Etienne Fare Charles
Huvier/15 |
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Après seulement quelques
mois comme vicaire assistant, Etienne Fare Charles Huvier eut la responsabilité
d'une paroisse, le curé de Choisy semblant ne pas intervenir
dans sa succursale. Il devint l'un des personnages les plus en vue,
avec le châtelain. Et, pour la première fois, il eut charge
d'âmes et dut composer avec les multiples facettes des personnalités
de sas paroissiens... |
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"C'est une multitude composée
de toutes les conditions, de tous les esprits, de tous les caractères
qu'il faut réunir dans les principes d'un même culte et d'une
même foi; c'est la discipline des mœurs qu'il faut maintenir, non
seulement dans l'ordre public, mais dans l'intérieur des familles,
mais dans le secret des âmes qui échappe à la surveillance
des lois; c'est un empire qui exclut la contrainte et qui n'admet que la persuasion
: car telle est la loi fondamentale de notre pacifique gouvernement, providentes
non coacté sed spontaneé (fournir non pas sous la contrainte
mais spontanément); ce sont des riches dont il faut ménager
la délicatesse et des pauvres dont il faut supporter les murmures;
ce sont des esprits simples et superstitieux qu'il faut éclairer ou
des esprits superbes dont il faut réprimer le faux savoir; ce sont
des caractères froids et indifférents qu'il faut exciter ou
bien des zélateurs inquiets qu'il faut contenir; ce sont des âmes
dégradées qu'il faut retirer du désordre de l'iniquité
ou des âmes pures et sublimes dont il faut suivre et diriger l'essor
dans les régions supérieures de la perfection."
Oraison funèbre du curé de Saint-André-des-Arcs à Paris par J.-B. Charles-Marie de Beauvais, ancien évêque de Senez, 1781 |
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L'éducation reçue au séminaire tendait à mettre les prêtres à l'écart du "peuple" qu'ils devaient fréquenter, quelquefois jusqu'à l'excès : "Croyez vous donc, Messieurs, qu'il n'en coûte pas beaucoup d'efforts, de dégoûts et de sacrifices à un prêtre élevé comme vous dans la société, qui y a reçu une éducation semblable à la vôtre et qui ordinairement a passé ses premières années de ministère dans la ville, de se voir confiné pour toute sa vie dans une campagne où il ne trouve aucune société et où il est au moins renfermé pendant un long hiver? ... Savez-vous apprécier toutes les peines d'un pasteur zélé qui tend sans cesse les mains à un peuple indocile et que le peu de revenus que vous lui accordez rend peut-être méprisable à ses propres yeux ... , qui voudrait se faire tout à tous pour gagner son troupeau et qui n'essuie quelquefois que du mépris et des injures? Trop heureux encore si sa vertu demeure toujours à l'abri de la calomnie." Journal l'Ecclésiastique Citoyen |
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"Ses conversations, son extérieur,
son maintien, et jusqu’à son silence, tout en lui annonce les
grandeurs, les justices et les miséricordes du Dieu dont il est le
ministre... Par son exemple et par toute sa conduite, il dit à tous
les fidèles : soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même
de Jésus Christ." François-Hyacinthe
Sevoy Les devoirs ecclésiastiques 1760
"... les véritables prêtres de Jésus-Christ doivent être de véritables victimes et comme ils ne sont véritablement prêtres qu'en Jésus-Christ et par Jésus-Christ habitant en esprit en eux, qui ne peut être distingué de lui-même comme hostie et victime de Dieu, ils doivent être aussi avec lui de véritables hosties et vivre toujours dans cet esprit." Jean-Jacques Olier Traité des saints ordres 1676 Les nouveaux prêtres étaient formés à être, à l'imitation de Jésus, des pasteurs guidant un troupeau. Encore fallait-il que les ouailles consentent à suivre ce nouveau berger, fraîchement sorti du séminaire... D'autant qu'Etienne Huvier ne montra pas toujours un doux "ministre insinuant", mais put se montrer "atrabilaire"... |
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"Il serait donc dangereux pour les intérêts de la religion qu'un de ses ministres ne sût pas plaire aux hommes auxquels il est chargé de porter la parole sainte et de manifester les volontés du Maître Suprême. Un ministre insinuant fera toujours plus de conquêtes à Jésus-Christ qu'un atrabilaire et insipide censeur des maximes du monde qu'on accusera peut-être de ne l'attaquer si violemment que parce qu'il ne peut réussir à s'en faire aimer... Quand les coeurs sont gagnés, les esprits sont peu difficiles à convaincre." Dominique Julia L'éducation des ecclésiastiques aux XVII° et XVIII° siècle
Avec ses paroissiens, Etienne Fare Charles
Huvier entra plusieurs fois en conflit, quelques uns qu'il subit, d'autres
qu'il provoqua, par exemple... A Marolles, il s'opposa à la Trinité
de l'année 1751 (6 juin) aux danses de la "Saint Friquet".
