Maçons limousins à la Chapelle Rablais /17
Jean & Pierre Boucher

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Arrivé en Brie en 1838, Jean Boucher (1796/1880) est à l'origine d'une lignée de maçons qui a perduré jusqu'à la fin du XX° siècle. Pourquoi la Chapelle Rablais plutôt qu'une autre destination? Probablement parce que des maçons, parmi sa famille ou ses relations, avaient déjà opté pour ce point de chute. Peut être les Menut, dont on a exposé les liens avec le maçon Delisle à la page précédente. Des liens Menut/Boucher sont avérés: Louis, frère de Jean Boucher, avait épousé en secondes noces Jeanne Menut, en Creuse. D'autres Menut: Jean, Jacques, Joseph, Pierre... étaient présents en Brie quand Jean Boucher décida de migrer avec son fils Pierre.

Liens familiaux et relations entre maçons limousins en Brie

Mais d'autres Boucher, ou affiliés, avaient été présents dans la région; les sources les identifient tous comme Limousins.
A Bréau, à dix kilomètres de la Chapelle Rablais, le 15 juin 1789:
"Jacques Boucher, maître maçon limousin demeurant dans cette paroisse depuis plus de vingt cinq ans est mort du jour d'hier d'une fièvre putride muni des sacrements de l'Eglise agé de cinquante six ans et en présence de Léonard Boucher fils du défunt qui a déclaré ne sçavoir signer..." Registre paroissial Bréau AD77 5 Mi 2507

Dans la même paroisse, quelques années plus tard, le 10 floréal an II, en présence de son frère Binjamin, décède Antoine Rouffinet "en la commune de Bréau où il faisait l'état de maçon, natif de Marsac", dans la Creuse où Antoine et Binjamin avaient épousé le même jour, le 25 février 1783, deux soeurs Boucher, Marie et Françoise. Etat civil de Bréau, AD77 5 Mi 2507 / Registre paroissial de Marsac AD23 4 E 145/2

A la Chapelle Rablais, le 13 juillet 1793, décède Léonard Aucomte âgé d'environ 47 ans, époux de Jeanne Gallateau de la paroisse de Grand Bourg de Salagnien (Grand Bourg de Salagnac) "lequel travaillait en cette paroisse du métier de maçon depuis environ trois semaines" son inhumation a été suivie par six maçons, la plupart d'origine limousine, dont un Pierre Boucher.
État civil la Chapelle Rablais 5 Mi 2829

Les Boucher, Bouché, Bouchet... sont fort nombreux en Creuse, le site Gen23 (hélas clos, voir maintenant le site Généalogie 23) en recensait près de 2.500; par manque de preuves, on ne peut s'aventurer à assimiler ceux qui laissèrent des traces en Brie au XVIII° siècle avec les ancêtres de Jean et de Pierre qui s'installeront près de quarante ans plus tard à la Chapelle Rablais, mais il est fort possible qu'ils aient eu un lien.

Lien vers le site Généalogie 23

Comme pour d'autres maçons creusois venus à la Chapelle Rablais, la famille de Jean Boucher n'était pas parmi les plus riches. Aurait-il été propriétaire, son père, François, n'aurait pas changé si fréquemment de ferme. On le suit avec son épouse Marguerite Curet (petites maisons rouges) dans la paroisse d'Arrènes, à Galènes en 1787 et 1789; puis à Aussagne où naît Jean en 1796; au bourg d'Arrènes, 1809; puis à la Fosle en 1811. Il termine, en 1817, au domaine de la Vedrenne, commune de Mourioux, où il décède l'année suivante. Il était journalier, ou au mieux "métayer collon" comme à la Vedrenne.
Les petites maisons vertes suivent le parcours de Jean, d'ouest en est. D'Aussagne, il passe au Theil; puis, dans la commune de Mourioux, à Vieilleville puis à la Bétouillère où il resta dix ans.
Frères, soeurs et gendres suivaient leurs parents ou leurs beaux-parents: Pierre Boucher, jeune marié, résidait comme ses parents au village de la Fosle où il décéda. Léonarde Boucher et son époux Jean Roillette (Roulette, Rochette...) étaient à la Vedrenne en même temps que Léonard Boucher. Comme Jean, son frère Louis demeurait au Theil en 1824, village de naissance de son épouse, puis s'installa à Sarrazines, lieu de résidence de sa seconde épouse, Jeanne Menut.

