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Etienne Fare Charles Huvier/20
Curé à la Chapelle Rablais

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En 1752, alors âgé de vingt huit ans, Etienne Fare Charles Huvier obtint sa propre cure, à la Chapelle Rablais. Il ne dependait plus d'un curé, comme à Saint Soupplets où il occupa le vicariat, dans la même église qu'Etienne Meunier (1749), ou à Marolles qu'il quittait, dépendant du curé Renard titulaire des cures de Choisy et Brie et Marolles (1749/1752).

Après un dernier acte à Marolles le 12 mai, il rejoignit la Chapelle Rablais un mois plus tard, après avoir pris possession de sa cure le 24 ou 26 mai, suivant ses diverses "nottes": "Lorsque je suis entré ici le 12° juin 1752 ayant pris possession (lacune : de la cure) le 24° mai audit an" Registre de Cerneux
La cure de la Chapelle Rablais avait été résignée en Cour de Rome le 13 mars précédent par le curé Bureau.

 


Curé fut l'ultime étape du parcours religieux d'Etienne Huvier; plus tard, à Cerneux, il remplit toutefois certaines fonctions de doyen rural, installant de nouveaux prêtres dans les paroisses alentour, bénissant une chapelle castrale... sans en avoir le titre, "Doyen rural, est un curé de la campagne, qui a droit d’inspection & de visite dans un certain district du diocèse, qu’on appelle doyenné rural, lequel est composé de plusieurs cures." Encyclopédie Diderot

Doc : doyens ruraux cités dans les actes & Conférences ecclésiastiques

Etienne ne pouvait prétendre à plus prestigieux qu'une modeste cure de campagne. "Les ordonnances de Louis XIII (1610-1643) stipulaient que les églises paroissiales des villes murées devaient être attribuées à des gradués ayant étudié la théologie, le droit canon ou le droit civil durant trois ans, à tout le moins à des maîtres "es arts" dont les diplômes avaient été acquis "en université fameuse et privilégiée".
Nos ancêtres n°22 2006

Carte postale ancienne & extrait du plan topographique de la région de Montereau 1742

Etienne Fare Charles Huvier n'avait pas poursuivi ses études après le séminaire; il n'aurait pas manqué de signaler comme le fit son successeur à la Chapelle Rablais : "Messire Louis Jean Poiret prêtre du diocèse de Paris, bachelier en théologie, prieur de St Michel de la Bouchardière diocèse du Mans curé de cette paroisse" Registre paroissial la Chapelle Rablais AD77 5 Mi 2828

N'étant pas "maître es arts", la ville médiévale de Provins lui était interdite et même, plus proche de la Chapelle Rablais, le bourg de Nangis, encore clos de remparts à cette époque. A noter que la clôture de Nangis ne datait pas du Moyen Age comme tant d'autres villes, mais bien plus tard, du temps de François premier "Le 15 août 1544, il y eut une grande assemblée des habitants de Nangis, et il fut arrêté entre eux "qu'à cause de plusieurs larcins, vols, pilleries, rançonnements, violence de filles et autres efforts et violences qui se commettaient chaque jour audit bourg de Nangis, ils demanderaient au roi des lettres de permission d'imposer sur un chacun des habitants dudit bourg, y ayant maison ou autres biens, une somme de trois mille cinq cents livres pour subvenir aux frais de fortification et de fossés dudit lieu."
Ernest Chauvet, Nangis recherches historiques 1910 (orthographe moderne) & Michelin, Canton de Nangis 1829

 

Le mode d'attribution des cures était fort complexe : "Pour obtenir un bénéfice, les prétendants devaient établir un dossier avec un extrait baptistaire, une lettre de tonsure, les ordres sacrés, degrés et temps d'étude. Ils renouvelaient en général leur demande chaque année au carême jusqu'au moment où ils étaient pourvus d'un bénéfice de 400 livres au moins. Les gradués pouvaient demander tout bénéfice qui venait à vaquer pendant quatre mois de l'année (janvier, avril, juillet et octobre). Avril et octobre étaient les "mois défaveur" pendant lesquels les collateurs choisissaient les gradués. Janvier et juillet étaient les "mois de rigueur ", où les plus anciens étaient nommés."
Nos ancêtres n°22 2006

