La piètre qualité des attelages de voituriers s'explique peut être par une certaine raréfaction à l'époque où les Thiérachiens se sont fixés en Brie, sous la Révolution et l'Empire. Les chevaux étaient pourtant très nombreux, en 1813: "les 130 départements abritent alors 3.500.011 équidés (1.268.909 chevaux, 1.393.521 juments et 837.581 poulains de moins de 4 ans) tandis que, chaque année, sont comptabilisées 280.320 naissances." mais l'Armée était grande demandeuse: depuis un seul cheval attribué à un lieutenant, sous-lieutenant ou capitaine d'infanterie de plus de cinquante ans, jusqu'à dix huit chevaux de selle, huit de trait, dix de bât et deux voitures pour un maréchal d'Empire... "La proportion s’établit globalement autour d’un cheval pour sept hommes, mais atteint un pour quatre en campagne, essentiellement par l’accroissement des capacités de traction." Cette citation et suivantes: Le cheval dans la Grande Armée Revue historique des armées n°249.
La Gendarmerie et l'Armée avaient besoin d'animaux fiables:
"Le cheval de selle doit être âgé de cinq à neuf ans, celui de trait de cinq à sept ans. Le fait de ne retenir que des chevaux âgés de 5 ans au moins permet en outre d'éliminer la question du dressage qui commence à trois ans ou 3 1/2 et s'achève normalement au cours de la quatrième année. Pour la cavalerie, on n'admet que des hongres et, au maximum, un tiers de juments "non pleines" (mais seulement un quart dans les trains)." La préférence pour des chevaux châtrés dura jusqu'à la fin de l'usage de la cavalerie dans l'armée; ainsi, pendant la seconde guerre mondiale, le paysan Grenadou rusait-il pour que ses chevaux ne lui soient pas confisqués par l'occupant: "Ensuite, c'est la réquisition des chevaux. J'avais un percheron d'un mètre soixante quinze, trop grand pour l'armée. Quant à mes Bretons, ils étaient entiers et ça déplaisait au militaires ; on ne leur menait que des chevaux hongres. Je l'avais fait un peu exprès." Grenadou paysan français

"Nos pays, qui fournissoient ordinairement le plus de chevaux, en sont aujourd'hui singulièrement dégarnis. Quelques personnes imputent à la guerre de la révolution notre dénuement actuel, et l'on ne peut contester qu'on n'en ait fait réellement une plus grande comsommation." Cours complet d'agriculture 1805
Des rumeurs de pénurie courent:
"Paris, le 19 floréal, an 2° de la République Française, une et indivisible. Les besoins de nos braves Armées ont exigé des levées extraordinaires de chevaux. Nos ennemis ont pensé que ne calculant que pour le présent, nous allions détruire à force de Réquisition l'espèce entière de ces animaux précieux, mais le désespoir seul se prive ainsi de toutes ses ressources ; et si la Loi du 15 Germinal a ordonné une nouvelle levée de chevaux pour le service des Armées, l'intention des Législateurs n'a point été d'en prononcer la destruction totale, ainsi qu'il résulteroit de l'interprétation que plusieurs communes donnent à cette Loi ; en conséquence le Comité de Salut Public a cru devoir ordonner que le choix des Municipalités ne pourra se fixer sur aucun de ceux destinés à la reproduction. Nous confions à votre patriotisme l'exécution littérale de cet Arrêté salutaire. Salut et fraternité." AD77 L372 verso du N°33

C'est une évidence: la guerre fait des morts, aussi bien du côté des hommes que de celui des chevaux. Même en mettant de côté l'hécatombe de la retraite de Russie (entre le 15 juin 1812 et janvier 1813, la cavalerie perdit 92% de ses montures), les pertes au cours des batailles pouvaient être conséquentes, par exemple, les effectifs et pertes hommes et chevaux le 25 fructidor an XIII, 14 septembre 1805, pour la première division de grosse cavalerie:

Forte de 150 officiers, 2574 sous officiers et cavaliers, cette compagnie a perdu 27 officiers, 60 sous officiers et 153 cavaliers (environ 10% de l'effectif). Cette cavalerie lourde comprenait au départ 2.448 chevaux. 759 d'entre eux manquèrent (environ 30%), pour la plus grande partie morts de fatigue (551 contre 166 tués et 42 pris par l'ennemi).