La carte de Cassini sur le site "Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui"

La famille Boucher était soudée; d'autant plus que deux frères s'unirent, le même jour, avec deux soeurs, le 7 février 1809: Pierre Boucher, 21 ans à l'époque, épousa Léonarde Grandpeix, 21 ans, et Louis, de deux ans plus jeune, se maria avec Marguerite, 17 ans. Les deux filles étaient mineures. Leur tuteur était François Boucher, père des époux; le tuteur subrogé, chargé de contrôler la gestion dudit tuteur, était Léonard Grandpeix, frère aîné bien plus âgé, 36 ans l'année du mariage.
Les liens étaient d'autant plus forts que, comme pour la famille Dubreuil à la page précédente, deux rejetons de la famille recomposée de Louis s'épousèrent. Léonarde, fille de Louis Boucher et de sa première épouse Marguerite Grandpeix épousa en 1833 Pierre Collin, né de la seconde épouse de Louis, veuve d'autre Pierre Collin; tous deux avaient dix neuf ans et avaient vécu ensemble depuis l'âge de treize ans.

Mourioux 4 E 161/10

N'aurait-on point déjà vu cette illustration ?
Et on la reverra !

Cette belle union fut brisée en quelques mois, non par mésentente, mais par accumulation de décès...
Les parents étaient décédés depuis quelques années, Marguerite "Curette" en 1817, Jean Boucher, l'année suivante. L'aîné de leurs enfants, Pierre, était mort bien avant eux, à l'âge de 23 ans en 1811.
Les décès sont concentrés sur les années 1837/1838: en janvier 1837 décède le second frère de Jean: Louis puis, en décembre, la seconde épouse de ce dernier, Jeanne Menut (de même qu'Antoinette, la fille de Jean Momet et de Léonarde Cadillon, voir les pages qui leur sont consacrées).
Encore en décembre 1837, c'est Marguerite Longeaud, l'épouse de Jean qui meurt. Les décès à Mourioux ont été tellement nombreux en cette fin d'année, que l'officier municipal dut utiliser les marges, faute d'espace vierge dans le registre; ci-dessous: l'acte de décès de Marguerite Longeaud, et les mentions marginales..

L'année suivante, 1838, fut encore plus meurtrière. Les décès s'élevèrent au nombre de soixante sept pour la commune de Mourioux, plus du double de la moyenne, 31 inhumations par an pour la période 1830/1850. La série fatale continua, chez Jean Boucher. En l'espace d'une semaine, quatre de ses cinq enfants décèdent, réunis sur cet extrait des tables décennales. AD23 Etat civil de Mourioux 4 ETD 26/4
Le 31 mars 1838, décède Jean, six ans, prénommé Pierre à sa naissance en juillet 1832; mort le 3 avril, inhumé le 4, François dix ans et demi, né en septembre 1828; le 7 avril, enterré le lendemain, un autre François né en août 1835, le 7 avril, transcrit le 9: Louis né en novembre 1830.

"En Limousin, nous sommes rarement atteints par ces maladies qui s'annoncent à grand bruit... et qui déciment les populations où elles s'arrêtent. Nos épidémies sont plus modestes, elles ne s'appellent ni choléra ni typhus; elles se nomment fièvre typhoïde, croup, angine, variole, dysenterie, fièvre charbonneuse et pleuro-pneumonie"
Conseil d'Hygiène de la Haute Vienne en 1865

La variole avait marqué plusieurs maçons creusois venus limousiner à la Chapelle Rablais: Denis Lambert, Léonard Le Roudier, Barthélémy Momet... Sur leurs passeports, à "signes particuliers", est noté "marqué de petite vérole".