A défaut de pouvoir présenter la lettre de tonsure d'Etienne Fare Charles Huvier,
celle de son père Charles qui n'embrassa pas la carrière ecclésiatique. 6 juin 1706 AD77 195 J 5

S'il dut se contenter d'une paroisse de campagne, son accession à une cure fut plutôt rapide, quatre ans seulement après la prêtrise (on pouvait être prêtre à 24 ans, curé à 25 Dictionnaire de droit canonique 1761); il fut ordonné le 23 décembre 1748, quelques mois seulement après son vingt quatrième anniversaire, le 17 octobre.

On a vu à la dixième page que la formation d'Etienne Fare Charles Huvier et de son collègue, le curé Bouflers de Courtacon avaient suivi le même rythme. Si les études du curé Huvier eurent la même durée que celles du curé Bouflers, environ deux ans et demi entre la tonsure et la prêtrise, la carrière du curé de la Chapelle Rablais fut bien plus rapide que celle de celui de Courtacon qui dut attendre presque vingt ans avant de devenir titulaire de sa propre paroisse, après avoir changé de diocèse. Les relations familiales -et le degré de fortune du fils de notable- en étaient probablement la cause.

Dixième page du dossier sur le curé Huvier, prêtrise, ordination

Ledit Bouflers "tonsuré à Amiens le 22e Xbre (décembre) 1722; Acolythe à Amiens le 22e may 1723; Sous diacre à Amiens le 18e Xbre 1723; Diacre à Amiens le 10° juin 1724; Prêtre à Amiens le 17° mars 1725; Vicaire de Beauquène (Beauquesne, Somme) diocèse d'Amiens le 12° octobre 1729; Vicaire de Ladon, diocèse de Sens le 20° avril 1736; Curé de Champcoüelle le 9° avril 1743; Curé de Courtacon le 18° mars 1756; Décédé le mardy 31° aoust 1763 ./." Note du curé Huvier

 

"Carrière" du curé Huvier comme il la résuma dans le registre paroissial de Cerneux (avec complément pour son décès)

 

Comment Etienne Fare Charles Huvier, vicaire à Marolles en Brie, proche Coulommiers, diocèse de Meaux, eut-il connaissance de la vacance de la cure de la Chapelle Rablais, diocèse de Sens? Ses diverses "nottes" ne indiquent pas la manière dont il fut informé. Peut-être par ses relations, ou le bouche à oreille au gré du passage des petits artisans comme ces cordonniers-rémouleurs de Lorraine dont la présence à la Chapelle Rablais a été attestée ou autres colporteurs...

Dossier : cordonniers rémouleurs de Lorraine en Brie

 

Plus probablement au cours de l'une des conférences ecclésiastiques, organisées par l'évêque...
"Ces conférences ne se tiennent que depuis la mi-Avril, jusques vers la fin d'Octobre, deux fois le mois, sçavoir :
A Nantouillet, & à la Ferté Gaucher; le premier, & le troisième lundi.
A Nanteuil le Haudouin, & à la Ferté sous Jouarre, le premier, & le troisième Mardi.
A Assy, & à Coulommiers, le premier, & le troisième Mercredi.
A Raroi, & à Crécy, le premier, & le troisième Vendredi
A Meaux, & à Rosai, le premier, & le troisième vendredi.
Celle de Frêne se tient le Lundi.
Il est reglé que les Doiens ruraux seront Directeurs de la Conférence où ils se trouveront. Si un autre Curé est Docteur, celui-ci & le Doien présideront alternativement de trois mois en trois mois."
Histoire de l'église de Meaux tome I livre 2