Lien vers: Revue historique des Armées: "le cheval dans la Grande Armée"

Après les massacres, il fallait trouver de nouveaux chevaux, quitte à diminuer le degré d'exigence; la taille au garrot minimale fut abaissée à 1,38 mètres pour équiper les éclaireurs. Suivant l'urgence, la fourniture en chevaux se faisait soit par achat de gré à gré, soit par réquisition. Ainsi, le 4 vendémiaire an VIII, eut lieu une "levée extraordinaire de chevaux pour le service des armées": recensement des chevaux de cinq à neuf ans dans tous les départements, achat "acquitté en numéraire et sans délai" du trentième des chevaux hongres, juments non poulinières, mules et mulets. En moyenne, la remonte de l'armée équivalait à la moitié des naissances des équidés, sauf années exceptionnelles. Pour 1812, la prévision était de 4.726 montures, mais après le désastre de la retaite de Russie, il aurait fallu "73.000 chevaux de selle et 52.000 de trait afin de recréer un outil militaire performant."

Pendant les rares périodes de paix, par souci d'économie, les chevaux de l'armée étaient placés chez des cultivateurs: "Le décret du 28 germinal an IX stipule par exemple que l’armée française conservera 19.100 chevaux de trait (15.100 pour l’artillerie, 3.000 pour les vivres et 1.000 pour les ambulances). Mais, sur ce nombre, 16.400 doivent être placés chez des particuliers qui les entretiennent et les utilisent jusqu’à réquisition."

Les Archives départementales de Seine et Marne conservent quelques dossiers sur la remonte pendant la période révolutionnaire, qui concernent principalement le district de Meaux, ainsi cette plainte d'un citoyen chez qui étaient placés trois chevaux "remplis de rouvieux", galeux, pleins d'escarres...
Citoyens. Le premier messidor (an 2), le citoyen Bernier de Villeneuve s'est présenté à la maison commune pour requérir la Municipalité, afin qu'elle se transportasse pour faire la visite des trois chevaux désignés sous les n° 118, 119 et 120. En conséquence, nous nous y sommes transportés, accompagnés du citoyen Mauberquier maréchal ferrant en notre commune, lequel après la visite desdits chevaux, nous a déclarés qu'ils étoient remplis de rouvieux par tout le corps, et qu'il ne pouvoit pas entreprendre de les penser (panser) a moins qu'il n'y est une visite d'expert ordonné par l'administration du District de Meaux. Voyez citoyens ce que vous jugerez a propos d'ordonner a ce sujet. Nous sommes avec fraternité vos concitoyens. Vive la République une et indivisible.
AD77 L 426

Pas de chevaux placés chez les voituriers, pas non plus de réquisition, leurs Rossinantes n'étant pas aux normes de l'armée. Au contraire, comme on le verra plus loin, la fourniture de bûches pour la provision de Paris fut prioritaire sur les travaux des champs, et des attelages de cultivateurs furent détournés pour l'approvisionnement en bois de la capitale.
 

Les voituriers par terre /16
Chevaux

Hu dada! Hu dada
Su' le p'tit q'va d'sin papa!
Il a tant mangé d'aveine
Qu'il a tout perdu s'n haleine
Hu! Hu! Hu! Hu! Dada!

