Maçons limousins |
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Passez la souris |
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Quelle curieuse idée a pu avoir le rédacteur en chef de l'Almanach
du Franc et Bon Maçon pour l'année 1897, en choisissant cette
illustration de couverture! On y voit un maçon avec son baluchon,
cheminant, tristoune et solitaire, sur les routes de la plaine. |
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Mais, surtout, pourquoi un maçon solitaire? Alors que tout se faisait
en groupe: travail, logement, enterrements, bagarres comme on l'a vu à
la page précédente... et tout d'abord, le voyage vers les
"lieux d'habitude": Dans deux situations exceptionnelles, Martin Nadaud revint seul en Creuse. Sa mère ayant tiré en son absence un mauvais numéro, Martin dut se présenter à Bourganeuf pour le conseil de révision. Une ancienne fracture et un peu de piston lui évitèrent l'enrôlement. Une campagne électorale à la députation de la Creuse motiva le second voyage solitaire. Situations exceptionnelles, il faut bien l'avouer. |
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"Le voyage s'effectue essentiellement
à pied... [Le migrant marchois..] gagne ses "lieux d'habitude"
à marche forcée, un maigre baluchon sur le dos pour ne pas
retarder sa progression. Les outils seront achetés sur place, d'occasion.
Il n'est pas nécessaire de s'en encombrer. Dans ses poches, il
cache quelque argent pour faire face aux frais de route, lorsqu'il n'est
pas déjà embauché par un maître maçon,
et avoir de quoi "voir venir" si à l'arrivée si
l'embauche n'est pas immédiate. Ce modeste équipage lui
permet de parcourir de longues distances en peu de temps. Paris qui se
trouve à environ 350 km de Guéret est atteint en une semaine,
par étapes d'environ 50 km par jour. A cette cadence, il n'est
pas question de traîner en route. Un tel rythme ne peut être
tenu que parce que les Marchois voyagent en bandes organisées."
Annie Moulin: Les Maçons de la Creuse: les origines du mouvement. |
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Le voyage vers Paris a été amplement décrit tant par ceux qui l'ont vécu que par des romanciers; et plutôt que de les paraphraser, je vous propose de retrouver le témoignage de Martin Nadaud. Le parcours, détaillé dans "Jeantou", dans "Les fruits de la ville" dans "Mémoires de Léonard" dépend évidemment du lieu de départ. Après quatre ou cinq jours de marche harassante à un rythme plus que soutenu (Je me trouvais, à la chute de la journée, avoir fait quinze lieues pour cette première étape Nadaud), d'auberges crasseuses (Mon père le premier ouvrit ses draps: c'étaient des payes, comme nous disons chez nous, noires puantes, déchirées. Il ne dit rien, il s'attendait à cela, sachant que tant que les maçons passeraient ce printemps, les draps ne seraient pas changés. Jeantou) et de rencontres animées avec les autochtones ("A l’oie, à l'oie, voilà les plante fougères, voilà les mangeurs de châtaignes !" Depuis les champs qui bordaient les environs d'Issoudun, les paysans se moquaient des maçons qu'ils considéraient comme des vagabonds... Le voyage oublié des maçons de la Creuse, ed Patrimôme)... |
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... les migrants arrivaient à
Orléans où après marchandage, ils prenaient la patache
pour Paris. Le jeune Jeantou fit le trajet "dans
une espèce de panier qui était accroché sous l'essieu."
