Soyeurs, piqueurs, sapeurs
et autres calvarniers / 7
prisonniers de guerre, batteurs en grange
Je certifie moy Quillard agent municipal de la
commune de Quiers, canton de Mormant district de Melun département
de Seine et Marne que le citoyen susnommé de l'autre part a travaillier
dans ma maison depuis trois ans et qui c'est toujours comporté en
maître homme. A Quiers ce sept septembre mil sept cens 97
En marge au recto et au verso: du 10 vendémiaire an huit. Mariage
de Joseph Couqualer avec Françoise Doguet, veuve de Denis Boileau.
Passeport manuscrit AD77 L 448
Après l'acte de mariage du 10 vendémiaire an VIII, à Nangis, entre Joseph Couqualer et Marie Louise Françoise Doguet, 31 ans, fille de feu Louis Doguet et de Marie Louise Bony, veuve de Denis Boileau décédé en cette commune le 3 nivôse an IV, on perd la trace de Joseph Couqualer à moins qu'il ne fasse qu'un avec Joseph Couquelet, mort à 70 ans en 1847 à Aye, canton de Marche, province de Luxembourg, Belgique, né vers 1777 ?
Nous voici, semble-t'il bien loin du sujet de ce chapitre: moissons et migrants. Patience... Encore un petit paragraphe et nous y revenons.
Les prisonniers de guerre retrouvés dans les archives autour de la Chapelle Rablais étaient originaires de Bohême (de nos jours, en République tchèque) et de Galicie (Pologne et Ukraine), enrôlés dans l'armée autrichienne. Ils avaient fait le long trajet -à pieds- pour combattre en Flandre. Les listes nominatives des dépôts de Beaumont, Egreville, Fontainebleau, Melun, Moret et Nemours n'ont pas été conservées et c'est grand dommage, car les prisonniers de guerre dont on relève la trace à la Chapelle Rablais et environs dépendaient du dépôt de Fontainebleau.
François Romaska, né en Bohême et prisonnier de guerre, devint batteur en grange: journalier allant de ferme en ferme pour battre les gerbes (blé, orge, avoine, fèves, pois..) C'est pourquoi cette longue digression sur les prisonniers de guerre figure dans un chapitre consacré aux moissonneurs migrants.
Naturalisé le 27 floréal an IV à Fontainebleau, veuf de Marie Anne Blaise Dandilieu, il épouse en 1800, à l'âge de 32 ans une veuve de la Chapelle Rablais, Anne Fare Malet, de quinze ans son aînée. Il mourra en 1813, laissant deux fils: Jean et un autre François Romaska né de son premier mariage (un voiturier et l'épouse d'un berger avaient été témoins au baptême; nouvel exemple des bonnes relations migrants, nomades, étrangers entre eux, moins cordiales avec les paysans, plus attachés à la terre).
A n'en pas douter, François Romaska devait avoir un accent à couper au couteau, dû à ses origines: son nom a été retranscrit: Romaska et Roberca dans le même document, Romatka, Romarka, Gromoska (son fils Jean); Hromalk dans d'autres (ce qui était peut être son nom d'origine. Romaska, le nom de sa descendance semble avoir été une création de l'officier municipal de la Chapelle Rablais). Dans le premier jet de son acte de mariage, registre conservé en mairie à la Chapelle Rablais, son nom a été retranscrit Hromalk avant d'être raturé et corrigé Romatka, son lieu d'origine étant "la Boesme". Pour le même acte, sur le registre conservé aux Archives Départementales, l'orthographe est moins fantaisiste et les noms propres plus conformes à la tradition.
Jean Schelmak, 22 ans, résidant aux Montils, la Chapelle Rablais, né en Bohème, "prisonnier de guerre à la prise de Charleroy". Cette précision m'orienta vers un second militaire qui s'illustra à Valmy, mais aussi Jemmapes, proche de Charleroi. Il s'agit du général du Taillis, né à Nangis dont une rue porte le nom; présent à Valmy et Jemmapes (proche Charleroi) en 1792. Parmi toutes les batailles qui se livrèrent à Charleroi, 1748, 1748, 1792, 1794 et 1815, la plus plausible pour notre prisonnier est celle qui se termina le 25 juin 1794, or le général du Taillis a été destitué du 2 décembre 1793 au 2 février 1795; il n'a donc pas participé au siège de Charleroi, ni ramené de prisonniers dans ses bagages.
