La vie retrouvée des voituriers tirachiens
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les métiers de la forêt
Le recensement de 1836, où les professions sont indiquées
signale quelques métiers en rapport avec la forêt à
la Chapelle Rablais. Fleury Villard est le seul scieur de long recensé.
On verra dans un chapitre à venir qu'ils étaient plus nombreux,
mais migrants, venant du Forez. Nicolas, de la famille Fourrey, est le seul
charbonnier (avait-il le droit de charbonner dans les forêts d'Etat
?). François Duplant est sabotier, Jean Nicolas Carlier est fendeur
de lattes. Philippe Cyprien Badoulet n'est pas noté comme voiturier,
mais comme charretier. Pourtant, dans la bonne tradition des voituriers,
il se rendra encore à Momignies en 1842; ce recensement ne fait pas
la différence entre voiturier et charretier.
En 1912, l'annuaire commercial note : "bois à brûler:
Letord, balais de bouleau: Villars, treillageur: Letord" C'est peu
pour tant de forêts !
Contrairement à d'autres communes, comme Chenoise, il est curieux que, dans le recensement de 1836, aucun chef de famille ne se déclare bûcheron; d'autres sources en révèlent le grand nombre: dans les registres paroissiaux et d'état civil, on en trouve une cinquantaine sur vingt ans; dans les registres militaires, quinze conscrits se déclarent bûcherons sur les 82 jeunes gens de vingt ans qui furent recensés entre 1816 et 1846, à côté de dix huit charretiers et quatorze manouvriers. Trente neuf pères se déclarent manouvriers, deux seulement sont bûcherons. A côté des rares laboureurs et fermiers, gardes, fendeurs de lattes, marneurs, batteurs en grange, bergers... et des plus nombreux charretiers et voituriers, la plupart des chefs de famille se disaient "manouvriers". Il travaillaient de leurs mains à tous les travaux qui se présentaient. C'est ainsi qu'ils pouvaient passer une partie de l'année dans les bois et l'autre dans les champs.
Louis Chiquois, né vers 1773:
1794: manouvrier
1795: bûcheron
1798: bûcheron
1799: bûcheron
1800: bûcheron
1803: manouvrier
1803: bûcheron
1804: manouvrier
1804: bûcheron
1805: manouvrier
1806: manouvrier
1808: manouvrier
Louis Chiquois, né vers 1773:
1794: manouvrier
1795: bûcheron
1798: bûcheron
1799: bûcheron
1800: bûcheron
1803: manouvrier
1803: bûcheron
1804: manouvrier
1804: bûcheron
1805: manouvrier
1806: manouvrier
1808: manouvrier
Prenons l'exemple de Louis Chiquois (Chicoit,
Chiquoy...) qui a laissé de nombreuses traces dans les registres. Il
passe alternativement, dans sa jeunesse, de l'état de manouvrier à
celui de bûcheron sans qu'il y ait un rapport avec le rythme des saisons:
il peut être bûcheron en juillet, en pleins travaux de moisson
et manouvrier en février, bonne période pour abattre les arbres..
A partir de la trentaine, il ne se déclare plus que manouvrier; le
bûcheronnage était peut être une activité de jeunes
gens, comme pourraient le montrer les professions des conscrits et de leurs
pères... à vérifier auprès de spécialistes.
A ces activités Louis Chiquois ajoutait celle de père nourricier:
son épouse élevait des "Petits Paris" comme bon nombre
d'épouses de manouvriers, ce sera le sujet d'un autre dossier...
Autres sources de renseignements: les actes d'état civil. Sauf pour les décès où, souvent, un voisin peut faire office de témoin (comme Jean Porte, ci-contre), naissances, baptêmes et mariages civil et religieux sont l'occasion de découvrir les liens qui se sont tissés, voici plus de deux cents ans. S'il est fréquent de s'inviter entre pairs -un fils de manouvrier aura souvent un manouvrier pour parrain-, les parents essaient souvent de choisir un parrain (marraine, témoin de mariage...) plus prestigieux pour leur enfant, afin de se mettre sous sa protection. Un manouvrier souhaitera un fermier pour parrain (le fermier régit une ferme, le manouvrier n'a que ses bras pour subsister). Le fermier sollicitera le seigneur sous l'ancien régime, le maire, le châtelain des Moyeux après la révolution.
Essayons d'étayer un peu les lapalissades énoncées plus haut quant aux fréquentations des voituriers. C'est peu dire que les Tirachiens se fréquentent, loin de leur province natale; rares sont les événements de la vie des voituriers dont un autre voiturier n'est témoin. Badoulet, Docquière, Déruelle se retrouvent souvent dans les actes. Déruelle est présent au premier mariage de Docquière, 1803 il le sera encore, avec Badoulet à ses secondes noces, 1807. Au mariage de Badoulet, 1803, on note Déruelle, Docquière et Nival, tous voituriers. Au mariage de Déruelle, 1803, sont présents Docquière et Bienvenu, lui aussi voiturier thiérachien. Quand c'est au tour de Bienvenu de se marier, 1805, il invite Déruelle et Badoulet. Sans compter les naissances et baptêmes. Le roi de la fête semble être Pierre Déruelle, on l'invite tout le temps. Peut être est-il bon vivant; originaire du Hainaut, il manie peut être la blague pas encore belge -la Belgique n'existera qu'en 1830- peut être joue-t'il d'un instrument pour animer la soirée, peut être a-t'il une position privilégiée parmi les voituriers? La sécheresse des actes d'Etat civil ne l'indiquera jamais.