La dysenterie est la cause la plus probable de ces décès. L'épidémie ayant frappé Bénévent en 1834 est restée dans les annales. Mourioux, Aulon et Ceyroux virent leur mortalité exploser en 1838, par contre les villages proches de Marsac et d'Arrènes ne semblent pas avoir été atteints par la maladie.

Doc: les décès 1830/1850 autour de Mourioux

Jean Boucher ne figure pas comme témoin sur les actes de décès, il ne semble pas avoir été présent en Creuse en décembre pas plus qu'au début du printemps. Etait-il maçon ? ses enfants sont tous nés en été ou à l'automne, comme ceux des migrants, bien qu'il ait souvent été qualifié de "cultivateur".
Qu'il n'ait pas été signalé comme déclarant ou témoin sur les actes de décès ne prouve pas son absence:
"un époux n'assistait point aux funérailles de l'autre. Il en était de même d'un père qui n'assistait jamais aux obsèques de son fils; il n'en portait point le deuil, parce que, disait-on, la mort avait interverti l'ordre de la nature." Aujourd'hui encore, m'écrit-on de la région de Châlus, un veuf n'assiste pas à l'enterrement de sa femme; le père et la mère ne suivent pas le cortège funèbre de leur premier enfant. D'ordinaire, c'est la veuve et le plus vieux de la famille qui gardent la maison."
René Fage, début XX° s. dans "Folklore limousin" ed CPE

Qu'il ait été présent ou absent, qui s'occupait des cinq enfants orphelins de mère pendant qu'il travaillait? Probablement un membre de la famille, comme souvent. Du côté Boucher, les parents étaient déjà morts: le père en 1818, la mère l'année précédente; de même que deux frères: Pierre, l'aîné en 1821, sa veuve, remariée à Silvain Pouillaud résidant au village de Lavaud Vergnaud; Louis et son épouse avaient été emportés par l'épidémie. Resterait la soeur Léonarde, épouse Roillette (souvent appelé Rochette) qui résidait à la Védrenne, en même temps que ses parents, mais dont on perd la trace après 1820.

Sur l'acte de décès de Marguerite Longeaud, épouse de Jean Boucher, les témoins étaient Pierre Peyrot, cultivateur à Laget, en famille avec la mère de la défunte, et François Tixier, qui sera aussi présent pour les déclarations des quatre petits. C'était l'oncle du côté maternel des enfants, ayant épousé Léonarde Longeaud, soeur de leur mère. L'oncle Tixier, si présent sur les actes s'occupait-il des enfants en l'absence de leur père? Comme tous les membres de la famille déjà cités, il n'habitait pas le village où sont décédés les enfants: la Bétouillère, résidence de Jean Boucher, mais Masboudet. L'oncle Tixier mourut aussi en 1838.

Par contre un autre témoin revient à chaque fois dans les actes de décès des enfants et celui-ci réside à la Bétouillère: Jacques Tétard, 41 ans, cultivateur. Il ne semble pas avoir de lien familial direct avec la famille Boucher. Il s'est pourtant dérangé quatre fois, depuis le hameau de la Bétouillère, en passant par Masboudet pour prévenir l'oncle Tixier, qui l'accompagna jusqu'à la mairie de Mourioux à près de quatre kilomètres de la Bétouillère.

