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Etienne Fare Charles Huvier/11
1724/1784 Curé de la Chapelle Rablais...
Vicaire de Saint Soupplets

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Jeune prêtre de vingt cinq ans, Etienne Fare Charles Huvier débuta son sacerdoce; avant d'être curé, son "apprentissage" fut progressif : il fut tout d'abord "vicaire paroissial", en décembre 1748, secondant le curé de Saint Soupplets, bourg d'environ 800 habitants au nord de Meaux. En 1749 il devint "vicaire desservant" de Marolles en Brie, près de Coulommiers, dépendant du curé de Choisy en Brie. En 1752, il géra seul la cure de la Chapelle Rablais qu'il quitta en 1759 pour celle de Cerneux...

"Les vicaires paroissiaux, catégorie singulièrement défavorisée, ne sont aussi que des commissaires choisis par les curés. On les appelle parfois "secondaires" pour les distinguer des vicaires desservants qui, eux, sont chargés d'une annexe non érigée en paroisse..."

"... Les vicaires paroissiaux sont choisis dans l'immense vivier des ecclésiastiques ayant obtenu de l'évêque leurs "lettres d'aptitude". Ils incarnent le prolétariat ecclésiastique : situation précaire et avenir bouché. Rares sont ceux qui, au bout de quinze à vingt ans de vicariat, décrocheront une cure soit par résignation, soit par vacance. Au diocèse de Viviers, ils forment une masse de 681 ecclésiastiques: 225 seulement accèdent à un bénéfice curial au cours du XVIII° siècle."
Bernard Plongeron La vie quotidienne du clergé au XVIII° siècle

 


Le 21 décembre 1748, Etienne Fare Charles Huvier fut ordonné prêtre par l'évêque de Meaux, et deux jours plus tard, "vicaire desservant St Soupplets, dioceze de Meaux 23° décembre 1748" où il se rendit peu de temps après : "Le Cinquième jour de janvier mil sept cent quarente neuf, Vu les lettres données par Monseigneur Antoine René de la Roche de fontenilles Evesque de Meaux du vingt troisième jour du mois de décembre dernier par lesquelles il nous envoie maitre Estienne Farre Charles huvier pretre du diocèse dudit Meaux pour faire les fonctions de vicaire en cette paroisse; je soussigné maître Estienne Meunier pretre curé de ladite paroisse ay receu ledit maître Estienne Farre Charles huvier pour faire en ma paroisse les fonctions de vicaire, en foy de quoy j’ay signé le présent acte lesdits jour et an que dessus. Meunier curé de St Soupplets" Registre paroissial de Saint Soupplets en mairie

 

 

Un vicaire devait assister le curé. Quelques décennies auparavant, c'est lui qui aurait été "chargé de donner l'instruction aux lieux et place du curé... Car St Soupplets eut un vicaire jusqu'à l'époque de la Révolution.", mais, depuis 1669, un clerc laïc nommé Daux remplissait cette fonction, suivi d'un Musnier ou Meunier (comme le curé, patronyme fréquent à Saint Soupplets), puis ,jusqu'en 1838, d'une longue lignée de Hallet ; Jacques, Jacques-Claude (qui officiait en 1749), Jean-Baptiste, Etienne-Victor. Le vicaire Huvier était donc dégagé des obligations de l'enseignement.
Source : monographie de Saint Soupplets par l'insituteur Amblard AD77 30 Z 389

 

          Fonts baptismaux de St Soupplets

Le nouveau vicaire devait seconder ou remplacer le prêtre au cours des cérémonies de baptême, mariage et inhumations.
Dès le lendemain de son installation, il eut à célébrer un baptême, transcrit par le curé Meunier : "Le Cinquième jour de janvier mil sept cent quarente neuf est né de légitime mariage et le lendemain a été baptisé par maître Estienne Fare Charles Huvier prêtre vicaire de la paroisse Jean Pierre fils de Pierre Tracas et de Marie Charlotte Félizor sa femme ses père et mère, le parain Jacques Félizor et la maraine Margueritte Bauchant qui a déclaré ne sçavoir signer."
Registre paroissial en mairie

Deux registres paroissiaux couvrant la période 1737/1757 ne sont pas en ligne aux Archives départementales, cotes 1 Mi 1245 et 1247; donc l'année 1749 où Etienne Fare Charles Huvier débuta son sacerdoce est manquante. C'est dommage, car on aurait pu y découvrir si le vicaire avait pris une part importante dans la cure de Saint Soupplets. (J'en profite pour remercier la mairie de ce bourg qui m'a communiqué des reproductions des actes que je cite. Peut être, un jour, irai-je consulter les originaux...)

