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La Chapelle Rablais
Homme vivant et mourant

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En parcourant les registres du notaire Vaudremer à Nangis 1748/1769, entre des baux à loyers, des cessions de rente et autres inventaires, je suis tombé sur un, puis plusieurs, actes de "fournissement" d'homme vivant et mourant.
Répertoire des notaires Nangis I 188 E 3 et I 188 E 4

"Assemblée des habitans de Fontenailles contenant fournissement d'homme vivant et mourant à Madame de Boisboudran". Transaction des plus mystérieuses et qui m'était totalement inconnue au point que je crus lire "homme vivant et mouvant", m'étant fait piéger par cette graphie du XVIII° siècle où le R et le V étaient aussi proches que le U pouvait l'être du V, où le 5 imitait furieusement le 4, et où le R majuscule ressemblait à tout sauf à un R, au point que j'ai dû tricher pour élaborer le "Chapelle Rablais" de la page d'accueil et du logo, devant redessiner un R lisible pour des yeux des XX° puis XXI° siècles. Que l'on m'excuse pour la confusion mourant/mouvant, je n'ai pas fait l'école des Chartes, et quelquefois, je dois croiser les sources pour proposer avec certitude un nom de famille. A ma décharge, je ne suis pas le seul à tomber dans le piège des graphies anciennes : les Archives départementales hésitent entre Pierre Joseph Vaudremer et Pierre Joseph Vandremer, c'est sous cette forme qu'il figure dans le Dictionnaire des notaires.

Séverin Canal, qui avait fait les Chartes, "archiviste des Deux-Sèvres en 1909, géra ensuite les dépôts de Seine et Marne, de Tarn et Garonne et finalement de la Loire Atlantique" découvrit avant moi les notes du curé dans le registre paroissial 1752/1759 (et dont j'eus connaissance de ses écrits, bien après avoir retranscrit lesdites notes), il lit bien Vaudremer, mais déchiffre "Thirault" à la place de "Thivault".
Bien sûr, je m'étais fait aussi piéger, mais, en cherchant des renseignements sur l'architecte "Thirault", j'ai découvert qu'il s'appelait Thivault ou Thiveau, descendant d'une lignée de maçons à Moret. J'ai utilisé Internet qui n'était évidemment pas à la disposition de l'archiviste vers 1930.

Nombreux sont les actes mentionnant des présentations d'hommes vivants et mourants dans le répertoire de ce notaire, couvrant à peu près le canton de Nangis :

juin 1749 assemblée des habitans de Fontenailles fournissement d'homme vivant et mourant à madame de Bois Boudran // juillet 1749 acte homme vivant et mourant et dénombrement par les religieux de Marcoussy à M. Pierre Grassin // avril 1755 présentation homme vivant et mourant par l'église de Valjouan à M. de Guerchy // octobre 1760 assemblée des habitans de Nangis pour un homme vivant et mourant à la Seigneurie de Nangis // mars 1761 Présentation d'homme vivant et mourant de l'église de Rampillon à la seigneurie de Nangis // juin 1764 homme vivant et mourant pour la dixme Rouard // juin 1764 homme vivant et mourant pour la paroisse de Grandpuis // septembre 1767 homme vivant et mourant de la dixme Rouard, Mr de Chantemerle curé // décembre 1771 foy et hommage et fournissement d'homme vivant et mourant par les marguilliers de Grandpuis à M. le comte de Bethizy // février 1773 foy et hommage et fournissement d'homme vivant et mourant pour Closfontaine au marquisat de Nangis // janvier 1774 présentation d'homme vivant et mourant par les religieuses de Tresnel à M. le marquis de Nangis // février 17854 présentation d'homme vivant et mourant par la fabrique de Fontains à M. le marquis de Guerchy // 11 avril 1786 homme vivant et mourant par l'église de Grandpuis à MM. de Saint Denis et des actes concernant la Chapelle Rablais que nous découvrirons plus loin.

Répertoire des notaires Nangis I : 188 E 3 et 188 E 4 / Pierre Joseph Vaudremer : 08/08/1748 - 30/12/1769

On peut remarquer que l'assemblée des habitants d'une paroisse présentait le plus souvent l'homme vivant et mourant au seigneur du lieu, la dame de Bois Boudran à Fontenailles, le marquis de Guerchy, seigneur de Nangis et autres lieux... ou à une congrégation, comme l'abbaye de St Denis pour Grandpuits.