A la fin du XVIII° siècle, si
l'on trouve de nombreux migrants venus des provinces de France dans de petits
villages comme la Chapelle Rablais, les étrangers sont très
rares. J'avais relevé, dans les archives de la commune, la présence
de quelques journaliers originaires de Bohême ou de Pologne, sans pouvoir
expliquer le cheminement.
Pour l'un d'entre eux, François Romaska, la mention "né
en Boesme, prisonnier de guerre, naturalisé Français"
figurait sur l'acte conservé en mairie, mais non sur sa copie conservée
aux Archives départementales. Je m'étais imaginé qu'il
aurait pu revenir d'une campagne dans les bagages du Comte Latour Maubourg,
gendre de La Fayette, châtelain des Moyeux, puissant propriétaire
à la Chapelle Rablais qui en devint maire: il fut colonel de cavalerie.
Mauvaise hypothèse: pendant la Révolution, il choisit d'émigrer
et ne participa guère aux batailles de la Révolution.
La famille Romaska a fait souche dans la région, à la Chapelle Rablais et Saint Ouen en Brie où la municipalité vient d'acquérir la "maison Romaska"
Un secrétaire, recensant les
prisonniers polonais:
"Ce sont des noms du diable qu'on peut difficilement écrire;
encore moins prononcer. Enfin, vaille que vaille, déchiffrera qui
pourra. J'ai fait de mon mieux."
8 vendémiaire an III, agent national
du district d'Issoire
"En décembre 1790 commence la révolution brabançonne et Charleroi connait une nouvelle période de troubles : les Autrichiens occupent la ville le 25 décembre ; ils cèdent la place aux vainqueurs français de Jemappes avant de la reprendre en mars 1793. Charleroi, dès l'arrivée des Français, proclame sa sécession du Comté de Namur. Elle demande plus tard, alors qu'il est question de créer les États-Unis de Belgique, d'être plutôt rattachée directement à la France. En 1794, le général Charbonnier met le siège devant la ville mais est repoussé. C'est Jourdan, qui après six jours d'un bombardement intensif, parviendra à prendre la place. C'est pendant cette double bataille qu'on eut recours pour la première fois à l'observation aérienne d'un champ de bataille." Wikipédia
".. ne recevant à compter de ce jour aucune solde ny subsistance
au compte de la nation.."
Le Commissaire des Guerres à la résidence
de Fontainebleau avait certainement émis un avis favorable à
la demande du désormais citoyen Couqualer, car entretenir des centaines
de prisonniers revenait fort cher. Il fallait les loger, les nourrir, les
vêtir et même leur verser une solde: "Il
leur sera alloué provisoirement pour leur entretien, sur les fonds
extraordinaires de la guerre, la totalité de leur solde et des appointements
de paix dont jouissent les grades correspondants de l'infanterie française."
Assemblée nationale, séance du 4 mai 1792
Manoël José Rosado, capitaine portugais,
prisonnier depuis 271 jours à Nangis a perçu 296,10 livres,
un peu plus d'une livre par jour; moitié moins pour José Dasilva,
matelot.
A cela s'ajoutaient les frais de nourriture et de surveillance. Un état
pour Donnemarie cite:
"7 seaux à puiser l'eau, 5 marmittes à potage, pour transport
des marmittes de Provins à Donnemarie, gamelles, coins pour fendre
le bois, raccomodage de deux marmittes, raccomodage de seaux, ramonage de
cheminées, réparations pour clôture de casernes, lettres
et paquets consernant les prisonniers, réparation aux casernes, transport
de deux prisonniers à l'hôpital de Provins, menus frais de
officiers muicipaux pour différentes dépenses concernant leur
service..." pour un total de 1248 livres 16
sols, 1 denier.
Ces dépenses en temps de guerre provoquaient l'ire
de quelques uns:
"S'ils sont malades, qu'on les mette à
l'hôpital, s'ils se portent bien, qu'ils travaillent, et point de
solde, point de dépenses pour eux d'aucune manière. Salut
et fraternité."
AD Loire 5713, 29 fructidor an II
Compte des dépenses occasionnées par les prisonniers anglais détenus dans les cantons de Chalautre-la-Graude, Champcenest, Cucharmoy, Donnemarie, Jouy-le-Chatel, Nangis et Sourdun (6 brumaire an IV) L448 pièces 20 à 27
dont Compte des prisonniers de guerre maritime du dépôt de Nangis à partir du 29 vendémiaire date de leur arrivée de Brest jusqu'au 5 thermidor Epoque de leur réunion générale au chef lieu de district.
