La vie retrouvée des voituriers tirachiens / 22
Bourguignons à la Chapelle Rablais


  Doc: Traces des Bourguignons à la Chapelle Rablais
  Les passeports, page des choix

  Suite: les galvachers /2


   Courrier

   
   
   

Parmi les Bourguignons qui ont demandé Passeport pour l'Intérieur à la Chapelle Rablais: Pierre Remond, jeune maréchal originaire de Vianges, proche de Beaune, se dirigeant vers Paris en 1825. Il est probable qu'il était en apprentissage chez Guérin, le forgeron maréchal de la Chapelle Rablais, car son passeport lui a été délivré "sur sa bonne conduite et moralité", il était donc resté suffisamment longtemps pour être connu. Et que faire, loin de son foyer, dans un village isolé des voies de communication, quand on est un garçon maréchal de dix huit ans, sinon parfaire son apprentissage chez un nouveau maître? C'est ainsi que, de la Chapelle Rablais, des apprentis maréchaux prirent la route: Martin Alexandre Lemoust Delafosse en 1819 parti dans les environs de Paris, Thomas Etienne Baulant en 1823 allant à Rouen, Ferdinand Félix, fils du maire, en 1823, direction Bolbec en Seine Inférieure, puis en 1824 en Seine et Marne et Seine "pour travaillé de son état", en 1826 pour "Chevry sur hier" (Chevry Cossigny) et en 1827 pour la Seine et Marne, la Seine et Oise, l'Oise.
Passeports pour l'Intérieur, mairie de la Chapelle Rablais

Sur l'ancienne feuille que le "propriétaire" a déposée, une note du 23 novembre 1818 indique qu'il avait l'intention de se rendre à Paris. Le sieur "Henry Bernard Jean Jacques Christophe" , Bernard étant le nom de famille, y est qualifié de "fermier général du domaine de M. De la Rue", mais cette mention étant rayée, il est probable qu'il avait quitté ses fonctions (j'ai relevé un "Larue" à la Chapelle Rablais, mais étant charbonnier, il y a peu de chance qu'il ait eu un domaine! Il doit plutôt s'agir du maire des Bordes, Delarue). Ce passeport, délivré le 24 7bre 1817, était destiné à Henry Bernard, "son épouse, ses enfants et ses domestiques". Sa destination était Clamecy, dans le Morvan.
Henry Bernard, propriétaire, se rendant à Clamecy et Pierre Dapoigny, domestique, du même canton prenant un passeport à quelques jours d'intervalle ont de fortes chances d'avoir été liés. Clamecy était le fief des flotteurs de bois au point que le nom de l'île Margot fut donné aux péniches qui descendaient l'Yonne puis la Seine, les margotats; cependant rien n'indique que l'un ou l'autre des demandeurs de passeports ait été lié au commerce du bois.

Le premier janvier 1819, un domestique de 29 ans, Pierre Dapoigny originaire de Cuncy les Varzy, proche de Clamecy demanda un passeport pour retourner dans la Nièvre. Quelques jours auparavant, le 3 décembre 1818, un "propriétaire" de Paris, résidant à la Chapelle Rablais, quarante neuf ans, faisait renouveler son passeport pour se rendre à "Paris Lionne la Nièvre".

Originaire de la Côte d'Or, Vincent Bernard (cette fois-ci, le nom est Vincent) "âgé de 26 ans, taille d'un mètre six cent quatre vingt treize centimètres (sic!), cheveux blonds, front rond, sourcils blonds, yeux bleux, nez ordinaire, bouche moyenne, barbe rousse, menton rond, visage ovale marqué de petite vérolle, teint coloré.." était fermier et marchand de bestiaux. Il demanda un passeport le 18 juin 1807, sur lequel figure en toutes lettres: "allant à la foire comme marchand de bestiaux. "
Passeport pour l'Intérieur, mairie la Chapelle Rablais n°3 (talon)

