plus, les postulants devaient subir un examen avant leur admission.
Une minorité d'ecclésiastiques, environ 10% poursuivait aussi ses études de "Théologie" pendant au moins deux ans à l'Université. Ce ne fut pas le cas du curé Huvier qui n'aurait pas manqué de le mentionner, comme le fit son successeur à la Chapelle Rablais: "messire Louis Jean Poiret, prêtre, bachelier de la faculté de théologie, chapelain titulaire de la chappelle St Michel ditte de la Bouchardière, curé de laditte paroisse" Registre paroissial 7 février 1763 "L'étude
doit faire l'occupation d'un sujet qui est au séminaire, non pas
précisément l'étude des questions théologiques,
ce n'est pas leur temps, il faut avoir appris ces choses avant d'y venir,
mais celle de l'Écriture, des saintes règles de l'Église
dans l'administration des sacrements, surtout celui de la pénitence,
des cérémonies, des rubriques, du rituel, des constitutions
du diocèse." "Chaque clerc passait neuf à quinze mois en moyenne au séminaire, mais en trois fois, avant la réception du sous-diaconat, du diaconat puis de la prêtrise." Dictionnaire de l'Ancien Régime Le séminaire
préparait l'ordinant à devenir un "bon prêtre".
"Ce prêtre peut se caractériser
par trois traits essentiels. Il dispose d’abord des connaissances et
des compétences pour remplir valablement son office: il connaît
le latin, la liturgie, les sacrements et dispose d’une culture théologique
et d’un jugement suffisants pour guider utilement les fidèles
vers le Salut. On attend ensuite de ce bon prêtre, en plus des vertus
ou des qualités morales (charité, tempérance…),
une foi profonde et sincère et une piété intériorisée,
conformément à la spiritualité nouvelle, en lui prescrivant
par exemple la pratique de l’oraison mentale. Enfin, il doit manifester
en permanence la dignité de son état. Cette dernière
exigence dépasse la civilisation des moeurs évoquée plus
haut et s’inscrit dans une conception qui fait du prêtre une image
du Christ sur terre, contraint de montrer sa différence par sa manière
d’être.
Le séminaire était un internat,
monde clos, dont on ne sortait pas sauf exception : "Soyez
ferme à refuser les permissions d'aller en ville, à moins qu'il
y ait une très grande nécessité" À
l'intérieur des murs, la règle du silence est impérieuse,
marquant ainsi une rupture avec les bruits de la ville et de la rue: hors
le temps des récréations, on ne parle pas à voix haute,
on ne crie ni ne chante. On est loin des joyeux séminaristes photographiés
par Mario Giacomelli, ci-dessous. "L'horaire réglé des journées, la surveillance du comportement et des attitudes, la pratique de l'oraison, les conférences de piété et les examens spirituels, la confession et la communion souvent hebdomadaire au XVIII° siècle, achevaient de préparer le séminariste à cet état séparé du monde voulu par le concile pour les prêtres." Dictionnaire de l'Ancien Régime
Les études au séminaire mériteraient de nombreuses pages, tant sur le contenu de l'enseignement que la formation des futurs prêtres; mais ce n'est pas mon propos, puisque j'essaie seulement de suivre un curé particulier à partir des traces qu'il a pu laisser. Et de ses séjours au séminaire, il n'a laissé aucune trace, à part un résumé de sa formation et la mention "Ledit M. Huvier fils demeurant actuellement au séminaire de ladite ville de Meaux", dans l'acte décrit ci-après...
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Avant de pouvoir accéder aux
ordres mineurs, les séminaristes étaient le sujet d'une
enquête de moralité, "témoignage
authentique de bonne vie et moeurs" diligentée par
les curés de leurs paroisses : "ils
marqueront sincérement selon Dieu ce qu'ils savent et ce que
l'on peut espérer de ceux qui se présentent." Le premier certificat obtenu, l'ordinand devait aussi prouver qu'il disposait de quelques biens, sous la forme d'un titre clérical (ou d'un bénéfice ecclésiastique, comme nous le verrons dans quelques pages)...