Le trajet intégral en voiture aurait coûté trop cher: 74 livres et 16 sols plus les frais d'auberge pour aller de Limoges à Paris à une époque où la journée d'artisan rapportait une seule livre. D'après Thierry Sabot: Les voyages et les déplacements de nos ancêtres ed. Thisa |
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Le trajet des maçons partant du canton de Bénévent pour se rendre à la Chapelle Rablais est inconnu. Allant à pieds, ils devaient passer au plus court évitant de rallonger inutilement un chemin déjà fort éprouvant. "Nous n'avions pas besoin de ses indications pour marcher droit à notre but sans nous attarder aux détours et croisements... nous avons, nous autres Marchois, un sens particulier pour voyager à vol d'oiseau. Il n'y a pas bien longtemps que nos émigrations d'ouvriers allaient encore ainsi à Paris et dans toutes les grandes villes où l'on emploie des escouades de maçons. Avant les chemins de fer, on les rencontrait par grandes ou petites bandes sur tout le territoire, et, comme ils passaient partout à travers champs, on s'en plaignait beaucoup." George Sand, Nanon Après la Châtre, le chemin
des Briards (au plus court, en rouge) devait dévier de celui des Parisiens,
comme on peut le reconstituer d'après le roman de Jean Guy Soumy "Les
fruits de la ville", trajet fort peu différent de celui de Martin
Nadaud. |
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Le visa de Denis Tousaint Félix,
maire de la Chapelle Rablais pose un petit problème local: il
est écrit :"Vu à la Mairie de la Commune de la Chapelle
Rablais..." mais en 1818, la commune de la Chapelle Rablais ne
possédait aucun bâtiment qu'on aurait pu qualifier de mairie.
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La présence d'un maître des petites écoles étant attestée depuis 1750, la salle de classe aurait pu convenir, si elle n'avait aussi servi de logement à l'instituteur, comme l'a noté A. Martin, son successeur, dans sa monographie de 1889: "Je n’ai pu recueillir que des renseignements très incomplets et très peu étendus sur l’historique de l’enseignement dans la commune. Mes recherches n’ont pas abouti au delà de 1823. A cette époque, l’instruction était donnée aux enfants des deux sexes réunis dans une maison particulière louée à cet effet par la commune. Cette maison, qui existe encore actuellement, mais qui a subi des restaurations et des transformations assez importantes, est située derrière l’église; elle ne comprenait alors qu’une seule pièce servant à la fois d’école, de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher. La seconde habitation affectée à l’enseignement se voit encore aujourd’hui, à peu près telle qu’elle existait autrefois, dans la partie orientale du village. Elle était composée de deux pièces, l’une, la chambre à coucher, l’autre, l’école, la cuisine et la salle à manger. Ce bâtiment constituait aussi une propriété particulière louée à la commune pour y recevoir, ensemble, les garçons et les filles. Le troisième local appartenait à un sieur Félix. Il s’élevait sur l’emplacement de la maison commune actuelle. Cette fois, la classe et le logement de l’Instituteur étaient séparés." AD 77 30 Z 80 En 1834, le budget communal révéle
qu'en plus d'une location de cent francs par an pour le logement de l'instituteur,
la municipalité déboursait vingt deux francs pour la location
de la maison commune -était-ce aussi la salle de classe?- sur un budget
total de 563,29 F. Sous l'ancien régime, les réunions avaient lieu à la sortie de la messe, le plus souvent sous le porche de l'église. Où donc se réunissait la dizaine de conseillers, au temps de Napoléon? Les dates des visas indiquent que les maçons n'hésitaient pas à venir "en mairie" le dimanche. Denis Toussaint Félix, entre poule au pot, grand messe, et vêpres (il était aussi chantre aux offices), dut trouver le temps de tamponner les documents de Barthélémy Momet, le dimanche 23 mars 1817, celui de Gaspard François Robinet le dimanche 24 mars 1816... A noter que, dans la Creuse, les maires étaient aussi mis à contribution le jour du seigneur. (Fin de la parenthèse locale)
Le presbytère à la page des "Originaires de la Manche à
la Chapelle Rablais" |
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Les passeports, entre autres informations qui
seront détaillées à la page suivante, renseignent
sur les dates et les lieux. Au recto de la feuille et sur le talon:
délivrance du papier, avec les mentions des lieux de naissance,
de résidence, de la commune qui délivre le passeport et
de la destination envisagée; au verso: arrivée sur le
lieu de travail, avec le tampon et la signature du maire. Au verso figurent
aussi les autres déplacements: départs de la Brie ou de
la Creuse, arrivée en Limousin, etc... |
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Les maçons passaient la belle
saison loin de leurs foyers, à l'inverse des scieurs de long du
Forez, en grand nombre dans notre région, qui venaient pendant
la morte saison. En vert, les demandes de passeports pour l'intérieur
des maçons au printemps, dans le Limousin; en orange, les renouvellements
de passeports en Brie à l'automne.