De la Bétouillère à Mourioux, en passant par Masboudet, sur la carte de Cassini
Jean Boucher était-il présent à la Bétouillère en 1837/1838, travaillait-il au loin? dans ce cas, comment a-t'il été prévenu, quand serait-il revenu en Creuse régler ses affaires, pour quitter définitivement le Limousin en emmenant son seul enfant rescapé, Pierre?
Comme il n'avait pas l'intention de repartir, il n'a pas déposé son ancien passeport à la mairie de la Chapelle Rablais; on ne saura donc rien de ses déplacements que ce document aurait permis de suivre. Avant de retrouver Jean le père et Pierre le fils, en Brie, suivons le parcours hors du commun de la future épouse de Jean.

Adélaïde Coutant, à l'âge de vingt cinq ans, demanda un passeport pour l'Intérieur pour se rendre, seule, en Belgique...

Dans une société où "la femme en se mariant tombe sous la puissance de son mari", on conçoit que la place d'une épouse n'est pas sur les grands chemins. C'est pourquoi, sur les quatre vingt onze personnes différentes ayant demandé un passeport à la Chapelle Rablais entre 1807 et 1857, seules quatre étaient des femmes, quelques autres ayant partagé le document de leur conjoint.
"Tous les passeports sont individuels; le mari, la femme et les enfants au dessous de seize ans peuvent toutefois figurer sur le même passeport, mais non les domestiques."

Grande encyclopédie 1893 tome 26

Trois épouses de maçons figurent sur les passeports de leurs époux. Elisabeth Amable Forest partageait aussi la vie nomade de Pierre Victor Lasserre, son mari cordonnier rémouleur lorrain qui passait environ un mois dans chaque canton où il travaillait.

Dossier: cordonniers rémouleurs de Lorraine à la Chapelle-Rablais

Trois marchandes foraines établies dans le hameau des Montils ont pris la route, dans les années 1830, soit seules, soit accompagnées de leur époux.
Elles ont à peu près le même âge, nées entre 1790 et 1795, habitent le même hameau; on les retrouve dans les mêmes lieux: si Véronique Cumont, épouse Soleil, marchande de sangsues, ne demande un passeport que pour se rendre officiellement à Mormant, à 13 kms, les visas au verso prouvent qu'elle est passée à Orléans, Pithiviers, Versailles, Arpajon, Corbeil...
Mantes, Pithiviers, Orléans ont été, la même année 1832, les destinations prouvées d'Anne Sylvie Fourrey. Un chapitre est consacré à ces foraines, où l'on découvre leurs étranges métiers: marchandes de bagues de St Hubert censées préserver de la rage, marchandes de sangsues, marchandes de balais, mais aussi indigentes et mendiantes...

Dossier: les marchandes de bagues de Saint Hubert à la Chapelle-Rablais

On comprend que des marchandes de bagues miraculeuses aient pris la route pour aller de foire en foire, mais qu'allait faire Adélaïde Elisabeth Coutant, jeune veuve de vingt cinq ans, à Anvers dans le tout nouveau Royaume de Belgique? Aucun rapport avec les voituriers thiérachiens, auxquel un autre chapitre est consacré, et qui venaient plutôt du Hainaut.

Dossier: les voituriers thiérachiens

Une toute petite femme, un mètre cinquante (quatre pieds six pouces), le teint coloré et les yeux jaunes, demande pour la première fois un Passeport pour l'Intérieur le 26 octobre 1838. Elle est connue au village, puisqu'aucun témoin n'a été nécessaire pour confirmer son identité. Adélaïde est née à Bombon en 1813 d'un père originaire de Grandpuits à 10 kms. Son grand père, né à Villenauxe la Grande, une cinquantaine de kilomètres, était garde champêtre à Fontenailles. Entre la naissance d'Adélaïde, 1813, et celle de sa soeur Marie Anne Florentine, 1822, la famille a déménagé de Bombon pour la Chapelle Rablais à une douzaine de kilomètres. Tout ceci ne fait pas de la famille Coutant des voyageurs au long cours, mais montre qu'ils n'étaient pas attachés à un lieu, à une terre, pas plus qu'à un métier: le père d'Adélaïde fut manouvrier, puis garde particulier: son agrément, comme conservateur en qualité de garde fond champêtre des propriétés de M. Le Comte de Latour Maubourg, figure dans le registre des délibérations du Conseil municipal de la Chapelle Rablais, le 1° mars 1830; il fut ensuite aubergiste, puis à nouveau garde particulier à sa mort à l'âge de 72 ans; tandis que son épouse, sans profession, en 1833, était cabaretière en 1838. Aux Montils, Jules Etienne Tancelin, cabaretier, logeait aussi scieurs de long et voituriers en bois. La jeune Florentine Coutant soeur d'Adélaïde, épousa, quelques années plus tard, un autre Tancelin, Savinien Rémi, qu'elle laissa rapidement veuf. Elle mourut à 24 ans. (La famille Tancelin figurait dans les registres paroissiaux avant 1750 et existe encore aux Montils)