Les voituriers thiérachiens avaient apporté du Nord leurs attelages et leurs chariots. Les chevaux étaient qualifiés de "ragotins" par les Briards: "Ragotin: cheval de taille moyenne, mais solide, bien fait, nerveux." Ainsi les décrivait Auguste Diot vers 1930 : "Ils avaient des petits chevaux ragotins se dispersant dans la forêt pour chercher leur nourriture et rappliquant au galop auprès de leur maître lorsque celui-ci les rappelait en lançant des coups de sifflet entre ses doigts." En 1870, Félix Bourquelot parlait des "Thiérachiens: Charretiers qui mènent à Provins le bois de la forêt de Chenoise dans de longues voitures traînées par de petits chevaux à demi-sauvages, vivant dans la forêt et ne connaissant guère l'écurie." Cette définition a été reprise avec une légère variante dans les Dictons de Seine et Marne en 1873: " C'est le nom donné aux voituriers qui transportent les bois de Chenoise à Provins, et ce, à l'aide de longues voitures tirées par six ou huit petits chevaux à demi- sauvages, vivant comme leurs maîtres, dans les fourrés de la forêt qui avoisine le village précité."

Dans chacun de ces témoignages, les chevaux pâturent tranquillement dans les fourrés: "des Particuliers faisoient pâturer journellement plus de 60 chevaux dans les Bois de leur Abbaye, dont ils brouttoient les rejets" Hermières 1740 ce qui était strictement interdit par la tradition paysanne d'où conflit, procès... "dresser Procès verbal de l'abroutissement des rejets" que les propriétaires ne gagnaient pas toujours, les Thiérachiens, fournisseurs de bois pour Paris étant protégés, sous l'Ancien Régime par Lettres Patentes. En 1753 : "ils continueroient de faire paccager leurs Chevaux & Bœufs dans les Pâtures, Chaumes, Prez fauchés & Terres, après la Récolte, conformément à l'ancien usage; fait deffenses à tous Particuliers de troubler les Voituriers dans lesdits Paturages; & ausdits Voituriers de causer dommage dans les héritages en valeur. "

Quelques années plus tard, les temps avaient changé, suivant les plaintes révélées par les Cahiers de Doléances de 1789 "Police des campagnes, article 16: Les voituriers et les conducteurs de bestiaux, et spécialement les étrangers appelés Tirachiens ne pourront mettre leurs chevaux et bestiaux en pâture sur les terres ni dans les prés et bois, à peine de forte amende" Tiers Etat de la prévoté et vicomté de Paris hors les murs
Cependant, les Thiérachiens de Brie avaient conservé leurs habitudes, ainsi, en brumaire de l'an IX, le garde forestier des Montils "a trouvé six chevaux et juments sous différents poils et âges qui étaient à traverser et à l'abandon dans un bois taillis de la coupe dernière... dans laquelle partie de bois, lesdits chevaux et juments ont commis un délit considérable" ainsi que quatre boeufs appartenant à un autre voiturier. Jugements de simple Police, Nangis AD77 UP 2314
En 1818/19, en plus des dettes qu'il avait chez le maréchal ferrant Debrosses, 45F, les boulangers Chéron, 48F et Sandrin, 23F, le tuilier Tellier, 12F qui avaient porté plainte auprès du juge de paix du Châtelet en Brie, le voiturier Charles Chesnot comparaissait pour divagation de cheval: "un cheval ongre sous poil gris souris appartenant à Cheneau par lui reconnu a été trouvé ledit jour à deux heures du matin paissant à l'abandon dans une pièce de trèfle appartenant au sieur susdit ce champ non dépouillé de sa récolte." Rabourdin, cultivateur aux Granges et maire de Courtry demandait 50 francs, il n'en obtint que quatre. Justice de paix du Châtelet 100 W 302

Doc: plaintes contre les Thiérachiens

"Thiérachiens: c'est une population que l'on rencontre dans la Brie où elle vit à la manière des Bohémiens... A la moindre alerte, un coup de sifflet se fait entendre, tous les chevaux se rassemblent et les Thiérachiens décampent en un clin d'oeil." Ainsi étaient décrits hommes et chevaux dans l'Histoire des races maudites de France et d'Espagne en 1847. Délurés et obéissants, tels étaient les chevaux tirachiens dans tous les témoignages en Brie, c'est à peu près tout ce que l'on sait de ces bêtes, à part que, plus d'un siècle après l' installation des Thiérachiens en France, leurs chevaux sont qualifiés de petits et "ragotins" dans la région de Chenoise. Quels étaient les chevaux des Tirachiens quand ils arrivèrent en France ?