On peut aussi comparer avec les voituriers en bois "thiérachiens" sprésents à la Chapelle Rablais. Leur "voiturage" ne les menant que de la forêt à la Seine, il ne demandaient de passeport que pour retourner dans leur province d'origine, le Hainaut, à n'importe quelle période de l'année, graphique noir et blanc. |
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Le rapprochement des dates met en évidence des groupes de maçons originaires de la même région, ayant organisé leur voyage le même jour: Jean Momet (40 ans, né en 1773), Michel Pagot (°1781, 32 ans), Pierre Pradeau (°1773, 40 ans) et Léonard le Roudier (°1786, 27 ans) sont arrivés le même jour à la Chapelle Rablais, le 30 mars 1813 et ont envisagé leur retour entre le 18 et le 20 novembre de la même année. En 1820, même scénario pour Jean Momet, son frère Barthélémy (°1776, 44 ans) et François Péty (°1793, 27 ans). Tableau "Maçons creusois à la Chapelle Rablais, voyages en groupes" |
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"A
ce premier départ de 1830,… nos compagnons de route versèrent
chacun dix francs, entre les mains de mon père; le voilà
trésorier de notre société jusqu’à Paris.
Ses fonctions honorifiques consistaient à aller de l’avant
sur la route pour faire préparer nos repas, choisir les plats,
compter les bouteilles de vin et débattre le prix de la table.
Ce choix lui imposait un plus grand devoir encore; comme la route était
suivie par de nombreux émigrants, chaque groupe choisissait un
solide marcheur, dont la mission consistait à arriver le premier,
le soir, à l’auberge afin de retenir des lits."
Martin Nadaud |
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Qui menait la troupe? Qui était
"le plus solide marcheur",
l'homme de confiance à qui chaque maçon confiait l'argent
pour les frais de voyage? L'un des plus âgés, sans doute:
Jean Momet, Pierre Pradeau ... un inconnu? |
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Il semblerait que, comme le Petit Poucet qui parsemait
son chemin de cailloux, la troupe en mouvement des Limousins vers la Brie
ait laissé quelques traces. |
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Premier petit caillou retrouvé
sur la route entre la Creuse et la Brie (pour simplifier, j'entends par Brie
une petite zone autour de la Chapelle Rablais) : la présence à
Machault, non loin du Châtelet en Brie de trois maçons natifs
de Préveranges dans le Cher. Les maçons originaires d'un autre
département que la Creuse ou la Haute-Vienne sont très rares.
A part Barthélémy Valade originaire de la Corrèze, à
Montigny Lencoup en 1771, les trois maçons du Cher sont les seules
exceptions, et Préveranges est très proche de la Creuse.
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Deux frères Blondelon se fixèrent
dans le village briard de Machault, l'un, prénommé Claude,
se maria en 1822, le second lui aussi prénommé Claude épousa
aussi une fille de vigneron (les vins de Machault avaient une petite renommée
en Brie). L'un de ces deux "Claude Blondelon" demanda un Passeport
pour l'Intérieur au Châtelet en 1837. Au mariage du plus
jeune, en 1835, un autre maçon figurait parmi les témoins
: Martin Auberger, beau frère, époux de Françoise
Blondelon, lui aussi originaire de Préveranges.