Pas besoin de chercher bien loin la foire dont il s'agit. On est à quelques jours de la grande foire de Nangis, réputée pour ses veaux: "Il se tient ... à Nangis deux foires très-fréquentées, l'une le mercredi des Cendres, et l'autre le 4 juillet. On y trouve des bestiaux de toute espèce."
Michelin, essais historiques... 1829

Depuis 1.185, "il se tient tous les mercredis, dans cette ville, un marché où se fait un commerce considérable de veaux, de volailles, de beurre, de fromage et de bestiaux de toute espèce; ce marché est, dans ce genre, le plus important du département; il a lieu sous deux halles couvertes qui n'ont rien de monumental et qui sont à peu de distance l'une de l'autre. Une pompe, environnée d'auges, est établie sur la place du marché aux veaux; elle fournit l'eau nécessaire pour abreuver ces animaux." Ci dessous, la fontaine et la halle aux veaux sur la place du marché de Nangis. Elle se situait à l'emplacement exact de l'actuelle poste. La halle aux grains a été préservée et est toujours utilisée, les jours de marché. Histoire.. de Seine et Marne, Pascal 1836

On peut présumer que le sieur Bernard Vincent allait, soit vendre son bétail, soit acquérir des veaux à la grande foire de Nangis du 4 juillet et les acheminer jusqu'à Paris, direction la barrière de Charenton: "Les veaux amenés pour l'approvisonnement de Paris, autres que ceux achetés aux marchés de Sceaux et de Poissy sont conduits directement à la Halle aux Veaux et entrent en ville savoir: Ceux amenés de Nangis par la barrière de Charenton; Ceux amenés d'Arpajon par la barrière d'Enfer; Ceux amenés de Versailles par la barrière de Passy." Ordonnance de Police du 5 janvier 1829
La Halle aux Veaux, tout d'abord sise rue Planche Mibray dans le quartier de la Boucherie, proche du Châtelet, puis Quai des Ormes (rive droite à l'emplacement du Quai des Célestins etc..) passa sur la rive gauche entre la rue de Poissy et la rue de Pontoise (qui existent encore), à l'emplacement du jardin des Bernardins.
Donc, Bernard Vincent aurait pu être l'un de ces toucheurs de boeufs comme le Morvan en produisait.

Sauf qu'en creusant un peu sa généalogie, on se rend compte qu'il était tout sauf pauvre. Tout d'abord, il n'était pas de passage à la Chapelle Rablais car son passeport précise qu'il y résidait.
On trouve trace d'un autre Vincent à la Chapelle Rablais; il est témoin au mariage d'un Bourguignon, lui aussi natif de la Côté d'Or, Vosnes, canton de Nuits St Georges, quand il épouse une Briarde, Marie Madeleine Tancelin.

Traces des Bourguignons à la Chapelle Rablais

L'autre Vincent, prénommé François, est révélé la première fois en 1795, "cultivateur à la ferme de Molinot" à la Chapelle Rablais, témoin au décès d'Etienne Baudisson le 27 germinal an II "mort à son ouvrage auprès de la ferme des Molinots" Le propriétaire des Moulineaux était alors Henri de Grandjean de Haute Borne, écuyer, chirurgien oculiste du roi, chevalier de son ordre et du Saint Empire, en qualité de possesseur des fiefs de Haute Borne et des Molinots, sur les territoires de la Chapelle Rablais et de Fontains... et fort curieux personnage.
État civil, la Chapelle Rablais 5 Mi 2829 p 120 / titres Grandjean : site Fontains

Les deux vies des frères Grandjean, oculistes du roi, sujets de nouvelles de Restif de la Bretonne