On peut imaginer que ces "charrons" (ils se nommaient ainsi entre eux, mais aussi rouliers, blattriers, blatiers, bossons...) originaires de Momignies, à la limite de la Belgique, des départements du Nord, de l'Aisne et des Ardennes, ont attelé à leurs chariots les chevaux locaux, des Ardennais, comme on en voit encore travailler dans les forêts proches. S'agit-il du même animal qualifié de "rouleur belge" auquel les éleveurs du XIX° siècle faisaient si mauvaise réputation (rouleur et belge, les deux mots pouvaient s'appliquer aux rouliers de Momignies et à leurs chevaux) :

"La tête forte, volumineuse, les yeux peu saillants, l'oreille longue ; mal plantée, flasque dans ses mouvements. Le cou assez court, épais, la crinière bien fournie, mais d'un fil gros et rude au toucher. Les épaules couvrant beaucoup trop l'avant-bras, cet avant-bras large, le genou généralement mal placé, le canon large fourni de poils nombreux. L'attache du boulet longue, le sabot assez bon mais manquant de talon. Le corps volumineux, le ventre descendu, la poitrine assez large, l'épine dorsale enfoncée, les hanches saillantes, la côte plutôt plate que ronde, les flancs généralement longs. La croupe haute vers les hanches, très-aplatie vers la queue, celle-ci attachée beaucoup trop bas. Les cuisses larges, le jarret trop court, droit et charnu. La peau épaisse, la marche lente et lourde.
Caractère doux, facile, bon ouvrier, peu sujet aux maladies, ce qu'il faut surtout attribuer à la bonne qualité presque générale des fourrages produits dans le département, ainsi qu'à un travail toujours modéré. La couleur prédominante était l'alezan lavé."
Et aussi :"... le rouleur belge qui lui même n'est qu'un rebut..." Et encore: "Le rouleur belge est le plus mauvais de beaucoup."
Dénigrant le Rouleur belge, la Société d'Agriculture de la Marne essayait d'imposer le Percheron: "C'est dans le Perche que se firent les achats, l'honorable M. Gayot-Du-Fresnay secondé par un des membres du Comice s'y rendit à plusieurs reprises. Les reproducteurs étaient revendus dans chacun de nos arrondissements et jamais dans la même commune. De cette sorte l'étalon se rapprochait de la jument et venait ainsi se substituer en partie au rouleur belge. " Il en était de même en Seine et Marne: "Une concurrence nuisible à l'amélioration de la race avait été faite jusqu'alors dans le département par les rouleurs belges. Dans le but de l'atténuer, on fit circuler trois étalons dans les divers arrondissements."

Sources sur le rouleur belge: Journal d'agriculture pratique Volume 3 / 1868
Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne / 1857

Documents officiels, statistique, rapports, comptes rendus de missions en France et à l'etranger, Volume 1
Le département de Seine et Marne 1800/1895 d'après les documents officiels notamment les délibérations du Conseil Général