Son opposition et ses remontrances n'ayant pas réussi à
faire cesser la "misérable fête", il en référa
à l'intendant du seigneur pour les faire cesser, l'année
suivante : Friquet : Espèce de petit moineau
de noyer qui ne fait que frétiller sur l'arbre en becquetant des
noix. Passerculus nucis / Friquet, est aussi un ustencile de cuisine qui
est plat, & percé comme une écumoire, qui sert à
tirer de la poële les fritures. / Friquet, se dit aussi d'un jeune
galant fort mince qui n'a que du caquet, & aussi de l'affeterie, &
rien de solide. Ce petit friquet ne fera jamais homme à bonne fortune.
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La ferme de la Cressonnière appartenait à Antoine-Louis Lefebvre de Caumartin, marquis de Saint-Ange, comte de Moret et seigneur de Caumartin, intendant des Trois-Évêchés et des provinces de Flandre et d'Artois puis prévôt des marchands de Paris de 1778 à 1784, etc... Allait-il imaginer que l'on donnerait son nom à une rue et une station de métro de Paris ? Plus localement, il était aussi seigneur de Boissy le Châtel. A Marolles, "Il
y avoit deux fiefs : celui de la Hante à M. Quatresous, et celui
de la Cresonnière à M. de Caumartin, seigneur de Boissy le
Châtel; celui-ci avoit justice. La justice de Marolles appartenoit
au seigneur" et ce seigneur était "M.
Quatre-Sols, ancien mousquetaire" Michelin
puis Généralité de Paris |
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Le vicaire Huvier s'adressant au pouvoir laïc pour
ce qui lui semblait une atteinte aux bonnes moeurs, était dans la
droite ligne des instructions épiscopales : "Les
curez tiendront exactement la main pour empêcher que dans l'étendüe
de leur paroisse, on ne tienne pas les foires les jours des dimanches &
fêtes, & principalement les jours des Patrons; qu'on n'y tienne
pas de danses publiques, conformément aux décrets des Saints
Conciles, & aux arrest du Parlement, & principalement à celui
du 3 septembre 1667. Et en execution de ce que dessus, Nous ordonnons aux
curez d'exhorter les Officiers de la Police d'y tenir la main, & même
de nous avertir des contraventions qui pourroient arriver."
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"...Guillaume par la grâce
de Dieu Evesque de Meaulx, à tous les Curez de nôtre Diocèse,
Salut.