Préveranges est sur le chemin direct entre les lieux d'origine et les "lieux d'habitude" des maçons retrouvés en Brie. On peut imaginer que les migrants, partant du canton de Benévent, sont passés par ce bourg de près de 2.000 habitants à l'époque (trois fois moins aujourd'hui), y ont peut être fait étape (Martin Nadaud n'avait-il pas parcouru 15 lieues le premier jour?) et joint à leur troupe des maçons en quête d'emploi? |
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Deuxième petit caillou sur la route des migrants : Gien. Sur le chemin des maçons migrants du Limousin à la Brie, Gien était l'un des rares ponts sur cette portion du cours de la Loire, construit dès le règne de St Louis. celui de la Charité menant plutôt vers Auxerre. A noter que le passage à gué était quelquefois possible, celui en bac fréquent... |
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On trouve la trace, non d'un maçon,
mais d'un autre ouvrier du bâtiment, un charpentier originaire de
Bussière-Dunoise dans la Creuse, d'ailleurs hors de la zone d'origine
des maçons de Brie. En 1819, Julien Jardineaux, 39 ans, demande
un nouveau passeport à la mairie de la Chapelle Rablais. On pourrait
penser avoir trouvé une trace possible du passage des saisonniers,
car pourquoi demander en Brie un passeport pour se rendre dans une ville
aussi éloignée que Gien sans motif ? A une époque
où l'information était surtout orale, on pourrait penser
qu'un voyageur, étant passé par Gien, aurait dit au charpentier
à la recherche de travail "Tiens, on m'a dit qu'on embauchait
à Gien..."
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Mais il n'en est rien et le hasard seul fait qu'un passeport pour Gien ait figuré dans la collection de la mairie de la Chapelle Rablais. Si aucun motif n'est précisé sur ce talon de passeport, un petite enquête permet d'en découvrir... A part son âge, son métier, son
origine et sa destination, on sait de Julien Jardineaux, qu'il mesurait
un mètre et soixante douze centimètres, que tout était
plutôt châtain chez lui, cheveux, sourcils, jusqu'à
la barbe "châtaigne "
et même les yeux "roux"
dans un visage plein, coloré,
front rond, menton rond, nez bien fait, avec
"une petite louppe sur la tête". |
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L'un de ces témoins est connu
: Louis Joseph Guérin était le maréchal-ferrant de
la Chapelle Rablais (schéma classique : il avait épousé
la fille du maréchal précédent). Près de cent
ans plus tard, l'atelier de "maréchalerie" était
encore en fonction, dans la Grande Rue. Louis Joseph Guérin était
souvent témoin, puisqu'il habitait non loin de la petite école
d'alors qui faisait probablement office de bureau de mairie. Sur cette
carte postale, le café, la maréchalerie et la nouvelle école.
Voindrot est un nom totalement inconnu dans ce village. Comme il n'est pas fréquent, cela n'a pas été difficile de remonter la piste de ces charpentiers ayant résidé à Gien : l'un, Amboise Gabriel, y épousa Jeanne Cunion en 1833, mais, étant né en 1810, il n'aurait été âgé que de 9 ans en 1819, un peu jeune, sinon pour travailler, du moins pour signer sur un acte officiel. |
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Son père, lui aussi charpentier
était plus en âge d'avoir été le compagnon
ou le patron de Julien Jardineaux. Gabriel Voindrot avait alors 52 ans.
Né en 1767 à Joncy en Haute Saône, il fréquentait
depuis longtemps la Brie où il épousa en 1796 Marie Angélique
Joineau, à Montereau, où naquirent ses enfants entre 1796
et 1810. Puis la famille déménagea à Gien entre 1810
et 1819 où l'on retrouve de nombreuses traces de mariages comme
de décès des enfants et des parents.