 

Généralement, le vicaire "est nommé par l'évêque. Sous l'Ancien Régime, il était habituellement choisi par le curé, son choix devant être approuvé par l'évêque." Wikipédia Le curé Meunier a-t'il marqué sa préférence pour le jeune Huvier, parmi les nouveaux prêtres ordonnés à Meaux en décembre 1748? C'est possible, mais rien ne permet de l'affirmer. Aucune relation avec un Meunier n'est notée dans les archives de la famille Huvier, à part évidemment ceux qui géraient un moulin; et s'il existe un Musnier, autre forme de Meunier fréquente à Saint Soupplets, cela ne concernait qu'un échange de terres en 1653 avec Jacques Lambert, ancien seigneur du Mée. AD77 195 J 43



"Si le curé a le droit de choisir ses vicaires, il doit aussi avoir la faculté de les renvoyer. La conséquence paroît juste; cependant on ne peut s'empêcher de dire que tant d'autorité de la part des curés sur leurs vicaires seroit souvent désavantageux aux paroissiens, & sur-tout aux vicaires eux-mêmes, à qui il faudroit demander, s'ils n'aiment pas mieux travailler dans la dépendance de leur évêque qui les protège, que dans celle des curés qui ne les respectent pas toujours assez." Dictionnaire de droit canonique 1761
Entre le curé et le vicaire, les relations pouvaient être cordiales, ou pas ! Etienne Fare Charles n'a pas laissé de témoignage sur cette période; il n'osa tout de même pas émailler les registres paroissiaux de Saint Soupplets de ses "nottes" ce qu'il s'empressa de faire dès qu'il eut charge de cure. S'il ne resta que neuf mois dans cette paroisse, c'est qu'il avait eu l'opportunité de gravir un nouvel échelon, et non parce que le curé Meunier l'avait congédié.

Le vicaire Huvier était très dépendant de son curé, tant pour le spirituel que pour ses besoins bassement matériels. Les vicaires pouvaient partager le quotidien de leur curé : "pour s'asseoir à sa table, ils assurent quelques tâches cultuelles dans la paroisse, mais se logent à leurs frais." Bernard Plongeron
A Cerneux, quand le curé Huvier fut obligé d'avoir recours à un vicaire, après un accident de cheval, il ne lui proposa pas l'une des chambres du presbytère, mais le logea (gratuitement?) dans un ancien fournil : "Dans le courant de l'année 1775 j'ai fait couvrir en thuilles le fourny qui l'étoit en paille, je l'ai fait careler et l'ai mis dans l'état suffisant pour pouvoir dans l'occasion l'habiter. Comme je l'ai destiné pour y loger un vicaire où les religieux passans, je luy ai donné le nom d'hôtel de Saint François." Deux ans plus tard, le vicaire de Cerneux ne résidait pas dans cet "hôtel de Saint François", mais dans une petite maison couverte en paille, propriété du curé Huvier. Registre paroissial de Cerneux

Si l'évêque nommait le vicaire, c'était le curé qui le rétribuait, suivant son bon vouloir. "Comme dans tous les apostolats, il existait une grande disparité de revenus. Ainsi le vicaire de Thiais percevait seulement soixante quinze livres pour assister le curé tous les dimanches et fêtes. D'autres se voyaient favorisés avec trois cents livres de traitement pour le vicaire de Moiselles en 1651. Le vicaire d' Ecouen François le Duc, quant à lui, recevait quatre cents livres de gages et le tiers du casuel." ... Dans le Jura, "le curé Pierre-Joseph Boillon jouissait du presbytère de Rothonay composé de six chambres, d'une cuisine, d'un petit cabinet à côté des greniers et bûcher... il déclarait à l'époque 2.130 livres 2 sols de dîmes, 227 livres 9 sols 10 deniers de terres et 612 livres de casuel." De ces très coquettes sommes, il ne consacrait que cinquante livres pour son vicaire ! " Revue Nos ancêtres vie et métiers n°22

A partir de la fin du XVII° siècle des édits fixèrent une somme minimum , la "portion congrue", que devaient percevoir les curés quand ils ne bénéficiaient pas de la dîme. En 1690, elle était fixée à 300 livres pour un curé et 50 pour un vicaire, en augmentation au cours du XVIII° siècle : en 1768 un curé percevait 500 £ et un vicaire 200 £, en 1786, 750 £ pour le curé, 300 pour le vicaire...

Le curé Huvier recopia sur plusieurs pages, à la fin du registre de 1768, l'édit royal de mai concernant les portions congrues, qui ne le concernait pas directement, puisqu'il levait la dîme sur les terres de Cerneux, comme le faisaient la plupart de ses confrères; une exception, le curé de Beauchery, proche de Provins : "Mr le curé de Beauchery a gagné son procès contre les deux chapitres de Provins pour de la dime dont il n’avoit aucune auparavant, et par ce moien a amélioré son bénéfice de douze cent livres par an."
Note du curé Mercier, registre paroissial de Courtacon



"Art. I. La portion congrue des curés & vicaires perpétuels, tant ceux qui font établis, à présent, que ceux qui pourroient l'étre à l'avenir, sera fixée à perpétuité à la valeur en argent de vingt-cinq septiers de blé froment, mesure de Paris.
II La portion congrue des vicaires, tant ceux qui font établis à présent, que ceux qui pourroient l'étre à l'avenir dans la forme prescrite par les ordonnances, séra aussi fixée à perpétuité à la valeur en argent de dix septiers de blé froment, mesure de Paris.
III La valeur en argent desdites portions congrues, sera & demeurera fixée, quant-à-présent; savoir, celle desdits curés & vicaires perpétuels à cinq cent livres, & celle desdits vicaires à deux cent livres; nous réservant, dans le cas où il arriveroit un changement considérable dans le prix des grains, de fixer de nouveau, en la forme ordinaire, les sommes auxquelles lesdites portions congrues devront être portées, pour être toujours équivalentes aux quantités de grains déterminées par les articles I & II de notre présent édit."
Notes du curé Huvier, registre paroissial de Cerneux 1768