Comme l'aurait précisé M. de la Palice, il ne faut pas oublier qu'avant la Révolution, on vivait encore sous l'Ancien Régime, avec un ou plusieurs seigneurs par paroisse (au moins trois à la Chapelle Rablais, plus des ordres religieux) et bien des survivances qu'on aurait pensé éteintes avec le Moyen-Age. Imagine-t'on, deux ans seulement avant la Révolution française, deux bourgeois de Paris, oculistes royaux, prêter serment au marquis de Nangis, par un acte d'inféodation, comme cinq cents ans plus tôt?

 

"Lequel a par ces présentes inféodé avec toute garantie en faveur de maître Henry de Grandjean, Chevalier de l'ordre du Roy et du Saint Empire Romain, Seigneur de Haute Borne, chirurgien oculiste du Roi et de la famille royale du Collège royal de Chirurgie, conseiller intime de Son Altesse le Prince Evêque de Liège, et de Maître Guillaume de Grandjean chevalier du Saint Empire Romain, chirurgien oculiste du Roi et de la famille royale, conseiller intime de Son Altesse le Prince Evêque de Liège demeurant ensemble rüe Galande paroisse Saint Etienne du Mont, tous deux frères, à ce présent et acceptans acquéreur pour eux, leur héritiers et ayans cause...."

 

 

" La présente inféodation et concession de chapelle est faite à la charge par M. S. de Grandjean, de tenir le tout avec droit de moyenne et basse justice, en fief relevant du Marquisat de Nangis et outre moyennant la somme de six cent livres francs denier audit seigneur marquis de Guerchy..."
16 février 1787 minutes du notaire Jean Pierre Dosne de Paris

Henry de Grandjean était qualifié de "Seigneur de Haute Borne" car il avait acquis les terres de la Haute Borne, à la Chapelle Rablais, fief sans maison ni habitant, simple lieu-dit, dont le nom, comme celui de la Pierre du Compas, évoque la trace d'un passé oublié. Quoiqu'il en soit, la justice du seigneur de Haute Borne ne devait s'étendre que sur deux taupes et trois lapins. Il n'empêche qu'il s'agit d'un acte d'hommage, de vassal à suzerain, comme il pouvait se pratiquer au Moyen-Age. Notons aussi qu'il était question d'une redevance...

L'intégralité de cet acte d'inféodation
Les deux vies des frères Grandjean

 

Comme pour l'acte d'inféodation, la présentation d'homme vivant et mourant marquait la déférence au seigneur, laïc ou religieux, et comportait un côté financier, comme on le verra plus loin...

Chaque année, le seigneur percevait un cens sur les propriétés relevant de sa seigneurie. Le curé de la Chapelle Rablais était taxé comme le commun des mortels, ainsi qu'il l'a noté dans les marges du registre paroissial : "La maison clos jardin etc telle qu’elle existe en la présente année 1751 doit de cens à Mr de Nangis annuellement le jour de la Saint André la Somme de 3 livres 10 sols."

En 1752, dans le contrat de location de la ferme des Montils par les frères Jobert à Claude Léglantier, en plus de "la somme de deux cent livres en argent aux termes de Noël et Saint Jean Baptiste" due aux propriétaires, apparaissent les cens dus aux trois seigneurs dont relevaient les parcelles : le châtelain des Moyeux, celui de Nangis, celui de la Chapelle Gauthier... On localisera les anciennes fermes ruinées des Montils et du Ru Guérin en passant la souris sur le plan ci-dessous.