Archives de la Loire citées dans l'étude de Frédéric Jarousse sur les prisonniers en Auvergne (citation ci-contre)
Autre temps, autres moeurs: au Moyen Age, on passait
au fil de l'épée la piétaille prisonnière, en
se gardant bien de blesser les nobles que l'on pouvait ainsi rançonner.
Un exemple local avec l'inventaire de la ferme des Clos (située sur
la commune de Fontains, mais tournée vers la Chapelle Rablais).
" Après les premières invasions anglaises de la guerre
de Cent Ans, le roi Jean le Bon donne à Tristan de Maignelay des
terres, parmi lesquelles le fief des Clos. Après la bataille de Poitiers
au cours de laquelle son père est fait prisonnier avec le roi Jean
le Bon, Tristan vend ses terres pour payer la rançon, mais garde
le fief des Clos."
notice de Fontains, le patrimoine des communes de la Seine et Marne, ed
Flohic
L'Ostel appelé
des CLOZ, si comme il se comporte, c'est assavoir une grant sale contenant
trois chambres dessus et deux dessoubz à quatre cheminées dessubz
et dessoubz.
Item, un grand grenier et étables dessoubz.
Une chapelle, cuisinne et despence dessus joignans aus dictes chambres et
sale, couvertes de tuiles bien et souffisamment.
Item, une granche à dix travées couverte de tuile.
Item, le colombier tournant à eschièle à roue bien peuplé
de colombs.
Item, une autre maison contenant deux chambres et une cave dessoubz à
dix pas de degrez, couverte à tuiles.
Un gelinier et dessoubz une estable à mettre pourceaux, couvers de
tuile, cloz à murs tout entour le pourpris et trois jardins emprès.
Archives nationales JJ 119 n°232 f° 145 cité
par Siméon Luce dans "Du Guesclin" 1876
voir la page sur les Clos
Article "prisonniers de guerre" du dict. de l'Ancien Régime
Les soldats de Bohême, recensés dans les autres dépôts
et pour lesquels nous avons des précisions, ont été
capturés, principalement à Cassel, Charleroi, Lille, Namur,
Poperinge, Sélestat; ceux de Pologne à Camine (?), Lille,
Maubeuge, Namur, Poperinge, Rosbruk et Sélestat; soit à environ
mille cinq cents kilomètres de leurs foyers. Combien de jours de
marche pour cette armée traditionnelle quand on sait que Napoléon,
champion de la "guerre éclair" déplaça la
Grande Armée du Rhin au Danube en une dizaine de jours, moyenne de
vingt cinq kilomètres quotidiens, ce qui était considéré
comme un exploit ? Par convois d'une à deux centaines, les prisonniers
sont ensuite arrivés en Brie; quelques centaines de kilomètres
en plus.
Combien de semaines aurait-il fallu pour un retour au pays? Et quel avenir
les attendait en Europe de l'Est à leur retour? Ces jeunes gens se
seraient-ils enrôlés dans l'armée autrichienne si l'avenir
leur avait souri? Rien d'étonnant à ce certains aient choisi
de rester là où le sort les avait expédiés.
Revenus à la vie civile, quel métier pratiquer? Artisan spécialisé,
on découvre un cordonnier qui trouve de l'embauche au Châtelet
en Brie: "Jean Kosvatche, âgé de
vingt quatre ans, de la profession de cordonnier, prisonnier de guerre du
dépôt de Fontainebleau, cy devant soldat au régiment
de Michel Wallis, de la religion catholique, natif de Kraschow en bohême,
taille d'un mètre soixante huit centimètres, cheveux et sourcils
blonds, yeux bleus, front quarré, nez ordinaire, bouche moyenne,
menton rond, visage ovale, marqué de petite vérole, travaillant
depuis Messidor dernier chez le citoyen Lépicier, cordonnier au Châtelet,
en vertu de permission à lui délivrée par le commandant
du dépôt de Fontainebleau. A déclaré que son
intention est de fixer sa résidence en France, d'y acquérir
les droits de citoyen, et d'en supporter les charges, le tout à dater
de ce jour.