Traces d'Adélaïde Coutant

Adélaïde Coutant épousa en 1833 Marie Henry Alphonse Delaunay, brigadier des gardes des forêts de la Couronne, demeurant au hameau des Montils, né à Paris, dans le XII° et dernier arrondissement d'alors, le 8 ventôse an X (27 février 1802). Le père d'Adélaïde qui fut manouvrier à Bombon, était alors garde particulier aux Montils. Adélaïde avait vingt ans, Marie Henry Alphonse n'était pas beaucoup plus âgé. Une petite fille, Clémence Florence, naquit bientôt, le 2 février 1834. Marie Henry Alphonse Delaunay mourut deux ans seulement après son mariage, le 19 mars 1834, à Bougy les Neuville, petit village du Loiret, aussi proche de la forêt domaniale d'Orléans que les Montils l'est de la forêt domaniale de Villefermoy, toutes deux anciennes forêts de la Couronne; un acte précise qu'il demeurait alors dans le hameau le plus proche de la forêt: Mommerault. On trouvait d'autres Delaunay à Bougy où le brigadier des gardes des forêts de la Couronne était en poste; coïncidence ou rapprochement familial ?

Tout cela nous a fait découvrir Adélaïde Coutant, mais ne nous explique pas pourquoi ce petit bout de femme aux yeux jaunes décida de demander un passeport en octobre 1838 pour se rendre à Anvers, royaume de Belgique.
Mille huit cent trente huit est l'année du remariage d'Adélaïde avec Jean Boucher, qui aura lieu en décembre; son premier mari était décédé depuis maintenant quatre ans et pourtant, c'est bien pour régler sa succession qu'elle entreprit ce long voyage.
Adélaïde n'avait pas été la seule à avoir fait traîner des formalités. Marie Anne Boni, veuve de Thomas Nival, voiturier tirachien mort en 1800, n'entreprit de mettre de l'ordre dans ses affaires qu'en 1803, après le décès d'un enfant mort né hors mariage, afin de régulariser la situation avant son mariage avec Philippe Joseph Badoulet, son "garçon" voiturier. Il est possible que le juge de paix de Nangis lui ait imposé un inventaire et réglement des dettes pour établir clairement les droits des enfants nés du premier mariage.

Traces de Marie Anne Boni, Philippe Badoulet et autres voituriers

Adélaïde s'est rendue en Belgique car c'est là que résidaient ses beaux parents, comme le montre l'acte de mariage de 1833: "Marie Henry Alphonse Delaunay, brigadier des gardes des forêts de la Couronne, demeurant au hameau des Montils, né à Paris XII°, le 8 ventôse an X, fils de Casimir Simon Delaunay, 51 ans, employé au bureau central des subsistances militaires à Louvain et domicilié à Bruxelles, royaume de Belgique et de Marie Louise Clayessens, 45 ans, Bruxelles."