En fouillant un peu alentour, on découvre, non loin, la présence de nombreux "Jardineau" dans le bourg de Bonny sur Loire, à une vingtaine de kilomètres de Gien. Si on n'y relève pas de trace de Julien, c'est dans ce bourg de Bonny que son fils Joseph, charpentier, décèda en 1836; Barthélémy et André "Jardineau" étaient alors présents. Des membres de cette famille fréquentaient déjà Bonny sur Loire en 1806, comme le montre l'acte de décès d'André Sylvain Jardinaut, charpentier, 25 ans, en présence de ses frères Etienne et Jean, eux aussi charpentiers. Julien "Jardineaux" avait donc de bonnes raisons de se rendre à Gien et dans sa région, ceci sans aucun rapport avec le voyage des maçons de la Creuse; alors pourquoi y avoir consacré plusieurs paragraphes ? Non pour faire du remplissage car les pages que je mets en ligne sont déjà trop longues et pleines de digressions. Plutôt pour montrer qu'il ne faut pas toujours se fier aux documents, surtout quand ils collent trop bien à ce qu'on entend prouver. |
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Certains petits cailloux semés sur la route des maçons semblent, jusqu'à présent, n'avoir pas eu plus de consistance que les miettes de pain jetées par le Petit Poucet. Dommage, l'idée était séduisante; un lecteur découvrira peut être une trace authentique laissée par un maçon entre le Limousin et la Brie... |
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Autre trace sur la route du Limousin à la Brie : à Bransles, dans la Gâtinais, entre Sens et Montereau, le décès d'un maçon creusois: Léonard Bougard, 36 ans, fils de Léonard Bougard et de Léonarde Jandarme, époux de Marie de Lisle, demeurant à Aulon "décédé dans notre commune en retournant dans sa patrie". AD77 5 Mi 603 p 246 Qu'un migrant décède sur le chemin n'est pas chose exceptionnelle, mais celui-ci est particulier car il peut être rattaché aux saisonniers de la Chapelle Rablais. Evidemment, il n'est pas dit clairement "venant de la Chapelle Rablais pour retourner à Aulon" comme cela aurait pu être inscrit sur son passeport. Car il est probable que les indications d'état civil notées à Bransles ont été retranscrites de ce document; d'autant qu'aucun compagnon n'est signalé qui aurait pu renseigner l'officier d'état civil : les témoins sont un cultivateur et un caberetier locaux. La date de son décès ne correspond pas au temps habituel du voyage de retour, aux alentours de la Saint Martin d'hiver, le 11 novembre. Léonard Bougard est décédé seul, le 25 septembre 1804, retournant dans la Creuse. |
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Les indications données
à Bransles permettent de retrouver, dans la Creuse, les traces
du maçon décédé en Gâtinais : Léonard
Bougard est né le 8 juillet 1767 à Aulon, fils de Léonard
Bougard et de Léonarde Gendarme, hélas, une lacune dans
les registres en ligne d'Aulon entre 1739 et 1781 ne permet pas de préciser.
En 1788, il épouse Marie Delisle, née à Ceyroux,
fille de Jean Delisle et de Marie Menut, dont il aura quatre enfants,
tous nés à Aulon.