Et a requis le présent acte octroyé, fait et passé
au Châtelet en l'étude le cinq vendémiaire an neuf de
la République française, avant midy, en présence des
citoyens Denis Benoist, perruquier et Simon Baschet, vigneron demeurant
au Châtelet témoins requis et ont signé."
Minutes du notaire Pinault, le Châtelet
en Brie, AD77 , 227 E 105
Bien plus tard, en 1837, c'est un tailleur d'habits, lui aussi originaire de Pologne: Joseph Barowiski, dit Zaltaro, résidant aux à la Chapelle Rablais, qui désire se rendre à Tours. On trouve aussi sa trace dans le dossier des Redevables du Trésor pour n'avoir pas payé une amende de 99,35 francs pour délit rural: "décédé, l'endroit nous est inconnu." Une fois de plus, le nom avait été écorché: il y est nommé "Zakari", garçon tailleur.
D'après son passeport pour
l'intérieur, il était né vers 1792, difficile pour lui
d'avoir fait partie du contigent des prisonniers de la Révolution française,
mais peut être a-t'il fait partie d'un autre groupe surnommé
les "Polonais de Napoléon", soldats enrôlés
dans la Grande Armée retrouvés en grand nombre dans les archives
de l'Oise et de l'Aisne: "Ces Polonais
sont pour la plupart d'anciens militaires (soldats et sous-officiers) engagés
pour la France ou aux côtés de la France pendant les campagnes
napoléoniennes. Les premières recherches montrent qu'ils se
sont établis en France en 1814 et 1815 après avoir bénéficié
d'un congé absolu, après avoir déserté, après
avoir refusé de repartir pour la Pologne alors que l'armée polonaise
passait sous le contrôle de la Russie, ou tout simplement parce que,
faits prisonniers de guerre à l'étranger, ils sont rentrés
en France alors que leurs régiments étaient déjà
repartis pour la Pologne. A l'époque où ils s'établissent
en France, ils ont entre 18 ans et 33 ans. "
Pour la Seine et Marne, le site qui les recense a
découvert treize "Polonais de Napoléon" : Jean Chuchrowski,
Félix Constantin, Joseph Darnosky, Jacob Dombrowsky, Maurice Lazare
Dorofew, Ignace Kolischenko, Jean Sansdoigt, Théodore Sinckave, François
Tamoulin, Alexis François Thomas, Jean Vavresky, Nicolas Yvonnet, Thomas
Wasset.
Joseph Barowiski, dit Zaltaro, avait 22 ans en 1814, âge tout à fait compatible avec l'état de soldat. S'il n'a fait partie des "Polonais de Napoléon", peut être notre garçon tailleur a-t'il participé à la Grande Emigration de 1831, suite à l'échec de l'insurrection contre la domination russe. "Dix mille Polonais, impliqués de près ou de loin dans l'insurrection, décident de rejoindre la France, où les autorités administratives tentent de canaliser cette nouvelle vague de leur mieux. Frédéric Chopin arrive à Paris avec ce groupe... D'autres, moins connus, simples soldats, paysans ou artisans, prennent le même chemin et sont envoyés dans des dépôts en attendant des jours meilleurs." Les Polonais en France au XIX° s
L'ordre règne à Varsovie
Litho de Granville 1831
Retour aux prisonniers de guerre de la Révolution. S'ils n'avaient pas le désir ou la possibilité d'un retour dans leur pays d'origine, s'ils n'avaient pas de spécialité, tailleur comme Joseph Barowiski, dit Zaltaro ou cordonnier comme Jean Kosvatche, quelle activité pouvaient- ils pratiquer?
Que faire quand on est pauvre, ancien prisonnier ou déserteur, étranger,
baragouinant un français approximatif avec un accent à couper
au couteau, alors que les manouvriers du cru, craignant la concurrence,
ne rivalisaient certainement pas d'amabilité pour vous faire une
petite place?
Il leur a fallu prendre un travail des plus ingrats,
comme ces "émigrés, Qui venaient tous de leur plein gré,
Vider les poubelles à Paris" pour citer Pierre Perret,
proche voisin de la Chapelle Rablais.
Batteur en grange est un métier qui ne demande pas de lourds investissements:
deux bâtons reliés par une courroie de cuir pour le fléau,
un grand panier plat, le van, pour séparer le grain de la balle,
un sac...