Voici deux cents ans, il en était du prix des chevaux comme de celui des voitures de nos jours. Peut-on imaginer que le prix moyen d'un cheval pourrait être calculé sur les montures de Napoléon? "Parmi les achats effectués pour l'Empereur, citons, entre autres, celui fait en avril 1808 par le général Sébastiani pour un total de 25.989 F, pour sept chevaux ayant nom : Arabella, Babylonien, Euphrate, Hahim, Harbet, Helavert et Héricle" Napoleon.org Trois mille sept cent francs en moyenne, ça vous met le dada au prix de la Ferrari.
Les comptes de l'armée nous donnent une indication plus raisonnable du prix des chevaux, variable suivant la taille: 1 mètre 56 au garrot pour les cuirassiers et carabiniers, de 1,52 à 1,56 m pour les dragons et l'artillerie à cheval, de 1,50 à 1,52 pour les chasseurs et hussards, depuis 1,38 à 1,50 pour les éclaireurs. Un cheval de trait devait mesurer de 1,49 à 1,54 m. et un mulet devait être compris entre 1,54 et 1,57 m.
".. le prix des chevaux, taille de cavalier, n'excédera pas 1000 livres, taille de dragon 900 £, taille de chasseur et hussard 800 £ et pour les charrois 1000 £. " AD77 L 426 Remonte documents du district de Meaux, an II n°6
Près de Villefermoy, on a une estimation du prix des bêtes à la foire Saint Maurice de Blandy en 1825: il s’est vendu à la foire " 2 chevaux de la première taille pour labour et charroi, à 5 pieds 2 pouces de garrot, âgés de 3 à 4 ans, dans le prix de 7 à 800 francs; dans le même prix, des chevaux de luxe, pour le cabriolet ou la selle; dans la taille de 4 pieds 5 pouces de garrot des chevaux de labour, âgés de 3 à 4 ans, au prix de 450 à 500 francs, et, dans le même prix, des chevaux bretons pour la poste; enfin de jeunes poulains et pouliches âgés de 20 à 30 mois dont les prix roulent entre 75, 100 à 120 francs." Blandy, pages d’histoire d’un village AD77 1998 bonjour à Jean Capillon

De nombreux actes font mention de vente de chevaux entre Thiérachiens, comme celui passé en 1778 à la Chapelle Gauthier pour un cheval acquis à Mortcerf que le voiturier paiera à crédit: "... fut présent Jean Louis Collignon voiturier par terre demeurant à Morcerf lequel à par ces présentes reconnu devoir bien et légitimement à Joseph Pescheux aussi voiturier par terre demeurant ordinairement à Montmigny Province Henault étant présent à ladite Chapelle ... la somme de cent quatre vingt livres que ledit Collignon lui doit pour la vente d'un cheval ongre sous poil rouge brun, or d'âge, faite par ledit Pecheux audit Collignon ... laquelle somme il promet et s'oblige de payer audit Pescheux aud. par lui élu chez le sieur Devin le jeune aubergiste à ladite Chapelle ou au porteur le jour de la saint Martin d'hiver onze novembre de la présente année.."
Minutes du notaire Baticle la Chapelle Gauthier AD77 273 E 23

Quelquefois, un voiturier pouvait servir d'intermédiaire entre deux autres Thiérachiens, comme dans cet acte de 1791: "Fut présent S. Joseph Germain voiturier par terre demeurant à la Chapelle Gauthier, chez le S. Devin le jeune aubergiste demeurant audit lieu Lequel à par ces présentes cédé transporté & abandonné de cejourd'hui, avec promesse d'en faire jouir & garantir de tout empêchement généralement quelconque à Jean Baptiste Delchande aussi voiturier demeurant ordinairement à Montmigni pays Henault et étant ce jour à ladite Chapelle Gauthier à présent acquéreur ce acceptant. L'effet et droit d'un billet de la somme de cinquante une livres qui reste à payer sur plus grande somme dont va être parlé, qui lui à été cédé par Pierre Houdion voiturier demeurant à Dammartin sous Tigault en datte du premier aoust mil sept cent quatre vingt dix... un autre billet de cent cinquante livres fait par Philippe Benson au profit dudit Houdon, en datte du douze novembre mil sept cent soixante dix sept...."