Ceci pourrait n'être qu'une succession de noms sans intérêt, si TOUS ces noms ne se retrouvaient, portés par les maçons déjà connus, tous d'Aulon ou des villages proches : Jacques, Guillaume & Pardoux Gendarme de Ceyroux; Antoine Delisle de Ceyroux, marié à Aulon, puis à la Chapelle Rablais; Jean, Jacques, Joseph, Pierre 1 & Pierre 2 Menut de Ceyroux, et aussi François, Jean 1, Jean 2 & Léonard Dubreuil de Fursac et Bénévent, du même nom que l'épouse d'un autre Bougard, Pierre, qui décèdera en 1810 à la Chapelle Rablais, quelques années après Léonard, lui aussi d'Aulon, mais de parents différents, fils de Léonard Bougard et de Jeanne Faure "veuf en premières noces de Jeanne Dubrulle (Dubreuil) décédée au bourg d'Olon (Aulon)". AD 77 5 Mi 2830 p 34 Tous ces indices montrent que Léonard Bougard, décédé en chemin, avait de très forts liens avec les maçons de la Chapelle Rablais et que son lieu d'habitude était peut être ce village. Bransles pouvait être une étape sur le chemin de la Creuse, situé à environ une journée de marche, une cinquantaine de kilomètres, de la Chapelle et, vers le sud à une distance presqu'équivalente de Gien, passage obligé sur la Loire, autre étape possible. |
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Le Gâtinais n'était pas que le lieu de passage des Limousins, ce fut aussi leur destination. Bernard Lavau et ses amis avaient relevé un grand nombre de "migrants de la Marche et du Limousin partis vers le Gâtinais", liste qui était consultable sur le site du même nom, hélas clôturé, comme d'autres: "Migrants du Limousin en Ile de France et ailleurs" dont le moteur de recherche ne fonctionne plus, pas plus que le groupe Yahoo Creuse et Gendep 23 qui ne propose plus les notices sur les Creusois... Les premiers actes relevés en Gâtinais remontent au XV° siècle. Plus du dixième des actes est antérieur à 1700. Faut-il en conclure que les Limousins migrèrent d'abord dans cette région, plus proche de leur province, puis quand le marché fut saturé, qu'ils s'éloignèrent un peu plus, vers la Brie et au delà ? |
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Car, plus loin que le Gâtinais, la Bière, et cette portion de la Brie autour de la forêt de Villefermoy et de Nangis, sur le même axe, on trouve encore des maçons, originaires des mêmes villages. Provins se retrouve dans des notices biographiques de maçons ayant fréquenté la Chapelle Rablais et ses environs; d'une part à cause de son Hôpital-Général, de son Hôtel-Dieu où terminaient leur vie les accidentés, les malades, les indigents (voir à la première page du dossier). D'autre part parce que cette petite ville a semblé plus attractive que Melun, du moins, pour le groupe de migrants révélé à la Chapelle Rablais. A Provins se sont fixés les Vitte dont une branche a prospéré aux Ecrennes et les Pagot... |
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Tombeau Vitte aux Ecrennes
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Avant d'arriver à la Chapelle
Rablais, Michel Pagot avait limousiné à Pommeuse, non loin de
Coulommiers. De 1813 à 1819, on le trouve à la Chapelle Rablais,
sauf peut être en 1817, pas de traces cette année-là;
de plus, en 1818 le maire de Ceyroux lui établit un passeport tout
neuf, sans dépôt d'un document périmé "délivré
sur bonne conduite et moralité".
Archives de la mairie
Il se rendra plusieurs fois dans la région de Provins. C'était sa destination première au printemps 1815, notée par le maire de Ceyroux; s'y est-il rendu ? car à l'automne il repart de la Chapelle Rablais. En 1819, il quitte notre village pour "Saint Hilaire", en fait Saint Hilliers, commune proche de Provins, pour quelques semaines seulement: parti le 30 octobre, il est de retour le 22 novembre, ou avant, à la Chapelle R. où il demande son dernier passeport. |
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Il faut dire qu'à Saint Brice, commune limitrophe
de Provins, se trouvait son cousin Barthélémy, fils de
Pierre Pagot et de Charlotte Vitte (un Léonard Vitte sera plus
tard l'époux d'une Anne Pagot). Pagot et Vitte sont encore de
nos jours deux entreprises de maçonnerie et travaux publics à
Provins. |
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Comme Michel Pagot et son cousin Barthélémy,
d'autres maçons, liés à ceux de la Chapelle Rablais,
se retrouvent aux alentours de Provins, comme Léonard Momet,
se mariera en 1835 à Sourdun, Barthélémy, son père,
étant présent, quinze ans après avoir laissé,
avec son frère Jean, de nombreuses traces à la Chapelle
Rablais. Voir plus loin les quatre pages centrées sur la famille
Momet/Maumet. Cartes : villages d'origine des maçons suivant leur lieu de travail |
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Au moins vingt-cinq familles envoyèrent
des maçons, tant en Brie qu'en Champagne : Belzanne, Bidou, Boucher,
Charles, Cheyron Ducheyron, Coudert, Coulaud, Courty, Couty, Desenfans, Fondaneyche,
Frugier, Gendarme, Jouannetaud, Lacheny, Laluque, Laudy, Malifaud, Mazataud,
Mériguet, Moulinaud, Patheyron, Pouyaud, Pradaud, Roudier le Roudier,
et autres nombreuses variantes orthographiques. Bien d''autres encore, liés
à ces familles, mais n'ayant pas de correspondant en Brie, figurent
aussi dans la base de données.