Traces d'Adélaïde Coutant et sa famille

Après le décès de son époux, Adélaïde revient vivre chez ses parents aux Montils avec la petite Clémence comme le montre le rencensement de 1836. En 1838, après leur départ définitif de la Creuse, Jean et son fils Pierre louent une chambre à la petite auberge tenue par Marie Geneviève Lançay, épouse Coutant aux Montils. Il ne peut manquer d'y croiser Adélaïde...
Témoignage d'une descendante de Jean Boucher qui perpétue la tradition, étant dans le génie civil et les aménagements.

Jean Boucher l'épouse le 27 décembre 1838. En 1841, Adélaïde, pas encore trente ans et Jean, la quarantaine, vivent dans une maison à côté de celle des parents Coutant. Pierre, recensé sous le prénom de "Jean, fils du sieur Bouchet", qui avait treize ans au remariage de son père, est alors âgé de seize ans. Clémence, 7 ans, fait partie du foyer de ses grands parents puisqu'elle est recensée avec eux.

Et ils agrandissent leur famille recomposée: à Pierre, fils de Jean Boucher et de Marguerite Longeaux, à Clémence, fille d'Adélaïde Coutant et de Marie Henry Alphonse Delaunay, ils donnent frères et soeurs dont le prénom de baptême ne correspond pas souvent au prénom usuel: (Françoise) Adélaïde 1836, Marie (Geneviève) 1839, (Jeanne) Adèle 1842, (Clémentine) Alexandrine 1845 , Henry 1848, (Eugénie) Elisabeth 1853...
Entre enfants, petits enfants, conjoints et leurs familles, nombreux seront les habitants de la Chapelle Rablais a avoir un lien de parenté avec Jean Boucher, dans la seconde moitié du XIX° siècle...

Parmi les enfants que leur attribue le recensement, il semble bien que l'aînée "Bouchet Adélaïde, leur fille, vivant du travail de ses parents, 15 ans" recensée en 1851, qui décédera la même année, était née quelques années, (1836), avant le mariage d'Adélaïde et Jean, 1838.
A y regarder de plus près, on ne trouve pas d'acte de naissance d'Adélaïde Boucher (Bouché, Bouchet...) pour cette période, cependant, dans les tables décennales de la commune, on trouve cinq filles portant le prénom d'Adélaïde, prénom mis à la mode par la soeur du roi Louis Philippe. Les recherches ne sont pas longues pour trouver l'acte de naissance hors mariage de Françoise Adélaïde Duplant, fille de Jean Baptiste Duplant, 29 ans, sabotier (qui vit avec son père François, 69 ans, aux Montils) et d'Adélaïde Coutant, naissance chez le grand père Pierre Joseph Coutant, qui est témoin. Rien de tragique à cela, Adélaïde était jeune veuve et les moyens de contraception d'alors n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. La régularité des naissances chez Jean Boucher, tous les trois ans, montre une conception après chaque sevrage, donc aucune utilisation des "funestes secrets" pour empêcher la conception d'un bébé. Françoise Adélaïde a été reconnue par le jeune sabotier, et élevée avec les enfants de Jean: dans tous les recensements qui mentionnent les liens familiaux, elle est déclarée fille du couple, bien qu'elle n'ait pas été adoptée officiellement: à son décès, elle s'appelle encore Françoise Adélaïde Duplant.
Jean Baptiste Duplant eut bien du mal à reconnaître sa fille Françoise Adélaïde."A l'heure où ledit Duplant s'est présenté à la mairie, les répartiteurs étaient convoqués pour former l'état matrice des habitants de la commune susceptibles d'être portés au rôle des prestations pour les chemins vicinaux, l'acte de naissance n'a pu être rédigé... Jean Baptiste Duplant avait été invité à revenir après la séance, ce qu'il n'avait pas fait, envoi de trois lettres en décembre .. nous n'avons pu déterminer ledit Duplant à venir signer sa déclaration." Le brave Jean Baptiste, illettré, aurait eu bien du mal à répondre aux trois lettres; étant berger, il avait quitté la commune, "demeurant présentement à Châtillon la Borde". L'acte de reconnaissance n'a été finalement établi que le 25 janvier 1837, quatre mois après la naissance.
Etat civil la Chapelle Rablais AD77 5 Mi 2831 p 84