A la même époque, un autre Bourguignon, François Loreau (Laureau), était charretier chez Jean Louis Decornoy, à la ferme des Farons. Il épousa Marie Madeleine Tancelin, servante chez le même fermier. Un bébé arriva sept mois plus tard, comme il semble qu'il ait survécu jusqu'à la fin de l'année, il ne devait pas être prématuré, donc, urgence du mariage ! Originaires de la même région, à plus de 250 kms de la Chapelle Rablais, il est certain que François Loreau et Jean Vincent se connaissaient car, si Jean Vincent fut témoin du mariage en frimaire (décembre), son épouse, Anne Jouan, le fut aussi pour la naissance du petit François Louis Loreau, au mois de prairial (juin).
Pourtant ils ne faisaient pas partie du même groupe social, l'un n'était que charretier chez un patron, l'autre gérait une ferme: Jean Vincent était fermier "en la terre des Molinots", la grosse exploitation des Moulineaux, à l'entrée du village.
François Loreau et Marie Madeleine Tancelin eurent d'autres enfants avant que le mari ne décéde en 1802, sept années seulement après les noces. Sa veuve épousa en 1805 un voiturier thiérachien: Jean Louis Bienvenu. Comme il n'existe pas de contrat pour les deux mariages, il est difficile de préciser la fortune des époux qui ne devait pas être bien importante.

On trouve un lieu-dit "Bourguignon" proche de Fontains, comme "Picardie" vers Bailly et "la Tirache" à la Grande Paroisse. Si ces noms démontrent l'origine des habitants de ces hameaux, ils en prouvent aussi la rareté puisque le lieu de provenance suffisait à les singulariser. Quelques Bourguignons ont laissé des traces dans les archives de la Chapelle Rablais, mais il ne semble pas s'y être trouvé des Galvachers.

Fermier: Celui qui cultive des terres dont un autre est propriétaire, & qui en recueille le fruit à des conditions fixes : c'est ce qui distingue le fermier du métayer. Ce que le fermier rend au propriétaire, soit en argent, soit en denrées, est indépendant de la variété des récoltes. Le métayer partage la récolte même, bonne ou mauvaise, dans une certaine proportion.

Laboureur: Il faut ... que le laboureur soit propriétaire d'un fonds considérable, soit pour monter la ferme en bestiaux & en instrumens, soit pour fournir aux dépenses journalières, dont il ne commence à recueillir le fruit que près de deux ans après ses premieres avances.

L'encyclopédie de Diderot fait bien la distinction entre "fermier" et "laboureur", deux termes qui se confondent avec "paysan" à notre époque; ignorons les "métayers" qui n'étaient pas fréquents en Brie. Loin du journalier, du manouvrier, du valet de ferme et même du charretier, de dernier, élite des ouvriers agricoles, le fermier et le laboureur exploitaient les terres d'autrui; à la Chapelle Rablais, celles de riches bourgeois qui résidaient rarement dans leurs châteaux ou relais de chasse : à l'établissement du premier cadastre, en 1832: le comte Latour Maubourg au château des Moyeux, Rihouet au château de Champbrûlé, Trenet au Mée l'Archevêque, Putois, maire de Guignes, aux Moulineaux, Ségur à Mons, Vauvert à Paris, Delarue maire des Bordes, tous hors commune.

Carte des gros propriétaires en 1832 dans le dossier sur les moissonneurs migrants

En plus d'assurer la gestion de la ferme, le laboureur fournissait cheptel et instruments agricoles, d'où la nécessité que "le laboureur soit propriétaire d'un fonds considérable". A l'époque, on ne confondait pas fermier et laboureur. En 1758, Philippe Antoine Fadin est qualifié de "laboureur" de la ferme de la Truchonnerie aujourd'hui disparue. François Vincent n'est que "fermier".