Jai souscigné reconnoit aitre redevable de la some de saintquante et une livre dont je promet pejer a pierre audions residant a dont martiens sur tigaut a la saint jans baties de lannait de 1778 fait a maux le 12 nauvembre 1777 Philippe Benson

Je donne moi pierre houdion plin pouvoir a Joseph Germain thirachien de recevoir la somme de cinquante et une livre dû par philipe Benson portée par ledit billet fait le premier aous mil sept cent quatre vingt dix" minutes du notaire Baticle la Chapelle Gauthier AD77 273 E 23 n°114

Les inventaires après décès et les ventes aux enchères qui suivent donnent une indication de la valeur des attelages. On est loin des prix pratiqués couramment. Le cheval hongre acheté pour cent quatre vingts livres à Mortcerf fait figure d'exception. Ainsi, le jour de Noël 1803, lors de la vente aux enchères suite aux décès du fils Etienne et de son père, Louis Dupin, voiturier "thiérachien" bien que né à Bréau, proche de la Chapelle Gauthier, les chevaux sont partis à un prix ridicule: estimés 122 francs, cinq juments et un cheval ongre avec leurs harnais ont péniblement atteint la somme de 126,50 , même pas le prix demandé par le citoyen Lahouë pour deux mois de gardiennage de l'attelage "Au citoyen Lahouë pour la garde des chevaux depuis le décès 132 F". Il faut dire que le citoyen Lahouë (Lahoust, Lavout) était le gendre du défunt et grapillait peut être un peu sur le très maigre héritage: "Déclare ladite veuve Dupin qu'elle n'a aucuns deniers comptant... sur le montant desquelles sommes, il sera pris par préférence les droits d'apposition de scellés, acte de curatelle, inventaire et procès verbal de vente.." minutes du notaire Baticle AD77 273 E 28
"Item une jument sous poil noir garnie de son collier et trez mise à prix à huit francs par le citoyen Meunier et après enchères lui a été adjugé dix francs." Le citoyen Meunier, voiturier, s'est porté acquéreur de quatre Rossinantes et du chariot (120 F) le tout pour environ 200 francs. Quelques années plus tard, il faisait une joyeuse culbute en vendant un chariot, sept juments et un poulain pour mille quarante francs à Edme Tissot, scieur de long du Forez installé aux Montils, qui se convertissait en voiturier. minutes du notaire Tartarin AD77 273 E 31, 1809

Succession Nival 1803
Item un cheval sous poil rouge hors d'âge avec son collier et traits en fer prisé cent francs
Item un autre cheval sous poil rouge hors d'âge avec son collier et traits prisés ensemble soixante douze francs
Item un autre cheval sous poil jaune avec son collier et traits prisés ensemble soixante douze francs
Item un autre cheval sous poil rouge marqué en tête hors d'âge avec son collier et traits prisés ensemble quatre vingt dix francs
Item un autre cheval sous poil rouge âgé de six ans avec son collier et traits prisés ensemble soixante douze francs
Item une jument sous poil rouge hors d'âge avec son collier et traits prisés ensemble quatre vingt dix francs
Item un poulain âgé de deux ans prisé trente six francs
Item une fourche en fer, une échelle prisés ensemble
Item deux paires de poulles prisées à raison de un franc cinquante la paire revient à trois francs

Sucession Pupin 1808
Un cheval noir hors d'âge estimé vingt francs
un autre cheval rouge brun aussi hors d'âge estimé soixante francs
une jument sous poil noir hors d'âge estimée quarante francs
un autre cheval souris âgé de sept ans estimé soixante douze francs
une jument sous poil gris bleu âgée de cinq ans estimée soixante douze francs
un autre cheval sous poil noir âgé de cinq ans estimé soixante dix francs
une pouliche sous poil noir âgée de trois ans estimée cinquante francs
un cheval sous poil gris rouge étant borgne aussi hors d'âge estimé vingt francs
une jument sous poil gris âgée de cinq ans estimée vingt cinq francs
et un petit poulain d'un an sous poil baillard estimé dix francs