"Plus de payer à Monsieur de la Brierre, Seigneur de la Borde et des Moyeux, la somme de dix livres par chacune des neuf années pour cens et rentes, sans aucune diminution desdits fermages. Comme aussi de payer la somme de quinze sols à Monsieur de Guerchi Seigneur de Nangis et celle de vingt deux sols à Monsieur le Comte de la Chapelle Gauthier aussi par chacune desdites neuf années, & sans aucune diminution desdits fermages."
Bail de la ferme des Montils 16 novembre 1752 minutes du notaire Vaudremer AD77 188 E 60
Cartes : plan d'Intendance fin XVIII° siècle / en rouge : cadastre moderne

Doc : Bail de la ferme des Montils 1752

 

Etait-ce si différent en 1292 quand Gautier Cornu, seigneur de la Chapele de Erabloy (Chapelle Rablais) et autres lieux fit rédiger le rôle de ses vassaux, tant petits nobles que paysans, avec leurs dûs en sols, deniers et pougeoises, sans oublier les apports en nature : "En lan de grace mil c iiiiXX et xii. Ce sunt li cens communs que len doit à mon seigneur labé do Sainte Colube et à mon seigneur Gautier le Cornu qui sont receuz à La Chapele de Erabloy... Gilote La Margouillie, VI d. et une pougeoise... Ce sunt li cens de Noel au Rue: X s. vi d. III mineaus auene et les deus parz dun bichet, III chapons et les deus parz dun chapon..."
Extrait de notes sur les Cornu par Paul Quesvers, 1893 AD77 Az 5329

Paiements en argent et produits de la ferme qui n'avaient pas disparu au fil des siècles puisqu'on trouvait encore : "205 francs, deux paires de chapons, deux paires de poulets, un cent d'oeufs, 5 boisseaux d'avoine, 10 livres de porc frais à la St Martin; 205 francs à Pâques." Il s'agissait alors du prix d'un fermage... Extrait du Journal de mon avoir d' Antoine Fare Huvier 1755/1836 AD77 195 J 18

Rôle des vassaux de Gautier Cornu 1292
Journal de mon avoir par Antoine Fare Huvier

Mais, pour ces "cens" prélevés chaque année, il n'était nul besoin d'un homme vivant et mourant ...

 

Au décès d'un tenancier de terres relevant d'un seigneur, ses héritiers devaient renouveler par un "aveu" leurs liens auprès du suzerain; au XVIII° siècle, simple acte notarié avait succédé à "l'acte de foi et hommage". Les Terriers en gardent la trace : "Livre, papier terrier ou terrier. Registre contenant la description des terres et censives dépendant d'un seigneur, qui devait en principe être renouvelé tous les vingt ou trente ans et dont l'existence fut supprimée par une loi de mars 1790. Chaque seigneurerie possédait des registres nommés terriers, dans lesquels, de siècle en siècle, on indiquait les limites des fiefs et des censives, les redevances dues, les services à rendre, les usages locaux." Définition site CNRTL

Les Terriers de la Chapelle Rablais

Dans le terrier de la seigneurie de la Borde lez Montils (les Moyeux) en 1650 : " ...Claudine Ricard, pour cinq travées de masures appelées la Ricarderie; Jacquette du Rouvre; Jacques Léfèbure; l'église de la Chapelle Darablay" ; dans celui du marquisat de Nangis 1722/1736 : "comprenant les seigneuries de la Chapelle Rablais et du Châtel appartenant à messire Louis Armand de Brichanteau, marquis de Nangis... Catherine Tartaise, veuve de Nicolas de Bault, en son vivant sellier à Fontainebleau, Isaac Bothereau, marchand épicier à Paris, rue Jean-de-l'Epine... Simon Savart, marchand et Jean Gaveau, berger, marguilliers en charge de l'église et de la fabrique de la Chapelle Rablais..." AD 77 E10 & E950

Parmi des (riches) propriétaires dont on retrouvera les noms dans les assemblées d'habitants (ils seront presque toujours absents, ne résidant pas dans la paroisse), on trouve mention de l'église de la Chapelle Rablais, qui était, comme les paroissiens, redevable du cens annuel au seigneur : "La fabrique doit audit Seigneur aussy annuellement 2 livres 6 sols 2 deniers." notait aussi le curé Huvier.

Deux termes sont employés, marguillier et Fabrique, que l'on a bien oubliés depuis un ou deux siècles, mais qui étaient dans le langage courant de l'époque, tout comme calvarnier, dixmeur ou scieur d'aix.