Bernard Vincent, le Bourguignon, marchand de bestiaux, repéré grâce à son passeport de 1807, s'était en fait marié en 1803 avec une Briarde. Grâce à l'acte de mariage, on découvre que Bernard est le fils de François, fermier des Moulineaux. Il épousa Anne Thouzard, 23 ans, née à Valjouan le 20 mars 1780, fille d'un autre fermier qui deviendra marchand de bois, profession demandant aussi des capitaux. La cérémonie eut lieu à Fontenailles, où se trouvait la ferme de Jean Thouzard. Les deux familles ne devaient pas être dans la gêne, car le contrat de mariage passé la veille de la cérémonie chez maître Hardouin à Nangis, montrait qu'époux et épouse apportèrent la même somme de 2.000 francs, soit 4.000 F au total, ce qui plaçait le couple parmi les mieux dotés de la période 1789/1811.

Adélaïde Gertrude Constance Vincent, née en novembre 1803, le mariage ayant eu lieu en juin, et Frédéric Marie Bernard Vincent (1805) naissent à la Chapelle Rablais où leur père est fermier (avec son père? dans une autre ferme?), en 1807, il est marchand de bestiaux. Puis, la décennie suivante, tous ont déménagé: le grand père Thouzard est domicilié en 1812 dans le bourg de Nangis; l'acte de décès d'Adélaïde, 8 ans, le prouve: chez "son aïeul propriétaire en cette ville". La famille Vincent se retrouve à Fontenailles, dans la ferme aujourd'hui disparue de la Maison Rouge. Un acte le montre, celui de la naissance de Constance en 1813 à Fontenailles où son père est fermier, sans plus de précision, mais où les témoins sont le grand-père François Vincent et un autre de ses fils Jean Dieudonné, 24 ans, tous deux à la ferme de la "Maison Rouge". On peut imaginer que Jean Thouzard, le beau-père, étant devenu marchand de bois aurait pu quitter sa ferme la Maison Rouge à Fontenailles que sa belle famille aurait reprise.
A la fin du siècle, le journal "le Briard", dans une série d'articles consacrés à Henry Greffuhle, châtelain de Fontenailles, révèle le scandale d'un château détruit aussitôt que construit à la Maison Rouge. A vérifier...

Enquête : à la recherche du château détruit de la Maison Rouge

En 1814, trace d'un nouveau déménagement que l'on peut dater avec quelque précision entre le 3 juillet 1813 (naissance de Constance à Fontenailles) et le 8 janvier 1814 (décès de Constance à Provins), peut être pourrait-on même avancer un jour: à la Saint Michel: "le 29 septembre, était en Occident la date de paiement des fermages par les fermiers après la récolte. C’est la date traditionnelle d'expiration des baux ruraux." Wikipédia
Bernard Vincent et sa famille résident maintenant à Sourdun "cultivateur demeurant à la ferme du Petit Etang" que l'on découvre sur cet extrait de l'Atlas de Trudaine, très proche de la "Grande Route de Paris en Campagne" (Champagne), au moment où la route Paris-Bâle va dévaler la Côte d'Ile de France vers le Mériot et Nogent sur Seine.
En fait, ils oscillent entre Sourdun et Provins. Le 18 mars 1817, le décès d'Anne Thouzard est déclaré à Provins "demeurant à Provins", le remariage de Bernard Vincent le 18 juin suivant est déclaré à Sourdun, bien qu'il épouse une fille de cultivateur de Provins, Catherine Prieur. Le père, François Vincent, "ancien cultivateur" demeure aussi "en laditte commune de Sourdun". Adolphe Vincent nait à Provins et meurt en 1820 à Sourdun à l'âge de 11 mois, en nourrice chez "Louis François Herbelin, tixerand."

Le placement en nourrice était, hélas, fort fréquent voici deux cents ans, nous y reviendrons dans un chapitre consacré aux "Petits Paris", les enfants de la capitale placés à la campagne.
Plusieurs actes relevés dans les registres paroissiaux ou d'état civil montrent que des paysans plaçaient aussi leurs enfants chez des proches. Le petit Adolphe, à Sourdun, en est un exemple mais il en est d'autres à la Chapelle Rablais où les nourrices recevaient aussi des "Petits Paris", placés par le bureau des nourrices et les "recommandaresses".
Le mortalité y était importante, plus encore pour les enfants placés ou exposés. Pour éviter que les enfants abandonnés ne meurent sous un porche ou à la porte des églises, des tours d'abandon avaient été installés auprès des institutions charitables; ci-contre, le tour de l'Hôpital Général de Provins, exposé à la Maison Romane.