Car comme nous revenions de la visite que faisons ordinairement de nôtre Diocèse, pour célébrer la feste de l'Assomption Nôtre Dame en nôtre Eglise, Nous avons appris (non sans un extrême déplaisir & particulier ressentiment) qu'en ce jour solennel, & aux précédens, l'on avoit faict des dances publiques en plein carrefour, & au lieu le plus apparent de toute la ville; & qu'à cet effect on avoit faict dresser un échaffault près le grand portail de nôtre Eglise, pour y servir aux joueurs d'instruments, & autres farceurs & baladins : bien qu'il vaudroit bien mieux cultiver les champs & la vigne, que non pas dancer les jours de festes & du Dimanche, veû que l'un semble nécessaire, & nous retire des occasions d'offencer Dieu, ou l'autre n'est seulement que pour assouvir nôtre plaisir désordonné, & vrayement une pépinière de tous mal-heurs... " |
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Au début du XVI° siècle, l'évêque Guillaume Briçonnet de Meaux que l'on a découvert, quelques pages auparavant, tempêtant contre les prêtres analphabètes et débauchés rédigea un "monitoire" que chaque prêtre de son diocèse devait "fulminer" au prône de l'office du dimanche, et afficher à la porte de l'église : "Deffence et inhibition des dances publiques et jeux des-honnestes ès Dimanches et aux jours de Festes de la glorieuse Vierge Marie" dans lequel il déplore que "par la malice des hommes & l'astuce de Sathan, l'on en est venu là que de changer la medecine en poison, dédiant au Diable ce jour sacré, qui n'a été seulement institué que pour purger nos offences, & rendre à Dieu l'honneur qui luy est deûb... plus la feste est solennelle, plus nous faisons les folastres & insensez... car l'on dict que tous les péchez voltigent avec les danceurs au millieu du cercle de la dance... les jours de festes sont instituez, non pour le contentement du corps, mais pour le salut de l'âme; non pour rire & s'ébattre, mais pour plorer..." On comprend aisément que cet évêque ne semblait pas favorable aux divertissements dominicaux, dont la danse, et que ce jour devait être consacré aux choses de l'esprit. Les prêtres étaient exhortés, non seulement à informer leurs paroissiens, mais aussi à "marquer le nom des opiniastres & endormis" et aller trouver les "vrays heraults de Sathan" pour les ramener dans le droit chemin : "De là vient que puisque Dieu vous a mis en main la charge de son troupeau sous ma conduite. Nous vous mandons qu'advertissiez soigneusement au prosne vos paroissiens d'un tel erreur & aveuglement, & que vous faisiez retentir le clairon de la parole de Dieu ès oreilles de ceulx qui font semblant de ne pouvoir ou ne vouloir entendre, (de crainte qu'on ne nous demande un jour compte de ces brebis égarées) avec commission de marquer le nom des opiniastres & endormis, qui ne voudront pas s'éveiller au son de la trompette; & que vous mesmes alliez en personne trouver ces farceurs & baladins (qui sont les vrays heraults de Sathan pour enlacer les pauvres ames dans ses filets) & ceulx que l'on appelle coûtumierement les valets de la feste avec tous autres qui leur prestent faveur, aide & support, pour les admonester tous en particulier." AD77 AZ14390
A la fin de ce même XVI° siècle,
Claude Haton, prêtre à Provins puis au Mériot, plus proche
de ses paroissiens que l'évêque de Meaux, tolérait les
saines distractions des "cytoyens de Prouvins"
à l'occasion de la Fête-Dieu :
"... jouer et se recreé ensemblement, les hommes d'un costé,
les femmes d'un aultre, chascun avec son semblable. Les hommes jouent, aucuns
à la boulle, aultres à la paume, aultres aux dames, chascun
selon l'esbatement qui mieux plaist à son esperit. Les femmes jouent
aux quilles ou aultres jeux convenable à leur sexe et qualité."
tout en réprouvant les danses "Or, ordinairement
après soupper, lesdiz habitans consumment le reste de la journée
en dances et esbatemens qu'ilz continuent quelquesfoys jusques à unze
heures et mynuit, menant leurs dances de rue en rue et de canton en canton
qu'on peult appeller quarrefour : chose qui n'est aucunement à louer,
et sont les rues de laditte ville toutes plaines de danses, esquelles y a
plus d'insolences que d'honnesteté... Dieu volut, comme je le croy,
en prendre vengeance et en faire punition tout sur l'heure, par déluge
d'eaue... environ vingt cinq personnes furent nayez, qui moururent en leurs
maisons dedans l'eaue, leur maison accablée sur eux.."