C'est un instrument fort simple, composé de deux morceaux de bois d'inégale longueur et grosseur, réunis bout à bout par une lanière de cuir qui leur permet d'articuler en tous sens. Le morceau de bois le plus long sert de manche, et le plus court est la masse qui sert à battre le blé étendu sur une grange... Encylopédie Diderot
On a vu dans d'autres chapitres que l'origine géographique et le métier étaient souvent liés: s'ils ne sont pas locaux, les voituriers débardeurs de bois sont thiérachiens, les maçons viennent de la Creuse, les scieurs de long, du Forez et du Velay, les forains, de l'Yonne, les moissonneurs à la sape, du Nord, les cordonniers, de Lorraine... Par contre, penser que les batteurs en grange sont originaires d'Europe de l'Est ou inversement que les Polonais ou Bohémiens sont forcément batteurs en grange serait une belle ânerie. D'une part à cause du nombre considérable de ces journaliers: "Dans une ferme de quelque importance, il y avait quatre ou six batteurs formant deux équipes." Diot, le Patois briard ; d'autre part à cause du nombre infime de Polonais et Bohémiens révélés: moins d'une dizaine. (Tout nouveau renseignement sera bienvenu )
A part un tailleur et un coiffeur, on note une forte proportion de batteurs en grange. En plus de François Romaska cité plus haut, on découvre Jean Stasny, qui demande un passeport pour l'intérieur en 1809, lui aussi originaire de Bohème, dont on perd la trace, et, une année après, François Fauvel, Polonais, en France depuis 1791; il se marie, a au moins un fils dont François Romaska est parrain, demande des passeports à la mairie de la Chapelle Rablais. Il n'est pas clairement indiqué qu'il a été prisonnier de guerre, mais sa description montre qu'il a eu une vie aventureuse: "Signes particuliers: une cicatrice derière loreille droite, un coup de feu au tibia de la jambe gauche." passeport de 1817. Bien qu'établi aux Montils, il a beaucoup voyagé: Sancy, Seveille (Septveilles, dans la région de Provins), puis Verdun, Luxembourg, Mayence, Kaiserslautern, Epense, Remicourt... passeport de 1810, mairie Chapelle Rablais
La profession de Jean Schelmak n'est pas précisée, quand il se marie au "temple décadaire" de Nangis le 10 frimaire an VII, pas plus que celle de Joseph Couqualer. On sait que ce dernier fut employé par le cultivateur Quillard de Quiers, qui en fut fort satisfait. Il est certain que la ferme Quillard employait à demeure des batteurs en grange, car l'un d'eux fut récompensé au Comice agricole de Melun, le 1° juillet 1832: "Prix des batteurs en grange, premier prix: Granda (Denis), cinquante quatre ans de service, chez M. Quillard aux Loges de Quiers" , parmi autres prix de labour, de charretiers, de bergers, de pâtres, de servantes de ferme "Premier prix, Boucher (Charlotte), onze ans, chez M. Dutfoy à Brie" sans compter le prix posthume décerné à un berger, on était en 1832, année du choléra. Le Cultivateur juillet 1832
documents généalogiques sur les Polonais et Bohémiens
découverts près de la Chapelle Rablais
délibérations du Conseil municipal de la Chapelle Rablais,
1832
Dans "le Patois briard", Auguste Diot décrit avec précision le travail des batteurs, en Brie: "Avant la mise en pratique générale des machines à battre, par des entrepreneurs de battage, chez tous les cultivateurs, c'est-à-dire à la même époque où la moisson se faisait à la faucille, toutes les céréales, blé, avoine, orge, se battaient au fléau (au fiau) par des batteurs (des batteux)... On commençait le battage du blé dans les premiers jours de septembre, afin de préparer les semences pour la binaille qui commençait vers le 25 de ce même mois..."
Pour toutes ces tâches, le batteur perçoit "pour frais de battage, environ le quatorzième de la récolte battue; et, dans le pays où l'usage des cinqueneurs est établi, il perçoit la sixième partie et il se charge du faucillage." La maison rustique 1845 On peut aussi lui faire l'aumône de la paille qui liait les gerbes: "Ainsi on permet généralement au batteur en grange d'emporter les liens de gerbes par lui battues. Partout aussi, le glanage est toléré et la famille en profite pour recueillir chaque année quelques boisseaux de grains..." Les Ouvriers: Des Deux Mondes 1857
Comme les moissonneurs à la faucille qui n'ont pas survécu
à la concurrence de la moissonneuse Mac Cormick, les batteurs en
grange ont été balayés par la mécanisation:
"Le batteur en grange, qui ne bat habituellement que cent livres de
blé par jour, est à peu près au batteur- machine comme
un est à cent." La maison rustique
1845
"On fit venir des batteurs en grange,
armés de leurs fléaux, pour lutter contre les machines américaines,
anglaises et françaises. Or, voici le résultat de cette lutte:
les six batteurs, en une demi-heure, ont battu... 60 litres de blé;
la machine Duvoir (France) ... 250; la machine Clayton (Angleterre) 410;
la machine Petts (Etats Unis) 780."