"Titre clérical ou sacerdotal, est le fonds qui doit être assuré pour la subsistance d’un ecclésiastique, avant qu’il soit promu aux ordres sacrés. Anciennement l’on n’ordonnoit aucun clerc sans lui donner un titre, c’est-à-dire sans l’attacher au service de quelque église, dont il recevoit de quoi subsister honnêtement. Mais la dévotion & la nécessité ayant contraint de faire plus de prêtres qu’il n’y avoit de bénéfices & de titres, il a fallu y apporter un remède, qui est de faire un titre feint au défaut de bénéfice, en assurant un revenu temporel pour la subsistance de l’ecclésiastique." Encyclopédie Diderot
La somme exigée dépendait du diocèse
et varia dans le temps : "(en 1655) .. ce titre
est différent selon les lieux, ou du moins nos seigneurs les évêques
ont demandé plus en un endroit qu’en un autre ; à Paris,
il faut 50 écus, ailleurs 100 et en d’autres lieux 80 suffisent."
Un siècle plus tard, l'Encyclopédie fait état de sommes
plus conséquentes : "les dépenses
ayant augmenté, il a fallu aussi augmenter à proportion le
titre clérical. A Paris & dans plusieurs autres diocèses,
il doit présentement être au moins de 150 liv. de revenu."
"... pour seconder autant qu'il est possible la bonne
intention et louable dessein, qu'a M. Estienne Farre Charles Huvier leur
fils clerc tonsuré du diocèze de Meaux ... et afin de luy
donnez le moyen de vivre plus honnestement en l'état ecclésiastique...
la somme de cent cinquante livres de rente et pension viagère annuelle...
la première année de payement échéra et se fera
du jour et an que ledit M. Estienne Farre Charles Huvier aura receû
l'ordre de soudiacre" Le 27 novembre 1745, les parents du futur prêtre
s'engagent à lui verser une rente dès qu'il aura été
élevé au rang de sous-diacre, ce qui fut fait dès le
18 décembre de la même année, après avoir été
tonsuré le 12 juin de cette même année. |
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Les deux parents "s'obligent solidairement l'un pour
l'autre un pour les deux" à verser cette rente annuelle à
leur fils. Charles Antoine Huvier était chargé de fonctions
et de titres comme nous l'avons vu précédemment, de son côté,
Marguerite Bazier, mère d'Etienne, est réduite à son
état d'épouse dans les citations, cela ne l'empêchait
pas de gérer seule son patrimoine. Son "Journal de mon avoir",
commencé en 1729 et continué par son fils le bailli jusqu'en
1793, couvrant plus d'une cinquantaine de pages, fait état de plusieurs
lots de terres, et une quinzaine de rentes. AD77
944 F 91 |
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Le titre clérical du futur
curé Huvier ne consistait pas en une rente appuyée sur un
capital (qui aurait été environ vingt fois supérieur
au versement annuel puisque la rente était à 5%) mais était
basé sur les revenus d'une terre: "un lot de terres assis
à Montanglaust paroisse de Coullommiers, contenant dix neuf arpens
onze perches et demye et présentement louées à Estienne
Lienard laboureur demeurant à Monblu parroisse de Mouroux, la somme
de soixante seize livres et demies, et soixante seize boisseaux de bled,
par chacun an, suivant le bail pour neuf ans, du vingt huit octobre mil
sept cent quarante trois..." On retrouvera
plus loin la famille Liénard, fermier de terres pour Etienne Fare
Charles Huvier à Montaglaust de Coulommiers et à Aulnoy. Ci-dessous
: Montanglaust, paroisse de Coulommiers où se trouvaient les terres,
Montblu paroisse de Mouroux où demeuraient les fermiers. Doc : Titre clérical d'Etienne Fare Charles Huvier