Imagine-t'on à Provins avoir dansé dans l'église, y avoir fait entrer un âne qui participait au rituel de la messe, y organiser des combats de dragons ? Tout ceci sous l'égide du clergé, semblant organiser ce qu'il ne pouvait interdire. Passons rapidement sur la messe où des répons se faisaient en langage d'âne, "au lieu de l'ite missa est, le prêtre officiant criait trois fois : "Hihan ! hihan ! hihan !" et le peuple répondait par le même braiment", dont on ne sait quand elle cessa; sur la danse de la Saint Quiriace qui perdura jusqu'au début du XVIII° siècle, quand un vicaire choisissait la plus belle fille, "la saluait en chantant l'antienne Ave Regina; après l'antienne, il la menait, couvert de sa chape, devant le portail de l'église, où il commençait avec elle une danse qui venait se terminer dans l'intérieur." Adolphe de Chesnel, Coutumes, mythes et traditions des provinces de France Doc : fêtes étranges à Provins Le jour des Rogations, le clergé
de Provins organisait une bien étrange fête à laquelle
le curé Huvier aurait pu assister s'il n'avait lui-même mené
une procession avec ses paroissiens. "Le
lendemain de l'ascension présente année 1759 nous avons été
en procession à Pierrelay pour obtenir de Dieu un temps favorable pour
l'abondance et la maturité des biens de la terre que l'on (lacune)
à périr par une grande sécheresse.
Nous y avons aussy été pour la
même fin le jeudy quatorze mai 1761 dans l'octave de la Pentecôte."
"Les Rogations, officiellement instituées en 469 par St Mamert, évêque de Vienne, en Dauphiné, sont l’une des plus anciennes cérémonies agraires christianisées. Elles consistent en trois jours de processions à travers les terres cultivées de la communauté villageoise, pour obtenir, grâce aux prières et aux bénédictions, une protection efficace contre tous les fléaux menaçant les récoltes. A chacun des trois jours correspondent trois cultures différentes, fenaison, moisson et vendanges qui peuvent varier selon la région ou le climat." Musée National des Arts et Traditions Populaires catalogue de l’exposition “Après la pluie le beau temps: la météo” 1984 Etienne Fare Charles Huvier, s'il fêta les Rogations à Cerneux en 1759 et 1761, ne le précisa pas pour 1760. Une note non datée montre aussi qu'il était réticent à suivre les traditions du lieu (on y reviendra plus loin) : "Ayant jugé en 1759 d'interdire l'usage d'aller à Augere et à Sancy aux Rogations, à cause des abus multiples pour ne pas faire murmurer les chantres, je me suis déterminé à leur faire porter dans la sacristie le jour de St Marc et les trois jours de Rogations, chaque jour la moitiée du pain et trois bouteilles de vin, ce que j'ai cru devoir continuer sans tirer à conséquence pour mes successeurs qui sont très libres de rompre cet usage." Le registre paroissial ne prouve sa présence que les 1° et 27 mai, les Rogations étant, cette année-là les 12, 13 & 14 mai; bien que cela ait été peu probable, il aurait eu la possibilité de se libérer pour se rendre à Provins, la grande ville proche, et être témoin de cette étrange (et ultime) cérémonie : |
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"Lors de la procession des Rogations, le sonneur
de saint Quiriace de Provins portait, au bout d'un long bâton, un
dragon de bois peint ; et celui de Notre-Dame, un animal qu'on nommait lézarde.
Lorsque les deux processions se rencontraient, les sonneurs faisaient mouvoir
les mâchoires de leurs monstres, et simulaient un combat entre eux,
en leur faisant arracher réciproquement les guirlandes de fleurs
dont ils étaient ornés. Celui qui avait le mieux dépouillé
de fleurs son adversaire était réputé le vainqueur.
Mais on raconte qu'en 1760, le sonneur de saint Quiriace s'avisa de placer
des pièces d'artifice dans la gueule de son dragon, ce qui causa
un tel désordre, un tel scandale, qu'on défendit, à
partir de ce jour, la continuation de cette lutte du dragon et de la lézarde. |
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Dans la droite ligne de l'épiscopat, le vicaire, puis curé Huvier essaya de réfréner les manifestations populaires; la dénonciation des "danses de la Saint Friquet" fut la première opposition qu'il nota; on verra plus loin qu'il n'hésita pas à affronter plusieurs fois les paroissiens "qui murmurent", pour reprendre l'expression d'alors...
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