Dans la "Compilation des ordonnances du diocèse de Meaux faite par l'ordre de son éminence monseigneur le cardinal de Bissy évêque de Meaux", le soixantième point recommande très fortement la présence aux conférences : "Nous ordonnons aux Curez, Vicaires & autres Ecclesiastiques, d'y assiter assiduëment & de ne s'en absenter que pour des choses graves, sous peine de désobéissance, qui ne peut être que fort criminelle devant Dieu." Etienne Huvier se devait d'assister aux Conférences de Coulommiers qui regroupaient les prêtres de dix-neuf paroisses. D'après carte de 1652 dans His. église de Meaux

"Ces séances de "recyclage" stimulent des ecclésiastiques enclins à s'endormir dans leur campagne; elles créent une émulation aiguillonnée par la crainte d'intervenir en présence de confrères plus savants ou plus studieux...
Rien à voir avec ces plantureux repas de doyenné qui mettent en goguette le curé du XIX° siècle revenant de la conférence, un beau sujet fixé sur la toile impitoyable de Gustave Courbet!"
Vie quotidienne du clergé

Doc: Conférences ecclésiastiques et doyens ruraux dans les notes du curé Huvier


Retour de la Conférence, esquisse de Gustave Courbet; en passant la souris : la gravure.

A Marolles, le vicaire Huvier devait se rendre aux conférences de Coulommiers, les premiers et troisièmes mercredis du mois. Il n'en fit jamais mention, pas plus que de la fréquentation des conférences de Nangis, quand il fut curé de la Chapelle Rablais, ou celles de Sancy ou Beton Bazoches quand il fut curé de Cerneux.

Il m'était venu à l'idée d'essayer de vérifier l'assiduité d'Etienne Huvier en notant les absences correspondant à ces journées, avant de découvrir dans des sources autres que l'Histoire de l'Eglise de Meaux que ces conférences n'avaient lieu que l'après-midi : "En été, on se met au travail de 13 heures à 16 heures; en hiver, de 15 heures à 18 heures, et ce, pendant 8 mois de l'année, généralement à l'église et en habit long." Vie quotidienne du clergé

Quant à la tenue des conférences à la belle saison, "depuis la mi-Avril, jusques vers la fin d'Octobre" elle était amplement justifiée par l'état désastreux des chemins "qui laissaient les chartiers en souffrance par les obstacles qu'éprouve la libre circulation pendant les trois quarts de l'année." Près d'un siècle plus tard, les chemins étaient encore au centre des préoccupations du Conseil municipal de la Chapelle Rablais : "Parmi les hautes et puissantes considérations qui déterminent les membres du Conseil Municipal à voter la confection prompte et urgente dudit chemin, c'est l'état affreux des chemins qui conduisent à Nangis et à Fontainebleau et qui paralysent l'industrie agricole et commerciale."
Délibérations du Conseil municipal la Chapelle Rablais 1838

 


On a vu, à la neuvième page de ce dossier, qu'Etienne Fare Charles Huvier revendiquait des relations privilégiées avec Marie Charles Louis d’Albert cinquième duc de Luynes, de par sa charge de "chapelain titulaire de la chapelle Notre Dame Sainte Marie Madeleine du Vieux Château de Coulommiers en Brie en cette qualité aumônier de Monseigneur le duc de Chevreuse seigneur dudit Coulommiers, gouverneur de Paris". "M. le duc de Chevreuse étoit neveu de son Eminence M. le cardinal de Luynes, archevêque de ce diocèse." Note du curé Huvier 1772
Un petit coup de pouce de Charles Huvier, père du curé et homme de confiance du duc à Coulommiers, pour qu'il intercède auprès de son oncle archevêque de Sens, aurait-il été possible? En 1752, c'est exclu, puisqu'à l'époque, Paul d'Albert de Luynes n'était encore qu'évêque de Bayeux et Lisieux, et ne sera archevêque de Sens qu'à partir du 9 août 1753, soit plus d'un an après la nomination d'Etienne Huvier à la Chapelle Rablais. Par contre, en 1759, quand il postulera pour la cure de Cerneux, il est très probable qu'il essaya de jouer sur cette corde sensible; détails à retrouver à la neuvième page dudit dossier...