"et ainsy continuera ledit payement d'année en année la vie durant seulement dudit M. Huvier fils ou du moins jusque à ce que ledit sieur Huvier fils soit pourveu et jouisse d'un bénéfice suffisant pour vivre suivant son état" Le versement de la rente cléricale aurait dû cesser dès que les revenus, associés à un bénéfice ecclésiastique, aurait été suffisants. On verra plus loin que ses premières années de sacerdoce, comme vicaire, ne lui permettaient pas l'indépendance financière et que son établissement dans sa première cure, à la Chapelle Rablais, fut particulièrement onéreux. On a l'exemple d'une "remise de titre clérical" dans les minutes du notaire Vaudremer à Nangis, celui qui rédigea de nombreux actes pour le curé Huvier, quand il officiait à la Chapelle-Rablais. Après avoir été vicaire pendant quelques mois, Laurent Guay fils devint curé de Courpalay, premier acte comme curé, le 2 octobre 1785. Quelques jours plus tard, le 5 octobre, il renonçait à la rente cléricale constituée par son père en 1783. Le père du séminariste, nommé
aussi Laurent Guay, paysan très aisé, puisque laboureur à
la ferme du Thibout à Gastins (Monthiboust, ci-dessous), constitua
pour son fils un titre clérical de 150 livres de rente annuelle le
6 août 1783 qui fut cloturé environ deux ans plus tard : "Mre
Laurent Guay prêtre curé de Courpalais demeurant audit Courpalais
étant ce jour à Nangis et chapelain de l'église de
St Yves à Paris. Lequel au moyen de ce qu'il est aujourd'huy pourvu
de bénéfices suffisants pour le mettre à même
de vivre honnêtement en l'état écclésiastique
(# desd. cure et chapelle), a déclaré qu'il décharge
Sr Laurent Guay aîné son père laboureur demeurant au
Thibout paroisse de Gatins à ce présent et acceptant des cent
cinquante livres de pension viagère, qu'il a constituée à
son profit..." Laurent Guay devint prêtre de Courpalay
le 2 octobre, avec la certitude d'être "pourvu
de bénéfices suffisants pour le mettre à même
de vivre honnêtement en l'état écclésiastique"
et, trois jours plus tard, déchargea ses parents de "l'hipotêque
dont ils se trouvaient grévés par ledit titre clérical."
Laurent Guay accéda très rapidement
à la prêtrise, après seulement quelques mois de vicariat
auprès du curé Besnard à Courpalay, il obtint cette
paroisse très proche du lieu d'origine de sa famille (la Chapelle
Iger) à vingt cinq ans, âge minimum légal... Titre clérical, Laurent Guay et autres séminaristes
Une rente de cent cinquante livres annuelles était
exigée pour entrer au séminaire de Meaux, en 1745 pour le
séminariste Huvier, comme en 1783 pour le jeune Guay. Cela représentait
plus que le salaire annuel d'un maître d'école; celui de Choisy
en Brie ne percevait que cent vingt livres annuelles depuis 1727 jusqu'à
la Révolution ! "Pour conférer
à un clerc l’ordre du sous-diaconat, une rente viagère
est exigée par l’évêque. Celle-ci permet d’exclure
des aspirants à la prêtrise issus des familles paysannes les
plus modestes, qui seraient contraints de mendier leur pain, déshonorant
ainsi le sacerdoce." Cependant, dans les dernières décénnies
du XVIII° siècle, on relève des aspirants à la
prêtrise venus de milieux plus modestes qu'auparavant. Ainsi, dans
l'étude du notaire Judas, à Beton-Bazoches, où le curé
Huvier passa plusieurs actes, un titre clérical a été
demandé pour le fils d'un maréchal et même celui d'un
instituteur pour lequel on peut se demander où ses parents ont pu
trouver le capital de deux ou trois mille livres permettant de verser une
rente de cent à cent cinquante livres "10
septembre 1759 Titre clérical par le sieur Christophe Regnaut maréchal
et sa femme demeurant à Bazoches au sieur Christophe Regnault leur
fils clerc tonsuré du diocèse de Sens... 28 août 1780
Titre clérical par Louis Rousselet maître d'école à
Champcenest et sa femme à Louis Rousselet leur fils."
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