Fabrique: que l'on n'imagine pas l'église transformée en manufacture, la Fabrique était la structure qui gérait les biens de l'église, et le marguillier "Celuy qui a l'administration des affaires temporelles d'une Eglise, d'une Parroisse, qui a soin de la fabrique de l'oeuvre... Les Marguillers vont les premiers à l'offrande, à la Procession, & représentent tout le corps des Paroissiens"
Dictionnaire de Furetière XVII° siècle

La Fabrique de la Chapelle Rablais était gérée par deux marguilliers, choisis "en l'assemblée généralle des habitans de la parroisse de la Chapelle d'arablay tenüe au devant de la porte et principalle entrée de l'église parroissialle dudit lieu issüe de la messe de parroisse ditte chantée et célébrée en laditte église annoncée et convoqüée au son de la cloche en la manière accoutumée".

Le marguillier caricaturé dans "Physiologie des rats d'église"

"Le terme "Fabrique" renvoie d'abord à la contruction du bâtiment religieux et aux compétences du maître d'oeuvre. Assez vite, il désigne la communauté des fidèles chargée d'assurer l'entretien intérieur des églises paroissiales et de la sacristie, ainsi que de procurer aux desservants les ornements sacerdotaux, le luminaire, le pain et le vin de messe." Revue Nos ancêtres, vie & métiers n° 65

Le 17 novembre 1793, la Fabrique de la Chapelle Rablais rend ses comptes, présentés par Jean Tancelin, marguillier en charge et cependant ne sachant ni lire, ni écrire, d'où peut être les frais de cinq livres "pour l'établissement du présent compte". Y sont détaillées les dépenses, cette année-là, ne concernant que les charges courantes :
"Compte que rend par devant nous maire, procureur, officiers municipaux de la Chapelle Arablays en présence de tous les habitans, Jean Tancelin et André Delorme son successeur Marguillier, en présence du citoyen Péchenard, curé de ladit paroisse ayant les comptes.
Présenté et affirmé véritable au bans d'oeuvre pardevant les cens officiers municipaux en l'église paroissiale de la Chapelle Arablay aujourd'hui dix sept novembre mil sept cent quatre vingt treize l'an 2° de la république françoise une et indivisible par ledit Tancelin qui à déclaré ne savoir signé."

Comptes de la Fabrique de la Chapelle Rablais AD77 140 G 1

Charron maître maçon pour le marché qu'ils ont fait pour les réparations au cimetière suivant sa quittance
 
173£
Guillochin pour la cire ... suivant sa quittance
 
60£
Guillochin pour la cire ... suivant sa quittance
 
41£ 15s 6d
Mr le curé pour l'acquit des fondations ordinaires suivant sa quittance
 
75£
Gommé, cordier pour deux cordes de cloche suivant sa quittance
 
41£ 7s 6d
Femme Chautard pour le blanchissage du linge de l'église et du raccommodage suivant son mémoire et quittance
 
28£ 10s
Nocard pour le repas suivant la coutume pour les Rogations et St Marc pour les chantres suivant la quittance
 
26£
Félix, chantre, pour "une paire de souilliers suivant la coutume" suivant sa quittance
 
Grillon, chantre, pour "une paire de souilliers suivant la coutume" suivant sa quittance
 
Duval, vitrier à Nangis, tant pour une pomme fait et fournit à neuf dans une forme au midi et une pomme qu'il a racommodé de la sacristie fourni plomb et liens qu'il manquoit suivant sa quittance
 
7£ 14s
Cendrier, tailleur, pour différents ouvrages qu'il a fait pour ladite fabrique suivant sa quittance
 
Bernard Renard, "ferblanquier à Nangis pour une boitte de buche suivant sa quittance"
 
2£ 5s
... "tant pour le récurage que pour les balets pour racommodage d'un chandelier"..
 
3£ 6s 6d
pour la composition du présent compte
 
pour le papier du présent compte sans quittance
 
16s
Dix livres pour menus frais
 
10£

Total des dépenses
 
829£ 1s
   

Le budget de la Fabrique était alors confortable et excédentaire, permettant quelques extras comme l'entretien de deux chantres qui, s'ils n'étaient pas rétribués, étaient choyés: "repas suivant la coutume pour les Rogations et St Marc", "une paire de souilliers suivant la coutume"...