Les nourrissons étaient ensuite placés chez des nourrices, pour y survivre ou très souvent mourir, à Provins ou dans les villages proches: Voulton, Saint Brice, Gouaix, Chalautre, Bouy, la Bretonnière, Montramé, Villiers St Georges et Sourdun. Quatre vingt huit nourrices sont répertoriées, dont "la femme Herbelin de Sourdun" qui accueillit une quinzaine de bébés entre 1823 et 1828. Etait-ce la nourrice du petit Adolphe? Aucune certitude, les Herbelin ne manquent pas à Sourdun: Jean Jacques, Gabriel, Claude, Jean Louis, Louis François... et le petit Adolphe Vincent ne fut pas placé par l'Hôpital Général, on n'en trouve pas trace dans les registres.
AD77 Provins 5 Mi 8885 et autres

En même temps qu'un changement de résidence, de Fontenailles à Provins et Sourdun, Bernard Vincent changea de métier; à celui de cultivateur dans la ferme du Petit Etang de Sourdun, proche de la grand-route, il ajouta la fonction d' "entrepreneur des diligences publiques audit Provins" 1814; en 1817, ainsi qu'en 1821, il est "entrepreneur des transports des messageries et cultivateur demeurant à Sourdun".

L'Almanach de Seine et Marne de 1817 et l'Almanach Royal de 1820 notent que le maître de poste des voitures publiques pour Provins était Arnoult (Arnoul, Arnould), l'adresse de départ à Paris: 24 rue du Bouloi (quartier des Halles), départ tous les jours à cinq heures du soir. Arnould était aussi maître de poste de Maison Rouge (le village et non la ferme citée); on trouvait Duguet à Mormant, Bardin à Nangis.
dossier des AD77: Vivre sous les Bourbons

Il semblerait qu'à cette époque, à Provins, Poste et Messageries aient été encore séparées comme un demi siècle auparavant:
"Lorsque Turgot arriva aux affaires, il se trouvait en France deux organismes distincts: les Postes qui avaient des chevaux et pas de voitures, les Messageries qui avaient des voitures mais pas ou peu de relais." note Jean Rousseau dans la Poste aux Chevaux en Seine et Marne, bien que plus loin, il précise "néanmoins, en certains lieux, le maître de poste aux chevaux assurait la responsabilité des Messageries royales. Ce fut le cas de Nicolas Victor Arnoul à Provins."

On ne sait pour quelle raison François Vincent choisit de migrer définitivement de la Bourgogne des grands vins jusqu'à la Brie céréalière; on ne connaît pas l'état de sa fortune quand il arriva dans cette région, cependant son fils franchit un échelon dans la hiérachie sociale. Un demi-siècle plus tôt, il aurait peut être essayé d'acquérir un fief, lui permettant de porter un titre, comme on l'a vu pour les marchands de bois et des propriétaires des Moulineaux avant et pendant la Révolution, les frères Grandjean.
"Un ouvrier agricole .. ne peut s'élever qu'après de longs et incertains paliers. Devenir artisan ou petit marchand, puis gros laboureur, puis, l'abandon du village pour la ville aidant, homme de loi exige plusieurs généations, un siècle ou deux."

Dictionnaire de l'ancien régime. article Hiérarchie et mobilité sociale

Vie publique, vie privée des frères Grandjean, propriétaires des Moulineaux, oculistes royaux etc...