Le curé Huvier p 9 : chapelain et aumonier

Marie Charles d'Albert, duc de Luynes & de Chevreuse
Paul d'Albert de Luynes, cardinal, archevêque de Sens

 

Pour l'établissement du nouveau curé dans la paroisse de la Chapelle Rablais, une cérémonie eut lieu, mais le curé Huvier n'en fit pas mention dans ses "nottes" où, pourtant, il détaillait minutieusement les étapes de sa carrière; de même pour la cure de Cerneux, quelques années plus tard. On peut facilement en imaginer le déroulement, à partir de cet exemple proposé aux notaires apostoliques chargés d'authentifier une prise de possession.


Et si les actes de prise de possession de ses cures par Etienne Huvier dorment encore dans les minutes de notaires apostoliques, on trouve bien des exemples de cérémonies concernant des paroisses ou des chapelles locales, déjà citées dans ces pages.

Des chapelles :
"Premièrement par l'ouverture et entrée libre de la principale porte de ladite église paroissiale de Sain, prise d'eau bénite, prière à Dieu devant le grand autel, baiser et toucher d'iceluy, sécance en la place ordinaire du pourvu, son de la clochette, exhibition desdites lettres de collation et provision, et par les autres cérémonies en tel cas requises et acoutumées, à laquelle prise de possession.
9 décembre 1750 Chapelle de Fonte archer à Saints" Minutes du notaire apostolique Pierre Saintin François Chrestien Meaux AD77 141 E 216

"par l'ouverture et entrée libre par la principale porte de ladite église parroissialle de Coulommiers, prise et aspersion d'eau bénitte, prière faite à dieu devant la place du pourveu [au] son de la clochette exhibition desdites provisions, et par les autres cérémonies en tel cas requises et accoutumées à laquelle prise de possession leüe et publiée à haute et intelligible voix par moidit notaire suivant l'ordonnance."
Prise de possession de la chapelle de la Petite Mère de Dieu fondée dans l'église de St Denis de Coulommiers par M. Ninonet curé d'Armentières 30 janvier 1747 Minutes du notaire apostolique Antoine Décan Meaux AD77 82 E 4

Des églises paroissiales :
par les ouvertures et entrées libres des principalles portes ... prise d'eau bénite, prières à Dieu devant les autels, baiser et toucher d'iceux, secance en places ordinaires du pourvu desdites cure... monter en chaire, toucher des fonts baptismaux, son des cloches, exhibition desdites signature de Rome et visa, et par les autres cérémonies en tel cas requises et acoutumées..."
11 septembre 1749 prise de possession de l'église de Chailly par le curé Renard Minutes du notaire apostolique Chrestien Meaux AD77 141 E 216

... par l'ouverture et entrée libre par la principalle porte de ladite église paroissialle ... prière faite à Dieu devant le grand autel, baiser et toucher d'iceluy, des fonts baptismaux, son des cloches exibition desdites provisions...
22 mars 1747 prise de possession de la cure de Septsorts minutes d'Antoine Décan Meaux IV 82 E 4

12° page du dossier : prise de possession des cures de Chailly et Marolles par le curé Renard
Doc : résignation & possession des cures de Chailly et Marolles
Doc : prise de possession de la chapelle de la Petite Mère de Dieu à Coulommiers
Doc : prise de possession de la chapelle de Fonte Archer à Saints

 

 

 

Etienne Fare Charles Huvier ne suivit pas la voie classique pour obtenir sa propre cure. Sa nomination fut plus rapide, mais aussi plus onéreuse...