Quand les terres relevant du clergé auront été confisquées et vendues, le budget de la Fabrique sera en déficit et divisé par dix. Les recettes ne s'élèveront plus qu'à 72 francs en 1845 : 20 F pour la concession de bancs ou de chapelles, 40 provenant des produits des quêtes et des troncs, 5 F pour le produit de la cire des enterrements et services et 7 F pour sonneries et tentures. On est bien loin du budget du siècle précédent : "La recette généralle du présent compte se montent à la somme de neuf cent vingt trois livres trois sol trois deniers, la dépense se montent à huit cent vingt neuf livres un sol."

Budget de la Fabrique de l'église pour 1793
Budget de la Fabrique de l'église pour 1845 & 1847
Les "Biens nationaux" à la Chapelle-Rablais

En 1793, une dizaine de livres provenaient des quêtes (moins de 4 sols par semaine!), une quinzaine de la location des bancs du choeur, des rentes auprès de particuliers rapportaient une dizaine de livres, et un peu moins de cent livres d'un excédent de recettes de l'année passée. Près de 90% des recettes provenaient des terres possédées par l'église, gérées par les marguilliers dans le cadre de la Fabrique. Leur réquisition comme biens nationaux en fournit la liste: " Lots de terre à la fabrique de la Chapelle Rablais : Lot de terre de 23 arpens 72 perches; Lot de terre de 13 arpens 20 perches; Lot de terre de 6 arpens 39 perches; Lot de terre de 8 arpens 66 perches." A noter que la Fabrique de Fontains possédait aussi deux arpents et demi sur le territoire de la Chapelle Rablais, que la ferme de Putemuse et ses "240 arpents d'héritage" appartenait à l'abbaye de Sainte Colombe de Sens depuis fort longtemps : "mon seigneur labé do Sainte Colube et à mon seigneur Gautier le Cornu... 1292" et que les moines de Barbeau possédaient des terres proches de leur forêt "dixmes de la Noyarde", terres du Ru Guérin et autres...

Terres et prés étaient loués par le/ou les marguilliers, suivant un rituel semblable aux autres assemblées d'habitants où l'on prenait des décisions touchant la communauté : "Aujourd'hui mercredy premier jour du mois d'aoust mil sept cent cinquante trois avant midy est comparu devant le notaire... Nicolas LeBel fermier demeurant à Putmusse parroisse de la Chapelle Rablay, au nom et comme marguillier en charge de l'église et fabrique dudit lieu... assemblée générale des habitans dudit lieu tenue à la porte et principalle entrée de laditte église convocquée à son de cloche en la manière accoutumée, délivré pour la présente année seulement l'herbe des prez appartenant à laditte église... "
Bail des prez et terres de la Chapelle Rablay, minutes du notaire Vaudremer AD77 188 E 61

"... au devant de la porte et principalle entrée de l'église parroissialle dudit lieu..." Les réunions avaient donc lieu, non dans l'église que le curé réservait aux offices, mais au devant de la porte principale. Par chance, à la Chapelle Rablais, la base du clocher formait un petit porche qui avait pu procurer un abri aux paroissiens. Mais fort réduit! Imagine-t'on, sans ce petit espace, une assemblée qui pouvait être interminable et houleuse "Ladite assembléé ... à duréé environ trois heures.. Il y à eu beaucoup de difficulté.", notait le curé à propos de celle du 6 janvier 1754, en plein hiver, à laquelle assistèrent quarante cinq habitants, sans compter deux témoins extérieurs à la paroisse (deux huissiers de Nangis, ce jour-là), le notaire et probablement deux clercs rédigeant la grosse et la minute de l'acte qui devaient être signées à l'issue de la réunion...

Les habitants de la Chapelle Rablais avaient souhaité l'extension de l'espace devant la porte par la construction d'un véritable porche. "...le consentement des habitans à l'effet de faire reconstruire un porche au devant de la principalle porte de ladite église sur les fondemens anciens... les propriétaires ont constament refusé la reconstruction du porche..." Note du curé
Il faut dire que les propriétaires ne se déplaçaient pas pour les assemblées, y envoyant un délégué; il n'avaient pas envie de payer pour un abri qu'ils n'utiliseraient pas.