Le hasard fit que, dans la même famille, deux enfants élevés ensemble choisirent encore de s'épouser: Pierre, fils de Jean Boucher et de sa première épouse Marguerite Longeaux, avait 13 ans quand son père épousa Adélaïde, mère de la petite Clémence Delaunay, 4 ans, née de son premier mariage; ils n'avaient aucun lien de sang. Quinze ans plus tard, Pierre et Clémence se marièrent. Le hasard fit encore que le premier bébé du jeune couple, Alfred, né le 2 décembre 1853, neuf mois tout juste après les noces, suivit de peu le dernier bébé de leurs parents respectifs, Eugénie Elisabeth qui naquit un mois avant, le 8 novembre 1853.
Etaient-ils au courant qu'au château, à la même époque, Eleonore Vergeot et son époux Pierre Jean François Bure, tous deux fort proches de Napoléon III, avaient des secrets d'alcôve bien plus croustillants à cacher?

lien vers la page: Eleonore Vergeot

Ce rapprochement ne semblait poser aucun problème pour des mariages entre enfants d'un même couple, sans lien de sang. Dans l'Ancien Testament, le Lévitique Bible XVIII, 9 stipule pourtant: "Tu ne découvriras point la nudité de ta soeur, fille de ton père ou fille de ta mère, née dans la maison ou née hors de la maison." Depuis le concile de Latran IV en 1215, nul ne pouvait épouser une personne en deçà du cinquième degré de parenté. On parle ici, de parents du même sang. Un exemple de dérogation, par "dispense de consanguinité" est fourni pour les descendants d'un voiturier thiérachien. L'absence de cette dispense dans les registres d'état civil m'avait fait croire que la situation familiale des migrants aurait pu être méconnue des officiers d'état civil de la Chapelle Rablais et que les "horsains" pouvaient se permettre des privautés qui auraient été interdites aux sédentaires. Il n'en était rien.

Le 6 avril 1848, à Fontains, deux orphelines Nival, sous la tutelle de leur grand père maternel, Guillaume Bellagué, 87 ans, se marièrent le même jour: Françoise Rosalie, 20 ans, couturière, résidant aux Granges de Fontains, épousait Louis Antoine Catalan, 24 ans, manouvrier à Echouboulains pendant que sa soeur Louise Cléophée convolait avec Etienne Amable Masson résidant aux Montils.
Petit problème: le père de Louise et la mère d'Etienne étaient frère et soeur, tous deux enfants du voiturier Thomas Nival. Il n'y avait pas trace de dispense pour consanguinité dans les registres. Cela signifiait-il qu'ils s'en étaient dispensés, que leur état de cousins n'était pas connu de leurs voisins, des officiers d'Etat Civil ? Donc, que descendants de voituriers originaires d'une province éloignée, ils étaient moins sous le regard des membres de la communauté comme proposé plus haut?
En fait, leur situation familiale était connue et figure sur l'acte religieux une "dispense de consanguinité du deux au deux accordée par Mgr l’Evêque de Meaux", assortie d'une autre dispense "du temps prohibé" puisque les noces avaient lieu pendant le Carême.
(Je remercie, ici, l'Archiviste de l'Evêché dont les recherches furent compliquées: les actes de 1848 de Fontains se trouvant dans le cahier de 1845 !)

Arbre de consanguinité
La page devient fort longue, il est temps de faire une pause avant de découvrir comment les maçons creusois, dont les Boucher, ont modernisé le petit village de la Chapelle Rablais, dans la seconde moitié du XIX° siècle...
   
Liens, sites et bibliographie
Plan: les maçons limousins à la Chapelle Rablais

Doc: traces des maçons limousins

Doc: traces de la famille Boucher