Tous les actes à la page "Traces des voituriers"
Les voituriers fréquentent les autres migrants. Les maçons
de la Creuse ont laissé peu de traces à cette époque.
Pourtant, leur présence est signalée dès 1792, quand
Léonard Aucomte décède, ce sont six maçons de
la même région qui figurent sur l'acte. D'autres font renouveler
leur passeport dès 1812. Mais aucun ne figure comme témoin
dans le registre que j'ai dépouillé en détail, entre
1786 et 1808. Il faut dire qu'à cette époque, les maçons
n'avaient pas l'intention de se fixer dans la région. Leur migration
n'était que saisonnière. A retrouver dans un chapitre qui
leur est consacré
Pas de traces, donc pas de preuves de relations.
Voir la liste des Passeports pour l'intérieur
Les maçons limousins à la Chapelle Rablais
Les archives de la mairie conservent une douzaine de passeports destinés à des scieurs de long originaires du Forez. Certains se sont fixés à la Chapelle Rablais, comme Fleury Villard, originaire de Luriecq, Jean Porte de Saint Hillaire, Barthélémy Monteillard d'Allègre au hameau de Serzolle et Edme Tissot, de l'Hôpital le Grand qui, plus tard, deviendra voiturier et rejoindra lui aussi Momignies... une quarantaine de "scieurs d'aix" principalement originaires du Forez, ont laissé des traces dans les archives.
Traces des scieurs de long et terrassiers du Forez
Dans les passeports, on relève un autre groupe de "horsains", non originaires de la paroisse: ils proviennent des clairières et des lisières de la forêt d'Othe. Ils sont charbonniers, marchande de balais, marchands de bagues de Saint Hubert. D'autres ouvriers agricoles saisonniers, originaires de la même région ont été révélés par un conflit qui les opposait au fermier chez qui ils moissonnaient en 1791: "Nicolas Chevillart et six autres soyeurs de Venizy en Bourgogne". Philippe Cyprien Badoulet, Tirachien et fils de Tirachien, épousant Joséphine Rose Fourré, de la forêt d'Othe scelle les liens qui unissent les deux clans (comme on l'a vu plus en détail à la page précédente).
Plus de précisions à la page "Les Fourrey charbonniers
et forains"
Voir le dossier sur les moissonneurs migrants
Une cinquantaine de bûcherons ont été identifiés, uniquement pour la commune de la Chapelle Rablais, sur la même période 1786/1808. Ils étaient pour la plupart originaires de la commune, mais ils sont nombreux à figurer sur les soixante douze actes où figurent des migrants.
Voir la liste des bûcherons à la Chapelle Rablais
Forains, voituriers, scieurs de long, bûcherons, charbonniers se
cotoyaient et se fréquentaient. Pour la période 1786/ 1808,
soixante douze actes concernent des migrants sur les cinq cent soixante
et une doubles pages du volume. Quatre ne sont pas exploitables car les
métiers des témoins ne sont pas précisés. Il
reste donc soixante huit documents significatifs. Pour seize cérémonies
de naissance ou mariage, les migrants ont préféré rester
entre eux. Dans quarante deux actes, sont mêlés migrants et
travailleurs de la forêt ou du cheval. La copie ci- dessous montre
en même temps un scieur de long, un bûcheron et un voiturier.
L'encre ayant traversé rend la lecture délicate, passez la
souris sur l'image noir et blanc pour faire apparaître les métiers
en rouge.
Dix actes seulement concernant les migrants ne font figurer que des professions
sans rapport avec les voituriers: des gens de la terre. Nous verrons plus
loin les relations qu'on peut discerner entre migrants et autochtones.
Dossier: relations entre migrants et autochtones, le détail des actes.
Les artisans du village qui s'occupaient des chevaux sont présents
dans les actes des voituriers. Par exemple, sont témoins du mariage
d'Edme Tissot (le scieur/ voiturier) et Marie Catherine Lepanneau, en 1795,
André Chesneau, maréchal, Etienne Dagoureau, charron, Augustin
Grillon, bourrelier, tous de la Chapelle Rablais (et tous capables de signer,
ce qui n'était pas le cas de la plupart des voituriers.)
Dans le cadre d'une collaboration avec les Archives Départementales,
les élèves de mon petit village avaient construit une maquette
de la place de la Chapelle, telle qu'elle pouvait être au milieu du
XIX° siècle, en limant des blocs de béton cellulaire,
d'après les plans authentiques. Le cimetière entourait encore
l'église dont on reconstruisait le clocher qui avait été
foudroyé. Le presbytère menaçait ruine, l'école
était jugée trop près des cabarets et des bestiaux
franchissaient le muret du cimetière pour brouter entre les tombes.
On a fait figurer le charron dont l'atelier était situé près
de la mare et le maréchal ferrant (un minuscule cheval se fait ferrer)
qui ne disposait pas encore du "travail" qu'on peut encore voir
en face du café.
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