Clocher-porche sur Wikipédia
Le porche de Villenauxe la Petite

Absence de mairie début XIX° s

A noter que les assemblées villageoises ne réunissaient pas l'ensemble des hommes du village (encore une fois, les femmes comptaient si peu). Soixante cinq hommes assistèrent aux réunions, sur un peu plus d'une centaine de chefs de famille (97 feux, 260 communiants, 500 habitants, avant la Révolution). Une mention dans un acte d'assemblée de 1755 met en valeur ces "bons" paroissiens "composant la plus grande et le plus saine party desdits habitans". Qu'en était-il des autres, la "moins saine partie" des habitants, les journaliers, les nombreux travailleurs migrants dont aucun n'apparaît dans les listes?

Fermiers et manouvriers aux assemblées d'habitants 1752/1755
Fermiers et manouvriers aux assemblées d'habitants : signatures, analphabétisme
Les travailleurs migrants à la Chapelle Rablais, page des choix

"Les assemblées de la fabrique, auxquelles le curé peut assister, si bon lui semble; et si ce n'est pas lui qui convoque les assemblées extraordinaires, du moins doit-il en être averti et y être invité. Le rang d'opiner des curés, & à cet égard l'arrêt du parlement du 23 jullet 1707, a réglé que le curé signeroit le premier les délibérations, & opineroit immédiatement avant le président de l'assemblée qui doit opiner le dernier... Les contestations entre le curés et les marguilliers ne sont pas mal fréquentes, soit parce que les curés n'aiment point le partage de leurs droits ou de leur autorité, soit parce que les marguilliers en prennent quelquefois trop au préjudice du ministère..."
Le parfait notaire apostolique chapitre VII 1775
Dans les actes qui témoignent des assemblées paroissiales, la signature du curé figure effectivement en première place à la fin du document. Nous verrons plus loin qu'il empiétait quelquefois sur les prérogatives des marguilliers et fit payer par la Fabrique des ornements sacerdotaux qui relevaient de sa propre bourse...

Revenons aux prés qui étaient loués en été chaque année, les terres suivant un calendrier plus fluctuant. Le curé et le maître des petites écoles obtinrent des baux pour des terres ou des prés. Des prés pour un cheval, une vache ? Un procès verbal de 1808 prouve que le maître d'école avait un petit cheptel "ses vaches et bête azine" pris à pâturer là où il ne fallait pas, ce qui lui vaudra une amende d'une journée de travail plus les frais. Le curé avait un cheval qui lui occasionnera, plus tard, une chute sérieuse. Avait-il une vache? Dans la description du presbytère, il n'est fait mention ni d'une étable ni d'une laiterie "un autre petit batiment, qui consiste en un toist a porc et un poulailler au dessus, de l'autre coté en une petitte Grange a avoine, bucher, et Ecurie"
Acte de vente du prebytère 10 octobre 1752 minutes du notaire Vaudremer AD77 188 E 60

Baux du curé en 1753 : "Premièrement le demy arpent appelé le prez des Clos délivré au sieur Huvier curé de ladite parroisse moyennant la somme de cent sols et a signé. Plus le demy quartier assis audit lieu délivré audit sieur Huvier moyennant la somme de cent sols et a signé. Plus les trois quartiers de prez assis aux Marres de la Borde délivrés audit sieur Huvier moyennant la somme de trente livres dix sols et a signé." Bail des prez et terres de la Chapelle Rablay 1° août 1753


Les baux ne concernaient pas que les proches du curé. Des fermiers (treize fermiers ont assisté aux assemblées des habitants, cinq d'entre eux ont pris un bail), des manouvriers, bien plus nombreux (quarante trois aux assemblées) ont aussi loué des parcelles à la Fabrique, quatorze purent ainsi bénéficier d'un lopin à cultiver ou d'un pré où mener une vache et rentrer les foins. La terre se louait 6 à 9 livres l'arpent, le pré de 10 à 40 livres, la vigne de 6 à 12 livres et le bois de 15 à 25 livres, quand la journée du manouvrier se payait 32 sols et que le setier de blé, mesure du Châtelet (150 litres), valait 22 livres.
Valeurs au Châtelet en Brie 1790, source à préciser

S'ils ne possédaient pas de vache, d'une valeur d'environ cent livres, ils avaient la possibilité d'en louer une, comme le fit auprès d'un collègue Jean Lahoue, terrassier originaire de la Haute Vienne, pour assurer la subsistance de sa nouvelle famille : le lendemain, il épousait en secondes noces la fille d'un voiturier réputé "tirachien", bien que né à Bréau...