Journal des économistes 1885
Les passeports, plan du site | |
1° page: les moissonneurs saisonniers de Brie | |
2° page: les moissonneurs migrants | |
3° page: les soyeurs, moissonneurs à la faucille | |
4° page: Piqueurs et sapeurs | |
5° page: la paye des moissonneurs | |
6° page: faux, faucille ou sape ? | |
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Doc: traces des prisonniers de guerre | |
Doc: déserteurs et prisonniers de guerre aux Archives 77 | |
Bibliographie | |
Courrier | |
Ce chapitre du site a été remarqué par le service Valorisation des Publications des Archives départementales 77 4 Az 1071
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Pas plus que ces pages sur les moissonneurs migrants, les paragraphes sur les prisonniers de guerre de la Révolution française en Seine et Marne n'ont pas l'ambition de faire le tour du sujet; je me suis contenté d'extraire des archives locales les éléments en relation avec les migrants. Vous pourrez consulter l'étude très poussée des déserteurs et prisonniers de la Révolution dans l'Aube et la Marne par Henri-Claude Martinet sur le site Histoire-Généalogie. |
Les prisonniers de guerre percevaient un"prêt", soit environ
10 sous, 24 onces de pain, du bois pour la cuisson des aliments et éventuellement
le chauffage: deux cordes un tiers de bûches en été,
cinq cordes un tiers en hiver, une botte de paille, au minimum comme couchage
(relevé dans l'ouvrage de F Jartrousse, voir
biblio), ce qui pesait sur les finances d'un Etat qui avait d'autres
postes budgétaires à pourvoir:
"Citoyens, les dépôts de prisonniers
de guerres se multiplient de plus en plus sur le territoire de la république
; nos nombreuses armées aux frontières nous occupant avec
plus d'intérêt et de raison, le trésor nationnal doit
s'ouvrir pour elles, et se resserrer économiquement pour un étranger
ennemi que le sort de la guerre a jetté dans notre climat. Sans faire
des avances, il ne coûte que déjà trop cher à
l'état. " AD Loire L 5706 18
fructidor an II
François Romaska n'a pas été le seul à voir son nom massacré : le 30 frimaire an V, trois prisonniers de guerre déclarent leur "intention de profiter de la loi pour résider en France et acquérir le droit de citoyen" par acte auprès du notaire Louis Étienne Bénard de St Étienne à Fontainebleau: Jean Ortheilliani, Barthélémy Nicolas Polonière, Christian Thomas Hyork. Tout au long de leur existence, en Brie, la retranscription de leur nom fut plus que fantaisiste...
On ne sait trop ce qu'est devenu Jean Ortheilliani, mais pour Barthélémy Nicolas Polonière, on a la certitude que ce que le notaire a entendu ne correspond pas au patronyme original. Né à "Beigneuville en Pologne distant de cinq lieux de Cracovie" comme le précise son acte de mariage le 20 messidor an VII à Boissise la Bertand. "Beigneuville", quel joli nom typiquement polonais, pour commencer; mais la plus belle confusion est dans le nom de famille qu'il fallut rectifier en 1824. Barthélémy exigea de s'appeler "Nicolas" et non "Polonière". Ce soit-disant patronyme est d'ailleurs très proche de "Polonais" que Barthélémy aurait pu prononcer devant le notaire. Seize ans après sa naturalisation, Barthélémy Nicolas devait maintenant comprendre assez bien le français pour demander la rectification de son patronyme, ou son fils aîné, Jean Baptiste, qui se mariait en 1824, désirait corriger cette erreur figurant dans son acte de naissance en 1805; erreur qui d'ailleurs ne concernait plus ses frères et sœurs qui, dès 1806, se nommaient bien "Nicolas". Mentions marginales dans l'acte de mariage du père 1799 et l'acte de naissance du fils 1805.