Parmi eux, isolons Sylvain Pouyaud. Il ne fréquenta pas les communes autour de la Chapelle Rablais, alors pourquoi le faire figurer dans cette liste ? Le nombre restreint de maçons (plus de 400, tout de même) permet d'être familier avec certains d'entre eux, surtout ceux qui ont fréquenté la Chapelle Rablais pour lesquels j'ai un peu plus approfondi les recherches. Sylvain Pouyaud le Jeune (car il existait un aîné) né à Arrènes, se fixa au Mesnil sur Oger, canton d'Avize où il se maria en 1858 et décéda en 1877. C'était le fils d'Anne Holivier et de Martial Pouyaud, fermier colon à la Bétouillère, Mourioux, qui ne sembla pas avoir migré car il était souvent témoin dans les actes, même pendant les mois habituels de limousinage. Martial avait épousé en premières noces Marie Petit, fille de François Petit ou Pety qui sera qualifié de "grand père en premières noces". Lequel François Pety était l'oncle et le tuteur d'un autre François Pety, dont le père était "décédé à Paris d'après l'attestation des quatre témoins ci après relatés et depuis vingt ans, ils n'ont pas de nouvelles ... sans savoir le cartier". Ce François Pety, le neveu, a laissé de nombreuses traces à la Chapelle Rablais. François, l'oncle, Martial Pouyaud et la famille de François Pety habitaient ensemble car on peut suivre le groupe familial dans les locations successives de fermes de "colons". Donc on peut attester que Sylvain Pouyaud, sdans la Marne, et François Pety, le maçon de Brie, avaient des liens très étroits, même s'ils limousinèrent dans des lieux différents, et à des dates différentes. |
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Autre fratrie qui travailla tant en Brie qu'en Champagne : les frères le Roudier. Certains Le Roudier furent maçons dans le Gâtinais, mais c'est dans la Marne que Léobon, frère cadet de Léonard le Roudier, s'était fixé, à Avize près d'Epernay, où il se maria en 1816. Agé de 23 ans, maçon limousin, il épousait une vigneronne plus âgée, 35 ans. Il décèdera à l'hôpital de Vertus en 1832, du choléra qui fit de nombreuses victimes parmi les migrants. Page : L'épidémie de choléra de 1832 à la Chapelle Rablais Léonard fréquenta les mêmes
contrées que son frère puisqu'il demanda un passeport
pour Epernay en mars 1812 et qu'en avril, on le trouve à Sézanne,
pour aller à Montmirail, dans la Marne. A la fin de cette année,
il est à Nangis. Au printemps suivant, quand il fait viser son
passeport à Ceyroux, il compte se rendre encore dans la Marne,
pourtant on le retrouve à la Chapelle Rablais où il passe
l'année. |
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Il faudrait approfondir l'étude des relations entre les différents groupes de maçons limousins découverts sur une ligne allant du Gâtinais aux rives de la Marne, en passant par la Bière et la région de Provins; je laisse à d'autres le soin de s'y pencher; mes dossiers sur d'autres migrants attendent que j'aie le temps de les mettre en ligne... Il faudrait aussi rechercher les autres maçons, originaires des mêmes villages ou travaillant dans les mêmes contrées, mais n'ayant pas de lien avec ceux de la Brie; je me suis contenté de tirer sur l'un des fils de la pelote et je suis loin d'avoir sorti de l'oubli tous les maçons ayant fréquenté cette petite zone du Bassin Parisien... |
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