"promettant faire jouir au citoyen Jean Lahoust manouvrier à Grandvilliers commune de la Chapelle Gauthier.. une vache sous poil brun âgée de deux ans pleine de veau dont le preneur déclare avoir une parfaite connoissance et en être content... à charge par le preneur ainsi qu'il si oblige de bien et duement nourire ladite vache de la conduire ou faire conduire en sureté aux champs pour y prendre ses subsistance et la rendre en bon état enfin du présent bail... moyennant quinze francs de loyer par chacune des trois années"
8 brumaire an IX Minutes du notaire Hardouin, Nangis II AD77 261 E 53

Bail à cheptel, location d'une vache pour trois ans à un terrassier
Jean Lahoue / Lavoust dans "Traces des scieurs de long et des terrassiers
Jean Dupin, voiturier "tirachien" dans "Traces des voituriers en bois"

Edme Sonville, manouvrier, s'adjugea plusieurs lots de prés et de terres auprès de la Fabrique. Le 25 juin 1755 "le demy arpent de pré à partager avec le fermier des Molinots" pour 18 livres 10 sols ainsi que "le demy quartier assis au Petit Buisson du Mée" pour 3 livres. Le 25 janvier 1756 : "trois quartiers de terre assis sur les Vieux Prés" pour six livres.
Le 13 juillet 1757, à l'assemblée suivante, Edme Sonville n'enchérit pas pour la bonne raison qu'il était décédé l'année précédente, le 30 mai 1756 à l'âge d'environ trente ans. Il eut droit à une bien belle inhumation en présence de Louis Guinand maître des petits écoles, et de quatre enfants de choeur, qui signèrent, Jacques Gibert, Jean Bordier, Jean Lepanot, Pierre Cendrier. Il faut dire qu'Edme Sonville n'était pas un simple manouvrier, c'était aussi le fossoyeur de la paroisse. Et je ne résiste pas à la tentation d'une petite digression (une de plus!) : un fossoyeur dans une page consacrée à un homme vivant et mourant, tentant !
Edme Sonville avait creusé des fosses dans le cimetière qui jouxtait l'église, où se trouve aujourd'hui la place du village. Mais il avait aussi pratiqué des inhumations dans l'église elle-même, pratique fort répandue au Moyen-Age, en témoignent les dalles de pierre des hauts personnages, comme les Cornu, seigneurs de la Chapelle Rablais et autres lieux , dans l'église de Salins, anciennement Villeneuve la Cornue.

Dalle funéraire de "Pierre li Cornu" 1276

Pratique qui avait encore cours quelques années avant la Révolution. Cet honneur était, en théorie, réservé aux plus hauts notables et aux membres du clergé. En fait, cela dépendait uniquement du bon vouloir du prêtre : le 14 février 1746, le curé Bureau enterra son frère Claude, "dans l'église de la Chapelle Rablais proche la chaire"; le 13 juillet 1747, ce même curé Bureau enterra sa soeur près de l'autel de la Vierge; c'est aussi la soeur d'un curé qui eut droit à une inhumation dans l'église, celle du curé Poiret, le 16 janvier 1767. Quelques décennies plus tard, le curé Belin, décédé le 5 décembre 1782, eut droit à des funérailles suivies par cinq prêtres, mais fut enterré dans le cimetière, peut être aurait-il eu droit à une inhumation dans l'église si un décret de Louis XVI n'avait mis fin à ces pratiques en 1776.

 

Pour résumer : le curé et la Fabrique de l'église possédaient des parcelles qui étaient soumises, comme celles des simples citoyens, aux impôts dus aux seigneurs des lieux. La Fabrique louait ses terres, ce qui nous a permis de faire connaissance avec quelques fermiers et manouvriers, dont le fossoyeur. Mais, pour l'instant, pas encore avec l'homme vivant et mourant. Il faudra patienter jusqu'à la page suivante...

 

Suite : homme vivant et mourant 2

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