L'estimation devait être un peu basse lors de l'inventaire après décès de Nicolas Pupin, les enchères sont grimpées car plusieurs voituriers se disputaient l'attelage, sans pour autant atteindre le prix habituel d'un cheval de labour:
"un cheval sous poil rouge brun hors d'âge faisant le numéro vingt sept de l'inventaire adjugé et livré après plusieurs enchères à Nicolas Ledoux, voiturier travaillant dans la forêt de Villefermoy pour cent un francs avec ses harnoys"
"une jument gris bleu pour cent un francs à Jean François Lecoyé, Beauwelz canton de Chimay, arrondissement de Charleroi, département de Jemmapes." Jean François Lecoyé (Lecoyer) était venu de Momignies avec Antoine Bourguignon, gendre du défunt pour régler la succession. Ils sont restés une quinzaine de jours et Jean François est reparti avec plusieurs chevaux (une jument sous poil noir à 104 F, le cheval borgne poil gris rouge pour 66 francs et le chariot pour 160 F). J.F. Lécoyer est-il J. Lecollier qui assistait aux funérailles du père de Philippe Badoulet en 1782 à la Chapelle Gauthier?
"Un cheval noir hors d'âge" acheté par René Lazarre Michel Cottance, voiturier à la Chapelle Gauthier pour 18 francs
Chez Huot (Huaux), on achète en famille: Jean, voiturier à "Anor canton de Trelon, arrondissement d'Avesnes, département du Nord demeurant à la Chapelle Gauthier en la forêt de Barbeau" prend le cheval noir de 5 ans pour 131 francs, Jacques, voiturier à "Beauwelz canton de Chimay, arrondissement de Charleroi, département de Jemmapes, étant à la Chapelle Gauthier, travaillant dans la forêt de Villefermoy" repart avec une pouliche noire de 3 ans et le poulain pour 27 francs.
Louis Dupont, à ses heures voiturier, ce jour-là cultivateur aux Grandes Loges d'Echou-Boulains, avait remporté les enchères pour un cheval souris (163 francs) et une jument grise qui avait atteint la plus forte somme de la vente: 202 francs. Dommage pour la succession, Louis Dupont n'a pu régler comptant ses deux chevaux qu'Antoine Bourguignon, exécuteur testamentaire a finalement réservés.

D'autres voituriers et des habitants des villages voisins ont participé à la vente aux enchères après le décès de Nicolas Pupin, ils se sont partagé ses maigres possessions, par exemple, Jacques Cornuet (d'une famille qui existe encore à la Chapelle Gauthier) a acheté "une culotte de panne, une vieille culotte de drap bleu, une paire de souliers" pour 2,35 francs; Nicolas Roubault a payé 4,35 F pour un lot comprenant "une mauvaise chemise, un torchon, un mouchoir, un bonnet de coton, une culotte de grosse toile, une serpillère de même toile".
Mais tous les chevaux ont été acquis par des voituriers. Est-ce parce que les bêtes des Tirachiens ne convenaient pas aux paysans briards, ou bien qu'ils n'avaient pas assez d'argent sonnant et trébuchant pour les acheter (jardins, petits champs et menu élevage permettaient au plus grand nombre de subsister mais pas de dégager beaucoup de liquidités) ou bien encore, existait-il une "mafia tirachienne" qui voulait que les affaires de voituriers se règlent entre voituriers ?

Les voituriers ont acheté tous les chevaux et pas bien cher, car certains n'étaient pas bien beaux. On ne compte plus les chevaux "hors d'âge", dont "une jument sous poil jaune hors d’âge, ayant le pied gauche de devant tourné" , canasson borgne et que sais-je encore? Pas bien beaux, pas bien chers, les chevaux des voituriers devaient tout de même être très efficaces, sinon, le groupe des Tirachiens n'aurait pas réussi à presque monopoliser la "vuidange" des bois en Brie.

Doc: actes de succession de Thiérachiens

  Les passeports, page des choix
  Retour: dans les forêts d'Ile de France /2

  Suite: débardage et chariots


   Courrier