L'ascension sociale de ces Bourguignons nous a bien éloignés des Thiérachiens, des galvachers du Morvan, des galvachers aux confins de la Brie, des thiérachiens dans le Morvan, et mieux encore, des galvachiers thiérachiens aux confins de la Brie que nous découvrirons à la page suivante.
Au passage, un petit extrait sur des enfants de Provins de "Pierrette" de Balzac que nous retrouverons plus loin: "Mis en nourrice à la campagne et à bas prix, ces malheureux enfants revinrent avec l'horrible éducation du village, ayant crié long-temps et souvent après le sein de leur nourrice qui allait aux champs, et qui, pendant ce temps, les enfermait dans une de ces chambres noires, humides et basses qui servent d'habitation au paysan français." Au moins ont-ils eu la chance de ne pas y mourir!

"... Vers le mois d'octobre de l'année 1824, époque à laquelle s'achevait sa onzième année, Pierrette fut donc confiée ... au conducteur de la diligence de Nantes à Paris, avec prière de la mettre à Paris dans la diligence de Provins et de bien veiller sur elle.... la Bretonne n'avait plus un sou en arrivant à Paris. Le conducteur, à qui l'enfant parlait de ses parents riches, paya pour elle la dépense de l'hôtel, à Paris, se fit rembourser par le conducteur de la voiture de Troyes en le chargeant de remettre Pierrette dans sa famille et d'y suivre le remboursement, absolument comme pour une caisse de roulage. Quatre jours après son départ de Nantes, vers neuf heures, un lundi, un bon gros vieux conducteur des Messageries royales prit Pierrette par la main, et, pendant qu'on déchargeait, dans la Grand'rue, les articles et les voyageurs destinés au bureau de Provins, il la mena, sans autre bagage que deux robes, deux paires de bas et deux chemises, chez mademoiselle Rogron, dont la maison lui fut indiquée par le directeur du bureau.
- Bonjour, mademoiselle et la compagnie, dit le conducteur, je vous amène une cousine à vous, que voici : elle est, ma foi, bien gentille. Vous avez quarante-sept francs à me donner. Quoique votre petite n'en ait pas lourd avec elle, signez ma feuille... "

 

Peut-être, la jeune Pierrette de Balzac, Bretonne arrivant à Provins, fit-elle le voyage depuis Paris dans une diligence du sieur Vincent tirée par les chevaux du sieur Arnoul?
Le charron de la Chapelle Rablais, Pierre Guillotte dont des descendants résident encore au village, est aussi originaire de Bourgogne, né à Marigny les Reullée en Côte d'Or. Pierre était domicilié à Réau, paroisse St Julien, où on trouvait des Guillot au milieu du XVII° siècle (y en avait-il encore un siècle après?) En 1764, il épousa la veuve de Nicolas Logue, lui même charron, chantre et premier marguilier de l'église du village, ce qui lui avait valu l'insigne honneur d'être "inhumé dans l'église de cette paroisse pour les services qu'il a rendus comme chantre". Ce fut la seule inhumation dans le choeur de l'église pendant le sacerdoce du curé Huvier (1752/59). Agé de cinquante quatre ans, Pierre Guillotte n'était plus apprenti, mais peut être encore "garçon charron", pas assez riche pour accéder à la maîtrise; il a suivi le schéma classique, sous l'Ancien Régime, du compagnon épousant la veuve d'un maître. A son décès accidentel en 1778 "trouvé dans une pièce de bled près l'étang du Grand Trenel", il habitait à la lisière sud de la forêt St Germain, dans le hameau de la Noue; à soixante huit ans, il était "ancien charron". Entre temps, il avait fait quelques enfants à Louise Nérat, plus toute jeune: quarante ans au mariage; elle en avait déjà donné huit au précédent charron.
Pierre Guillotte (le nom de famille peut être retranscrit Guyot, Guiotte, Guyotte, mais aussi Diot) avait trouvé sa place dans la société des artisans du petit village: le parrain et la marraine de Charles, né en 1768 furent le cordonnier et l'épouse du maréchal ferrant.