Le curé de Saint Soupplets avait les moyens de retribuer un vicaire. Le bénéfice associé à cette cure était le plus important du doyenné d'Acy, dans le diocèse de Meaux. Les dîmes rapportaient en 1759 mille six cents livres, quatre fois plus que la cure la moins dotée, 400 £ pour le curé de Manoeuvre; la moyenne se situant vers 900 livres par an pour ce doyenné.
Pouillé du diocèse de Meaux AD77 J 186

On ne sait pas quel était le montant que le curé Meunier versait à son vicaire Huvier. Moins de deux cents livres, probablement car l'édit fixant la portion congrue d'un vicaire à cette somme ne fut promulgué qu'une vingtaine d'années après le (bref) passage d'Etienne Fare Charles à Saint Soupplets.

L'Almanach de Seine et Marne de 1894 consacre plusieurs pages au budget d'un curé de campagne en 1745, qu'il avait griffonné à la fin du registre paroissial de Chevrainvilliers, non loin de Nemours.
Il percevait la dîme en nature "six muids de blé froment, seigle et meteil : à 40 £. le seigle et le meteil, 3 muids font 120 £,. et 3 muids [froment] à 50 £. fait la somme de 150 £ ...270 £ de sept muids [d'avoine ?] tant avec ce que que j'ai uzé, à douze escus le muid, font la somme de ... 252 £; plus pour paille vendue ... 50 £"; douze livres pour le casuel, quatre vingts livres pour les messes d'obit, 40 £ pour les agneaux et oies, autant en vin. Il pouvait disposer de 754 livres, moins l'impôt des "décimes", les frais d'entretien de deux hommes et d'un cheval pour lever les dîmes... "Reste 350 livres pour la bonne chère du maître et des domestiques, et l'entretien du maître : il n'y a rien de trop."
Original : 5 Mi 8393 p 76 / Almanach de Seine et Marne 1894 AD77 Rev 697/34 pp 191/194

Un curé vivait chichement avec les trois cent cinquante livres restantes après les frais propres à la cure. Comment un vicaire aux finances bien moindres pouvait-il subister? "Quant aux vicaires, certains sont, au pied de la lettre, nus et meurent de faim." Lille 22 avril 1789
"Nombreux sont ceux qui ne peuvent survivre s'ils ne disposent pas d'autres revenus, notamment ceux que leur procure leur titre clérical ou plus généralement leur famille." Revue Nos ancêtres n°65

Le bénéfice de la chapelle Sainte Madeleine et le titre clérical de cent cinquante livres accordé par ses parents en 1745 ne semblaient pas suffire au jeune prêtre. Le "Journal" de son père, Charles Antoine, fait état d'au moins deux versements : "L'abbé a fait prendre chez mon frère par le fils de Courtois chirurgien St Souplets le 5 ou autre jour de février 1749 vingt quatre livres... 4 de juin Lagrive domestique de mon fils vicaire de St Souplets a reçu de mon frère douze livres."
Journal de Charles Antoine Huvier AD77 195 J 8



A noter que le jeune Huvier n'était pas dans la misère puisqu'il disposait d'un domestique nommé Lagrive, probablement chargé de l'entretien du ménage et d'un cheval. A noter aussi que dans aucune des transactions effectuées par la famille Huvier au cours du XVIII° siècle, il n'aura été fait mention d'une banque; pas plus que dans d'autres actes notariés où les versements se faisaient de la main à la main, ou au porteur...

 

 

"Le treizième jour de septembre mil sept cent quarante neuf vu les lettres données par monsieur l'abbé Garnier vicaire général de Monseigneur l'Evesque de Meaux du vingt huit du mois d'aoust dernier par lesquelles il nous envoie maître Joseph Humbert prêtre du diocèse dudit Meaux pour faire les fonctions de vicaire en cette paroisse [Quelques années plus tard, Joseph Humbert sera curé du Plessis au Bois]; je soussigné maître Etienne Meunier prêtre curé de ladite paroisse ay receu ledit maître Joseph Humbert pour faire en ma paroisse les fonctions de vicaire en foy de quoy jay signé le présent acte lesdits jour et an que dessus." Registre paroissial de Saint Soupplets en mairie

Etienne Fare Charles Huvier n'aura passé que quelques mois comme "vicaire paroissial" du curé Meunier à Saint Soupplets; dès la mi-août 1749, il recevra sa nouvelle affectation comme "vicaire desservant" à Marolles en Brie qu'il rejoindra un mois plus tard. Là, il pourra commencer à gouverner, presque seul, une paroisse...

 

  Suite : vicaire à Marolles